Dans
une série de quatre articles, le site d'information
Ici Beyrouth revient en février 2024, sur trois
éléments clés du contentieux frontalier
libano-israélien
Parmi eux, le nord du village de Ghajar, territoire libanais
habité par des Syriens, toujours occupé
par Israël
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L'encerclement
et l'occupation du village de Ghajar en Juillet 2023
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La problématique de l'exception
Ghajar déjà en...2006
Avec Israel, rien n'est jamais simple. Cet Etat trouve toujours
de bonnes raisons pour justifier des exceptions aux règles
prescrites par le droit international.
De quoi maintenir des foyers de tensions pour maintenir en
alerte les opposants
à ses moeurs et entretenir le fameux droit à l'auto-défense
dès que survient un incident: un engrenage pervers dont
le village d'Al-Ghajar aux confins du Golan est encore la parfaite
illustration en Octobre 2006, suite au départ quasi-total
de Tsahal du Liban-sud.
*
Le
clou de Geha est
tiré d'une légende ou ce personnage vend
sa maison en consentant un prix plus bas à l'acheteur
moyennant une condition: pouvoir y planter un clou et
jouir du droit de venir y pendre des vêtements et
dormir lorsqu'il en a envie dans l'axe de ce clou.
L'acheteur accepte et doit alors subir chaque soir la
présence de Geha pour respecter leur contrat.
Entre Ghajar et Chebaa, un certain état pourrait
bien se reconnaitre en Géha...
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Une
partie du village frontalier restera sous contrôle
israélien
Feu vert de Tel-Aviv au déploiement de la Finul
dans la partie nord de Ghajar
3
décembre 2006-
Israël a donné son feu vert hier au déploiement
de la Finul dans la partie libanaise du village frontalier
de Ghajar, dernière portion du territoire national
encore occupée à la suite de la guerre entre
le Hezbollah et Israël lété dernier.
« Le cabinet sécuritaire israélien,
réuni hier, a adopté un accord en vertu
duquel les Casques bleus de la Finul contrôleront
la partie nord du village (de Ghajar) et Israël sa
partie sud », a indiqué à lAFP
un haut responsable israélien, sexprimant
sous le couvert de lanonymat.
« Il sagit dune solution temporaire
jusquà ce quune solution permanente
sur la question de Ghajar soit trouvée, ce qui
sera une affaire de mois et non dannées »,
a-t-il souligné.
L'armée israélienne menace
de tirer sur des journalistes devant Ghajar et occupe
toujours la partie libanaise du village malgré
un allègement de ses positions autour de celui-ci
Photo du 8 Novembre 2006
Début de retrait israélien
d'une partie de Ghajar?
(source:FINUL)
AFP-Liban
- L'armée
israélienne a commencé le mardi 7 novembre
2006 à se retirer d'un secteur du village frontalier
de Ghajar, dernière portion de territoire libanais
encore occupée par Israël après son
offensive de l'été, a annoncé la
Force intérimaire des Nations unies au Liban (Finul).
Les soldats israéliens "ont commencé
à quitter" un secteur en bordure du village
et ce retrait devrait s'achever dans la soirée,
a déclaré à l'AFP le porte-parole
de la Finul, Andrea Tenenti. Il n'a pas pu préciser
quelle superficie était concernée par ce
retrait.
Les Casques bleus de la Finul doivent commencer dès
le départ des soldats israéliens "à
patrouiller dans le secteur concerné et installer
des points de contrôle provisoires pour assurer
que les Forces de défense israéliennes n'y
sont plus présentes", a indiqué la
Finul dans un communiqué.
Selon
ce communiqué, un accord a été
trouvé sur un départ des forces israéliennes
dès mardi "de la plus grande partie des
abords du village de Ghajar", lors d'une réunion
ce même jour au quartier général
de la Finul à Naqoura, dans le sud du Liban,
entre représentants de la force de l'ONU, des
armées libanaise et israélienne.
Le commandant de la Finul, le général
français Alain Pellegrini, s'est félicité
dans ce communiqué "du retrait israélien
des abords de Ghajar".
Il a dit "espérer qu'un accord sera prochainement
trouvé sur un retrait total israélien
du territoire libanais, en accord avec la résolution
1701 du Conseil de sécurité de l'ONU",
incluant la partie libanaise du village.
Le
village de Ghajar, syrien à l'origine et situé
sur la frontière entre le Liban et le plateau
du Golan, annexé par Israël en 1981, est
la dernière position occupée par l'Etat
hébreu depuis que ses soldats ont quitté
le sud du Liban le 1er octobre après deux mois
et demi de présence militaire.
