Retour à la Page d'Accueil
Le Liban:
pays rattrapé par le passé,
par la volonté de son voisin...

12 Juillet - 14 Août 2006:
33 jours pour l'impensable retour en arrière...

Vue de l'aéroport international de Beyrouth, pendant le bombardement  matinal du 13 Juillet 2006


La guerre du Liban, "grand ratage" selon un rapport

30.01.2008 - La commission Winograd épingle dans son rapport la gestion du conflit de 2006 par Ehoud Olmert, dont le gouvernement pourrait être menacé.

La guerre du Liban en 2006 a été "un grand et grave ratage" pour Israël, d'après le rapport de la commission d'enquête israélienne sur ce conflit, rendu public le 30 Janvier 2008 soit près de dix-huit mois après la fin du conflit.
"Cette guerre a été un grand et grave ratage [...] Nous avons relevé des manquements graves au plus haut niveau de l'échelon politique et militaire", lit-on dans le document présenté par le juge à la retraite, Eliahou Winograd, qui a présidé la commission d'enquête, lors d'une conférence de presse à Jérusalem. Selon le rapport, l'opération terrestre aux derniers jours de la guerre n'a "pas atteint ses objectifs".
"L'entrée en guerre sans une stratégie de sortie était une grave défaillance", selon le rapport qui insiste sur la gestion "déficiente" de l'échelon politique et militaire. "La conduite de la guerre a été défaillante au niveau de l'échelon politique et au niveau opérationnel, et en particulier au sein des forces terrestres".
"La commission a évité de faire assumer des responsabilités personnelles mais cela ne signifie pas qu'il n'en existe pas",
souligne la commission dans son rapport.

"Approche sincère des intérêts d'Israël"
"L'armée a échoué dans sa conduite de la guerre et n'a pas fourni à l'échelon politique un résultat susceptible d'être exploité au niveau politique", estime-t-elle, précisant que l'armée n'a pas réussi à réduire les tirs de roquettes tirées par le Hezbollah contre le nord d'Israël.
La commission d'enquête reconnaît toutefois qu'Ehoud Olmert a agi guidé par "une approche sincère des intérêts d'Israël" : "Le Premier ministre et le ministre de la Défense (ndlr : Amir Peretz) ont agi en fonction d'une approche sincère des intérêts d'Israël", a déclaré Eliahou Winograd. Il relève aussi des succès militaires et des manifestations d'héroïsme et de courage des soldats sur le terrain, en particulier de l'armée de l'air.

Gestion du conflit épinglée
Le Premier ministre israélien Ehoud Olmert a reçu dans la journée le rapport de plus de 600 pages, rédigé à partir de 74 témoignages de responsables politiques et militaires, et d'experts.
La commission d'enquête avait déjà épinglé la gestion du conflit par Ehud Olmert dans un rapport intérimaire publié en avril qui portait sur le début de la guerre de 34 jours contre le Hezbollah. Le nouveau rapport concerne les 28 derniers jours du conflit, dont une offensive terrestre très critiquée lancée quelques heures avant l'entrée en vigueur d'un cessez-le-feu négocié sous l'égide de l'ONU.

Le gouvernement Olmert menacé
Après ce nouveau document, le gouvernement Olmert pourrait ne pas survivre assez longtemps ou être assez fort pour tenter de parvenir à un accord de paix avec les Palestiniens d'ici la fin de l'année comme cela avait été convenu fin novembre à la conférence d'Annapolis, aux Etats-Unis.
En cas d'élections anticipées, c'est Benyamin Nétanyahou, chef du Likoud et détracteur du processus de paix, qui l'emporterait, selon les sondages.
Entre 1.035 et 1.191 civils et combattants libanais ont été tués durant la guerre au Liban, tandis que côté israélien 119 soldats et 40 soldats ont trouvé la mort, selon des chiffres provenant des deux camps.


Au sud du Liban, les sous-munitions israéliennes continuent de tuer
Article du journal Le Monde/12 Octobre 2007- Le jeudi 11 octobre, les équipes de démineurs de toutes les organisations spécialisées opérant dans le sud du Liban sous l'égide des Nations unies ont cessé leur travail de terrain. L'un de leurs collègues, un citoyen anglais âgé de 36 ans, a été tué dans la région de Bint Jbeil par l'explosion d'un des engins de mort contenus dans les bombes à sous-munitions tirées par l'armée israélienne dans les trois derniers jours de la guerre de l'été 2006 qui l'a opposée au Hezbollah libanais.

L'arrêt de travail, par respect pour la victime, est devenu une tradition des 76 équipes de déminage - celles de l'armée libanaise exclues - en activité dans le sud du Liban, explique Dalya Farran, chargée des relations avec la presse au centre de coordination de l'ONU pour le déminage de la région. Depuis le début de leur mission, ces équipes ont perdu 13 hommes, tandis que 32 autres ont été blessés. Vingt-cinq civils ont par ailleurs été tués et 185 autres blessés par l'explosion de ces engins.

En un peu plus d'un an, les démineurs ont désamorcé ou fait exploser plus de 130 000 sous-munitions. Un chiffre énorme, mais qui apparaît dérisoire au regard du près d'un million de sous-munitions non explosées disséminées sur une superficie estimée à plus de 38 millions de mètres carrés. Le problème, explique Melle Farran, c'est qu'Israël n'a donné, à ce jour, aucune réponse aux demandes répétées de l'ONU lui réclamant des informations sur les sites visés par les bombes à sous-munitions.

Autant dire que les démineurs travaillent presque en aveugle, découvrant pratiquement à tâtons les sites "contaminés". Prioritaire, le nettoyage des habitations est désormais terminé, mais les champs sont toujours infestés par ces engins. Il y en aurait même des couches superposées dans certaines zones bombardées à plusieurs reprises.
JEUNES FEMMES
"Juste après la guerre, on en trouvait partout : dans les arbres, sur les réverbères, sur les toits des maisons, dans les champs", raconte Jean-Claude Amand, superviseur technique de l'équipe de démineurs de l'association Fondation sud (FSD) dans le village de Siddiqine. L'urgence a été assurée par les associations qui étaient chargées de neutraliser les champs de mines laissés par l'armée israélienne lors de son retrait du Liban sud en l'an 2000. FSD et Handicap International ont pris la relève. Elles sont toutes deux financées, comme les britannique MAC et danoise DCA, par le programme humanitaire européen Echo. C'est à leurs équipes qu'est revenue la "difficile et ingrate" tâche de défrichage et de nettoyage des lieux. M. Amand, de nationalité vietnamienne, a trouvé ici certaines des sous-munitions dont l'armée américaine avait arrosé le Vietnam.

Les démineurs sont dans leur écrasante majorité des Libanais qui ont reçu une formation sur place par des expatriés. Comme le dit le jeune Akl Mahmoud, de FSD, ils ont estimé qu'ils avaient le choix entre "vivre avec ces engins toute la vie et éventuellement en mourir, ou s'atteler au nettoyage". Akl a abandonné son emploi à Beyrouth pour s'engager, comme l'ont fait avant lui ses deux frères, enrôlés dans d'autres ONG.
Les salaires que les démineurs perçoivent ne sont pas sans attrait : un minimum de 750 dollars dans un pays, et surtout une région, où le chômage est presque la règle et où les salaires sont dérisoires.

Plus surprenant est le nombre de jeunes femmes démineurs. Elles sont pourtant en majorité originaires de ce sud très conservateur. Le voile des musulmanes n'est visiblement pas, pour elles, un handicap. Chez MAC, l'ONG britannique basée dans la région de Tyr, elles sont âgées de 20 à 36 ans et tout aussi résolues que leurs collègues masculins dont elles ont gagné le respect, malgré les réticences formulées dans un premier temps par l'armée et par l'ONU. Quelques-unes n'excluent pas de s'expatrier si on le leur propose, à l'image de l'une de leurs chefs, Leopard Zhubi, de nationalité kosovare, employée, comme son époux, par MAC.
Mouna Naim

Relève à la Finul: les tirailleurs au Sud Liban
Octobre 2007- Déjà le quatrième mandat pour la Finul 2. Depuis le fin de la semaine dernière, le contingent français de la Force Interimaire des Nations Unies au Liban est confié à des hommes (et des femmes) issus pour l'essentiel de la 1ère Brigade mécanisée de Châlons en Champagne.

Les principaux régiments présents au sud du Liban sont en premier lieu le 1er Régiment de tirailleurs d’Epinal, ainsi que le 501-503e Régiment de chars de combat de Mourmelon, le 40e Régiment d’artillerie de Suippes, le 503è Régiment du train de Bordeaux, le 28 Régiment de transmission d’Issoire et le 3e Régiment de génie de Charleville-Mézières.
Extraits du blog "secret défense"


Révèlations: des bombardements israéliens sur le Liban auraient violé des accords avec les USA

AFP/29 Janvier 2007- La Maison Blanche va remettre lundi au Congrès un rapport sur l'utilisation au Liban par Israël de bombes à fragmentation de fabrication américaine, a indiqué dimanche le Département d'Etat, sans confirmer la violation d'un accord évoquée par le New York Times. Selon le quotidien, le document conclut que Israël, avec cette utilisation, a pu violer des accords avec les Etats-Unis sur les exportations d'armes.


"Nous allons remettre au Congrès un premier rapport", a indiqué à l'AFP un porte-parole du département d'Etat, Kurtis Cooper, en refusant d'évoquer ses conclusions. L'enquête "a été lancée lors des premières informations" sur le recours aux bombes à fragmentation par Israël. Pour le moment, "aucune date n'a été fixée pour un rapport définitif", a ajouté le porte-parole.

En Israël, le porte-parole du ministère des Affaires étrangères, Mark Regev, a souligné que les autorités israéliennes coopéraient pleinement avec les enquêteurs américains. "Nous travaillons en étroite coopération avec les Etats-Unis, en toute transparence et dans les détails, et nous menons également notre enquête sur cette question", a-t-il dit.

Selon le New York Times, à moins d'une initiative du Congrès, il revient au président George W. Bush d'imposer ou non des sanctions à Israël, une éventualité qui paraît peu probable. Selon le rapport destiné au Congrès, Israël a reconnu avoir largué des milliers de munitions à fragmentation sur le Liban lors du conflit de l'été dernier, écrit le journal. Mais l'Etat hébreu nie avoir violé des accords passés avec les Etats-Unis, ajoute le New York Times, citant le Département d'Etat américain.

