Le
Liban:
pays rattrapé par le passé,
par la volonté de son voisin...
12 Juillet - 14 Août 2006:
33 jours pour l'impensable retour en arrière...
La guerre du Liban, "grand ratage" selon un
rapport
30.01.2008
-
La commission Winograd épingle dans son rapport
la gestion du conflit de 2006 par Ehoud Olmert, dont le
gouvernement pourrait être menacé.
La
guerre du Liban en 2006 a été "un grand
et grave ratage" pour Israël, d'après
le rapport de la commission d'enquête israélienne
sur ce conflit, rendu public le 30 Janvier 2008 soit près
de dix-huit mois après la fin du conflit.
"Cette guerre a été un grand et grave
ratage [...] Nous avons relevé des manquements
graves au plus haut niveau de l'échelon politique
et militaire", lit-on dans le document présenté
par le juge à la retraite, Eliahou Winograd, qui
a présidé la commission d'enquête,
lors d'une conférence de presse à Jérusalem.
Selon le rapport, l'opération terrestre aux derniers
jours de la guerre n'a "pas atteint ses objectifs".
"L'entrée en guerre sans une stratégie
de sortie était une grave défaillance",
selon le rapport qui insiste sur la gestion "déficiente"
de l'échelon politique et militaire. "La conduite
de la guerre a été défaillante au
niveau de l'échelon politique et au niveau opérationnel,
et en particulier au sein des forces terrestres".
"La commission a évité de faire assumer
des responsabilités personnelles mais cela ne signifie
pas qu'il n'en existe pas",
souligne la commission dans son rapport.
"Approche
sincère des intérêts d'Israël"
"L'armée
a échoué dans sa conduite de la guerre
et n'a pas fourni à l'échelon politique
un résultat susceptible d'être exploité
au niveau politique", estime-t-elle, précisant
que l'armée n'a pas réussi à réduire
les tirs de roquettes tirées par le Hezbollah
contre le nord d'Israël.
La commission d'enquête reconnaît toutefois
qu'Ehoud Olmert a agi guidé par "une approche
sincère des intérêts d'Israël"
: "Le Premier ministre et le ministre de la Défense
(ndlr : Amir Peretz) ont agi en fonction d'une approche
sincère des intérêts d'Israël",
a déclaré Eliahou Winograd. Il relève
aussi des succès militaires et des manifestations
d'héroïsme et de courage des soldats sur
le terrain, en particulier de l'armée de l'air.
Gestion
du conflit épinglée
Le
Premier ministre israélien Ehoud Olmert a reçu
dans la journée le rapport de plus de 600 pages,
rédigé à partir de 74 témoignages
de responsables politiques et militaires, et d'experts.
La commission d'enquête avait déjà
épinglé la gestion du conflit par Ehud
Olmert dans un rapport intérimaire publié
en avril qui portait sur le début de la guerre
de 34 jours contre le Hezbollah. Le nouveau rapport
concerne les 28 derniers jours du conflit, dont une
offensive terrestre très critiquée lancée
quelques heures avant l'entrée en vigueur d'un
cessez-le-feu négocié sous l'égide
de l'ONU.
Le
gouvernement Olmert menacé
Après
ce nouveau document, le gouvernement Olmert pourrait
ne pas survivre assez longtemps ou être assez
fort pour tenter de parvenir à un accord de paix
avec les Palestiniens d'ici la fin de l'année
comme cela avait été convenu fin novembre
à la conférence d'Annapolis, aux Etats-Unis.
En cas d'élections anticipées, c'est Benyamin
Nétanyahou, chef du Likoud et détracteur
du processus de paix, qui l'emporterait, selon les sondages.
Entre 1.035 et 1.191 civils et combattants libanais
ont été tués durant la guerre au
Liban, tandis que côté israélien
119 soldats et 40 soldats ont trouvé la mort,
selon des chiffres provenant des deux camps.
Au sud du Liban, les sous-munitions israéliennes
continuent de tuer
Article du journal Le Monde/12
Octobre 2007- Le
jeudi 11 octobre, les équipes de démineurs
de toutes les organisations spécialisées
opérant dans le sud du Liban sous l'égide
des Nations unies ont cessé leur travail de terrain.
L'un de leurs collègues, un citoyen anglais âgé
de 36 ans, a été tué dans la région
de Bint Jbeil par l'explosion d'un des engins de mort
contenus dans les bombes à sous-munitions tirées
par l'armée israélienne dans les trois derniers
jours de la guerre de l'été 2006 qui l'a
opposée au Hezbollah libanais.
L'arrêt
de travail, par respect pour la victime, est devenu une
tradition des 76 équipes de déminage - celles
de l'armée libanaise exclues - en activité
dans le sud du Liban, explique Dalya Farran, chargée
des relations avec la presse au centre de coordination
de l'ONU pour le déminage de la région.
Depuis le début de leur mission, ces équipes
ont perdu 13 hommes, tandis que 32 autres ont été
blessés. Vingt-cinq civils ont par ailleurs été
tués et 185 autres blessés par l'explosion
de ces engins.
En
un peu plus d'un an, les démineurs ont désamorcé
ou fait exploser plus de 130 000 sous-munitions. Un
chiffre énorme, mais qui apparaît dérisoire
au regard du près d'un million de sous-munitions
non explosées disséminées sur une
superficie estimée à plus de 38 millions
de mètres carrés. Le problème,
explique Melle Farran, c'est qu'Israël n'a donné,
à ce jour, aucune réponse aux demandes
répétées de l'ONU lui réclamant
des informations sur les sites visés par les
bombes à sous-munitions.
Autant
dire que les démineurs travaillent presque en
aveugle, découvrant pratiquement à tâtons
les sites "contaminés". Prioritaire,
le nettoyage des habitations est désormais terminé,
mais les champs sont toujours infestés par ces
engins. Il y en aurait même des couches superposées
dans certaines zones bombardées à plusieurs
reprises.
JEUNES
FEMMES
"Juste
après la guerre, on en trouvait partout : dans
les arbres, sur les réverbères, sur les
toits des maisons, dans les champs", raconte Jean-Claude
Amand, superviseur technique de l'équipe de démineurs
de l'association Fondation sud (FSD) dans le village
de Siddiqine. L'urgence a été assurée
par les associations qui étaient chargées
de neutraliser les champs de mines laissés par
l'armée israélienne lors de son retrait
du Liban sud en l'an 2000. FSD et Handicap International
ont pris la relève. Elles sont toutes deux financées,
comme les britannique MAC et danoise DCA, par le programme
humanitaire européen Echo. C'est à leurs
équipes qu'est revenue la "difficile et
ingrate" tâche de défrichage et de
nettoyage des lieux. M. Amand, de nationalité
vietnamienne, a trouvé ici certaines des sous-munitions
dont l'armée américaine avait arrosé
le Vietnam.
Les
démineurs sont dans leur écrasante majorité
des Libanais qui ont reçu une formation sur place
par des expatriés. Comme le dit le jeune Akl
Mahmoud, de FSD, ils ont estimé qu'ils avaient
le choix entre "vivre avec ces engins toute la
vie et éventuellement en mourir, ou s'atteler
au nettoyage". Akl a abandonné son emploi
à Beyrouth pour s'engager, comme l'ont fait avant
lui ses deux frères, enrôlés dans
d'autres ONG.
Les salaires que les démineurs perçoivent
ne sont pas sans attrait : un minimum de 750 dollars
dans un pays, et surtout une région, où
le chômage est presque la règle et où
les salaires sont dérisoires.
Plus
surprenant est le nombre de jeunes femmes démineurs.
Elles sont pourtant en majorité originaires de
ce sud très conservateur. Le voile des musulmanes
n'est visiblement pas, pour elles, un handicap. Chez
MAC, l'ONG britannique basée dans la région
de Tyr, elles sont âgées de 20 à
36 ans et tout aussi résolues que leurs collègues
masculins dont elles ont gagné le respect, malgré
les réticences formulées dans un premier
temps par l'armée et par l'ONU. Quelques-unes
n'excluent pas de s'expatrier si on le leur propose,
à l'image de l'une de leurs chefs, Leopard Zhubi,
de nationalité kosovare, employée, comme
son époux, par MAC.
Mouna Naim
Relève
à la Finul: les tirailleurs au Sud Liban
Octobre
2007-
Déjà le quatrième mandat pour la
Finul 2. Depuis le fin de la semaine dernière,
le contingent français de la Force Interimaire
des Nations Unies au Liban est confié à
des hommes (et des femmes) issus pour l'essentiel de
la 1ère Brigade mécanisée de Châlons
en Champagne.
Les
principaux régiments présents au sud du
Liban sont en premier lieu le 1er Régiment de
tirailleurs dEpinal, ainsi que le 501-503e Régiment
de chars de combat de Mourmelon, le 40e Régiment
dartillerie de Suippes, le 503è Régiment
du train de Bordeaux, le 28 Régiment de transmission
dIssoire et le 3e Régiment de génie
de Charleville-Mézières. Extraits
du blog "secret défense"
Révèlations: des bombardements israéliens
sur le Liban auraient violé des accords avec les
USA
AFP/29
Janvier 2007- La
Maison Blanche va remettre lundi au Congrès un
rapport sur l'utilisation au Liban par Israël de
bombes à fragmentation de fabrication américaine,
a indiqué dimanche le Département d'Etat,
sans confirmer la violation d'un accord évoquée
par le New York Times. Selon le quotidien, le document
conclut que Israël, avec cette utilisation, a pu
violer des accords avec les Etats-Unis sur les exportations
d'armes.
"Nous allons remettre au Congrès un premier
rapport", a indiqué à l'AFP un porte-parole
du département d'Etat, Kurtis Cooper, en refusant
d'évoquer ses conclusions. L'enquête "a
été lancée lors des premières
informations" sur le recours aux bombes à
fragmentation par Israël. Pour le moment, "aucune
date n'a été fixée pour un rapport
définitif", a ajouté le porte-parole.