Le tracé en 2000 de la Ligne bleue, frontière
dessinée par l'ONU entre le Liban et Israël,
avait placé un tiers du village au Liban et deux
tiers dans la zone annexée par l'Etat hébreu.
Ghajar a été occupé de nouveau
dans sa totalité par les soldats israéliens
à la faveur de l'offensive menée entre
le 12 juillet et le 14 août contre le parti chiite
libanais du Hezbollah.
Le départ des soldats israéliens de Ghajar
ainsi que du secteur des Fermes de Chebaa, situé
dans la même région aux confins du Liban,
de la Syrie et d'Israël, est l'une des exigences
du gouvernement libanais.
Inédit
>> suivre l'actualité du Sud Liban à
partir de Téhéran...
|
Ghajar, un village libano-syrien de nouveau entièrement
occupé
par lÉtat hébreu
Beyrouth,
2 Octobre 2006- Le village frontalier de
Ghajar, à cheval entre la Syrie et le Liban et surplombant
le nord dIsraël, est de nouveau entièrement
réoccupé par lÉtat hébreu,
comme cela était le cas avant le retrait israélien
du Liban en 2000.
Ghajar est situé sur la frontière entre le Liban
et la région syrienne du Golan, occupée en 1967
et annexée par Israël en 1981. Le tracé de
la ligne bleue en 2000 avait placé un tiers de Ghajar au
Liban et deux tiers dans la zone annexée par lÉtat
hébreu.
Lors de son offensive lancée en juillet-août contre
le Hezbollah, larmée israélienne a pris le
contrôle total de ce village et construit des fortifications
pour lisoler du reste du Liban.
Avant les derniers combats qui ont pris fin le 14 août,
les combattants du Hezbollah, qui étaient déployés
à la frontière libano-israélienne, contrôlaient
la partie nord de ce village.
Ils y avaient creusé des galeries souterraines doù
ils ont opéré pendant les violents affrontements.
Le tiers du territoire, sur lequel sétend ce village,
est libanais et le reste syrien. Mais une grande partie de ses
2 500 habitants sont porteurs de cartes didentité
israéliennes, lÉtat hébreu les leur
ayant octroyées après sa décision d«
annexer » le Golan syrien en 1981. Le village est situé
sur une colline stratégique qui surplombe la rivière
Wazzani, qui prend sa source au Liban et qui se déverse
en Israël, alimentant le lac de Tibériade.
Après loccupation de Ghajar par Israël en 1967,
les habitants du village ont construit des maisons sur la partie
libanaise et, après larrêt des derniers combats
entre Israël et le Hezbollah, larmée israélienne
a complètement isolé la partie libanaise du reste
du territoire libanais.
Elle a érigé une clôture de barbelés
de 2,5 mètres de haut, qui entoure les limites nord, ouest,
est du village, et a construit des remblais de sable à
sa limite sud.
Larmée israélienne a également coupé
la route qui relie Ghajar à Abbassiyé, en y creusant
une large tranchée. Un poste de la Finul, tenu par le contingent
indien,
se trouve à Abbassiyé.
Israel: Etat gangster
Alors que les Libanais s'enfoncent jusqu'au cou
dans leurs polémiques stériles, Israël apporte,
tous les jours, une preuve supplémentaire comme s'il
en fallait encore de sa nature agressive et expansionniste.
Au vu et au su du monde entier, l'Etat hébreu modifie le
tracé de la Ligne bleue dessinée par les Nations
unies au lendemain du retrait de son armée du Liban-Sud,
en mai de l'an 2000. Des fermes de Chebaa à la région
de Naqoura, la clôture électronique délimitant
la frontière est déplacée, parfois de plusieurs
dizaines de mètres, vers l'intérieur du territoire
libanais. Des champs cultivés appartenant à des
paysans libanais, des parcelles de terrains propriétés
des wakfs maronites, des biens domaniaux, se retrouvent ainsi
de «l'autre côté» des barbelés.
Le village de Ghajar, divisé en deux par le tracé
de l'Onu en 2000, est aujourd'hui entièrement occupé
par l'armée israélienne. Des remblais sont élevés
sur des routes libanaises, désormais interdites à
la circulation, sans qu'aucune explication ne soit fournie aux
villageois. Des camions transportent de la terre libanaise de
«bonne qualité» vers les colonies israéliennes.
Des civils libanais sont enlevés dans leurs villages et
interrogés pendant des heures.