Selon les Nations unies, Israël a lancé plus d'un million de bombes à fragmentation lors du conflit, entre le 12 juillet et le 14 août 2006, en réponse aux attaques du Hezbollah. Parmi ces munitions à fragmentation, figuraient des obus d'artillerie, des roquettes et des bombes larguées par des avions, dont beaucoup avaient été achetées il y a plusieurs années aux Etats-Unis, a précisé un responsable américain au Times.

La législation américaine interdit l'utilisation d'armes de ce type sur des zones civiles, mais Israël affirme ne pas avoir visé la population et l'avoir prévenue à l'avance des bombardements par des tracts. L'administration américaine débat toujours sur le fait de savoir si Israël a violé les accords sur les exportations d'armes. "Il faut se rappeler le type de guerre que menait le Hezbollah. Ils se servaient de civils innocents pour protéger leurs combattants", a dit au journal le porte-parole du Département d'Etat, Sean McCormack.

Des sanctions éventuelles pourraient inclure une interdiction de vendre à Israël des bombes à fragmentation, une mesure prise il y a 25 ans par l'administration de Ronald Reagan après l'invasion du Liban de 1982 et restée en vigueur pendant six ans.
Mais Israël fabrique aussi ses propres munitions à fragmentation et des sanctions resteraient surtout symboliques, écrit le journal

Israël veut-il vraiment d'un Liban souverain ?
Par Dr Pierre Salem, médecin et ancien secrétaire général adjoint
du Bloc National Libanais.

Des massacres à Cana, Srifa, Marwahine, etc. Des cadavres jonchant les routes du Liban-Sud, des familles décimées, un peuple sur les chemins de l'exode, des dizaines de milliers de logements démolis, des ponts éventrés, des routes labourées, des usines détruites, des voitures et camions disloqués, des champs et des arbres incendiés, du fuel sur le littoral du Liban. La liste est longue. Tout ceci se déroule avec la bénédiction de George W. Bush et dans l'indifférence totale de plusieurs dirigeants de ce beau monde.

Israël justifie ses crimes, comme une réponse légitime à la capture de deux de ses soldats par le Hezbollah.

Non et mille fois non !

Le motif annoncé n'est qu'un prétexte peu convaincant.
Israël se sent au-dessus de toutes les lois.

Le déluge de feu orchestré par Tsahal contre le Liban et sa population vise des objectifs bien différents que ceux annoncés par l'État hébreu. Parmi ces objectifs on note :

1/ Mettre la main sur l'eau du Liban, enjeu majeur de la survie d'Israël, pays ne disposant que de 400 mètres cubes d'eau par habitant et par an. Il ne faut pas oublier qu'en 1919, Chaïm Weizmann, président de l'organisation sioniste mondiale, avait écrit à Lloyd George, premier ministre britannique, pour lui demander de faire de la vallée du Litani la frontière nord de la Palestine. La France, puissance mandataire au Liban à l'époque, s'était opposée à ce projet. En 1963, Israël avait bombardé les travaux entrepris par le Liban pour exploiter le fleuve Wazzani.

Plus tard, la guerre de 1967 fut une guerre pour le contrôle des sources du Jourdain. Enfin, il est important de savoir que les Fermes de Chebaa, occupées par Israël depuis 1967, surplombent un important réservoir d'eau estimé à 1,5 milliard de mètres cubes.

2/ Pousser la population du Liban-Sud à un exode forcé vers le nord du pays, dans le but de modifier la démographie et affaiblir l'équilibre et l'entente intercommunautaire.

3/ Provoquer des tensions entre les différentes communautés et replonger le pays dans une nouvelle guerre civile.

Condoleezza Rice n'est-elle pas venue à Beyrouth pour exiger de certains leaders du mouvement du 14 Mars qu'ils prennent une position claire contre le Hezbollah ? Et l'aviation israélienne n'a-t-elle pas détruit les installations de la Voix de la paix, une radio installée dans la partie à prédominance chrétienne du pays à plus de 120 kilomètres de la frontière avec Israël, qui appelait les chrétiens à accueillir leurs compatriotes chiites, fuyant le Liban-Sud ?

4/ Forcer les Libanais du Sud à un exode massif vers le nord du pays, en vue de les remplacer par les 500 000 réfugiés palestiniens auxquels Israël oppose le refus de retourner dans leur pays en application de la résolution 194 de l'ONU.

5/ Détruire les infrastructures, les ponts et voies de communication, notamment entre le Liban et la Syrie pour porter un coup dur à l'économie libanaise en paralysant le port de Beyrouth et les recettes que le transit vers les pays arabes apporte à l'État libanais.

6/ Faire perdre au Liban son industrie touristique, et tout particulièrement cette saison, qui s'annonçait excellente et qui devait rapporter au pays 4 milliards de livres libanaises.

Il ne faut pas oublier qu'en refusant de se retirer des hameaux de Chebaa en l'an 2000, Israël a offert à la résistance libanaise, qu'elle dit combattre aujourd'hui, l'occasion de se renforcer. Israël a, de la même manière, offert à la Syrie et à l'Iran l'occasion d'armer le Hezbollah, empêchant ainsi l'État libanais d'étendre sa souveraineté sur une partie du Liban-Sud. Israël ne veut pas d'un Liban uni, fort, indépendant et souverain. Il veut accaparer son eau et l'obliger à accepter une assimilation définitive des réfugiés palestiniens qui sont sur son sol.

Ceci est un résumé des objectifs de l'État hébreu. Son premier ministre, Ehoud Olmert,
a bien déclaré que la priorité d'Israël n'était pas de désarmer le Hezbollah.

CROIX ROUGE LIBANAISE

Beaucoup de civils souffrent les conséquences des dernières attaques sur le Liban.
La Croix Rouge Libanaise a urgemment besoin de sang.
Vous pouvez donner du sang à condition:

1-d'être en bonne santé
2-d'avoir au moins 17 ans
3-de peser au moins 45kg
4-de ne pas avoir de problème cardiaques ou pulmonaires
5-de ne pas être atteint de cancer ou de SIDA
6-de ne pas être enceinte.
7-d'avoir bien mangé avant de donner du sang.

Numéros: 140 and 112

Beyrouth: 961 1 372 802/3/4/5
Tripoli: 961 6 602 510, 961 6 520 748
Antelias: 961 4 524 164 et 961 3 202 683
Tyr : 961 7 740 070
Jounieh: 961 9 832 260, 961 9 930 642, 961 9 930 342, 961 9 931 750
Zahleh: 961 8 824 892, 961 8 820 735
Saida: 961 7 722 131, 961 7 720 091, 961 7 722 532

Pour envoyer des dons
Bank Audi-Bab Idriss- 841500-Swift Code: AUDBLBBX.

Voir aussi nos pages-souvenir sur la Guerre du Liban , sur l'Histoire de Beyrouth
et
celle sur la mémoire de quelques tristement célèbres massacres commis par Israel


La situation au Sud-Liban au 1er Octobre 2006 et les perspectives de présence sur le terrain

28 Septembre 2006

Face à face chars Leclerc/Merkava
1er Octobre 2006: l'épilogue?

L'armée israelienne a achevé son retrait du Sud-Liban
>>> Regard sur Ghajar, dernier village occupé
Une nouvelle voix chez les chiites libanais

L'interview du Mufti de Tyr, Ali Al Amin
Des fissures au sein de la communauté chiite commencent à apparaître
Sévèrement décrié par une instance religieuse de poids, apparaissant en turban noir et donc descendant du Prophète, le mufti de Tyr et du Jebel Amel, Ali Amine n'hésite pas à exprimer jusqu'à la télévision ses profondes divergences avec le Hezbollah, notamment au sujet du concept d’appartenance nationale.
Plusieurs fois invité sur les chaînes de télévisions locales, Ali Amine a critiqué sévèrement lors d’une conférence de presse à Tyr la position du Hezbollah. Il ne voit nullement une victoire du Hezbollah sur Israël, mais une défaite pour le Liban en entier. En faisant porter la responsabilité du déclenchement de la guerre entre le Liban et Israël au Hezbollah, il déclare : « la Hezbollah a violé les résolutions du conseil de sécurité de l’ONU en dépassant la ligne bleue et en enlevant deux soldats israéliens », ajoutant : « cette opération était illégitime et point nécessaire. »


Avec Le Figaro



Le conflit en photos & en cartes

Après Cana...

Blog d'un enseignant franco-libanais de la Bekaa
sur la Guerre de 2006



Suivez le fil actu en direct


La Guerre du Liban


De 1975 à 1990, le Liban,
dont le système politique repose
sur un fragile équilibre intercommunautaire, est le terrain d’une guerre aux visages multiples, dont les enjeux sont aussi bien libanais que régionaux et internationaux.


Cartes animées grâce au site
"histoire à la carte"

cliquez!

"Le Lobby sioniste et l’invasion du Liban par Israël :
leur version des faits, et la nôtre"

par James Petras
James Petras, ancien professeur de sociologie à l’Université Binghamton de New York, son dernier ouvrage est :
The Power of Israel in the United States [en anglais – Le pouvoir d’Israël aux Etats-Unis – (éditions Clarity Press, 2006


Grand Rassemblement à Paris



Le commandement restera français pour 6 mois

L'armée française dotée d'un matériel lourd



Depuis le retrait du Liban, le Hezbollah a multiplié
ses réseaux au sein de la société israélienne

> Lire

La page de l'encyclopédie Wikipédia
sur le Hezbollah




PORTRAIT

Hassan Nasrallah, un chef charismatique,
qui ne se contente pas de discourir...