En
Israël, le porte-parole du ministère des
Affaires étrangères, Mark Regev, a souligné
que les autorités israéliennes coopéraient
pleinement avec les enquêteurs américains.
"Nous travaillons en étroite coopération
avec les Etats-Unis, en toute transparence et dans les
détails, et nous menons également notre
enquête sur cette question", a-t-il dit.
Selon
le New York Times, à moins d'une initiative du
Congrès, il revient au président George
W. Bush d'imposer ou non des sanctions à Israël,
une éventualité qui paraît peu probable.
Selon le rapport destiné au Congrès, Israël
a reconnu avoir largué des milliers de munitions
à fragmentation sur le Liban lors du conflit
de l'été dernier, écrit le journal.
Mais l'Etat hébreu nie avoir violé des
accords passés avec les Etats-Unis, ajoute le
New York Times, citant le Département d'Etat
américain.
Selon
les Nations unies, Israël a lancé plus d'un
million de bombes à fragmentation lors du conflit,
entre le 12 juillet et le 14 août 2006, en réponse
aux attaques du Hezbollah. Parmi ces munitions à
fragmentation, figuraient des obus d'artillerie, des
roquettes et des bombes larguées par des avions,
dont beaucoup avaient été achetées
il y a plusieurs années aux Etats-Unis, a précisé
un responsable américain au Times.
La
législation américaine interdit l'utilisation
d'armes de ce type sur des zones civiles, mais Israël
affirme ne pas avoir visé la population et l'avoir
prévenue à l'avance des bombardements
par des tracts. L'administration américaine débat
toujours sur le fait de savoir si Israël a violé
les accords sur les exportations d'armes. "Il faut
se rappeler le type de guerre que menait le Hezbollah.
Ils se servaient de civils innocents pour protéger
leurs combattants", a dit au journal le porte-parole
du Département d'Etat, Sean McCormack.
Des
sanctions éventuelles pourraient inclure une
interdiction de vendre à Israël des bombes
à fragmentation, une mesure prise il y a 25 ans
par l'administration de Ronald Reagan après l'invasion
du Liban de 1982 et restée en vigueur pendant
six ans.
Mais Israël fabrique aussi ses propres munitions
à fragmentation et des sanctions resteraient
surtout symboliques, écrit le journal
Israël
veut-il vraiment d'un Liban souverain ? Par Dr Pierre Salem, médecin et ancien secrétaire
général adjoint
du Bloc National Libanais.
Des massacres à Cana, Srifa, Marwahine, etc. Des
cadavres jonchant les routes du Liban-Sud, des familles
décimées, un peuple sur les chemins de l'exode,
des dizaines de milliers de logements démolis,
des ponts éventrés, des routes labourées,
des usines détruites, des voitures et camions disloqués,
des champs et des arbres incendiés, du fuel sur
le littoral du Liban. La liste est longue. Tout ceci se
déroule avec la bénédiction de George
W. Bush et dans l'indifférence totale de plusieurs
dirigeants de ce beau monde.
Israël justifie ses crimes, comme une réponse
légitime à la capture de deux de ses soldats
par le Hezbollah.
Non et mille fois non !
Le motif annoncé n'est qu'un prétexte peu
convaincant.
Israël se sent au-dessus de toutes les lois.
Le déluge de feu orchestré par Tsahal contre
le Liban et sa population vise des objectifs bien différents
que ceux annoncés par l'État hébreu.
Parmi ces objectifs on note :
1/ Mettre la main sur l'eau du Liban, enjeu majeur
de la survie d'Israël, pays ne disposant que de 400
mètres cubes d'eau par habitant et par an. Il ne
faut pas oublier qu'en 1919, Chaïm Weizmann, président
de l'organisation sioniste mondiale, avait écrit
à Lloyd George, premier ministre britannique, pour
lui demander de faire de la vallée du Litani la
frontière nord de la Palestine. La France, puissance
mandataire au Liban à l'époque, s'était
opposée à ce projet. En 1963, Israël
avait bombardé les travaux entrepris par le Liban
pour exploiter le fleuve Wazzani.
Plus tard, la guerre de 1967 fut une guerre pour le contrôle
des sources du Jourdain. Enfin, il est important de savoir
que les Fermes de Chebaa, occupées par Israël
depuis 1967, surplombent un important réservoir
d'eau estimé à 1,5 milliard de mètres
cubes.
2/Pousser la population du Liban-Sud à
un exode forcé vers le nord du pays, dans le
but de modifier la démographie et affaiblir l'équilibre
et l'entente intercommunautaire.
3/Provoquer des tensions entre les différentes
communautés et replonger le pays dans une nouvelle
guerre civile.
Condoleezza Rice n'est-elle pas venue à Beyrouth
pour exiger de certains leaders du mouvement du 14 Mars
qu'ils prennent une position claire contre le Hezbollah
? Et l'aviation israélienne n'a-t-elle pas détruit
les installations de la Voix de la paix, une radio installée
dans la partie à prédominance chrétienne
du pays à plus de 120 kilomètres de la frontière
avec Israël, qui appelait les chrétiens à
accueillir leurs compatriotes chiites, fuyant le Liban-Sud
?
4/Forcer les Libanais du Sud à un exode
massif vers le nord du pays, en vue deles remplacer
par les 500 000 réfugiés palestiniens
auxquels Israël oppose le refus de retourner dans
leur pays en application de la résolution 194 de
l'ONU.
5/ Détruire les infrastructures, les ponts et
voies de communication, notamment entre le Liban et
la Syrie pour porter un coup dur à l'économie
libanaise en paralysant le port de Beyrouth et les recettes
que le transit vers les pays arabes apporte à l'État
libanais.
6/Faire perdre au Liban son industrie touristique,
et tout particulièrement cette saison, qui s'annonçait
excellente et qui devait rapporter au pays 4 milliards
de livres libanaises.
Il ne faut pas oublier qu'en refusant de se retirer des
hameaux de Chebaa en l'an 2000, Israël a offert à
la résistance libanaise, qu'elle dit combattre
aujourd'hui, l'occasion de se renforcer. Israël a,
de la même manière, offert à la Syrie
et à l'Iran l'occasion d'armer le Hezbollah, empêchant
ainsi l'État libanais d'étendre sa souveraineté
sur une partie du Liban-Sud. Israël ne veut pas d'un
Liban uni, fort, indépendant et souverain. Il veut
accaparer son eau et l'obliger à accepter une assimilation
définitive des réfugiés palestiniens
qui sont sur son sol.
Ceci est un résumé des objectifs de l'État
hébreu. Son premier ministre, Ehoud Olmert,
a bien déclaré que la priorité d'Israël
n'était pas de désarmer le Hezbollah.
CROIX
ROUGE LIBANAISE
Beaucoup de civils souffrent les
conséquences des dernières attaques sur
le Liban.
La Croix Rouge Libanaise a urgemment besoin de sang.
Vous pouvez donner du sang à condition:
1-d'être
en bonne santé
2-d'avoir au moins 17 ans
3-de peser au moins 45kg
4-de ne pas avoir de problème cardiaques ou pulmonaires
5-de ne pas être atteint de cancer ou de SIDA
6-de ne pas être enceinte.
7-d'avoir bien mangé avant de donner du sang.
Une
nouvelle voix chez les chiites libanais
L'interview
du Mufti de Tyr, Ali Al Amin
Des
fissures au sein de la communauté chiite commencent à
apparaître Sévèrement
décrié par une instance religieuse de poids, apparaissant
en turban noir et donc descendant du Prophète, le mufti
de Tyr et du Jebel Amel, Ali Amine n'hésite pas à
exprimer jusqu'à la télévision ses profondes
divergences avec le Hezbollah, notamment au sujet du concept dappartenance
nationale. Plusieurs
fois invité sur les chaînes de télévisions
locales, Ali Amine a critiqué sévèrement
lors dune conférence de presse à Tyr la position
du Hezbollah. Il ne voit nullement une victoire du Hezbollah sur
Israël, mais une défaite pour le Liban en entier.
En faisant porter la responsabilité du déclenchement
de la guerre entre le Liban et Israël au Hezbollah, il déclare
: « la Hezbollah a violé les résolutions du
conseil de sécurité de lONU en dépassant
la ligne bleue et en enlevant deux soldats israéliens »,
ajoutant : « cette opération était illégitime
et point nécessaire. »
La Guerre du Liban
De
1975 à 1990, le Liban,
dont le système politique repose
sur un fragile équilibre intercommunautaire, est le terrain
d’une guerre aux visages multiples, dont les enjeux sont aussi
bien libanais que régionaux et internationaux.
Cartes animées grâce au site
"histoire à la carte" cliquez!
Le
commandement restera français
pour 6 mois L'armée
française dotée d'un matériel lourd
Depuis le retrait du Liban, le Hezbollah a multiplié
ses réseaux au sein de la société israélienne >
Lire
La
page de l'encyclopédie Wikipédia
sur le Hezbollah
PORTRAIT
Hassan Nasrallah,
un chef charismatique,
qui ne se contente pas de discourir...
Dans
le monde arabe, où tout leader est généralement
jugé à son éloquence verbale, sayyed Hassan
Nasrallah tranche. Lhomme qui a le sens de la mise en
scène il la montré lors de son discours
diffusé en simultané avec le bombardement du navire
de guerre israélien et qui, de lavis même
de ses détracteurs, est charismatique, est aussi un homme
daction. Il est même pratiquement le cerveau du
Hezbollah. Depuis quil sest engagé en 1982
dans les rangs de la Résistance contre linvasion
israélienne, le jeune homme a fait du chemin dans les
rangs de la formation.
Originaire de Bint Jbeil, il avait 22 ans lorsquil sest
enrôlé au sein du Hezbollah qui était à
lépoque un vague groupuscule complètement
sous la férule des Gardiens de la révolution iraniens.
Au départ, il nétait quun combattant
comme les autres, mais il sest rapidement détaché
du lot, gravissant les échelons au sein de la formation
pour en devenir le secrétaire général en
1991, après lassassinat de Abbas Moussaoui par
les Israéliens.