Des pompes sont installées à la source du Wazzani
pour transporter, illégalement vers l'Etat hébreu,
l'eau qui appartient au Liban. Pendant ce temps, l'aviation israélienne
poursuit impunément ses survols quotidiens du ciel libanais
et mène des simulacres de raids au-dessus de plusieurs
régions... quarante jours après l'arrêt des
hostilités. Le retrait israélien, qui devait s'achever
lorsque la Finul aura fini de déployer 5000 hommes au Liban-Sud,
a été reporté, bien que les Casques bleus
aient atteint ce chiffre en milieu de semaine.
L'armée israélienne s'est recyclée dans le
gangstérisme. Des cas de vols d'argent et de bijoux ont
été signalés dans plusieurs localités
du Liban-Sud, pendant et après la guerre. Cette pratique
est encore plus flagrante dans les territoires palestiniens, où
des soldats font irruption dans des agences bancaires ou des comptoirs
de change et confisquent des sommes d'argent, atteignant parfois
un million de dollars. Prétexte invoqué: ces sommes
servent à «financer le terrorisme».
En l'espace d'un mois, Israël a pulvérisé tous
les records de violations de la souveraineté libanaise.
L'Armée libanaise a confirmé ces atteintes à
l'intégrité territoriale du Liban et le commandant
de la Finul, le général Alain Pellegrini, a estimé
qu'elles étaient incompatibles avec les dispositions de
la résolution 1701 du Conseil de sécurité.Comme
il l'a fait en Cis-
jordanie et à Gaza, Israël pratique au Liban la politique
du fait accompli. Il veut introduire des changements sur le terrain
pour entamer ensuite de longues et laborieuses négociations.
A l'issue de ces pourparlers, il présentera comme une concession
majeure toute restitution d'une parcelle de terrain appartenant
à l'origine au Liban. Chaque pouce rendu, chaque mètre
libéré, chaque violation stoppée, nécessiteront
des mois, sinon des années, de discussions. A ce rythme,
il faudra un siècle pour récupérer les fermes
de Chebaa et trouver une solution radicale au problème.
Il faut espérer qu'entre-temps, la Ligne bleue n'aura pas
été déplacée jusqu'aux bords du Litani.
PAUL
KHALIFEH
L'Hebdo Magazine
Loccupation
de Ghajar, « une bombe à retardement »,
Le
ministre des Affaires étrangères, Faouzi Salloukh,
a estimé hier qu« Israël, en poursuivant
son occupation du village de Ghajar, souhaite laisser une bombe
à retardement et susciter des troubles au Liban-Sud ».
« Jusquà présent, nous navons
reçu aucune assurance de lONU, et nous attendons
un rapport détaillé sur le retrait israélien
du commandant en chef des forces de la Finul, le général
Alain Pellegrini. Cependant, Israël ne sest pas retiré
de lensemble du territoire libanais. Comme dhabitude,
il souhaite laisser une bombe à retardement comme les
colonisateurs durant le XXe siècle, qui ont laissé
des bombes à retardement pour générer des
guerres internes et des conflits avec les pays voisins »,
a indiqué M. Salloukh.
« De toute façon, si Israël ne se retire pas
de Ghajar, cela veut dire quil souhaite créer des
troubles au Liban-Sud. Nous réclamions le retrait total
des fermes de Chebaa et des collines de Kfarchouba, et maintenant
nous lui demandons de se retirer de Ghajar, parce quil
sagit dun village libanais sur lequel le drapeau
libanais doit flotter »,
a ajouté Faouzi Salloukh.
Au Liban sud, la population
est rassurée par le retour de l'armée et le renforcement
de la Finul mais
Ghajar demeure le dernier "casse-tête"
Des fleurs et du
riz pour accueillir, lundi 2 octobre 2006, près de Kfar
Kila, les chars de l'armée libanaise revenue, pour la
première fois depuis plus d'une trentaine d'années,
dans la région frontalière avec Israël. AFP/ALI
DIA
Wazzani, 4 octobre 2006-
Du coteau sur lequel est perché le village
de Wazzani, aux modestes maisons basses, dans la zone orientale
du Liban sud, on voit distinctement, de l'autre côté
du fleuve Wazzani qui coule en contrebas, la bourgade de Ghajar.
De toutes les positions occupées par Tsahal lors de "la
guerre de juillet" qui a opposé le Hezbollah à
Israël, Ghajar, ou plutôt la partie de cette localité
située en territoire libanais, est la seule qui n'a pas
encore été évacuée. L'armée
israélienne l'a même ceinte de barbelés.