Dans le monde arabe, où tout leader est généralement jugé à son éloquence verbale, sayyed Hassan Nasrallah tranche. L’homme qui a le sens de la mise en scène – il l’a montré lors de son discours diffusé en simultané avec le bombardement du navire de guerre israélien – et qui, de l’avis même de ses détracteurs, est charismatique, est aussi un homme d’action. Il est même pratiquement le cerveau du Hezbollah. Depuis qu’il s’est engagé en 1982 dans les rangs de la Résistance contre l’invasion israélienne, le jeune homme a fait du chemin dans les rangs de la formation.
Originaire de Bint Jbeil, il avait 22 ans lorsqu’il s’est enrôlé au sein du Hezbollah qui était à l’époque un vague groupuscule complètement sous la férule des Gardiens de la révolution iraniens.
Au départ, il n’était qu’un combattant comme les autres, mais il s’est rapidement détaché du lot, gravissant les échelons au sein de la formation pour en devenir le secrétaire général en 1991, après l’assassinat de Abbas Moussaoui par les Israéliens.
Les deux secrétaires généraux qui l’avaient précédé n’avaient ni son charisme ni son sens de l’organisation. Cheikh Sobhi Toufayli était perçu comme un chef extrémiste, qui prônait une sorte de révolution permanente et qui était loin de jouir d’un pouvoir réel sur les combattants. En 1990, après la conclusion de l’accord de Taëf et alors que la Syrie qui exerçait alors sa tutelle sur le Liban avait décidé de pacifier le pays, Toufayli le jusqu’au-boutiste a été évincé et remplacé par Abbas Moussaoui. Ce dernier n’a pas eu vraiment le temps d’imprimer sa marque sur le Hezbollah car il a été assassiné ainsi que sa femme et son fils. Il a donc fallu lui trouver un remplaçant et c’est ainsi, dit-on, que les Iraniens, qui connaissaient bien le Hezbollah, ont choisi Hassan Nasrallah, avec l’aval du président syrien Hafez el-Assad.
Nasrallah avait alors 31 ans et très vite, il a complètement transformé le parti. Celui-ci a commencé d’abord par s’intégrer au sein de la vie politique libanaise, en participant aux élections législatives de 1992. En même temps, il s’organisait en tant que mouvement de résistance.
Les observateurs s’accordent à dire que sous le commandement de Nasrallah, le Hezbollah a mené dans le passé deux confrontations avec Israël qui se sont soldées par une victoire de la formation. Il y a eu l’opération de juillet 1993, au cours de laquelle le Hezbollah a bénéficié de l’appui de l’armée par le biais de son commandant en chef, le général Émile Lahoud, contraignant Israël à se replier dans la fameuse bande frontalière, puis l’opération « les Raisins de la colère », en avril 1996, qui s’est terminée par les arrangements d’avril, conclus sous l’égide de la France et avec la participation active de Rafic Hariri. Ces arrangements légalisent la résistance du Hezbollah, tout en protégeant les populations civiles des deux côtés de la frontière.
Hassan Nasrallah est ainsi perçu à la fois comme un chef militaire et comme un homme politique, puisqu’il a réussi cette double fonction : transformer le Hezbollah en parti politique de masse, tout en améliorant ses performances militaires.

Des massacres évités
L’homme, qui n’a multiplié que tout récemment ses apparitions publiques, s’est doté d’une stature de chef charismatique, lorsque son fils Hadi, qui avait dix-huit ans, est mort en martyr au cours d’une confrontation avec Israël. Ce jour-là, Hassan Nasrallah, pourtant très éprouvé, n’a pas versé une larme. Et à ceux qui venaient lui présenter leurs condoléances, il disait : « Mon fils a eu cette chance inouïe de mourir en martyr. Si sur le plan personnel, je souffre, sur le plan national, je suis un homme heureux. »
En 2000, son attitude nationale lui a aussi conféré une nouvelle stature. Alors qu’en retirant ses troupes brusquement et sans coordination ni avec le Liban ni avec la Finul, Israël avait misé sur des massacres intercommunautaires, Hassan Nasrallah a donné des instructions très strictes à ses hommes pour éviter tout règlement de comptes interne. Et, dans un discours célèbre prononcé à Bint Jbeil, quelques jours après le retrait total des troupes israéliennes, il avait dédié cette victoire à tous les Libanais.
Dès lors, on aurait pu croire le Hezbollah définitivement tourné vers la politique et l’intégration dans le tissu social. En fait, Nasrallah continuait en parallèle à armer et à entraîner ses hommes. L’homme de dialogue, dont les politiciens libanais saluent la propension à la dialectique, est resté un chef militaire.
Ceux qui le connaissent de près affirment qu’il est un homme d’une grande culture, spécialiste de tous les mouvements de libération dans le monde, mais aussi féru de religion. Il s’intéresse notamment au christianisme et aime se lancer dans des débats théologiques. Mais Nasrallah est aussi un pragmatique, un homme du terrain, doté d’un grand sens de l’organisation et de la discipline.
Ses proches affirment qu’il est tout le contraire d’un impulsif, ne se laissant jamais entraîner dans des réactions non étudiées. Il écoute et consulte beaucoup et ne prend aucune décision qui ne soit mûrement réfléchie. Mais c’est aussi un homme de pouvoir, qui veille aux moindres détails et qui n’aime pas déléguer ses prérogatives. Le règlement interne du parti a d’ailleurs été amendé pour lui permettre d’exercer un nouveau mandat.
Sur le plan personnel, c’est un croyant sincère qui applique à la lettre les principes de l’islam. Incorruptible, il est très strict avec ses hommes sur ce sujet. Mais il est aussi doté d’un grand sens de l’humour, tout en étant assez timide. À ses proches, il avoue son grand attachement à la chaîne al-Manar, qu’il a lui-même lancée, et dont il veut faire une des armes de la confrontation.
Avec ses trois casquettes, d’homme politique, de chef militaire et de dignitaire religieux, Hassan Nasrallah est aujourd’hui une des figures les plus marquantes du monde arabo-musulman.
Scarlett HADDAD


Option guerrière et iranienne, ou retour à la formule du Liban-message :
il est temps pour le Hezbollah de trancher
Le Hezbollah cherche-t-il à se poser en concurrent de l’État ?

Beyrouth, 28 Août 2006- Deux semaines, jour pour jour, après la cessation des hostilités entre Israël et le Hezbollah, la trêve reste précaire. Le maintien du blocus aérien et maritime imposé par l’État hébreu ainsi que les premiers flottements dans la mise sur pied de la « Finul II » ont laissé le pays quelque peu figé dans une situation d’équilibre instable. Mais la décision prise jeudi dernier par le président Jacques Chirac de porter à 2 000 militaires les effectifs du contingent français de Casques bleus, de même que le pas décisif qu’a franchi, le lendemain, l’Union européenne en se décidant à être l’épine dorsale de la force Onusienne ont incontestablement redonné une salutaire lueur d’espoir aux Libanais : l’espoir que la résolution 1701 soit un réel rouleau compresseur balayant sur son passage toute réticence ou velléité d’obstruction susceptible de torpiller ou d’entraver le rétablissement d’une paix civile au Liban.
La tournée régionale du secrétaire général de l’ONU, Kofi Annan – attendu aujourd’hui, lundi, à Beyrouth – et l’accélération attendue du déploiement des unités européennes devraient donner un élan certain au rouleau compresseur de la 1701. La (re)stabilisation devrait par conséquent se confirmer sur le terrain, de sorte que la parole est à nouveau à la politique, au débat, au dialogue interne. Comme il ressort implicitement de l’interview accordée par le Premier ministre, Fouad Siniora, à une télévision canadienne, l’heure est sans doute venue de tirer les leçons de cette amère expérience qui a été imposée aux Libanais 33 jours durant. L’heure est venue, à n’en pas douter, de demander au Hezbollah d’apporter des réponses, cartes sur table et sans ambiguïté, à un certain nombre de questions fondamentales, voire fondatrices. Des questions qui doivent être posées en toute franchise, en toute ouverture d’esprit, à la lumière du comportement, des prises de position et de la doctrine même du parti chiite.
Dans son dernier discours, le secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, soulignait sa détermination à conserver son arsenal militaire car, affirmait-il, l’armée libanaise n’est pas encore en mesure d’assurer la défense du pays face à Israël. Et dans une critique à peine voilée, teintée d’ironie, à l’égard de l’État, il ajoutait, sur un tout autre plan, que son parti comptait indemniser directement la population sinistrée et entamer l’effort de reconstruction immédiatement parce que le gouvernement pourrait tarder, selon lui, à lancer le chantier du redressement. De fait, dès les premiers jours de la trêve, le Hezbollah versait à ses partisans des centaines de milliers de dollars en argent liquide en dehors du circuit bancaire et du contrôle de la Banque du Liban. À son attitude unilatérale au niveau militaire, le parti chiite ajoutait ainsi une autre attitude unilatérale, tout aussi grave, sur le double plan social et financier.
Une telle approche « isolationniste » de la situation, créée suite aux retombées de l’opération du 12 juillet, est-elle destinée simplement à la consommation interne ou reflète-t-elle au contraire, de la part du Hezbollah, une fronde contre l’État, une volonté de court-circuiter, dans la pratique, l’Exécutif pour mettre en relief les propres structures du parti et les placer en concurrence directe avec les circuits étatiques ? En clair, le Hezbollah aurait-il l’intention de confirmer et de consolider, idéologiquement, son positionnement paraétatique ? Cherche-t-il à se forger son propre espace public, dans un esprit de « cantonisation » ? Cette apparente tendance à faire cavalier seul s’inscrit-elle dans une logique de « fédération de communautés » ou est-elle plutôt, tout banalement, dirigée contre la structure étatique actuelle, celle de l’alliance du 14 Mars ?
Dans le premier cas de figure, les Libanais sont en droit de demander au Hezbollah de préciser quel est son réel projet de société, quelle vision a-t-il de ses rapports avec les autres composantes socio-communautaires du pays, quelle est sa conception du droit à la différence, du respect de l’autre, des libertés publiques, notamment la liberté de pensée et d’expression ? Dans le second cas de figure – si son hostilité est dirigée uniquement contre l’État contrôlé par les forces du 14 Mars – le Hezbollah aurait-il toujours l’intention de continuer à entraîner le pays dans le giron de la République islamique iranienne ? Et dans ce cadre, compte-t-il toujours accorder la priorité à la raison d’État du régime de Téhéran au détriment des impératifs de l’unité interne libanaise ? Il est intéressant de relever à ce propos que le mufti chiite de Tyr et de Jabal Amel, l’imam Ali el-Amine, a contesté, dans une interview à la LBC, samedi, le choix doctrinaire fait par le Hezbollah (dès sa fondation au début des années 80) de s’en référer au guide suprême de la Révolution iranienne comme « wali el-fakih » (l’autorité de référence politico-religieuse). Un tel choix revient à s’en remettre impérativement au guide suprême iranien (actuellement l’imam Khamenei, et avant lui l’ayatollah Khomeyni) pour toute décision à caractère stratégique, notamment les options de guerre ou de paix ou même, comme ce fut le cas en 1992, la participation à des élections législatives.
Pour que le dialogue interne ne soit pas qu’une simple manœuvre dilatoire, le Hezbollah est appelé, aujourd’hui plus que jamais, à opérer concrètement un choix identitaire en levant, une fois pour toutes, l’équivoque portant sur son allégeance politique au « wali el-fakih ».
Dire que le pays est à la croisée des chemins serait un lieu commun. Mais dans le contexte présent, le Hezbollah se trouve réellement face à l’alternative suivante : persister à vouloir imposer à ses partenaires nationaux son propre agenda iranien et guerrier, en considérant que l’affrontement illimité avec Israël est une fin en soi, un projet politique en tant que tel (ce qui serait générateur de discorde et de tensions internes) ; ou, plutôt, capitaliser sur le pluralisme libanais, source de richesse, en s’efforçant de mettre en relief, de bonifier, les valeurs humaines, culturelles, spirituelles, qui peuvent unir, enrichir et servir de ciment à un projet de société fondé sur la tolérance, l’acceptation de l’autre, le droit à la différence et le respect des libertés publiques. Angélisme et utopie ? Pas vraiment, car il s’agit aujourd’hui de choisir entre l’option de société guerrière, sans enjeu proprement libanais, ou le retour à la formule conviviale du Liban-message, dans le sens défini par Jean-Paul II. Et sur ce plan, c’est au Hezbollah, présentement, de décider, sans délais, sur laquelle de ces deux voies il désire s’engager.
Michel TOUMA