Les deux secrétaires généraux qui lavaient
précédé navaient ni son charisme
ni son sens de lorganisation. Cheikh Sobhi Toufayli était
perçu comme un chef extrémiste, qui prônait
une sorte de révolution permanente et qui était
loin de jouir dun pouvoir réel sur les combattants.
En 1990, après la conclusion de laccord de Taëf
et alors que la Syrie qui exerçait alors sa tutelle sur
le Liban avait décidé de pacifier le pays, Toufayli
le jusquau-boutiste a été évincé
et remplacé par Abbas Moussaoui. Ce dernier na
pas eu vraiment le temps dimprimer sa marque sur le Hezbollah
car il a été assassiné ainsi que sa femme
et son fils. Il a donc fallu lui trouver un remplaçant
et cest ainsi, dit-on, que les Iraniens, qui connaissaient
bien le Hezbollah, ont choisi Hassan Nasrallah, avec laval
du président syrien Hafez el-Assad.
Nasrallah avait alors 31 ans et très vite, il a complètement
transformé le parti. Celui-ci a commencé dabord
par sintégrer au sein de la vie politique libanaise,
en participant aux élections législatives de 1992.
En même temps, il sorganisait en tant que mouvement
de résistance.
Les observateurs saccordent à dire que sous le
commandement de Nasrallah, le Hezbollah a mené dans le
passé deux confrontations avec Israël qui se sont
soldées par une victoire de la formation. Il y a eu lopération
de juillet 1993, au cours de laquelle le Hezbollah a bénéficié
de lappui de larmée par le biais de son commandant
en chef, le général Émile Lahoud, contraignant
Israël à se replier dans la fameuse bande frontalière,
puis lopération « les Raisins de la colère
», en avril 1996, qui sest terminée par les
arrangements davril, conclus sous légide
de la France et avec la participation active de Rafic Hariri.
Ces arrangements légalisent la résistance du Hezbollah,
tout en protégeant les populations civiles des deux côtés
de la frontière.
Hassan Nasrallah est ainsi perçu à la fois comme
un chef militaire et comme un homme politique, puisquil
a réussi cette double fonction : transformer le Hezbollah
en parti politique de masse, tout en améliorant ses performances
militaires.
Des
massacres évités
Lhomme, qui na multiplié que tout récemment
ses apparitions publiques, sest doté dune
stature de chef charismatique, lorsque son fils Hadi, qui avait
dix-huit ans, est mort en martyr au cours dune confrontation
avec Israël. Ce jour-là, Hassan Nasrallah, pourtant
très éprouvé, na pas versé
une larme. Et à ceux qui venaient lui présenter
leurs condoléances, il disait : « Mon fils a eu
cette chance inouïe de mourir en martyr. Si sur le plan
personnel, je souffre, sur le plan national, je suis un homme
heureux. »
En 2000, son attitude nationale lui a aussi conféré
une nouvelle stature. Alors quen retirant ses troupes
brusquement et sans coordination ni avec le Liban ni avec la
Finul, Israël avait misé sur des massacres intercommunautaires,
Hassan Nasrallah a donné des instructions très
strictes à ses hommes pour éviter tout règlement
de comptes interne. Et, dans un discours célèbre
prononcé à Bint Jbeil, quelques jours après
le retrait total des troupes israéliennes, il avait dédié
cette victoire à tous les Libanais.
Dès lors, on aurait pu croire le Hezbollah définitivement
tourné vers la politique et lintégration
dans le tissu social. En fait, Nasrallah continuait en parallèle
à armer et à entraîner ses hommes. Lhomme
de dialogue, dont les politiciens libanais saluent la propension
à la dialectique, est resté un chef militaire.
Ceux qui le connaissent de près affirment quil
est un homme dune grande culture, spécialiste de
tous les mouvements de libération dans le monde, mais
aussi féru de religion. Il sintéresse notamment
au christianisme et aime se lancer dans des débats théologiques.
Mais Nasrallah est aussi un pragmatique, un homme du terrain,
doté dun grand sens de lorganisation et de
la discipline.
Ses proches affirment quil est tout le contraire dun
impulsif, ne se laissant jamais entraîner dans des réactions
non étudiées. Il écoute et consulte beaucoup
et ne prend aucune décision qui ne soit mûrement
réfléchie. Mais cest aussi un homme de pouvoir,
qui veille aux moindres détails et qui naime pas
déléguer ses prérogatives. Le règlement
interne du parti a dailleurs été amendé
pour lui permettre dexercer un nouveau mandat.
Sur le plan personnel, cest un croyant sincère
qui applique à la lettre les principes de lislam.
Incorruptible, il est très strict avec ses hommes sur
ce sujet. Mais il est aussi doté dun grand sens
de lhumour, tout en étant assez timide. À
ses proches, il avoue son grand attachement à la chaîne
al-Manar, quil a lui-même lancée, et dont
il veut faire une des armes de la confrontation.
Avec ses trois casquettes, dhomme politique, de chef militaire
et de dignitaire religieux, Hassan Nasrallah est aujourdhui
une des figures les plus marquantes du monde arabo-musulman.
Scarlett HADDAD
Option guerrière et iranienne, ou retour à la
formule du Liban-message :
il est temps pour le Hezbollah de trancher
Le Hezbollah cherche-t-il à
se poser en concurrent de lÉtat ?
Beyrouth,
28 Août 2006-
Deux semaines, jour pour jour, après la cessation des
hostilités entre Israël et le Hezbollah, la trêve
reste précaire. Le maintien du blocus aérien et
maritime imposé par lÉtat hébreu
ainsi que les premiers flottements dans la mise sur pied de
la « Finul II » ont laissé le pays quelque
peu figé dans une situation déquilibre instable.
Mais la décision prise jeudi dernier par le président
Jacques Chirac de porter à 2 000 militaires les effectifs
du contingent français de Casques bleus, de même
que le pas décisif qua franchi, le lendemain, lUnion
européenne en se décidant à être
lépine dorsale de la force Onusienne ont incontestablement
redonné une salutaire lueur despoir aux Libanais
: lespoir que la résolution 1701 soit un réel
rouleau compresseur balayant sur son passage toute réticence
ou velléité dobstruction susceptible de
torpiller ou dentraver le rétablissement dune
paix civile au Liban.
La tournée régionale du secrétaire général
de lONU, Kofi Annan attendu aujourdhui, lundi,
à Beyrouth et laccélération
attendue du déploiement des unités européennes
devraient donner un élan certain au rouleau compresseur
de la 1701. La (re)stabilisation devrait par conséquent
se confirmer sur le terrain, de sorte que la parole est à
nouveau à la politique, au débat, au dialogue
interne. Comme il ressort implicitement de linterview
accordée par le Premier ministre, Fouad Siniora, à
une télévision canadienne, lheure est sans
doute venue de tirer les leçons de cette amère
expérience qui a été imposée aux
Libanais 33 jours durant. Lheure est venue, à nen
pas douter, de demander au Hezbollah dapporter des réponses,
cartes sur table et sans ambiguïté, à un
certain nombre de questions fondamentales, voire fondatrices.
Des questions qui doivent être posées en toute
franchise, en toute ouverture desprit, à la lumière
du comportement, des prises de position et de la doctrine même
du parti chiite.
Dans son dernier discours, le secrétaire général
du Hezbollah, Hassan Nasrallah, soulignait sa détermination
à conserver son arsenal militaire car, affirmait-il,
larmée libanaise nest pas encore en mesure
dassurer la défense du pays face à Israël.
Et dans une critique à peine voilée, teintée
dironie, à légard de lÉtat,
il ajoutait, sur un tout autre plan, que son parti comptait
indemniser directement la population sinistrée et entamer
leffort de reconstruction immédiatement parce que
le gouvernement pourrait tarder, selon lui, à lancer
le chantier du redressement. De fait, dès les premiers
jours de la trêve, le Hezbollah versait à ses partisans
des centaines de milliers de dollars en argent liquide en dehors
du circuit bancaire et du contrôle de la Banque du Liban.
À son attitude unilatérale au niveau militaire,
le parti chiite ajoutait ainsi une autre attitude unilatérale,
tout aussi grave, sur le double plan social et financier.
Une telle approche « isolationniste » de la situation,
créée suite aux retombées de lopération
du 12 juillet, est-elle destinée simplement à
la consommation interne ou reflète-t-elle au contraire,
de la part du Hezbollah, une fronde contre lÉtat,
une volonté de court-circuiter, dans la pratique, lExécutif
pour mettre en relief les propres structures du parti et les
placer en concurrence directe avec les circuits étatiques
? En clair, le Hezbollah aurait-il lintention de confirmer
et de consolider, idéologiquement, son positionnement
paraétatique ? Cherche-t-il à se forger son propre
espace public, dans un esprit de « cantonisation »
? Cette apparente tendance à faire cavalier seul sinscrit-elle
dans une logique de « fédération de communautés
» ou est-elle plutôt, tout banalement, dirigée
contre la structure étatique actuelle, celle de lalliance
du 14 Mars ?
Dans le premier cas de figure, les Libanais sont en droit de
demander au Hezbollah de préciser quel est son réel
projet de société, quelle vision a-t-il de ses
rapports avec les autres composantes socio-communautaires du
pays, quelle est sa conception du droit à la différence,
du respect de lautre, des libertés publiques, notamment
la liberté de pensée et dexpression ? Dans
le second cas de figure si son hostilité est dirigée
uniquement contre lÉtat contrôlé par
les forces du 14 Mars le Hezbollah aurait-il toujours
lintention de continuer à entraîner le pays
dans le giron de la République islamique iranienne ?