Son statut ubuesque est le casse-tête sur lequel se penchent
le Liban et l'ONU.
Ghajar
est situé en territoire syrien, à l'un des points
de contact entre le Liban et le Golan occupé par Israël
en 1967 et annexé en 1981. Les quelque 2 000 Syriens
qui y résident sont aujourd'hui détenteurs de
la nationalité israélienne. Au fil des années,
certains ont illégalement empiété sur le
territoire libanais en y construisant des habitations. En l'an
2000, ils se sont ainsi retrouvés du côté
libanais de la "ligne bleue" tracée par l'ONU.
Cette ligne tient lieu de frontière provisoire, après
le retrait de l'armée israélienne de la zone qu'elle
occupait depuis 1978 au Liban sud. "On les a laissés
faire, sans doute pour faire plaisir à la Syrie",
commente, amer, Zaki Ghantous Farhat, qui habite le hameau de
Saroua, quelques kilomètres plus loin. Il fait allusion
à la tutelle que la Syrie avait imposée au Liban
de 1976 à 2005.
D'après Oussama Moustapha, l'épouse du maire de
Wazzani, les Ghajaris qui se sont retrouvés en territoire
libanais "n'ont jamais accepté d'être séparés
du reste des habitants du village qui sont presque tous unis
par des liens de parenté. Ils ne sont jamais venus ici,
ni dans aucune autre localité libanaise, dit-elle. Pour
eux, la ligne bleue était fictive en dépit des
barbelés et ils devaient sans doute la franchir pour
continuer à mener leur vie du côté israélien."
Une canalisation de couleur blanche grimpe à flanc du
coteau menant au village. Elle permet à Israël de
pomper illégalement l'eau de la source du fleuve Wazzani,
en territoire libanais, jusqu'à Ghajar.
Le
Liban et l'ONU entendent faire strictement respecter la ligne
bleue, conformément à la résolution 1701
des Nations unies. La solution envisagée, selon une source
libanaise autorisée, est un double statut : israélien
pour les habitants, qui ne seraient pas autorisés à
se mouvoir au Liban ni ne bénéficieraient d'aucun
service libanais ; et libanais pour le territoire, l'armée
libanaise et la Force intérimaire de l'ONU pour le Liban
(Finul) renforcée devant s'y déployer.
Depuis
lundi 2 octobre, soldats libanais et casques bleus ont pris
possession des positions évacuées plus tôt
par Israël, d'est en ouest de la ligne bleue. En certains
endroits, la proximité avec l'armée israélienne
est saisissante. A Kfar Kila, des deux côtés de
la "porte de la victoire", baptisée ainsi par
le Hezbollah depuis le retrait de Tsahal en mai 2000, les deux
armées ne sont séparées que par les barbelés.
Sous leur regard, des militants en civil du Hezbollah dressent,
côté libanais, l'inventaire du bureau de "l'organisme
de soutien et de recueil des dons destinés à la
résistance islamique (le Hezbollah)", installé
ici en l'an 2000, pratiquement sous le nez des soldats israéliens
dont les patrouilles longent depuis six ans la ligne bleue,
en contrebas d'un poste de surveillance.
La
vie a repris à Kfar kila, comme dans d'autres localités
- Adaïsseh, Aïtaroun, Bint Jbeïl, Debel, Qawzah,
Alma Al-Chaab... - désertées pendant la guerre.
Le boulanger Mohammed Hamoud est néanmoins inquiet. Il
dit avoir vu un officier du contingent espagnol de la Finul
bavarder à travers les barbelés avec un officier
supérieur israélien, "alors que, dit-il,
les contacts avec l'armée israélienne doivent
se faire via le commandement des casques bleus. Les Français
sont rassurants, ajoute-t-il. Les Espagnols non. Et l'armée
libanaise est faible. La Finul doit prendre une position ferme.
Aujourd'hui, l'aviation israélienne n'a cessé
de survoler le territoire libanais".
Plus
généralement, la population se dit "psychologiquement"
rassurée par la présence de l'armée et
des casques bleus. "Mais il faudrait que les autres (Israël)
y mettent du leur", commente Ibrahim Choukeir, de Meïss
Al-Jabal, qui relève lui aussi les fréquentes
violations de l'espace aérien libanais. "Ce sont
toujours eux qui agressent !", dit-il. "En 1948 lors
de la création de l'Etat juif, Israël a confisqué
30 000 dounoums de terre (près de 3 000 hectares) de
Meïss Al-Jabal", affirme son ami, Nemr Ahmed Khachfi,
qui avait alors 14 ans.