La rétrospective des principaux faits de guerre


Photos-ressource: l'Orient-LeJour


31 Août
Près d'un milliard de dollars promis au Liban lors
de la conférence internationale de Stockholm


28 Août
J.Chirac " très inquiet pour le Liban"
portea après avoir porté à 2000 hommes la contribution de la France à la FINUL renforcée


14 Août
Peut-on vraiment y croire?
Engagement réciproque de fin des combats à 5h GMT
Un rapport revèle que les Etats-Unis auraient étés mêlés à la planification des opérations israeliennes au Liban

12 Août
NO COMMENT...
La pénétration d'Israel au Liban a vraiment débuté
Troupes terrestres de Tsahal  progressant vers le Litani le 12 Août 2006

Entre ironie et arrogance, Olmert lance l'offensive terrestre juste après le vote de la résolution 1701 de l'ONU pour un cessez-le-feu > Lire le texte
Tsahal subit des pertes inattendues...
Char israélien détruit par le Hezbollah à Khiam, 11 Août 2006
Offensive terrestre sérieusement perturbée
Les USA approvisionnent les forces israéliennes
avec des bombes M26 à fragmentation

Le convoi de Marjayoun escorté par la FINUL bombardé:
14 morts de plus à l'actif de l'envahisseur
!


10 & 11 Août
L'ONU piétine, les raids s'intensifient et
les humanitaires s'activent pour acheminer leur aide...

9 Août
Le camp palestinien d'Ain El Héloué près de Saida
bombardé pour la première fois
8 Août
L'armée française a la capacite de très vite projeter
des soldats au Liban

6 & 7 Août
Lourdes pertes infligées à l'agresseur
Le cap des 1000 victimes au Liban déjà franchi
5 Août
Chronique d'un carnage annoncé:
Après son quasi-échec à Tyr, Tsahal annonce que
son aviation va bombarder Saïda


Lever de soleil sur Beyrouth made by Israel...

4 Août
Beyrouth, Jounieh, Autostrade du littoral:
Tsahal intensifie sa violence...
3 Août
Reprise des bombardements intensifs,
notamment dans la banlieue sud de Beyrouth

2 Août
Opération commando de Tsahal à Baalbeck
1er Août
Feu vert politique pour une extension de l'offensive
terrestre
jusqu'au fleuve Litani
31 Juillet
Quand l'ennemi joue avec le feu et se joue
de la communauté internationale...

Des soldats israéliens observent le tir de missiles sur le village de Kila, au Liban sud, le 31 juillet./Photo AP
Alerte: Israël poursuit ses raids aériens
après avoir annoncé leur «suspension»!

Suspension des bombardements aériens au Sud-Liban
annoncée pour 48 heures
par Israel
30 Juillet
Halte au feu, honte à Israel

Membre de la Sécurité Civile portant le corps d'un enfant assassiné par Tsahal
10 ans après, plus de 60 civils dont 37 enfants massacrés à Cana lors d'un raid aveugle
Membre de la Sécurité Civile portant le corps d'un enfant assassiné par Tsahal
29 Juillet

La sale guerre de Tsahal contre le Liban et les libanais,
c'est aussi cela!



28 Juillet

Tsahal, milice des Etats-Unis au Proche-Orient ? :
accélèration des livraisons d'armements sophistiqués

27 Juillet
Bombardements de la base de Aamchit près de Byblos et des relais de Radio-Liban

26 Juillet

Khiam et Bint-Jbeil pilonnées, quatre soldats de l'ONU tués par un bombardement de l'armée israelienne
Des Casques bleus indiens enmènent à l'hôpital le corps d'un observateur de l'ONU tué à Khiam lors d'un bombardement israélien. Karamallah Daher/Reuters.
24 & 25 Juillet
Poursuite de l'offensive et des massacres à Bint Jbeil et Nabatieh
pendant le visite de Condi Rice...


23 Juillet
Saida frappée pour la 1ère fois, une journaliste périt près de Cana sous les bombes de l'agresseur
22 Juillet
L'agresseur confirme l'occupation de deux positions
en territoire libanais: Offensive terrestre proche?


Bombardements de relais TV et
de téléphones mobiles




L'analyse du conflit par Georges Corm

21 Juillet

L'agresseur poursuit son festival meurtrier sur... Baalbeck


19 Juillet
Journée la plus meurtrière
L'agresseur reconnait des incursions terrestres en
territoire libanais, Acharafieh touché pour la 1ère
fois:
plus de 70 civils tués en une seule journée
18 Juillet

Rien n'arrête l'agression israélienne
Le seuil des 200 civils lâchement tués est franchi

Les agences de presse encore une fois manipulées?

L'économie libanaise entre en résistance

17 Juillet
Dominique de Villepin à Beyrouth

L'usine Liban-Lait détruite ou l'auto-défense vue par...

14 Juillet

"La fête nationale est bien terne en France
lorsque le pays du cèdre est meurtri"


Beyrouth entre colère et attente

Manifestations à Paris


12 & 13 Juillet
Le Liban encore agressé par son voisin du sud... à l'aube de la saison touristique


L'Aéroport de Beyrouth, les ports,
le Sud et la route de Damas bombardés

Tentative de mise sous blocus du Liban


Les évènements en photos


Des bombes internationalement prohibées
pleuvent sur le Liban


Al Manar: portrait d'un média "résistant"

Voyage en pays Hezbollah

(avec Le Figaro)

Tsahal: une activité incessante le long de la frontière
depuis le départ du Liban-Sud en Mai 2000

Le long de la frontière du Sud-Liban


Chars de Tsahal le long de la frontière avant l'attaque

Réactions >


Dossier sur le Hezbollah
Le Hezbollah entre allégeances ambiguës et réalités libanaises

L’émergence du Hezbollah, aboutissement d’un lent processus de maturation sociopolitique
L’étude réalisée par Michel HAJJI GEORGIOU et Michel TOUMA

Quelle que soit l’issue du conflit actuel qui secoue le pays, un vaste débat sera sans doute ouvert sur l’avenir politique du Hezbollah et la nature de ses rapports futurs avec les autres composantes du tissu social libanais. D’ores et déjà, certaines questions sont sur toutes les lèvres. Les décisions politiques du Hezbollah sont-elles, oui ou non et dans quelle mesure, tributaires de la raison d’État iranienne ? Le Hezbollah est-il motivé par des considérations strictement communautaires qui dépassent le cadre du Liban et qui s’inscrivent dans un schéma régional plus large ? Comment expliquer la rapide montée en puissance de cette formation chiite ?

Dans une série de trois articles, Michel Hajji Georgiou et Michel Touma analysent les différents facteurs historiques, sociologiques, doctrinaux et politiques qui constituent l’ossature et les fondements du Hezbollah. Le premier article expose le lent processus historique et sociopolitique qui a pavé la voie à la naissance du parti, au début des années 80. Le deuxième article aborde les circonstances qui ont marqué la création du Hezbollah, ainsi que les racines et les grandes lignes directrices qui sont à la base de son action politique.
Enfin, les questions sociologiques et doctrinales, sous l’angle de la philosophie politique, sont analysées dans le dernier article.
Ces trois articles sont tirés d’une étude complète sur le sujet publiée par les auteurs dans le numéro 77 de la revue Travaux et jours de l’Université Saint-Joseph.

L’émergence du Hezbollah sur la scène politique libanaise au début des années 80 est en quelque sorte le couronnement d’une longue maturation de l’affirmation de la présence et de l’identité des chiites en tant que communauté sociopolitique sur l’échiquier local. Afin de cerner les conditions objectives qui ont pavé progressivement la voie à la rapide implantation du Hezbollah dans le pays, il serait d’abord utile de se livrer à un rapide survol de la situation peu enviable à laquelle cette communauté a été confrontée à travers l’histoire contemporaine du Liban.
Sous l’Empire ottoman, les droits des chiites n’étaient pas reconnus, comme le démontre la formation au XIXe siècle, conformément au règlement dit de Chékib Effendi, d’un conseil consultatif dans chacun des deux caïmacamats créés au Mont-Liban au milieu du siècle. À la suite du déclenchement, en 1845, de troubles confessionnels dans la montagne, les grandes puissances de l’époque engagèrent des pourparlers avec les autorités ottomanes afin de mettre un terme aux affrontements. Du fait de ces démarches internationales, le ministre turc des Affaires étrangères, Chékib Effendi, décida de créer au sein de chacun des deux caïmacamats de la montagne un conseil mixte regroupant – à raison d’un délégué par communauté – des juges représentant les maronites, les grecs-catholiques, les grecs-othodoxes, les sunnites et les druzes. Le juge sunnite était ainsi chargé de représenter en même temps les chiites