Et dans ce cadre, compte-t-il toujours accorder la priorité
à la raison dÉtat du régime de Téhéran
au détriment des impératifs de lunité
interne libanaise ? Il est intéressant de relever à
ce propos que le mufti chiite de Tyr et de Jabal Amel, limam
Ali el-Amine, a contesté, dans une interview à
la LBC, samedi, le choix doctrinaire fait par le Hezbollah (dès
sa fondation au début des années 80) de sen
référer au guide suprême de la Révolution
iranienne comme « wali el-fakih » (lautorité
de référence politico-religieuse). Un tel choix
revient à sen remettre impérativement au
guide suprême iranien (actuellement limam Khamenei,
et avant lui layatollah Khomeyni) pour toute décision
à caractère stratégique, notamment les
options de guerre ou de paix ou même, comme ce fut le
cas en 1992, la participation à des élections
législatives.
Pour que le dialogue interne ne soit pas quune simple
manuvre dilatoire, le Hezbollah est appelé, aujourdhui
plus que jamais, à opérer concrètement
un choix identitaire en levant, une fois pour toutes, léquivoque
portant sur son allégeance politique au « wali
el-fakih ».
Dire que le pays est à la croisée des chemins
serait un lieu commun. Mais dans le contexte présent,
le Hezbollah se trouve réellement face à lalternative
suivante : persister à vouloir imposer à ses partenaires
nationaux son propre agenda iranien et guerrier, en considérant
que laffrontement illimité avec Israël est
une fin en soi, un projet politique en tant que tel (ce qui
serait générateur de discorde et de tensions internes)
; ou, plutôt, capitaliser sur le pluralisme libanais,
source de richesse, en sefforçant de mettre en
relief, de bonifier, les valeurs humaines, culturelles, spirituelles,
qui peuvent unir, enrichir et servir de ciment à un projet
de société fondé sur la tolérance,
lacceptation de lautre, le droit à la différence
et le respect des libertés publiques. Angélisme
et utopie ? Pas vraiment, car il sagit aujourdhui
de choisir entre loption de société guerrière,
sans enjeu proprement libanais, ou le retour à la formule
conviviale du Liban-message, dans le sens défini par
Jean-Paul II. Et sur ce plan, cest au Hezbollah, présentement,
de décider, sans délais, sur laquelle de ces deux
voies il désire sengager.
Michel
TOUMA
La rétrospective des principaux faits de guerre
Photos-ressource: l'Orient-LeJour
Offensive terrestre sérieusement perturbée
Les USA approvisionnent les forces israéliennes
avec des bombes M26 à fragmentation Le
convoi de Marjayoun escorté par la FINUL bombardé:
14 morts de plus à l'actif de l'envahisseur!
Tsahal:
une activité incessante le long de la frontière
depuis le départ du Liban-Sud en Mai 2000
Réactions
>
Dossier sur le Hezbollah
Le Hezbollah entre allégeances ambiguës
et réalités libanaises
Lémergence du Hezbollah, aboutissement dun lent processus
de maturation sociopolitique Létude réalisée
par Michel HAJJI GEORGIOU et Michel TOUMA
Quelle
que soit lissue du conflit actuel qui secoue le pays, un vaste
débat sera sans doute ouvert sur lavenir politique du Hezbollah
et la nature de ses rapports futurs avec les autres composantes du tissu
social libanais. Dores et déjà, certaines questions
sont sur toutes les lèvres. Les décisions politiques du
Hezbollah sont-elles, oui ou non et dans quelle mesure, tributaires
de la raison dÉtat iranienne ? Le Hezbollah est-il motivé
par des considérations strictement communautaires qui dépassent
le cadre du Liban et qui sinscrivent dans un schéma régional
plus large ? Comment expliquer la rapide montée en puissance
de cette formation chiite ?
Dans une série de trois articles, Michel Hajji Georgiou et Michel
Touma analysent les différents facteurs historiques, sociologiques,
doctrinaux et politiques qui constituent lossature et les fondements
du Hezbollah. Le premier article expose le lent processus historique
et sociopolitique qui a pavé la voie à la naissance du
parti, au début des années 80. Le deuxième article
aborde les circonstances qui ont marqué la création du
Hezbollah, ainsi que les racines et les grandes lignes directrices qui
sont à la base de son action politique.
Enfin, les questions sociologiques et doctrinales, sous langle
de la philosophie politique, sont analysées dans le dernier article.
Ces trois articles sont tirés dune étude complète
sur le sujet publiée par les auteurs dans le numéro 77
de la revue Travaux et jours de lUniversité Saint-Joseph.
Lémergence du Hezbollah sur la scène politique libanaise
au début des années 80 est en quelque sorte le couronnement
dune longue maturation de laffirmation de la présence
et de lidentité des chiites en tant que communauté
sociopolitique sur léchiquier local. Afin de cerner les
conditions objectives qui ont pavé progressivement la voie à
la rapide implantation du Hezbollah dans le pays, il serait dabord
utile de se livrer à un rapide survol de la situation peu enviable
à laquelle cette communauté a été confrontée
à travers lhistoire contemporaine du Liban.
Sous lEmpire ottoman, les droits des chiites nétaient
pas reconnus, comme le démontre la formation au XIXe siècle,
conformément au règlement dit de Chékib Effendi,
dun conseil consultatif dans chacun des deux caïmacamats
créés au Mont-Liban au milieu du siècle. À
la suite du déclenchement, en 1845, de troubles confessionnels
dans la montagne, les grandes puissances de lépoque engagèrent
des pourparlers avec les autorités ottomanes afin de mettre un
terme aux affrontements. Du fait de ces démarches internationales,
le ministre turc des Affaires étrangères, Chékib
Effendi, décida de créer au sein de chacun des deux caïmacamats
de la montagne un conseil mixte regroupant à raison dun
délégué par communauté des juges
représentant les maronites, les grecs-catholiques, les grecs-othodoxes,
les sunnites et les druzes. Le juge sunnite était ainsi chargé
de représenter en même temps les chiites
1. Cette discrimination se poursuivra jusquà la
chute de lEmpire ottoman et il faudra attendre pratiquement jusquen
1926 pour que lexistence de la communauté chiite, en tant
quentité, soit officiellement reconnue 2. Cette reconnaissance est dans une certaine mesure lune
des conséquences de la proclamation du Grand Liban, en 1920.
Mais parallèlement à cette retombée à caractère
politique, le rattachement de régions périphériques
au Petit Liban (formé essentiellement de la montagne) aura aussi
des effets considérables sur la structure socioéconomique
de la nouvelle entité du Grand Liban.
En raison de la large autonomie dont il bénéficiait dans
le cadre de lEmpire ottoman, le Petit Liban avait connu au fil
des années un développement substantiel tant au niveau
de linfrastructure de base que sur le double plan culturel et
pédagogique. La prolifération décoles privées
relevant des missions religieuses étrangères ainsi que
la fondation de deux grands établissements universitaires occidentaux
(lUniversité Saint-Joseph et lUniversité américaine),
de même que louverture, dune manière générale,
sur la culture occidentale ont fait du Petit Liban un phare pédagogique
et culturel privilégié dans la région. Dans le
même temps, les infrastructures de base se sont sensiblement développées,
non seulement au Mont-Liban, mais également à Beyrouth
qui sest peu à peu imposée de facto comme la capitale
de lentité libanaise restreinte. Le Petit Liban et avec
lui Beyrouth ont bénéficié du développement
du réseau routier, du port, de la voie ferroviaire reliant le
littoral à Damas, en passant par la montagne, sans compter linfrastructure
hospitalière et médicale en pleine expansion, lextension
des moyens de transport public et, surtout, la création dun
grand nombre dentreprises commerciales et industrielles, notamment
à Beyrouth 3. Le rattachement, en 1920, des villes de Tripoli et Saïda,
et des régions du Sud, de la Békaa et du Nord au Petit
Liban a donné naissance à une entité caractérisée,
globalement, par un profond clivage sur le plan des niveaux de
vie culturels, pédagogiques et socioéconomiques
entre le « centre » (Beyrouth et la montagne, en loccurrence
le Petit Liban) et la « périphérie » (les
régions nouvellement rattachées au Petit Liban, qui dépendaient
directement de « lhinterland » ottoman et qui navaient
donc pas bénéficié de lessor enregistré
au Mont-Liban du fait de lautonomie dont jouissait cette région) 4. Ce fossé socioéconomique sest maintenu
longtemps après lindépendance de 1943. Il a constitué
les germes de la situation sociale peu enviable dans laquelle a été
maintenue la communauté chiite qui représentait pratiquement
le gros de la population des régions périphériques
défavorisées rattachées au Petit Liban.
Le caractère essentiellement maronito-sunnite du pacte national
de 1943 et du partage de pouvoir instauré après lindépendance
a contribué à ajouter un aspect politique à la
marginalisation socioéconomique des chiites, dautant que
la classe politique chiite de la période postindépendance
était formée principalement de leaders féodaux
traditionnels qui se sont avérés être déconnectés,
dans une large mesure, des réalités populaires de leur
communauté. Si bien que le pouvoir central navait aucun
scrupule à négliger, en termes de politique de développement
global (dans les différents domaines), les régions périphériques
(principalement chiites).
Laction
des ulémas et de Moussa Sadr
La situation de la population chiite sest davantage dégradée
à la fin des années 60 et au début des années
70 avec limplantation des organisations armées palestiniennes
au Liban-Sud, la recrudescence des opérations menées par
les Fedayine contre Israël à partir du Arkoub et les représailles
israéliennes qui visaient la région méridionale,
donc des zones à forte densité populaire chiite. Il en
a résulté un mouvement dexode progressif, mais soutenu,
de ces populations en direction des banlieues de la capitale. Ces Sudistes
forcés à lexode sont venus grossir ainsi les rangs
dun sous-prolétariat chiite qui constituait déjà
autour de la capitale une « ceinture de misère ».