A
l'extrémité ouest de la ligne bleue, les soldats
libanais ont installé deux positions : à Ras Naqoura,
sur le littoral, et sur la colline boisée de Labbouné
où ils sont adossés à une position du contingent
français. C'est là que leur commandant en chef,
le général Michel Soleiman, leur a confié
la mission de défendre la souveraineté du pays
et son intégrité.
Mouna
Naïm / Le Monde édition du 5 Octobre 2006
Les enjeux géopolitiques
des fermes de Chebaa
Qui sont les propriétaires des hameaux?
Malgré l'allégresse suscitée
par le retrait israélien en l'an 2000, le conflit territorial
entre le Liban et Israël n'a pas pris fin. Depuis, les
hameaux de Chebaa sont restés une source de rivalité
entre les deux pays. Rivalité actualisée par la
dernière guerre avec Israël, qui a donné
lieu, dans le cadre de la 1701, à une nouvelle étude
du problème par le secrétaire des Nations unies.
Quels sont les enjeux à Chebaa et qui sont les propriétaires
de ces fermes?
Pour les familiers du territoire libanais,
où marquage et signalisation restent approximatifs, un
panneau indicateur est une source d'émerveillement constant.
La seule région à faire exception à la
règle est le village de Chebaa. Dans cette zone contestée,
tous les quelques kilomètres, un petit panneau signale,
en lettres blanches, la direction à suivre. Tout au long
du chemin, des soldats, nouvellement installés dans leurs
baraquements peints aux couleurs du drapeau libanais, dirigent
les voitures vers le sud. Soudain, au détour d'un pan
de montagne aride, apparaît le village blotti au fond
d'une vallée verdoyante. Une route asphaltée mène
quelques kilomètres plus loin à la frontière
avec les territoires occupés, marqués par une
ligne de barbelés. Une vieille pancarte, héritée,
sans doute, d'une période antérieure à
l'occupation israélienne, indique en lettres délavées:
Hameaux de Chebaa.
C'est en l'an 2000 que la question des hameaux de Chebaa devient
le point de mire des discours politiques, lorsque le gouvernement
israélien informe le Conseil de sécurité
de son intention de se retirer du Liban dont il occupe les territoires
depuis 1978, en dépit de la résolution 425. Ce
retrait se fait à partir de mai 2000 et le 16 juin de
la même année, le secrétaire général
informe le Conseil de sécurité de l'application,
dans sa totalité, de la 425, conformément à
la ligne tracée par les Nations unies. La Ligne bleue,
qui voit alors le jour, est acceptée, avec réserve,
par le Liban sur quatre points: Adaïssé, Mtellé,
Chebaa et Rmeïch. Depuis, la région connaît
un calme relatif, sporadiquement interrompu par des accrochages
opposant le mouvement de résistance du Hezbollah à
l'armée israélienne.
Les
familles et les wakfs
Contrairement à l'idée que l'on
se fait de la région, les quatorze fermes de Chebaa sont
loin d'être une zone de combat désertée.
En effet, selon le livre Les fermes de Chebaa de l'écrivain
Youssef Dib, elles comptaient environ 1200 habitations permanentes,
pour la plupart rasées lors des invasions israéliennes.
Ces habitations servaient de résidence d'hiver aux villageois
qui travaillaient la terre et qui, l'été durant,
migraient vers le village de Chebaa, situé en hauteur.
Aujourd'hui, de nombreuses familles habitant le village, l'Eglise
grecque-orthodoxe et Dar el-Fatwa (les wakfs sunnites), qui
possèdent jusqu'à trois millions de mètres
carrés dans la région, se partagent la propriété
des hameaux avec des centaines de familles.
Selon le dernier recensement effectué en 1989, le hameau
de Maghr Chebaa était la propriété des
familles Serhane et Madi; celui de Zebdine, des familles Abdallah,
Nasser et Hamdane; Fachkoul de la famille Hamad; Beït-Barrak
des familles Saadi et Hamdane; Ramta de la famille Hachem, dont
l'un des fils est le député Kassem Hachem; Roueïsat
el-Karn des familles Hanawi et Nasser; Dahr-Baïdar de la
famille Saab, qui partage aussi avec la famille Kanaan le village
de Jouret-Akareb; Rabaa des familles Farès et Hamdane;
Khalat-Ghazalé, des familles Hachem et Khatib; Brekhta
(tahta et fawka) des familles Ghader et Mansour. Quant aux hameaux
de Kafwa et Marah-Maloul, ils sont la propriété
des diverses familles originaires de Chebaa.