1. Cette discrimination se poursuivra jusqu’à la chute de l’Empire ottoman et il faudra attendre pratiquement jusqu’en 1926 pour que l’existence de la communauté chiite, en tant qu’entité, soit officiellement reconnue
2. Cette reconnaissance est dans une certaine mesure l’une des conséquences de la proclamation du Grand Liban, en 1920. Mais parallèlement à cette retombée à caractère politique, le rattachement de régions périphériques au Petit Liban (formé essentiellement de la montagne) aura aussi des effets considérables sur la structure socioéconomique de la nouvelle entité du Grand Liban.
En raison de la large autonomie dont il bénéficiait dans le cadre de l’Empire ottoman, le Petit Liban avait connu au fil des années un développement substantiel tant au niveau de l’infrastructure de base que sur le double plan culturel et pédagogique. La prolifération d’écoles privées relevant des missions religieuses étrangères ainsi que la fondation de deux grands établissements universitaires occidentaux (l’Université Saint-Joseph et l’Université américaine), de même que l’ouverture, d’une manière générale, sur la culture occidentale ont fait du Petit Liban un phare pédagogique et culturel privilégié dans la région. Dans le même temps, les infrastructures de base se sont sensiblement développées, non seulement au Mont-Liban, mais également à Beyrouth qui s’est peu à peu imposée de facto comme la capitale de l’entité libanaise restreinte. Le Petit Liban et avec lui Beyrouth ont bénéficié du développement du réseau routier, du port, de la voie ferroviaire reliant le littoral à Damas, en passant par la montagne, sans compter l’infrastructure hospitalière et médicale en pleine expansion, l’extension des moyens de transport public et, surtout, la création d’un grand nombre d’entreprises commerciales et industrielles, notamment à Beyrouth
3. Le rattachement, en 1920, des villes de Tripoli et Saïda, et des régions du Sud, de la Békaa et du Nord au Petit Liban a donné naissance à une entité caractérisée, globalement, par un profond clivage – sur le plan des niveaux de vie culturels, pédagogiques et socioéconomiques – entre le « centre » (Beyrouth et la montagne, en l’occurrence le Petit Liban) et la « périphérie » (les régions nouvellement rattachées au Petit Liban, qui dépendaient directement de « l’hinterland » ottoman et qui n’avaient donc pas bénéficié de l’essor enregistré au Mont-Liban du fait de l’autonomie dont jouissait cette région)
4. Ce fossé socioéconomique s’est maintenu longtemps après l’indépendance de 1943. Il a constitué les germes de la situation sociale peu enviable dans laquelle a été maintenue la communauté chiite qui représentait pratiquement le gros de la population des régions périphériques défavorisées rattachées au Petit Liban.
Le caractère essentiellement maronito-sunnite du pacte national de 1943 et du partage de pouvoir instauré après l’indépendance a contribué à ajouter un aspect politique à la marginalisation socioéconomique des chiites, d’autant que la classe politique chiite de la période postindépendance était formée principalement de leaders féodaux traditionnels qui se sont avérés être déconnectés, dans une large mesure, des réalités populaires de leur communauté. Si bien que le pouvoir central n’avait aucun scrupule à négliger, en termes de politique de développement global (dans les différents domaines), les régions périphériques (principalement chiites).

L’action des ulémas et de Moussa Sadr
La situation de la population chiite s’est davantage dégradée à la fin des années 60 et au début des années 70 avec l’implantation des organisations armées palestiniennes au Liban-Sud, la recrudescence des opérations menées par les Fedayine contre Israël à partir du Arkoub et les représailles israéliennes qui visaient la région méridionale, donc des zones à forte densité populaire chiite. Il en a résulté un mouvement d’exode progressif, mais soutenu, de ces populations en direction des banlieues de la capitale. Ces Sudistes forcés à l’exode sont venus grossir ainsi les rangs d’un sous-prolétariat chiite qui constituait déjà autour de la capitale une « ceinture de misère ».
C’est dans un tel contexte potentiellement explosif qu’ont débarqué à Beyrouth dans le courant des années 60 un certain nombre d’ulémas chiites qui venaient d’achever leur formation religieuse à Qom ou à Najaf. Trois d’entre eux, l’imam Moussa Sadr, cheikh Mohammad Mehdi Chamseddine et cheikh Mohammad Hussein Fadlallah, se sont rapidement distingués par leur charisme, leur vaste culture religieuse et leur vision claire de la voie qui devrait être suivie pour sortir les chiites de leur situation de population déshéritée. Tout en adoptant, au départ, un profil bas, ils ont multiplié les conférences, les rencontres et les débats au sein des clubs, des lieux de culte et des associations sociales, chacun dans une zone à forte implantation chiite
5. L’imam Moussa Sadr s’est avéré être, sans tarder, le plus politisé des ulémas. Mettant parfaitement à profit un charisme peu commun, il sillonnait le pays et multipliait les conférences. Vers la fin des années 60, il s’était déjà imposé comme un pôle d’influence politico-communautaire dont l’étoile ne cessait de monter. En 1967, il réussit à obtenir du pouvoir central la formation du Conseil supérieur chiite, dotant ainsi la communauté d’une institution censée affirmer l’identité et la présence sociopolitique des chiites.
Mal perçu par les politiciens traditionnels, qui voyaient en cette instance une sérieuse menace pour eux, le CSC a vu son rôle réduit à un simple regroupement de notabilités et de responsables qui tentaient tant bien que mal d’accorder leurs violons au sujet des questions politiques et nationales qui étaient au centre de l’actualité. Moussa Sadr s’est alors attelé à la création d’un mouvement populaire, le Mouvement des déshérités, ayant pour mission de répondre aux aspirations politiques et sociales de la communauté chiite, notamment sur le plan de la lutte contre le sous-développement socioéconomique dans lequel se débattaient les régions chiites au Liban-Sud, dans la Békaa et dans les banlieues de Beyrouth. L’un des objectifs sous-jacents de ce mouvement était aussi de soustraire les milieux populaires chiites à l’influence grandissante des partis arabisants ou de gauche, et des organisations palestiniennes armées, mais aussi de créer un substitut aux leaders féodaux traditionnels qui maintenaient la communauté dans un état de léthargie chronique.
Définissant la ligne directrice de son action, Moussa Sadr prononce le 18 février 1974 un discours qui sera considéré par certains comme l’acte de naissance du chiisme libanais, sa première expression politique en tant que telle : « Notre nom n’est pas “metwali”. Notre nom est celui du refus (“rafezun”), celui de la vengeance, celui de ceux qui se révoltent contre toute tyrannie. Même si nous devons le payer de notre sang, de notre vie … Nous ne voulons plus de beaux sentiments, mais de l’action. Nous sommes las des mots, des états d’âme, des discours … J’ai fait plus de discours que quiconque. Et je suis celui qui a le plus appelé au calme. J’ai assez lancé d’appels au calme. À partir d’aujourd’hui, je ne me tairai plus. Si vous restez inertes, moi non … »
6. Le Mouvement des déshérités a constitué ainsi la première structure sociopolitique dont avaient pu se doter les chiites du pays depuis l’époque de l’Empire ottoman. Face à l’implantation des organisations palestiniennes armées dans le Arkoub et sous l’effet de l’escalade militaire qui s’est ensuivie, l’imam Sadr a créé secrètement, au début des années 70, une milice armée, le mouvement Amal, encadrée et entraînée par le Fateh. L’existence de cette milice – devenue la nouvelle façade du Mouvement des déshérités – a éclaté au grand jour en 1974 à la suite d’une explosion meurtrière survenue lors d’un entraînement militaire organisé dans la Békaa. L’apparition du mouvement Amal sous l’impulsion de Moussa Sadr a permis ainsi de canaliser au sein d’une structure communautaire le sous-prolétariat chiite qui, en l’absence d’une telle structure, avait été attiré et phagocyté par des partis laïcisants ou de gauche, tels que le Parti communiste, l’Organisation de l’action communiste (OACL) ou le Baas.
Cette action politique et militaire menée par l’imam Sadr ainsi que l’ensemble de la situation politico-socio-économique désastreuse dans laquelle se débattaient les chiites depuis de nombreuses années – et dont les racines remontaient à 1920 – ont constitué le terreau qui favorisera l’émergence et le rapide renforcement du Hezbollah dans le courant des années 80. Pour certains observateurs, la culture politique que Moussa Sadr a contribué à enraciner et qu’il a puisée dans les valeurs du chiisme, ainsi que l’éveil communautaire qu’il a suscité ont frayé la voie à la création du Hezbollah7.

A suivre:
« La naissance du Hezbollah
et les fondements de son action politique »

Bibliographie utile:

1. Edmond RABBATH, La formation historique du Liban politique et constitutionnel, Publications de l’Université libanaise, Beyrouth 1973.
2. Theodor HANF, Liban, coexistence en temps de guerre, de l’effondrement de l’État à l’essor de la nation, Centre d’études euro-arabe, Paris, 1993, traduit de l’allemand.
3. Theodor HANF, Liban, coexistence en temps de guerre, de l’effondrement de l’État à l’essor de la nation, op.cit.
4. Ibid.
5. Naïm KASSEM, Le Hezbollah, orientation, expérience et avenir, éditions Dar al-Hadi, Beyrouth.
6. Walid CHARARA et Frédéric DOMONT, Le Hezbollah, un mouvement islamo-nationaliste, Fayard, Paris, 2004.
7. Ibid.

La naissance du Hezbollah et les racines de son action politique

L’émergence du Hezbollah sur la scène libanaise au début des années 80 est incontestablement le fruit de la mise en place de la République islamique en Iran. L’opération israélienne « Paix en Galilée », en 1982, a constitué dans ce cadre un catalyseur à la création du parti intégriste chiite. Après avoir exposé le lent processus historique et sociopolitique qui a pavé la voie à l’implantation du Hezbollah au Liban (voir L’Orient-Le Jour du samedi 29 juillet), Michel Hajji Georgiou et Michel Touma abordent, dans un deuxième article, le contexte qui a accompagné la naissance et la diffusion du parti chiite au Liban, évoquant en outre l’importance du culte du martyre chez le Hezbollah, et les chiites en général, ainsi que les grandes orientations politiques de la formation intégriste.
Ces articles sont tirés d’une étude publiée par les auteurs dans le numéro 77 de la revue Travaux et jours de l’Université Saint-Joseph.
L’instauration de la République islamique en Iran, en février 1979, et la politique d’exportation de la révolution pratiquée au début par le nouveau pouvoir ont été, à l’évidence, le principal catalyseur du développement de la mouvance intégriste chiite dans le pays. Lorsque l’Ayatollah Khomeyni prit les commandes à Téhéran, des groupuscules islamistes chiites étaient déjà actifs au Liban, mais à une échelle réduite. Il s’agissait essentiellement du Rassemblement des ulémas de la Békaa, des « comités islamiques », et de la branche libanaise du parti chiite irakien al-Daawa (dont sayyed Mohammad Hussein Fadlallah se faisait le porte-étendard au Liban).
Cette nébuleuse s’est maintenue jusqu’à l’opération israélienne « Paix en Galilée », en juin 1982. La rapide percée des troupes de Tsahal jusqu’aux portes de Beyrouth a incité ces groupuscules chiites à mener des opérations ponctuelles de résistance. Les rangs de cette mouvance intégriste ont été renforcés durant ce mois de juin par l’apparition d’une dissidence au sein du mouvement Amal, dirigé par Nabih Berry depuis la disparition de Moussa Sadr en Libye, en août 1978. À la suite de la décision de Nabih Berry de faire partie du Comité de salut formé en juin 1982 par le président Élias Sarkis (et regroupant le chef du gouvernement, Chafic Wazzan, ainsi que Béchir Gemayel et Walid Joumblatt), plusieurs responsables et cadres mèneront une dissidence en créant le mouvement Amal islamique.
Face à l’ampleur de l’offensive israélienne, les responsables des différents groupuscules en question ont pris conscience de la nécessité de mettre sur pied une structure partisane bien organisée dont les fondements et la stratégie d’action seraient basés sur les trois axes suivants :
– L’islam constitue la ligne de conduite globale en vue d’une vie meilleure. Il représente le fondement idéologique, pratique, de la pensée et de la foi sur lequel devrait être bâtie la nouvelle formation politique.
– La résistance contre l’occupation israélienne est une priorité. Il est par conséquent nécessaire de créer une structure adéquate pour le jihad et de mobiliser toutes les potentialités nécessaires sur ce plan.
– Le commandement revient au guide suprême (à l’époque l’Ayatollah Khomeyni), en tant qu’héritier du Prophète et des imams. C’est à lui que revient la charge de définir les grandes lignes de l’action au sein de la nation (islamique), et ses décisions sont contraignantes1.
À la lumière de ces trois principes fondamentaux, les responsables des groupuscules chiites multiplieront les réunions et les débats internes afin de jeter les bases de la nouvelle formation politique en gestation. Ces débats déboucheront sur l’élaboration d’un document politique fondateur. Un comité de neuf – trois représentants du Rassemblement des ulémas de la Békaa, trois des Comités islamiques et trois du mouvement Amal islamique – sera chargé de soumettre ce document au guide suprême. Après avoir obtenu l’aval de l’Ayatollah Khomeyni, les différents groupuscules concernés se sont autodissous pour former un seul parti fédérateur qui prendra pour nom le Hezbollah2.
Ce processus de fusion a donc été lancé dans le courant de l’été 1982, mais ce n’est qu’à la fin de l’année 1983 que le Hezbollah verra formellement le jour. Le processus ne viendra à maturation qu’au début de 1985 lorsque le Hezbollah dévoilera son premier programme politique.
Rapidement, la nouvelle formation bénéficiera de l’appui politique, logistique et militaire de l’Iran par le biais, notamment, de l’envoi, via la Syrie, de cadres et d’experts des Gardiens de la révolution qui mettront sur pied des camps d’entraînement militaire dans la Békaa afin de former les militants du Hezbollah.