Cest dans un tel contexte potentiellement explosif quont
débarqué à Beyrouth dans le courant des années
60 un certain nombre dulémas chiites qui venaient dachever
leur formation religieuse à Qom ou à Najaf. Trois dentre
eux, limam Moussa Sadr, cheikh Mohammad Mehdi Chamseddine et cheikh
Mohammad Hussein Fadlallah, se sont rapidement distingués par
leur charisme, leur vaste culture religieuse et leur vision claire de
la voie qui devrait être suivie pour sortir les chiites de leur
situation de population déshéritée. Tout en adoptant,
au départ, un profil bas, ils ont multiplié les conférences,
les rencontres et les débats au sein des clubs, des lieux de
culte et des associations sociales, chacun dans une zone à forte
implantation chiite 5. Limam Moussa Sadr sest avéré être,
sans tarder, le plus politisé des ulémas. Mettant parfaitement
à profit un charisme peu commun, il sillonnait le pays et multipliait
les conférences. Vers la fin des années 60, il sétait
déjà imposé comme un pôle dinfluence
politico-communautaire dont létoile ne cessait de monter.
En 1967, il réussit à obtenir du pouvoir central la formation
du Conseil supérieur chiite, dotant ainsi la communauté
dune institution censée affirmer lidentité
et la présence sociopolitique des chiites.
Mal perçu par les politiciens traditionnels, qui voyaient en
cette instance une sérieuse menace pour eux, le CSC a vu son
rôle réduit à un simple regroupement de notabilités
et de responsables qui tentaient tant bien que mal daccorder leurs
violons au sujet des questions politiques et nationales qui étaient
au centre de lactualité. Moussa Sadr sest alors attelé
à la création dun mouvement populaire, le Mouvement
des déshérités, ayant pour mission de répondre
aux aspirations politiques et sociales de la communauté chiite,
notamment sur le plan de la lutte contre le sous-développement
socioéconomique dans lequel se débattaient les régions
chiites au Liban-Sud, dans la Békaa et dans les banlieues de
Beyrouth. Lun des objectifs sous-jacents de ce mouvement était
aussi de soustraire les milieux populaires chiites à linfluence
grandissante des partis arabisants ou de gauche, et des organisations
palestiniennes armées, mais aussi de créer un substitut
aux leaders féodaux traditionnels qui maintenaient la communauté
dans un état de léthargie chronique.
Définissant la ligne directrice de son action, Moussa Sadr prononce
le 18 février 1974 un discours qui sera considéré
par certains comme lacte de naissance du chiisme libanais, sa
première expression politique en tant que telle : « Notre
nom nest pas metwali. Notre nom est celui du refus
(rafezun), celui de la vengeance, celui de ceux qui se révoltent
contre toute tyrannie. Même si nous devons le payer de notre sang,
de notre vie Nous ne voulons plus de beaux sentiments, mais de
laction. Nous sommes las des mots, des états dâme,
des discours Jai fait plus de discours que quiconque. Et
je suis celui qui a le plus appelé au calme. Jai assez
lancé dappels au calme. À partir daujourdhui,
je ne me tairai plus. Si vous restez inertes, moi non » 6. Le Mouvement des déshérités a constitué
ainsi la première structure sociopolitique dont avaient pu se
doter les chiites du pays depuis lépoque de lEmpire
ottoman. Face à limplantation des organisations palestiniennes
armées dans le Arkoub et sous leffet de lescalade
militaire qui sest ensuivie, limam Sadr a créé
secrètement, au début des années 70, une milice
armée, le mouvement Amal, encadrée et entraînée
par le Fateh. Lexistence de cette milice devenue la nouvelle
façade du Mouvement des déshérités
a éclaté au grand jour en 1974 à la suite dune
explosion meurtrière survenue lors dun entraînement
militaire organisé dans la Békaa. Lapparition du
mouvement Amal sous limpulsion de Moussa Sadr a permis ainsi de
canaliser au sein dune structure communautaire le sous-prolétariat
chiite qui, en labsence dune telle structure, avait été
attiré et phagocyté par des partis laïcisants ou
de gauche, tels que le Parti communiste, lOrganisation de laction
communiste (OACL) ou le Baas.
Cette action politique et militaire menée par limam Sadr
ainsi que lensemble de la situation politico-socio-économique
désastreuse dans laquelle se débattaient les chiites depuis
de nombreuses années et dont les racines remontaient à
1920 ont constitué le terreau qui favorisera lémergence
et le rapide renforcement du Hezbollah dans le courant des années
80. Pour certains observateurs, la culture politique que Moussa Sadr
a contribué à enraciner et quil a puisée
dans les valeurs du chiisme, ainsi que léveil communautaire
quil a suscité ont frayé la voie à la création
du Hezbollah7.
A suivre: « La naissance du Hezbollah
et les fondements de son action politique »
Bibliographie
utile:
1. Edmond RABBATH, La formation historique du Liban politique et constitutionnel,
Publications de lUniversité libanaise, Beyrouth 1973.
2. Theodor HANF, Liban, coexistence en temps de guerre, de leffondrement
de lÉtat à lessor de la nation, Centre détudes
euro-arabe, Paris, 1993, traduit de lallemand.
3. Theodor HANF, Liban, coexistence en temps de guerre, de leffondrement
de lÉtat à lessor de la nation, op.cit.
4. Ibid.
5. Naïm KASSEM, Le Hezbollah, orientation, expérience et
avenir, éditions Dar al-Hadi, Beyrouth.
6. Walid CHARARA et Frédéric DOMONT, Le Hezbollah, un
mouvement islamo-nationaliste, Fayard, Paris, 2004.
7. Ibid.
La
naissance du Hezbollah et les racines de son action politique
Lémergence
du Hezbollah sur la scène libanaise au début des années
80 est incontestablement le fruit de la mise en place de la République
islamique en Iran. Lopération israélienne «
Paix en Galilée », en 1982, a constitué dans ce
cadre un catalyseur à la création du parti intégriste
chiite. Après avoir exposé le lent processus historique
et sociopolitique qui a pavé la voie à limplantation
du Hezbollah au Liban (voir LOrient-Le Jour du samedi 29 juillet),
Michel Hajji Georgiou et Michel Touma abordent, dans un deuxième
article, le contexte qui a accompagné la naissance et la diffusion
du parti chiite au Liban, évoquant en outre limportance
du culte du martyre chez le Hezbollah, et les chiites en général,
ainsi que les grandes orientations politiques de la formation intégriste.
Ces articles sont tirés dune étude publiée
par les auteurs dans le numéro 77 de la revue Travaux et jours
de lUniversité Saint-Joseph.
Linstauration de la République islamique en Iran, en février
1979, et la politique dexportation de la révolution pratiquée
au début par le nouveau pouvoir ont été, à
lévidence, le principal catalyseur du développement
de la mouvance intégriste chiite dans le pays. Lorsque lAyatollah
Khomeyni prit les commandes à Téhéran, des groupuscules
islamistes chiites étaient déjà actifs au Liban,
mais à une échelle réduite. Il sagissait
essentiellement du Rassemblement des ulémas de la Békaa,
des « comités islamiques », et de la branche libanaise
du parti chiite irakien al-Daawa (dont sayyed Mohammad Hussein Fadlallah
se faisait le porte-étendard au Liban).
Cette nébuleuse sest maintenue jusquà lopération
israélienne « Paix en Galilée », en juin 1982.
La rapide percée des troupes de Tsahal jusquaux portes
de Beyrouth a incité ces groupuscules chiites à mener
des opérations ponctuelles de résistance. Les rangs de
cette mouvance intégriste ont été renforcés
durant ce mois de juin par lapparition dune dissidence au
sein du mouvement Amal, dirigé par Nabih Berry depuis la disparition
de Moussa Sadr en Libye, en août 1978. À la suite de la
décision de Nabih Berry de faire partie du Comité de salut
formé en juin 1982 par le président Élias Sarkis
(et regroupant le chef du gouvernement, Chafic Wazzan, ainsi que Béchir
Gemayel et Walid Joumblatt), plusieurs responsables et cadres mèneront
une dissidence en créant le mouvement Amal islamique.
Face à lampleur de loffensive israélienne,
les responsables des différents groupuscules en question ont
pris conscience de la nécessité de mettre sur pied une
structure partisane bien organisée dont les fondements et la
stratégie daction seraient basés sur les trois axes
suivants :
Lislam constitue la ligne de conduite globale en vue dune
vie meilleure. Il représente le fondement idéologique,
pratique, de la pensée et de la foi sur lequel devrait être
bâtie la nouvelle formation politique.
La résistance contre loccupation israélienne
est une priorité. Il est par conséquent nécessaire
de créer une structure adéquate pour le jihad et de mobiliser
toutes les potentialités nécessaires sur ce plan.
Le commandement revient au guide suprême (à lépoque
lAyatollah Khomeyni), en tant quhéritier du Prophète
et des imams. Cest à lui que revient la charge de définir
les grandes lignes de laction au sein de la nation (islamique),
et ses décisions sont contraignantes1.
À la lumière de ces trois principes fondamentaux, les
responsables des groupuscules chiites multiplieront les réunions
et les débats internes afin de jeter les bases de la nouvelle
formation politique en gestation. Ces débats déboucheront
sur lélaboration dun document politique fondateur.
Un comité de neuf trois représentants du Rassemblement
des ulémas de la Békaa, trois des Comités islamiques
et trois du mouvement Amal islamique sera chargé de soumettre
ce document au guide suprême. Après avoir obtenu laval
de lAyatollah Khomeyni, les différents groupuscules concernés
se sont autodissous pour former un seul parti fédérateur
qui prendra pour nom le Hezbollah2.
Ce processus de fusion a donc été lancé dans le
courant de lété 1982, mais ce nest quà
la fin de lannée 1983 que le Hezbollah verra formellement
le jour. Le processus ne viendra à maturation quau début
de 1985 lorsque le Hezbollah dévoilera son premier programme
politique.
Rapidement, la nouvelle formation bénéficiera de lappui
politique, logistique et militaire de lIran par le biais, notamment,
de lenvoi, via la Syrie, de cadres et dexperts des Gardiens
de la révolution qui mettront sur pied des camps dentraînement
militaire dans la Békaa afin de former les militants du Hezbollah.