Emplacement et historique
«4000 familles possèdent, actuellement,
un droit sur les hameaux de Chebaa, réparties entre les
propriétaires d'origine et leurs descendants»,
indique Omar Zouheiri, président de la municipalité
du village de Chebaa. En perdant leur source de revenu principal,
qui est l'agriculture, les habitants des hameaux se trouvent,
souvent, acculés à l'émigration. «Le
secteur des fermes de Chebaa est très fertile en raison
de la situation privilégiée des terres qui s'étendent
sur diverses altitudes, cultivables donc tout le long de l'année.
Dans ma jeunesse, nos champs étaient plantés d'oliviers,
d'arbres fruitiers ou de graminées. Aujourd'hui, la majorité
d'entre nous a vu ses enfants et sa famille quitter le village
pour la capitale ou pour l'étranger», dit Ali Hussein,
un habitant, également propriétaire dans la zone
des hameaux. Pour ce dernier, dont la dernière récolte
remonte à 1970, le souvenir des fermes reste vivace.
«Les villageois ont été poursuivis par les
chars de l'armée israélienne ou bien chassés
à coups de feu», souligne M. Hussein, vivement
ému.
Les hameaux de Chebaa sont délimités par les frontières
du Liban avec la Syrie et Israël. Par rapport au Liban,
ils se trouvent au sud-est de la région du Arqoub. Selon
l'historien Issam Khalifeh, professeur à l'Université
libanaise, la superficie des fermes de Chebaa est estimée
à 47 km2, alors que de nombreux ouvrages consultés,
tels que Le Statut juridique des Hameaux de Chebaa de Marie
Ghantous, indiquent une superficie de 200 km2. Les territoires
occupés par l'armée israélienne comprennent
les 14 hameaux cités plus haut, dont l'altitude varie
entre
600 et 1000 mètres. Il faut, cependant, noter que la
ferme de Maghr Chebaa appartient, territorialement, à
la Syrie, alors que le village de Nkhaïlé et les
collines de Kferchouba, toujours occupés par les israéliens
et régis par la résolution 242 du Conseil de sécurité,
sont, en revanche, libanais.
Durant le mandat français, le Liban, bordé par
deux Etats au sud, voit ses frontières avec la Palestine
clairement tracées, cette dernière étant
sous mandat britannique, alors que la frontière avec
la Syrie reste vague et contestée, les deux pays étant
sous mandat français. En 1920, le décret de création
de l'Etat du Grand Liban par le général Gouraud,
représentant de la puissance mandataire, délimite
les frontières en suivant les circonscriptions administratives
des divers cazas dont celui de Rachaya, qui englobe le village
et les hameaux de Chebaa, les comprenant ainsi de facto dans
le territoire libanais. La Constitution libanaise de 1943 reprend
et entérine les frontières de 1920.
Empiètements syriens
Depuis 1943, les autorités syriennes portent atteinte,
régulièrement, dans le secteur des fermes de Chebaa,
à la souveraineté territoriale
du Liban. Le 21 février 1944, le président de
la municipalité de Chebaa, Khaled el-Khatib, dépose
une plainte auprès du président de la République,
en dénonçant le relevé topographique illégal
fait par l'armée syrienne. En 1946, une commission formée
par les deux gouvernements, syrien et libanais, charge l'ingénieur
Rafic Ghazzawi (Libanais) et le juge Adnane el-Khatib (Syrien)
du tracé des frontières dans la région
de Chebaa, ces derniers plaçant les fermes en territoire
libanais. Cependant, ce tracé n'empêche pas la
poursuite des opérations topographiques par la Syrie.
A partir de 1948, la région est le théâtre
d'opérations militaires des forces syriennes et palestiniennes.
En 1951, les Syriens interpellent des agriculteurs libanais
et des accrochages entre la population et l'armée syrienne
se produisent. Le président du Conseil, Sami el-Solh,
relate, dans ses mémoires, l'installation d'un poste
illégal de gendarmerie syrienne, dans la région
des hameaux. En 1964, un nouvel accord, en date de 27/2/1964,
place les fermes de Chebaa dans les limites du territoire libanais,
sans mettre, cependant, fin aux infractions syriennes qui continuent
jusqu'en 1967, date à laquelle Israël envahit le
secteur contesté.