Le culte du martyre
Dans un premier temps, entre 1982 et 1985, la mouvance intégriste accordera la priorité absolue aux opérations de résistance contre Tsahal. En dépit du profond déséquilibre des forces en présence, les combattants chiites ont rapidement réussi à porter des coups durs à l’armée israélienne. Ces réussites ponctuelles contre le géant israélien s’expliquent essentiellement par l’importance que revêt la notion de martyre dans l’inconscient chiite.
Le martyre de l’imam Hussein lors de la bataille de Kerbala (680) constitue pour les chiites croyants un mythe, un exemple à suivre au niveau de chaque individu. Le jeune chiite reçoit, dès son jeune âge, une éducation basée sur l’idéal du martyre. Le « numéro deux » du Hezbollah, cheikh Naïm Kassem, souligne à ce propos, dans son livre sur le parti, que « si les gens reçoivent une éducation fondée uniquement sur la recherche de la victoire, qui devient ainsi à la base de leur action, leur lutte contre l’ennemi s’estompera s’ils réalisent que la victoire est lointaine ou incertaine ». « Par contre, précise-t-il, si les gens reçoivent une éducation fondée sur le martyre, leur don de soi a pour effet d’accroître au maximum l’efficacité de leur action. S’ils tombent martyrs, ils auront réalisé leurs vœux. S’ils réalisent une victoire, ils auront obtenu une vive satisfaction au cours de leur vie ici-bas. L’éducation basée sur la notion de victoire ne garantit pas la victoire et inhibe la force potentielle de la nation. Par contre, inculquer la notion de martyre revient à tirer profit de toutes les potentialités, ce qui permet de réaliser le martyre ou la victoire, ou les deux en même temps. Cela ouvre la voie à toutes les possibilités. Inculquer la notion de victoire implique de miser sur les moyens matériels, mais inculquer la notion de martyre a un effet mobilisateur au niveau du moral (de la population), ce qui implique que des moyens limités deviennent nécessaires » pour mener la lutte3.
Tomber martyr au service des préceptes de Dieu devient ainsi un honneur suprême pour tout jeune chiite. Et l’objectif sur ce plan n’est pas tant de remporter une victoire militaire directe et immédiate, mais plutôt d’avoir eu le privilège d’être martyr, de s’être sacrifié par amour du Tout-Puissant, d’autant que la vie dans l’au-delà promet le bonheur éternel. Rester attaché à la vie d’ici-bas, motivée par les contingences matérielles, est donc insignifiant devant l’honneur que représente le martyre au service de Dieu.
C’est cette profonde divergence au niveau de la valeur accordée à la vie terrestre qui fait toute la différence avec l’Occident, tant au niveau de la perception du sens de la vie que du comportement dans la gestion de la chose publique. « L’Occident, du fait des fondements de sa pensée, sacralise la vie matérielle et y reste attaché, quel que soit le prix, souligne cheikh Kassem. Il n’est donc pas en mesure d’assimiler le sens du martyre. Il est normal que les Occidentaux ne comprennent pas le sens spirituel de l’orientation de l’islam car une telle compréhension ne peut se limiter à la seule perception rationnelle. Elle nécessite de côtoyer de près et d’observer les étapes de la vie des moudjahidine, ainsi que les réalités de la société islamique en général. »4
La résistance menée par les jeunes de la mouvance intégriste chiite avait ainsi pour élément moteur un cadre socioculturel qui correspond à l’inconscient populaire chiite et qui explique le succès aussi bien de la Résistance que du Hezbollah. Le précédent du Vietnam, en tant que soulèvement populaire contre l’occupant, a constitué sur ce plan un exemple à suivre5.

Les grandes orientations politiques
C’est donc sur la base de cette sacralisation de la notion de martyre que les combattants de la mouvance intégriste chiite ont axé leurs opérations, dès 1982, contre les forces israéliennes. La priorité étant accordée à la résistance, l’élaboration du projet politique portant sur le contexte libanais sera reléguée au second plan, d’autant que face à l’occupation israélienne d’une large partie du territoire libanais, le Hezbollah adoptera, jusqu’au milieu des années 80, un profil bas. Il ne sortira pratiquement de la clandestinité qu’à la suite du soulèvement du 6 février 1984 mené par les milices du mouvement Amal et du Parti socialiste progressiste de Walid Joumblatt à Beyrouth-Ouest contre le pouvoir du président Amine Gemayel. Ce soulèvement permettra au Hezbollah d’installer toutes ses institutions et son quartier général dans la banlieue sud de Beyrouth6.
Ce n’est qu’en février 1985 que le Hezbollah rendra public son projet politique sous la forme d’un « Appel aux déshérités ». Ce document définit les grandes orientations du parti, tant sur le plan idéologique et doctrinal, qu’au niveau de la conjoncture politique libanaise ou la position à l’égard d’Israël et des États-Unis. Les dirigeants actuels du Hezbollah soulignent que ce texte est aujourd’hui dépassé et obsolète du fait qu’il avait été élaboré à la lumière de la conjoncture du moment. C’est sans doute sur les plans doctrinal et idéologique que le document de 1985 revêt encore un certain intérêt, notamment en ce qui concerne la question de l’établissement d’un État islamique. Le texte établit clairement une distinction entre « la position doctrinale et le volet pratique ». Sur le plan du principe, le Hezbollah se déclare favorable à l’établissement d’un État islamique, mais précise tout de suite que, dans la pratique, la réalisation d’un tel projet doit se faire sur base d’un choix libre de la part de la population et il ne saurait donc être imposé par une quelconque partie.
Cette option est reprise, d’une manière encore plus soutenue par le directoire actuel du parti, qui affirme qu’il n’est nullement dans l’intention du Hezbollah d’établir une République islamique au Liban, même s’il reste attaché à l’islam comme fondement de son action et de sa pensée. Il soutient que, tenant compte des réalités libanaises, son but est de contribuer à la consolidation d’un pouvoir pluriconfessionnel, garantissant une participation équitable de toutes les communautés à la gestion de la chose publique.
Concrètement, les responsables du parti se prononcent pour le maintien du système politique tel qu’il est actuellement pratiqué, sur la base d’une juste participation de toutes les communautés au pouvoir7. D’où la décision prise par le parti en 1992 de participer aux élections législatives, et donc d’accepter d’être partie prenante au système multiconfessionnel libanais, en dépit du fait que sur le plan dogmatique, une telle participation a suscité de sérieuses réserves au niveau de certains cadres dirigeants. Les responsables du Hezbollah précisent à cet égard que leur soutien au principe d’un pouvoir pluriconfessionnel, au détriment du projet de République islamique, est dû à leur volonté de présenter au monde la formule libanaise comme un exemple réussi de convivialité entre diverses communautés, laquelle est l’antithèse du projet sioniste basé sur l’édification d’un État au service d’une seule communauté. Il s’agit donc pour le Hezbollah d’opposer à la formule sioniste la formule libanaise fondée sur le pluralisme communautaire, le respect de la diversité et la sauvegarde des libertés. Se montrant pragmatique à ce sujet, le directoire du parti prône une application stricte de l’accord de Taëf, après élaboration d’une nouvelle loi électorale qui maintiendrait les équilibres communautaires actuels8.
L’hostilité à l’égard de l’entité israélienne sous-tend, par ailleurs, constamment le discours politique du Hezbollah. Le directoire du parti va même jusqu’à tourner en dérision les appels au pragmatisme pour trouver une solution susceptible de mettre un terme au conflit avec Israël. Et dans ce cadre, les responsables du parti ne cachent pas leur solidarité totale avec la lutte menée par le peule palestinien, sans aller toutefois jusqu’à évoquer explicitement une aide ou un soutien concret à la population de Cisjordanie et Gaza. Tout en affirmant rejeter le terrorisme aveugle, ils refusent de condamner les opérations-suicide menées par les Palestiniens.
Quant à la position vis-à-vis de l’Occident, les responsables du Hezbollah se défendent d’avoir une attitude de principe hostile à la civilisation occidentale, affirmant qu’ils s’opposent non pas aux pays occidentaux en tant quel tels, mais plutôt au « comportement colonialiste » de certains États occidentaux.