Le
culte du martyre
Dans un premier temps, entre 1982 et 1985, la mouvance intégriste
accordera la priorité absolue aux opérations de résistance
contre Tsahal. En dépit du profond déséquilibre
des forces en présence, les combattants chiites ont rapidement
réussi à porter des coups durs à larmée
israélienne. Ces réussites ponctuelles contre le géant
israélien sexpliquent essentiellement par limportance
que revêt la notion de martyre dans linconscient chiite.
Le martyre de limam Hussein lors de la bataille de Kerbala (680)
constitue pour les chiites croyants un mythe, un exemple à suivre
au niveau de chaque individu. Le jeune chiite reçoit, dès
son jeune âge, une éducation basée sur lidéal
du martyre. Le « numéro deux » du Hezbollah, cheikh
Naïm Kassem, souligne à ce propos, dans son livre sur le
parti, que « si les gens reçoivent une éducation
fondée uniquement sur la recherche de la victoire, qui devient
ainsi à la base de leur action, leur lutte contre lennemi
sestompera sils réalisent que la victoire est lointaine
ou incertaine ». « Par contre, précise-t-il, si les
gens reçoivent une éducation fondée sur le martyre,
leur don de soi a pour effet daccroître au maximum lefficacité
de leur action. Sils tombent martyrs, ils auront réalisé
leurs vux. Sils réalisent une victoire, ils auront
obtenu une vive satisfaction au cours de leur vie ici-bas. Léducation
basée sur la notion de victoire ne garantit pas la victoire et
inhibe la force potentielle de la nation. Par contre, inculquer la notion
de martyre revient à tirer profit de toutes les potentialités,
ce qui permet de réaliser le martyre ou la victoire, ou les deux
en même temps. Cela ouvre la voie à toutes les possibilités.
Inculquer la notion de victoire implique de miser sur les moyens matériels,
mais inculquer la notion de martyre a un effet mobilisateur au niveau
du moral (de la population), ce qui implique que des moyens limités
deviennent nécessaires » pour mener la lutte3.
Tomber martyr au service des préceptes de Dieu devient ainsi
un honneur suprême pour tout jeune chiite. Et lobjectif
sur ce plan nest pas tant de remporter une victoire militaire
directe et immédiate, mais plutôt davoir eu le privilège
dêtre martyr, de sêtre sacrifié par amour
du Tout-Puissant, dautant que la vie dans lau-delà
promet le bonheur éternel. Rester attaché à la
vie dici-bas, motivée par les contingences matérielles,
est donc insignifiant devant lhonneur que représente le
martyre au service de Dieu.
Cest cette profonde divergence au niveau de la valeur accordée
à la vie terrestre qui fait toute la différence avec lOccident,
tant au niveau de la perception du sens de la vie que du comportement
dans la gestion de la chose publique. « LOccident, du fait
des fondements de sa pensée, sacralise la vie matérielle
et y reste attaché, quel que soit le prix, souligne cheikh Kassem.
Il nest donc pas en mesure dassimiler le sens du martyre.
Il est normal que les Occidentaux ne comprennent pas le sens spirituel
de lorientation de lislam car une telle compréhension
ne peut se limiter à la seule perception rationnelle. Elle nécessite
de côtoyer de près et dobserver les étapes
de la vie des moudjahidine, ainsi que les réalités de
la société islamique en général. »4
La résistance menée par les jeunes de la mouvance intégriste
chiite avait ainsi pour élément moteur un cadre socioculturel
qui correspond à linconscient populaire chiite et qui explique
le succès aussi bien de la Résistance que du Hezbollah.
Le précédent du Vietnam, en tant que soulèvement
populaire contre loccupant, a constitué sur ce plan un
exemple à suivre5.
Les
grandes orientations politiques
Cest donc sur la base de cette sacralisation de la notion de martyre
que les combattants de la mouvance intégriste chiite ont axé
leurs opérations, dès 1982, contre les forces israéliennes.
La priorité étant accordée à la résistance,
lélaboration du projet politique portant sur le contexte
libanais sera reléguée au second plan, dautant que
face à loccupation israélienne dune large
partie du territoire libanais, le Hezbollah adoptera, jusquau
milieu des années 80, un profil bas. Il ne sortira pratiquement
de la clandestinité quà la suite du soulèvement
du 6 février 1984 mené par les milices du mouvement Amal
et du Parti socialiste progressiste de Walid Joumblatt à Beyrouth-Ouest
contre le pouvoir du président Amine Gemayel. Ce soulèvement
permettra au Hezbollah dinstaller toutes ses institutions et son
quartier général dans la banlieue sud de Beyrouth6.
Ce nest quen février 1985 que le Hezbollah rendra
public son projet politique sous la forme dun « Appel aux
déshérités ». Ce document définit
les grandes orientations du parti, tant sur le plan idéologique
et doctrinal, quau niveau de la conjoncture politique libanaise
ou la position à légard dIsraël et des
États-Unis. Les dirigeants actuels du Hezbollah soulignent que
ce texte est aujourdhui dépassé et obsolète
du fait quil avait été élaboré à
la lumière de la conjoncture du moment. Cest sans doute
sur les plans doctrinal et idéologique que le document de 1985
revêt encore un certain intérêt, notamment en ce
qui concerne la question de létablissement dun État
islamique. Le texte établit clairement une distinction entre
« la position doctrinale et le volet pratique ». Sur le
plan du principe, le Hezbollah se déclare favorable à
létablissement dun État islamique, mais précise
tout de suite que, dans la pratique, la réalisation dun
tel projet doit se faire sur base dun choix libre de la part de
la population et il ne saurait donc être imposé par une
quelconque partie.
Cette option est reprise, dune manière encore plus soutenue
par le directoire actuel du parti, qui affirme quil nest
nullement dans lintention du Hezbollah détablir une
République islamique au Liban, même sil reste attaché
à lislam comme fondement de son action et de sa pensée.
Il soutient que, tenant compte des réalités libanaises,
son but est de contribuer à la consolidation dun pouvoir
pluriconfessionnel, garantissant une participation équitable
de toutes les communautés à la gestion de la chose publique.
Concrètement, les responsables du parti se prononcent pour le
maintien du système politique tel quil est actuellement
pratiqué, sur la base dune juste participation de toutes
les communautés au pouvoir7. Doù la décision
prise par le parti en 1992 de participer aux élections législatives,
et donc daccepter dêtre partie prenante au système
multiconfessionnel libanais, en dépit du fait que sur le plan
dogmatique, une telle participation a suscité de sérieuses
réserves au niveau de certains cadres dirigeants. Les responsables
du Hezbollah précisent à cet égard que leur soutien
au principe dun pouvoir pluriconfessionnel, au détriment
du projet de République islamique, est dû à leur
volonté de présenter au monde la formule libanaise comme
un exemple réussi de convivialité entre diverses communautés,
laquelle est lantithèse du projet sioniste basé
sur lédification dun État au service dune
seule communauté. Il sagit donc pour le Hezbollah dopposer
à la formule sioniste la formule libanaise fondée sur
le pluralisme communautaire, le respect de la diversité et la
sauvegarde des libertés. Se montrant pragmatique à ce
sujet, le directoire du parti prône une application stricte de
laccord de Taëf, après élaboration dune
nouvelle loi électorale qui maintiendrait les équilibres
communautaires actuels8.
Lhostilité à légard de lentité
israélienne sous-tend, par ailleurs, constamment le discours
politique du Hezbollah. Le directoire du parti va même jusquà
tourner en dérision les appels au pragmatisme pour trouver une
solution susceptible de mettre un terme au conflit avec Israël.
Et dans ce cadre, les responsables du parti ne cachent pas leur solidarité
totale avec la lutte menée par le peule palestinien, sans aller
toutefois jusquà évoquer explicitement une aide
ou un soutien concret à la population de Cisjordanie et Gaza.
Tout en affirmant rejeter le terrorisme aveugle, ils refusent de condamner
les opérations-suicide menées par les Palestiniens.
Quant à la position vis-à-vis de lOccident, les
responsables du Hezbollah se défendent davoir une attitude
de principe hostile à la civilisation occidentale, affirmant
quils sopposent non pas aux pays occidentaux en tant quel
tels, mais plutôt au « comportement colonialiste »
de certains États occidentaux.
1.
Naïm KASSEM, Le Hezbollah, orientation, expérience et avenir,
op.cit.
2. Ibid.
3. Naïm KASSEM, Le Hezbollah, orientation, expérience et
avenir, op.cit, pages 58-59.
4. Ibid. Page 58.
5. Nawaf MOUSSAOUI, entretien avec les auteurs, mai 2006.
6. Walid CHERARA et Frédéric Domont, Le Hezbollah, un
mouvement islamo-nationaliste, op.cit.
7. Nawaf MOUSSAOUI, entretien avec les auteurs.
8. Nawaf MOUSSAOUI, entretien avec les auteurs.
9. Nawaf MOUSSAOUI, entretien avec les auteurs.
Suite et fin: la
« wilayat el-fakih » ;
culture de lespace ou
culture du territoire
Le
Hezbollah accorde-t-il la priorité dans son action à la
« culture du territoire » (par essence nationale) ou plutôt
à la « culture de lespace » (par essence communautaire
et régionale, dépassant le cadre national, donc du Liban)
? Dans ce contexte, la doctrine du Hezbollah lui impose de se soumettre
pour toutes les décisions à caractère stratégique
au « wali el-fakih », qui nest autre que le guide
suprême de la révolution islamique iranienne (présentement
limam Khamenei).
Dans ce troisième article, Michel Hajji Georgiou et Michel Touma
analysent ces deux aspects qui dictent la stratégie et la ligne
de conduite du parti chiite. Dans les deux précédents
articles, ils avaient évoqué le processus historique et
sociopolitique qui a pavé la voie à lémergence
du Hezbollah au Liban (« LOrient-Le Jour » du 29 juillet)
ainsi que les circonstances de la naissance de la formation intégriste
et les racines de son action politique (« LOrient-Le Jour
» du 1er août).