Occupation israélienne
«A partir du 15 juin 1967 et cela après
l'accord de cessez-le-feu qui a lieu entre Israël et la
Syrie, l'Etat hébreu envahit 6 des 14 fermes de Chebaa:
Maghr Chebaa, Khalat-Ghazalé, Dahr-Baïdar, Roueïsat
el-Karn, Jouret-Akareb et Fachkoul. Cet évènement
provoque la fuite des agriculteurs et la mort de Chehadé
Ahmed Moussa», se souvient M. Zouheiri.
Le 20 juin 1967, lors d'une deuxième opération
militaire, Israël envahit Kafwa, Zebdine et Ramta. Le 25
juin, les fermes de Beït-Barrak, Rabaa, Brekhta tahta et
fawka et Marah-Maloul sont occupées et les habitants
contraints d'abandonner leurs propriétés. En 1972,
Israël, qui occupe 80% des hameaux, encercle les territoires
annexés au moyen de barbelés. En 1985, selon l'auteur
Youssef Dib, les autorités israéliennes installent
trois colonies dans la zone contestée. Israël enjoint,
par la suite, en 1989, les habitants de la région à
quitter leurs terres, en leur proposant de les leur racheter;
proposition refusée par les habitants qui sont, alors,
forcés à quitter. «Les agriculteurs peuvent,
jusqu'en l'an 2000, accéder à leurs propriétés,
après obtention d'un laissez-passer, fourni par l'armée
israélienne», relate M. Hussein. Cependant, après
le retrait de l'armée israélienne du Liban-Sud,
le secteur des fermes est interdit aux Libanais.
Ligne Bleue et contexte légal
«A la suite du retrait israélien,
les Nations unies ont considéré que la 425 avait
été appliquée en vertu du tracé
de la Ligne bleue. Ce tracé des frontières fut
accepté par le gouvernement libanais, sous réserve
des secteurs: Rmeich, Mtellé, Adaïssé et
Chebaa», confirme le général Amine Hoteit,
président du Comité de vérification du
retrait israélien et docteur en Droit et Recherches stratégiques
auprès de l'Université libanaise. La carte et
le dossier, émis alors par les Nations unies, consignent
les réserves du gouvernement libanais. «D'un point
de vu légal, les fermes de Chebaa n'auraient pas dû
tomber sous l'application de la 242, puisqu'elles ont été
envahies après la guerre de 1967, l'occupation ayant
eu lieu graduellement et s'échelonnant jusqu'aux années
80», explique le docteur en Droit international à
l'Université libano-américaine, Chafic Masri.
«De plus, on a rattaché à la 242 les villages
de Nkhaïlé et de Kferchouba, dont les statuts n'ont
jamais prêté à confusion puisqu'il ont été
de tout temps considérés comme faisant partie
intégrante du territoire libanais». La confusion
est accentuée en 1974 par la signature des accords de
désengagement entre la Syrie et Israël, qui placent
le secteur des fermes de Chebaa, Nkhaïlé et Kferchouba
avec le Golan, du ressort de l'Undof; résolution à
laquelle le Liban ne fait pas opposition
Les enjeux géostratégiques
Pour le général Amine Hoteit, les
fermes de Chebaa ont une importance aussi bien stratégique
que politique. En effet, la situation même des fermes
permet à l'armée israélienne de surveiller
et de protéger son infrastructure militaire au Golan.
La région forme un point de rencontre entre les trois
pays (Israël, Syrie et Liban) et des stations d'observation
ont été construites sur les crêtes du Mont
Hermon. Selon l'auteur Youssef Dib, les fermes surplombent aussi
les rivières du Hasbani, du Litani, ainsi que les sources
du Wazzani. «L'autre enjeu d'importance pour Israël
est la richesse hydraulique du Mont Hermon qui est recouvert
en grande partie par le secteur des fermes de Chebaa. On estime
que la nappe aquifère contient autour de
1200000 m3 d'eau, ce qui représente un enjeu stratégique
pour Israël», souligne Issam Khalifeh. Trois affluents
du Jourdain, Banyas, Dan et Wazzani prennent leur source dans
la région. Autre atout: la qualité de l'eau, qui,
selon le général Hoteit, alimente le lac de Tibériade
(Tabaraya), situé en Israël, en le refroidissant
et le dessalant.
Aujourd'hui, dans le cadre de la résolution 1701, le
Premier ministre, Fouad Siniora, a proposé de placer
le secteur des fermes de Chebaa sous la tutelle des Nations
unies. Cette proposition permet de soustraire le Liban à
l'équation politique régionale. «L'intérêt
politique, que représentent les fermes de Chebaa pour
la Syrie, lui permet de s'extraire de son isolement vis-à-vis
de la question de l'occupation du Golan, en liant son sort à
celui du Liban. Alors que, pour Israël, le rattachement
du secteur à la 242 lui assure une place prépondérante
à la table des négociations avec le Liban»,
indique Chafic Masri. Il estime, cependant, que, dans le cas
où la question de Chebaa serait résolue, le gouvernement
libanais courrait le risque de voir le front de Nkhaïlé
ravivé, cette région rarement revendiquée
n'entrant pas dans le cadre de la 1701.