1. Naïm KASSEM, Le Hezbollah, orientation, expérience et avenir, op.cit.
2. Ibid.
3. Naïm KASSEM, Le Hezbollah, orientation, expérience et avenir, op.cit, pages 58-59.
4. Ibid. Page 58.
5. Nawaf MOUSSAOUI, entretien avec les auteurs, mai 2006.
6. Walid CHERARA et Frédéric Domont, Le Hezbollah, un mouvement islamo-nationaliste, op.cit.
7. Nawaf MOUSSAOUI, entretien avec les auteurs.
8. Nawaf MOUSSAOUI, entretien avec les auteurs.
9. Nawaf MOUSSAOUI, entretien avec les auteurs.


Suite et fin: la « wilayat el-fakih » ;
culture de l’espace ou culture du territoire

Le Hezbollah accorde-t-il la priorité dans son action à la « culture du territoire » (par essence nationale) ou plutôt à la « culture de l’espace » (par essence communautaire et régionale, dépassant le cadre national, donc du Liban) ? Dans ce contexte, la doctrine du Hezbollah lui impose de se soumettre pour toutes les décisions à caractère stratégique au « wali el-fakih », qui n’est autre que le guide suprême de la révolution islamique iranienne (présentement l’imam Khamenei).
Dans ce troisième article, Michel Hajji Georgiou et Michel Touma analysent ces deux aspects qui dictent la stratégie et la ligne de conduite du parti chiite. Dans les deux précédents articles, ils avaient évoqué le processus historique et sociopolitique qui a pavé la voie à l’émergence du Hezbollah au Liban (« L’Orient-Le Jour » du 29 juillet) ainsi que les circonstances de la naissance de la formation intégriste et les racines de son action politique (« L’Orient-Le Jour » du 1er août).

La reconnaissance de l’autorité politique et religieuse absolue et supranationale du guide suprême, le « wali el-fakih » (actuellement Khamenei et avant lui Khomeyni) représente l’une des principales caractéristiques (sinon la principale) de la doctrine du Hezbollah. Une compréhension profonde du système de la « wilayat el-fakih » constitue un éclairage indispensable pour une bonne perception de la ligne de conduite du Hezbollah à l’égard de dossiers ayant une portée stratégique.
Pour les chiites, le successeur du Prophète dans la gestion des affaires de la nation islamique doit être un imam descendant de l’imam Ali, gendre du Prophète. Les chiites jaafarites – ceux qui habitent le Liban, l’Iran, l’Irak, Bahreïn, l’Arabie saoudite, le Pakistan et l’Afghanistan (donc l’écrasante majorité des chiites) – considèrent que douze imams ont existé dans l’histoire, le douzième ayant disparu, et étant toujours attendu pour sauver les chiites de l’oppression et la misère. Pour les chiites du Yémen, il n’a existé dans l’histoire que sept imams.
Les chiites jaafarites estiment que dans l’attente du retour du douzième imam disparu (al-mahdi), la haute main dans la gestion des affaires de la nation islamique, et dans la défense de ses intérêts politiques et économiques doit revenir à un guide suprême, au « wali el-fakih ».
Pratiquement, avant l’avènement de Khomeyni, cette notion de « wali el-fakih » n’a jamais pris la portée et l’importance politiques qu’elle a acquises avec la révolution islamique en Iran en raison du fait qu’à travers l’histoire, les autorités religieuses chiites de la région n’ont jamais véritablement détenu le pouvoir en tant que communauté religieuse. Depuis l’oppression subie du temps des Omeyyades, au VIIIe siècle, la plupart des chefs religieux, établis à Najaf (en Irak), prônaient en effet la non-immixtion des autorités religieuses dans les affaires politiques. Mais au début du XXe siècle, certains chefs religieux de Najaf se sont prononcés pour une participation active des ulémas à la vie politique. La première école a été essentiellement représentée, de nos jours, par des autorités telles que les ayatollahs Sistani et Khoï, tandis que la seconde a été représentée principalement par des ulémas des familles Sadr et Hakim.
Avant la venue de l’ayatollah Khomeyni, aucune autorité religieuse n’était donc reconnue par la majorité des chiites comme le guide suprême, le « wali el-fakih ». La révolution islamique iranienne a représenté sur ce plan un tournant historique, dans toute l’acception du terme. En définissant les bases constitutionnelles de la République islamique, dans son ouvrage L’Orientation de la révolution islamique, l’ayatollah Khomeyni a posé comme principe de pouvoir la fusion entre le religieux et le politique. « En comprenant la conception de la religion dans notre culture islamique, souligne-t-il dans cet ouvrage, il apparaît clairement qu’il n’existe aucune contradiction entre l’autorité religieuse et l’autorité politique. La lutte politique fait partie intégrante de la mission et des devoirs religieux. Le commandement et l’orientation de la lutte politique font partie des responsabilités et de la mission de l’autorité religieuse. »1 La Constitution de la République islamique a donc été basée sur l’allégeance au « wali el-fakih ».
Cette fusion entre le religieux et le politique comme principe de pouvoir et la mise en place de la République islamique en Iran ont ainsi eu pour effet de donner, pour la première fois dans l’histoire et sous l’impulsion de Khomeyni, toute son ampleur à la notion de « wali el-fakih ».
De ce fait, après la victoire de la révolution islamique iranienne et l’adoption du principe de l’exportation de la révolution, de nombreux ulémas et dignitaires religieux dans la région ont prôné la reconnaissance du commandant suprême de la révolution islamique comme le « wali el-fakih ». Quelques rares ulémas ont contesté cette allégeance, mais ce n’est qu’avec la disparition de Khomeyni que cette contestation a éclaté au grand jour, certains dignitaires de haut rang refusant de reconnaître dans le successeur de Khomeyni, en l’occurrence Khamenei, le « wali el-fakih ». Cette contestation a été principalement menée par Mountaziri en Iran, Sistani en Irak, et Mohammad Hussein Fadlallah au Liban. Le Hezbollah libanais, par contre, reconnaît le guide suprême de la révolution islamique iranienne, actuellement Khamenei, comme le « wali el-fakih » (une telle option de la part du Hezbollah a été facilitée par les relations ancestrales d’ordre religieux qui ont constamment existé entre les chiites libanais, iraniens et irakiens, sans compter les liens familiaux qui ont été tissés avec le temps au niveau des familles Sadr et Hakim, notamment)2.

Un recours obligatoire
Le « wali el-fakih » est élu par un corps électoral de 72 membres iraniens, eux-mêmes élus au suffrage universel par la population iranienne. Sur le plan du principe, le « wali el-fakih » ne doit pas être obligatoirement iranien, mais dans la pratique, c’est le guide suprême de la République islamique qui est reconnu par la majorité des chiites comme le « wali » depuis la révolution de février 1979.
Les décisions du « wali el-fakih » sont contraignantes. Son recours et son aval sont obligatoires non seulement pour les questions doctrinaires et religieuses, mais également pour les problèmes politiques fondamentaux ayant une portée stratégique. Dans son livre sur le Hezbollah, cheikh Naïm Kassem souligne que « le wali el-fakih a comme prérogatives de veiller à la bonne application des lois islamiques, de prendre les grandes décisions politiques concernant les intérêts de la nation (la umma), de décider des options de guerre ou de paix, de même qu’il a la responsabilité de veiller à la sécurité de la population et à ses intérêts financiers, et d’assurer la répartition de l’argent récolté par l’autorité religieuse, et il a aussi pour tâche de définir le contour de l’État islamique »3.
Dans son ouvrage sur Le gouvernement islamique, l’ayatollah Khomeyni souligne qu’il est erroné de penser que les prérogatives du Prophète sont supérieures à celles du « wali el-fakih ». « Les prérogatives que le Tout-Puissant a données au Prophète et aux imams au niveau de la mobilisation des armées, de la désignation des gouverneurs, de la collecte des impôts et de leur redistribution au service des musulmans, Il les a accordées aussi au gouvernement » islamique4. Ce qui implique que le « wali el-fakih » a pratiquement la même autorité que celle du Prophète en termes de gestion et d’orientation des affaires de la nation. Et sur ce plan, son autorité dépasse les frontières et s’étend à l’ensemble des croyants chiites. Cheikh Naïm Kassem relève à cet égard que dans le cadre de l’exercice de son pouvoir, le « wali el-fakih » tient constamment compte des réalités et des spécificités de chaque pays ou groupement qui relève de son autorité.
En ce qui concerne le cas précis du Hezbollah, cheikh Naïm Kassem souligne dans son ouvrage précité que le Hezbollah est « un parti libanais dont tous les cadres, les responsables et les membres sont libanais ». Le parti reconnaît l’autorité du « wali » pour les grandes questions doctrinales et stratégiques, mais « le suivi des détails, la gestion des problèmes, ainsi que l’action quotidienne sur les plans politique, social et culturel, de même que les détails de la lutte contre l’occupation israélienne, relèvent de la responsabilité du commandement du parti élu par la base, conformément aux statuts internes, lesquels sont basés sur le conseil de la choura présidé par le secrétaire général et qui tire sa légitimité du fakih »5.
Concrètement, et à titre d’exemple, lorsqu’il s’est agi pour le Hezbollah de prendre la décision de principe de participer ou non aux élections législatives de 1992, le parti a formé un comité de douze membres qui ont longuement débattu de cette option. La question était de savoir si la participation du Hezbollah au pouvoir était conforme à la doctrine de la foi chiite. L’actuel responsable des relations internationales du Hezbollah, Nawwaf Moussaoui, a développé à ce propos une argumentation dont il ressort que si le parti présente des candidats aux élections, cela ne signifie pas qu’il participe à « un » pouvoir bien déterminé qui exerce son autorité à laquelle le parti doit se soumettre, mais qu’il s’associe, plutôt, à une structure consensuelle de pouvoir à laquelle il contribue au même titre que les autres fractions et composantes nationales6.
Par une majorité de dix voix contre deux, le comité en question a fini par adopter une « résolution » recommandant la participation au scrutin. Mais cette résolution a dû être soumise au préalable à l’aval du « wali el-fakih », en l’occurrence, l’imam Khamenei, qui a donné son accord. Sur ce plan, Nawwaf Moussaoui affirme que cette démarche auprès du « wali » ne revêt pas un caractère politique, mais a pour but de s’assurer que la décision politique est conforme à la doctrine de la foi. Il reste que la frontière est particulièrement floue entre la nature essentiellement politique de la décision prise par le « wali el-fakih » au sujet d’un problème libanais et son avis sur la conformité avec la doctrine de la foi d’une recommandation adoptée à Beyrouth par le Hezbollah.
En tout état de cause, les écrits du Hezbollah, notamment l’ouvrage de cheikh Kassem, précisent sans aucune équivoque possible que les grandes décisions politiques, notamment les options de guerre ou de paix, sont du seul ressort du « wali el-fakih ».