La
reconnaissance de lautorité politique et religieuse absolue
et supranationale du guide suprême, le « wali el-fakih »
(actuellement Khamenei et avant lui Khomeyni) représente lune
des principales caractéristiques (sinon la principale) de la
doctrine du Hezbollah. Une compréhension profonde du système
de la « wilayat el-fakih » constitue un éclairage
indispensable pour une bonne perception de la ligne de conduite du Hezbollah
à légard de dossiers ayant une portée stratégique.
Pour les chiites, le successeur du Prophète dans la gestion des
affaires de la nation islamique doit être un imam descendant de
limam Ali, gendre du Prophète. Les chiites jaafarites
ceux qui habitent le Liban, lIran, lIrak, Bahreïn,
lArabie saoudite, le Pakistan et lAfghanistan (donc lécrasante
majorité des chiites) considèrent que douze imams
ont existé dans lhistoire, le douzième ayant disparu,
et étant toujours attendu pour sauver les chiites de loppression
et la misère. Pour les chiites du Yémen, il na existé
dans lhistoire que sept imams.
Les chiites jaafarites estiment que dans lattente du retour du
douzième imam disparu (al-mahdi), la haute main dans la gestion
des affaires de la nation islamique, et dans la défense de ses
intérêts politiques et économiques doit revenir
à un guide suprême, au « wali el-fakih ».
Pratiquement, avant lavènement de Khomeyni, cette notion
de « wali el-fakih » na jamais pris la portée
et limportance politiques quelle a acquises avec la révolution
islamique en Iran en raison du fait quà travers lhistoire,
les autorités religieuses chiites de la région nont
jamais véritablement détenu le pouvoir en tant que communauté
religieuse. Depuis loppression subie du temps des Omeyyades, au
VIIIe siècle, la plupart des chefs religieux, établis
à Najaf (en Irak), prônaient en effet la non-immixtion
des autorités religieuses dans les affaires politiques. Mais
au début du XXe siècle, certains chefs religieux de Najaf
se sont prononcés pour une participation active des ulémas
à la vie politique. La première école a été
essentiellement représentée, de nos jours, par des autorités
telles que les ayatollahs Sistani et Khoï, tandis que la seconde
a été représentée principalement par des
ulémas des familles Sadr et Hakim.
Avant la venue de layatollah Khomeyni, aucune autorité
religieuse nétait donc reconnue par la majorité
des chiites comme le guide suprême, le « wali el-fakih ».
La révolution islamique iranienne a représenté
sur ce plan un tournant historique, dans toute lacception du terme.
En définissant les bases constitutionnelles de la République
islamique, dans son ouvrage LOrientation de la révolution
islamique, layatollah Khomeyni a posé comme principe de
pouvoir la fusion entre le religieux et le politique. « En comprenant
la conception de la religion dans notre culture islamique, souligne-t-il
dans cet ouvrage, il apparaît clairement quil nexiste
aucune contradiction entre lautorité religieuse et lautorité
politique. La lutte politique fait partie intégrante de la mission
et des devoirs religieux. Le commandement et lorientation de la
lutte politique font partie des responsabilités et de la mission
de lautorité religieuse. »1 La Constitution de la
République islamique a donc été basée sur
lallégeance au « wali el-fakih ».
Cette fusion entre le religieux et le politique comme principe de pouvoir
et la mise en place de la République islamique en Iran ont ainsi
eu pour effet de donner, pour la première fois dans lhistoire
et sous limpulsion de Khomeyni, toute son ampleur à la
notion de « wali el-fakih ».
De ce fait, après la victoire de la révolution islamique
iranienne et ladoption du principe de lexportation de la
révolution, de nombreux ulémas et dignitaires religieux
dans la région ont prôné la reconnaissance du commandant
suprême de la révolution islamique comme le « wali
el-fakih ». Quelques rares ulémas ont contesté cette
allégeance, mais ce nest quavec la disparition de
Khomeyni que cette contestation a éclaté au grand jour,
certains dignitaires de haut rang refusant de reconnaître dans
le successeur de Khomeyni, en loccurrence Khamenei, le «
wali el-fakih ». Cette contestation a été principalement
menée par Mountaziri en Iran, Sistani en Irak, et Mohammad Hussein
Fadlallah au Liban. Le Hezbollah libanais, par contre, reconnaît
le guide suprême de la révolution islamique iranienne,
actuellement Khamenei, comme le « wali el-fakih » (une telle
option de la part du Hezbollah a été facilitée
par les relations ancestrales dordre religieux qui ont constamment
existé entre les chiites libanais, iraniens et irakiens, sans
compter les liens familiaux qui ont été tissés
avec le temps au niveau des familles Sadr et Hakim, notamment)2.
Un
recours obligatoire
Le « wali el-fakih » est élu par un corps électoral
de 72 membres iraniens, eux-mêmes élus au suffrage universel
par la population iranienne. Sur le plan du principe, le « wali
el-fakih » ne doit pas être obligatoirement iranien, mais
dans la pratique, cest le guide suprême de la République
islamique qui est reconnu par la majorité des chiites comme le
« wali » depuis la révolution de février 1979.
Les décisions du « wali el-fakih » sont contraignantes.
Son recours et son aval sont obligatoires non seulement pour les questions
doctrinaires et religieuses, mais également pour les problèmes
politiques fondamentaux ayant une portée stratégique.
Dans son livre sur le Hezbollah, cheikh Naïm Kassem souligne que
« le wali el-fakih a comme prérogatives de veiller à
la bonne application des lois islamiques, de prendre les grandes décisions
politiques concernant les intérêts de la nation (la umma),
de décider des options de guerre ou de paix, de même quil
a la responsabilité de veiller à la sécurité
de la population et à ses intérêts financiers, et
dassurer la répartition de largent récolté
par lautorité religieuse, et il a aussi pour tâche
de définir le contour de lÉtat islamique »3.
Dans son ouvrage sur Le gouvernement islamique, layatollah Khomeyni
souligne quil est erroné de penser que les prérogatives
du Prophète sont supérieures à celles du «
wali el-fakih ». « Les prérogatives que le Tout-Puissant
a données au Prophète et aux imams au niveau de la mobilisation
des armées, de la désignation des gouverneurs, de la collecte
des impôts et de leur redistribution au service des musulmans,
Il les a accordées aussi au gouvernement » islamique4.
Ce qui implique que le « wali el-fakih » a pratiquement
la même autorité que celle du Prophète en termes
de gestion et dorientation des affaires de la nation. Et sur ce
plan, son autorité dépasse les frontières et sétend
à lensemble des croyants chiites. Cheikh Naïm Kassem
relève à cet égard que dans le cadre de lexercice
de son pouvoir, le « wali el-fakih » tient constamment compte
des réalités et des spécificités de chaque
pays ou groupement qui relève de son autorité.
En ce qui concerne le cas précis du Hezbollah, cheikh Naïm
Kassem souligne dans son ouvrage précité que le Hezbollah
est « un parti libanais dont tous les cadres, les responsables
et les membres sont libanais ». Le parti reconnaît lautorité
du « wali » pour les grandes questions doctrinales et stratégiques,
mais « le suivi des détails, la gestion des problèmes,
ainsi que laction quotidienne sur les plans politique, social
et culturel, de même que les détails de la lutte contre
loccupation israélienne, relèvent de la responsabilité
du commandement du parti élu par la base, conformément
aux statuts internes, lesquels sont basés sur le conseil de la
choura présidé par le secrétaire général
et qui tire sa légitimité du fakih »5.
Concrètement, et à titre dexemple, lorsquil
sest agi pour le Hezbollah de prendre la décision de principe
de participer ou non aux élections législatives de 1992,
le parti a formé un comité de douze membres qui ont longuement
débattu de cette option. La question était de savoir si
la participation du Hezbollah au pouvoir était conforme à
la doctrine de la foi chiite. Lactuel responsable des relations
internationales du Hezbollah, Nawwaf Moussaoui, a développé
à ce propos une argumentation dont il ressort que si le parti
présente des candidats aux élections, cela ne signifie
pas quil participe à « un » pouvoir bien déterminé
qui exerce son autorité à laquelle le parti doit se soumettre,
mais quil sassocie, plutôt, à une structure
consensuelle de pouvoir à laquelle il contribue au même
titre que les autres fractions et composantes nationales6.
Par une majorité de dix voix contre deux, le comité en
question a fini par adopter une « résolution » recommandant
la participation au scrutin. Mais cette résolution a dû
être soumise au préalable à laval du «
wali el-fakih », en loccurrence, limam Khamenei, qui
a donné son accord. Sur ce plan, Nawwaf Moussaoui affirme que
cette démarche auprès du « wali » ne revêt
pas un caractère politique, mais a pour but de sassurer
que la décision politique est conforme à la doctrine de
la foi. Il reste que la frontière est particulièrement
floue entre la nature essentiellement politique de la décision
prise par le « wali el-fakih » au sujet dun problème
libanais et son avis sur la conformité avec la doctrine de la
foi dune recommandation adoptée à Beyrouth par le
Hezbollah.
En tout état de cause, les écrits du Hezbollah, notamment
louvrage de cheikh Kassem, précisent sans aucune équivoque
possible que les grandes décisions politiques, notamment les
options de guerre ou de paix, sont du seul ressort du « wali el-fakih
».
Espace
ou territoire ?
Sil est une question, une problématique qui se dégage
delle-même, à la lumière du parcours politique
du Hezbollah tel que nous avons tenté de le retracer, cest
bien celle de lappartenance de cette formation à un ensemble
déterminé que cet ensemble soit de nature territoriale
et nationale, ou bien plus vaste, reposant sur des liens qui dépassent
le simple cadre territorial, et qui sont plutôt de nature «
spatiale ». Cest là chose courante dans le monde
islamique, dans la mesure où la référence absolue
des croyants est la « oumma », ensemble bien plus vaste
que celui du territoire national. Il est effectivement légitime
de se poser cette question, éminemment « politologique
», compte tenu des conséquences quelle entraîne
actuellement sur le débat politique et politicien
à léchelle nationale, en loccurrence sur lopportunité
pour le Hezbollah de remettre ses armes à lÉtat
(conformément au principe du monopole de la violence légitime)
et de renoncer à la poursuite de la Résistance en tant
que groupe « extraétatique » ou « a-étatique
», hors du cadre de larmée.