«Toute occupation du territoire libanais par Israël,
aussi infime soit-elle, justifie l'action de la Résistance.
Placer le secteur des fermes de Chebaa, Nkhaïlé
et Kferchouba sous l'égide des Nations unis ôterait
à la Résistance toute raison d'être armée»,
conclut le professeur Masri.
Le
cadastre de Saïda
Les registres fonciers
des fermes sont du ressort du cadastre de Saïda,
tels en attestent les actes de vente et les titres de
propriété. D'ailleurs, durant les périodes
successives que connaît le Liban, l'autorité
libanaise s'exerce, indubitablement, sur la région
des hameaux, en prenant une forme législative,
juridique et foncière. Selon Marie Ghantous, le
décret loi du 3/2/1930, opérant un remaniement
du caza de Marjeyoun (auquel le caza de Hasbaya est rattaché
par la suite), inclut le village de Chebaa et de Nkhaïlé,
les hameaux se trouvant, en effet, entre ces deux derniers.
L'arrêté du 4 juin 1966, déterminant
les limites de la municipalité de Kferchouba, nomme,
distinctement, les hameaux de Chebaa.
Un jugement concernant le hameau de Zebdine, en date de
l'année 1927, place ce dernier sous la compétence
du tribunal de Hasbaya. Un jugement de 1944, dans une
affaire de litige foncier portant sur la région
de Chebaa, est rendu par le tribunal Chérié
de Hasbaya et ne laisse aucun doute sur la «libanité»
des fermes après l'accès du Liban à
l'indépendance, en 1943. Le contrat de Tapline,
signé en 1849 par la Trans Arabian Company (Aram
Co) et le gouvernement libanais, concerne aussi le secteur
des hameaux.
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Entre
topographie et cartographie
«Depuis
le décret du général Gouraud de 1920,
proclamant l'indépendance du Grand Liban, on s'est
rendu compte que la réalité topographique
du terrain ne correspondait pas au relevé cartographique»,
explique le professeur Issam Khalifeh. Il ajoute que,
selon le décret de 1930, trouvé dans les
archives du Centre de documentation de Nantes, il est
établi que les villageois de Chebaa payaient leurs
taxes à la France et qu'en cas de litige, l'administration
de Hasbaya était l'autorité responsable.
Un autre décret de loi inclut aussi Chebaa et Nkhaïlé
au caza de Hasbaya (rattaché à cette époque
à Marjeyoun). En 1934, le procès-verbal
d'un litige qui oppose des villageois libanais aux syriens,
résolu par l'intervention des autorités
mandataires françaises de Syrie et du Liban, délimite
les frontières entre les deux pays dans la région
de Wadi el-Assal. Et c'est en 1937 que Pierre Bart, conseiller
administratif du Liban-Sud, envoie un rapport à
la France, indiquant que la réalité géographique
ne correspond pas au dessin cartographique. Selon Marie
Ghantous, cette mention est aussi reprise, en 1939, par
le capitaine de Bernonville, chef de poste des services
spéciaux de Koneïtra, qui en informe l'inspecteur
des services spéciaux des mouhafazats de Hauran
et de Damas.
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Les
fermes de Chebaa refont surface
Quand on ouvre le dossier du Golan,
il parait malheureusement réaliste d'évoquer
les possibilités d'une nouvelle guerre dans un
avenir plus ou moins proche.
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Donald
Trump a appelé le 25 Mars 2019 à la reconnaissance
de la souveraineté israélienne sur ce territoire
pris à la Syrie
en 1967.
Cette
décision US sur le Golan aura-t-elle des répercussions
sur le sort des fermes de Chebaa? le flou sur la libanité
des hameaux est-il une brèche offerte à
l'axe syro-iranien et au Hezbollah
et marquerait-il une intention perverse
des USA de relancer un conflit dans la région après
la fin de la guerre perdue en Syrie? Le positionnement
stratégique de ce secteur et ses ressources en
eau en font un enjeu très sérieux pour les
acteurs régionaux.
Voilà pourquoi LibanVision vous propose ce dossier
de synthèse avec l'avis d'experts
(cliquez sur le photo).
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