Espace ou territoire ?
S’il est une question, une problématique qui se dégage d’elle-même, à la lumière du parcours politique du Hezbollah tel que nous avons tenté de le retracer, c’est bien celle de l’appartenance de cette formation à un ensemble déterminé – que cet ensemble soit de nature territoriale et nationale, ou bien plus vaste, reposant sur des liens qui dépassent le simple cadre territorial, et qui sont plutôt de nature « spatiale ». C’est là chose courante dans le monde islamique, dans la mesure où la référence absolue des croyants est la « oumma », ensemble bien plus vaste que celui du territoire national. Il est effectivement légitime de se poser cette question, éminemment « politologique », compte tenu des conséquences qu’elle entraîne actuellement sur le débat politique – et politicien – à l’échelle nationale, en l’occurrence sur l’opportunité pour le Hezbollah de remettre ses armes à l’État (conformément au principe du monopole de la violence légitime) et de renoncer à la poursuite de la Résistance en tant que groupe « extraétatique » ou « a-étatique », hors du cadre de l’armée.
Le Hezbollah est, à l’origine, comme on l’a vu, un parti islamiste. L’apport iranien – celui des Pasdaran – est consubstantiel à sa formation. Son apparition sur la scène libanaise est directement liée à un facteur qui dépasse le contexte du territoire libanais, celui de la révolution iranienne. À sa formation, le parti a recruté – et recrute – exclusivement dans les milieux chiites, de préférence islamistes, ce qui en soi ne sort pas particulièrement de l’ordinaire, puisque tous les partis-milices à l’époque de la guerre étaient fondés sur une « açabiyya » communautaire (l’esprit de corps, tel que défini par le sociologue maghrébin du XIVe siècle Ibn Khaldoun), ces milices mobilisant à travers une « da’wa » (prédication) de nature plus ou moins religieuse.
Tout tend à prouver, à première vue, que le Hezbollah évolue donc, à ses débuts, comme une communauté politique peu sensible à toute culture territoriale, voire même qui se développe en marge de cette culture, privilégiant une culture de l’espace. La base de cette culture non territorialisée tiendrait du fait historique selon lequel la communauté chiite a toujours été marginalisée par rapport aux autres communautés libanaises dans le cadre de la construction de l’État. De même, aussi bien la Békaa que le Liban-Sud, fort représentatifs de la périphérie libanaise, ont été marginalisés dans l’édification de l’État par rapport au centre sur le plan du développement. Il en découlerait, dès lors, une propension naturelle de la part de cette communauté à s’organiser, sous la forme du Hezbollah, en « açabiyya » (communautaire) en révolte contre le centre politique et économique (et aussi contre ses propres féodaux), et à rejeter, dès lors, toute assimilation avec une culture territoriale et stato-nationale qui n’a jusqu’à présent fait que très peu cas d’elle.
De par sa création même, dans un espace politiquement abandonné par l’État, le Hezbollah se situerait d’entrée de jeu dans une perspective paraétatique, sinon antiétatique. On pourrait donc lui attribuer, d’emblée, une volonté naturelle de s’émanciper de tout ordre territorial imposé par d’autres. Ce n’est guère surprenant à une époque où l’État a, de surcroît, quasiment cessé d’exister du fait de la guerre.
Cependant, le problème du point de vue de l’analyse se complique dès lors qu’il est question, pour le Hezbollah, de mener, à partir de 1982, une résistance contre l’occupation israélienne, résistance motivée par l’occupation de Beyrouth et du Liban-Sud. Si elle se donne d’abord pour nom « al-Mouqawama al-islamiya fi Loubnan » – « la Résistance islamique au Liban », nom qui renvoit immanquablement à une culture de l’espace –, cette Résistance devient progressivement « nationale » durant la période de l’après-guerre. Fort du soutien de la Syrie et de l’État libanais, à l’époque sous le contrôle direct de Damas, elle bénéficie aussi d’un vaste soutien politique consensuel qui lui donne une légitimité nationale indéniable. La résistance face à Israël inclut ainsi progressivement le Hezbollah dans une logique de culture territoriale – du moins en apparence.
C’est dans la guérilla que le parti établit toute une infrastructure de confrontation au Liban-Sud, selon le modèle guévariste du « foco guerillero », le foyer révolutionnaire. Il s’agit principalement de favoriser les conditions de la confrontation en transformant l’espace rural sur lequel la guérilla doit progressivement s’enraciner, prendre corps. La théorie est élaborée par Ernesto Guevara dans son ouvrage La guerre de guérilla7.
Le Hezbollah reconnaît s’être inspiré de la théorie guévariste, et de l’expérience cubaine en particulier (mais aussi de l’expérience vietnamienne), pour mettre en place sa propre expérience révolutionnaire. À ce niveau, le « foco guerillero » établi par le Hezbollah, qui s’étend, dans ses limites maximales, de la banlieue sud (QG idéologique) aux frontières des zones occupées, se trouve être un modèle d’organisation, avec l’établissement de plusieurs associations sociales et caritatives orientées sur les objectifs révolutionnaires, pour maintenir un climat favorable à la mobilisation permanente, une interaction perpétuelle entre le milieu et la Résistance – et c’est dans ce cadre aussi que la notion de « martyre » joue un rôle au niveau de l’organisation sociale. De ce fait, l’environnement se retrouve embrigadé, « idéologisé » sur le plan socioreligieux, pour créer les conditions les plus favorables à la déroute de l’ennemi.
Le retrait de l’armée israélienne et la libération des territoires occupés au Liban-Sud en mai 2000 viennent couronner les efforts du Hezbollah dans sa guerre d’usure contre Israël. Le parti venait ainsi, à ce moment- clé de son histoire, de libérer une parcelle du territoire national, et se retrouvait désormais lié organiquement à la souveraineté territoriale du pays. Si la « culture du territoire », en d’autres termes la culture stato-nationale, au Liban a été fondée par apports cumulatifs de la part de chaque communauté, le Hezbollah venait d’apporter sa pierre à l’édifice. Voilà qui, en principe, devrait définitivement le « territorialiser » et mettre fin à cette tension entre la « culture de l’espace » (celle qui le lie à l’Iran – et à la Syrie, la fameuse alliance entre les minorités oblige ? – pour des raisons communautaires, religieuses et politiques) et la « culture du territoire »8.
Pourtant, la trajectoire « territoriale » du Hezbollah au lendemain de la libération du Liban-Sud n’est pas suffisamment limpide pour permettre de clore aussi rapidement le sujet. On a au contraire l’impression, au gré des événements, d’une certaine duplicité, qui permet au parti de jouer, au gré des occasions, tantôt sur la culture territoriale et stato-nationale, tantôt sur la vision communautaire et religieuse de l’espace. Parfois même, les deux cultures s’interpénètrent dans le discours et la logique politiques, si bien qu’il est bien difficile d’empêcher une certaine confusion de s’installer en définitive. Confusion qui ouvre d’ailleurs la voie à toutes sortes d’attaques politiques, notamment de la part du chef du Parti socialiste progressiste, Walid Joumblatt, au sujet de « l’allégeance réelle » du Hezbollah…
Culture du territoire et soutien politique à la Syrie sur le territoire libanais peuvent-ils faire bon ménage ? Comment concilier entre les réalités libanaises et l’allégeance (notamment dans les affaires politiques internes, qui relèvent directement de la souveraineté) à une autorité religieuse étrangère, en l’occurrence le « fakih », le guide suprême iranien ? Quelles sont les limites de la Résistance ? Cette dernière est-elle confinée au territoire des hameaux de Chebaa, aux collines de Kfarchouba et au village de Nkhaïlé, ou repose-t-elle sur un autre critère qui devrait conduire à la libération des « sept villages », du Golan, voire même de Jérusalem, dans un soutien éminemment spatial (politique et logistique ?) aux autres mouvements islamistes de résistance que sont, dans les territoires occupés, le Hamas et le Jihad islamique ?
Que penser de cette volonté de maintenir à tout prix son arsenal hors de tout consensus interlibanais, de refuser de se soumettre au monopole de la violence légitime que constitue l’État ? La guérilla n’est-elle pas de toute façon, par définition, impossible à concilier avec l’armée régulière ? Comment interpréter cette volonté de ne pas intégrer complètement l’État, en maintenant une aile militaire ou bien encore en soustrayant à l’ État sa souveraineté (son contrôle sécuritaire) sur le Liban-Sud ou sur ce qui fut le « mourabbaa el-amni », le « quadrilatère sécuritaire » de la banlieue sud ? Cela n’est-il pas pour le moins révélateur d’une conception de l’espace qui reste fondamentalement communautaire et rebelle à l’hypothèse d’une construction politique d’un territoire capable de transcender les identités particulières ? Cela n’est-il pas révélateur du maintien d’une « açabiyya » communautaire qui, ayant intégré les institutions de l’État, refuse toutefois de se départir de ses moyens de défense propres ? Dans ce cadre, la « da’wa » du Hezbollah, la Résistance, ne serait plus aujourd’hui, dans l’optique khaldounienne, qu’un moyen pour la communauté de maintenir sa « açabiyya », de lui permettre de conserver sa place prépondérante, de l’empêcher de décliner au profit de la fondation de l’État.
À moins que la grille de lecture proposée par Ibn Khaldoun ne soit mal adaptée, et que le problème, à défaut de ne concerner exclusivement qu’une « açabiyya » communautaire, soit celui d’une confrontation potentielle, en puissance, entre des « açabiyyas » communautaires sur l’espace territorial libanais. Une confrontation sunnito-chiite qui, malgré son existence dans l’ensemble de la région, continue fort heureusement – tant tout le monde fait preuve d’éveil et de conscience sur ce plan – à refuser de dire son nom au Liban.

Michel HAJJI GEORGIOU
Michel TOUMA

Notes et Bibliographie
1. L’ayatollah KHOMEYNI, L’orientation de la Révolution islamique, in Naïm KASSEM, Le Hezbollah, orientation, expérience et avenir, op.cit. page 70.
2. Nawwaf MOUSSAOUI, entretien avec les auteurs.
3. Naïm KASSEM, Le Hezbollah, orientation, expérience et avenir, op.cit. page 72.
4. L’ayatollah Khomeyni, Le gouvernement islamique, page 86, in Naïm KASSEM, Le Hezbollah, orientation, expérience et avenir, op.cit. page 72.
5. Naïm Kassem, Le Hezbollah, orientation, expérience et avenir, op.cit. page 77.
6. Entretien avec les auteurs.
7. Voir Ernesto Guevara, La guerre de guérilla, éditions Maspero, Paris.
8. Voir Bertrand BADIE, La fin des territoires, Fayard, Paris, 1995.