Le Hezbollah est, à lorigine, comme on la vu, un
parti islamiste. Lapport iranien celui des Pasdaran
est consubstantiel à sa formation. Son apparition sur la scène
libanaise est directement liée à un facteur qui dépasse
le contexte du territoire libanais, celui de la révolution iranienne.
À sa formation, le parti a recruté et recrute
exclusivement dans les milieux chiites, de préférence
islamistes, ce qui en soi ne sort pas particulièrement de lordinaire,
puisque tous les partis-milices à lépoque de la
guerre étaient fondés sur une « açabiyya
» communautaire (lesprit de corps, tel que défini
par le sociologue maghrébin du XIVe siècle Ibn Khaldoun),
ces milices mobilisant à travers une « dawa »
(prédication) de nature plus ou moins religieuse.
Tout tend à prouver, à première vue, que le Hezbollah
évolue donc, à ses débuts, comme une communauté
politique peu sensible à toute culture territoriale, voire même
qui se développe en marge de cette culture, privilégiant
une culture de lespace. La base de cette culture non territorialisée
tiendrait du fait historique selon lequel la communauté chiite
a toujours été marginalisée par rapport aux autres
communautés libanaises dans le cadre de la construction de lÉtat.
De même, aussi bien la Békaa que le Liban-Sud, fort représentatifs
de la périphérie libanaise, ont été marginalisés
dans lédification de lÉtat par rapport au
centre sur le plan du développement. Il en découlerait,
dès lors, une propension naturelle de la part de cette communauté
à sorganiser, sous la forme du Hezbollah, en « açabiyya
» (communautaire) en révolte contre le centre politique
et économique (et aussi contre ses propres féodaux), et
à rejeter, dès lors, toute assimilation avec une culture
territoriale et stato-nationale qui na jusquà présent
fait que très peu cas delle.
De par sa création même, dans un espace politiquement abandonné
par lÉtat, le Hezbollah se situerait dentrée
de jeu dans une perspective paraétatique, sinon antiétatique.
On pourrait donc lui attribuer, demblée, une volonté
naturelle de sémanciper de tout ordre territorial imposé
par dautres. Ce nest guère surprenant à une
époque où lÉtat a, de surcroît, quasiment
cessé dexister du fait de la guerre.
Cependant, le problème du point de vue de lanalyse se complique
dès lors quil est question, pour le Hezbollah, de mener,
à partir de 1982, une résistance contre loccupation
israélienne, résistance motivée par loccupation
de Beyrouth et du Liban-Sud. Si elle se donne dabord pour nom
« al-Mouqawama al-islamiya fi Loubnan » « la
Résistance islamique au Liban », nom qui renvoit immanquablement
à une culture de lespace , cette Résistance
devient progressivement « nationale » durant la période
de laprès-guerre. Fort du soutien de la Syrie et de lÉtat
libanais, à lépoque sous le contrôle direct
de Damas, elle bénéficie aussi dun vaste soutien
politique consensuel qui lui donne une légitimité nationale
indéniable. La résistance face à Israël inclut
ainsi progressivement le Hezbollah dans une logique de culture territoriale
du moins en apparence.
Cest dans la guérilla que le parti établit toute
une infrastructure de confrontation au Liban-Sud, selon le modèle
guévariste du « foco guerillero », le foyer révolutionnaire.
Il sagit principalement de favoriser les conditions de la confrontation
en transformant lespace rural sur lequel la guérilla doit
progressivement senraciner, prendre corps. La théorie est
élaborée par Ernesto Guevara dans son ouvrage La guerre
de guérilla7.
Le Hezbollah reconnaît sêtre inspiré de la
théorie guévariste, et de lexpérience cubaine
en particulier (mais aussi de lexpérience vietnamienne),
pour mettre en place sa propre expérience révolutionnaire.
À ce niveau, le « foco guerillero » établi
par le Hezbollah, qui sétend, dans ses limites maximales,
de la banlieue sud (QG idéologique) aux frontières des
zones occupées, se trouve être un modèle dorganisation,
avec létablissement de plusieurs associations sociales
et caritatives orientées sur les objectifs révolutionnaires,
pour maintenir un climat favorable à la mobilisation permanente,
une interaction perpétuelle entre le milieu et la Résistance
et cest dans ce cadre aussi que la notion de « martyre
» joue un rôle au niveau de lorganisation sociale.
De ce fait, lenvironnement se retrouve embrigadé, «
idéologisé » sur le plan socioreligieux, pour créer
les conditions les plus favorables à la déroute de lennemi.
Le retrait de larmée israélienne et la libération
des territoires occupés au Liban-Sud en mai 2000 viennent couronner
les efforts du Hezbollah dans sa guerre dusure contre Israël.
Le parti venait ainsi, à ce moment- clé de son histoire,
de libérer une parcelle du territoire national, et se retrouvait
désormais lié organiquement à la souveraineté
territoriale du pays. Si la « culture du territoire », en
dautres termes la culture stato-nationale, au Liban a été
fondée par apports cumulatifs de la part de chaque communauté,
le Hezbollah venait dapporter sa pierre à lédifice.
Voilà qui, en principe, devrait définitivement le «
territorialiser » et mettre fin à cette tension entre la
« culture de lespace » (celle qui le lie à
lIran et à la Syrie, la fameuse alliance entre les
minorités oblige ? pour des raisons communautaires, religieuses
et politiques) et la « culture du territoire »8.
Pourtant, la trajectoire « territoriale » du Hezbollah au
lendemain de la libération du Liban-Sud nest pas suffisamment
limpide pour permettre de clore aussi rapidement le sujet. On a au contraire
limpression, au gré des événements, dune
certaine duplicité, qui permet au parti de jouer, au gré
des occasions, tantôt sur la culture territoriale et stato-nationale,
tantôt sur la vision communautaire et religieuse de lespace.
Parfois même, les deux cultures sinterpénètrent
dans le discours et la logique politiques, si bien quil est bien
difficile dempêcher une certaine confusion de sinstaller
en définitive. Confusion qui ouvre dailleurs la voie à
toutes sortes dattaques politiques, notamment de la part du chef
du Parti socialiste progressiste, Walid Joumblatt, au sujet de «
lallégeance réelle » du Hezbollah
Culture du territoire et soutien politique à la Syrie sur le
territoire libanais peuvent-ils faire bon ménage ? Comment concilier
entre les réalités libanaises et lallégeance
(notamment dans les affaires politiques internes, qui relèvent
directement de la souveraineté) à une autorité
religieuse étrangère, en loccurrence le «
fakih », le guide suprême iranien ? Quelles sont les limites
de la Résistance ? Cette dernière est-elle confinée
au territoire des hameaux de Chebaa, aux collines de Kfarchouba et au
village de Nkhaïlé, ou repose-t-elle sur un autre critère
qui devrait conduire à la libération des « sept
villages », du Golan, voire même de Jérusalem, dans
un soutien éminemment spatial (politique et logistique ?) aux
autres mouvements islamistes de résistance que sont, dans les
territoires occupés, le Hamas et le Jihad islamique ?
Que penser de cette volonté de maintenir à tout prix son
arsenal hors de tout consensus interlibanais, de refuser de se soumettre
au monopole de la violence légitime que constitue lÉtat
? La guérilla nest-elle pas de toute façon, par
définition, impossible à concilier avec larmée
régulière ? Comment interpréter cette volonté
de ne pas intégrer complètement lÉtat, en
maintenant une aile militaire ou bien encore en soustrayant à
l État sa souveraineté (son contrôle sécuritaire)
sur le Liban-Sud ou sur ce qui fut le « mourabbaa el-amni »,
le « quadrilatère sécuritaire » de la banlieue
sud ? Cela nest-il pas pour le moins révélateur
dune conception de lespace qui reste fondamentalement communautaire
et rebelle à lhypothèse dune construction
politique dun territoire capable de transcender les identités
particulières ? Cela nest-il pas révélateur
du maintien dune « açabiyya » communautaire
qui, ayant intégré les institutions de lÉtat,
refuse toutefois de se départir de ses moyens de défense
propres ? Dans ce cadre, la « dawa » du Hezbollah,
la Résistance, ne serait plus aujourdhui, dans loptique
khaldounienne, quun moyen pour la communauté de maintenir
sa « açabiyya », de lui permettre de conserver sa
place prépondérante, de lempêcher de décliner
au profit de la fondation de lÉtat.
À moins que la grille de lecture proposée par Ibn Khaldoun
ne soit mal adaptée, et que le problème, à défaut
de ne concerner exclusivement quune « açabiyya »
communautaire, soit celui dune confrontation potentielle, en puissance,
entre des « açabiyyas » communautaires sur lespace
territorial libanais. Une confrontation sunnito-chiite qui, malgré
son existence dans lensemble de la région, continue fort
heureusement tant tout le monde fait preuve déveil
et de conscience sur ce plan à refuser de dire son nom
au Liban.
Michel
HAJJI GEORGIOU
Michel TOUMA
Notes
et Bibliographie
1. Layatollah KHOMEYNI, Lorientation de la Révolution
islamique, in Naïm KASSEM, Le Hezbollah, orientation, expérience
et avenir, op.cit. page 70.
2. Nawwaf MOUSSAOUI, entretien avec les auteurs.
3. Naïm KASSEM, Le Hezbollah, orientation, expérience et
avenir, op.cit. page 72.
4. Layatollah Khomeyni, Le gouvernement islamique, page 86, in
Naïm KASSEM, Le Hezbollah, orientation, expérience et avenir,
op.cit. page 72.
5. Naïm Kassem, Le Hezbollah, orientation, expérience et
avenir, op.cit. page 77.
6. Entretien avec les auteurs.
7. Voir Ernesto Guevara, La guerre de guérilla, éditions
Maspero, Paris.
8. Voir Bertrand BADIE, La fin des territoires, Fayard, Paris, 1995.