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Littérature:
la langue française choisie par des auteurs libanais de plus en plus nombreux

Littérature Libanaise Francophone:

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Les "best sellers" francophones chez vous!

L’édition 2007 des « Belles étrangères » consacrée au Liban
Douze auteurs invités en France pour un dialogue vivant des cultures

> PORTRAIT et PROGRAMME DES RENCONTRES DANS LES VILLES DE FRANCE

Les auteurs célébrés

Zeina Abi Rached, auteur francophone, artiste spécialisée en dessin graphique et en animation 2D, a publié deux ouvrages aux éditions Cambourakis: 38, rue Youssef Semaan et Beyrouth et Catharsis (2006). Les deux œuvres relèvent autant de l’objet d’art que de la bande dessinée traditionnelle.
Son prochain livre est paru en septembre 2007.
Mohammad Abi Samra, auteur arabophone, journaliste à an-Nahar. Dans son dernier roman, Soukkan al-souwar (Les habitants des images, 2003), il retrace l’épopée des immigres du Liban-Sud dans la capitale. Dans son premier roman, al-Rajol al-Sabik (L’homme antérieur, 1995), il ajoute au roman de la guerre civile un chaînon nécessaire qui consiste dans le traitement psychologique.
Abbas Beydoun, auteur arabophone, poète, essayiste, et critique littéraire, il est rédacteur en chef du supplément culturel du quotidien as-Safir. Deux ouvrages traduits édités chez Actes Sud: Le poème de Tyr, 2002 et Tombes de verres, 2007.
Rachid el-Daïf, l’un des auteurs arabes les plus connus et les plus traduits en Europe. Enseignant de littérature arabe à l’UL, il a publié de nombreux recueils de poèmes et romans pour lesquels il a été primé. Ouvrages traduits chez Actes Sud : Cher Monsieur Kawabata, 1998 ; Learning English, 2002 ; Qu’elle aille au diable Meryl Streep, 2004 ; Fais voir tes jambes, Leila, 2006.
Hassan Daoud, auteur arabophone, a collaboré en tant que rédacteur en chef à plusieurs journaux et revues. Deux romans traduits chez Actes Sud : L’immeuble de Mathilde, 1998 et Des jours en trop, 2001.
Tamirace Fakhoury a publié à l’âge de 9 ans un poème en arabe. Mais c’est en français qu’elle a signé trois recueils chez Dar an-Nahar.
Joumana Haddad, journaliste au quotidien an-Nahar. Auteur de plusieurs recueils de poésie en arabe et en français.
Imane Humaydane-Younès possède a son actif un roman Ville à vif, paru aux éditions Verticales en 2004. Son deuxième roman sortira en septembre 2007.
Élias Khoury, critique littéraire, essayiste et chroniqueur, il est l’auteur de huit romans traduits et publies chez Actes Sud
qui l’ont placé parmi les meilleurs écrivains arabes.
Charif Majdalani, auteur francophone, dirige le département des lettres françaises de l’USJ. Il conte dans son roman Histoire de la grande maison (éd. du Seuil, 2005) les grandeurs et la décadence d’une famille libanaise, témoin de l’histoire du pays.
Alawiya Sobh, critique littéraire arabophone. Son roman, Marie des Récits, est en cours de traduction chez Gallimard, à paraître en octobre 2007.
Yasmina Traboulsi, juriste de formation, partage sa vie entre Londres où elle est documentaliste et Teresopolis, près de Rio de Janeiro.
Son premier roman, Les enfants de la place, a été publié en 2003 au Mercure de France. Un roman est en préparation sur Beyrouth.


Après la Nouvelle-Zélande en 2006, l’édition 2007
des « Belles étrangères » consacrée au Liban

L’on dit souvent que si vous voulez découvrir un pays, commencez par vous plonger dans ses livres. C’est donc pour dévoiler les mystères des littératures étrangères et de leur pays d’origine qu’une manifestation comme les «Belles étrangères» a été créée en France en 1987. Pour célébrer (en beauté) les 20 ans de cette manifestation, en 2007, du 12 au 25 novembre, les «Belles étrangères» seront consacrées à la littérature libanaise, de langue arabe et française. Le Centre national du livre en France, organisateur de l’événement, invitera ainsi 12 écrivains libanais, 8 auteurs arabophones et 4 auteurs francophones, représentatifs de la diversité et de la richesse de la création littéraire libanaise d’aujourd’hui.

Les noms des heureux élus ont été annoncés le samedi 31 Mars 2007 au cours d’une conférence de presse tenue à la Résidence des Pins (voir photo ci-dessus) en présence de Bernard Émie, ambassadeur de France et maître des lieux; de Benoît Yvert, directeur du livre et de la lecture du ministère français de la Culture et président du Centre national du livre;
de Martine Grelle, chef du bureau des échanges internationaux au CNL et commissaire des «Belles étrangères»; de Mohammad Kacimi, écrivain, dramaturge, conseiller littéraire de la manifestation, et de Denis Gaillard, conseiller culturel près l’ambassade de France à Beyrouth.
Tournée plus particulièrement vers les littératures insuffisamment traduites en français, cette manifestation originale s’est imposée en treize ans d’existence et trente et une éditions comme un des événements phares de la scène littéraire française. Sa formule consiste à inviter en France, pendant deux semaines, une douzaine d’écrivains représentatifs de la littérature de leur pays et à les faire dialoguer de vive voix avec les Français à travers des tables rondes, des débats et des lectures publiques. Un livre et un film accompagnent l’événement.
Ces rencontres ne se font pas uniquement à Paris. Après la soirée inaugurale parisienne, les écrivains invités sont conduits par le Centre national du livre (CNL), maître d’œuvre de l’opération, à travers toute la France pour qu’ils puissent rencontrer aussi le public des petites et grandes villes de province. Le CNL s’appuie pour cela sur son vaste réseau de bibliothèques, de maisons de la culture, de librairies partenaires, où les écrivains sont accueillis le temps d’une soirée ou d’un débat. Les médias audiovisuels (Radio France internationale, la chaîne franco-allemande Arte) sont aussi présents et contribuent à faire de ces rencontres un événement réellement national.
L’autre souci des organisateurs, c’est la disponibilité des traductions en français. «Nous essayons de choisir une majorité d’écrivains déjà publiés en France, car autrement les rencontres avec le public ne peuvent pas se faire de façon intéressante, rappelle Benoît Yvert, directeur du CNL. Mais on prend toujours deux ou trois auteurs encore non traduits et dont les premiers textes sont publiés dans l’anthologie (coproduite avec les éditions de l’Aube) que nous faisons paraître à l’occasion des “Belles étrangères”.»
Cet important travail de sélection et de prospection se traduit par la parution d’une profusion de nouveaux titres à chaque édition des «Belles étrangères». Il suscite aussi quelques répercussions imprévues: une librairie parisienne prise d’assaut par des passionnés de la littérature tchèque lors de l’édition qui lui était consacrée, ou des bibliothèques de prêt qui s’approvisionnent massivement en littérature coréenne, révélée par les «Belles étrangères» de 1995, pour répondre à la demande de leur public.
Mais l’impact réel de ce festival se situe ailleurs, sur le plan de la conception et de l’approche de l’Autre.
Concernant les auteurs sélectionnés par le comite du CNL, Martine Grelle, commissaire de l’événement, avoue que généralement, «l’établissement de cette liste est le moment le plus long et le plus difficile. Il faut qu’elle soit la plus représentative possible des tendances contemporaines et reconnues de la littérature du pays invité. Sans oublier les jeunes espoirs qui promettent pour l’avenir. Pour le Liban, a-t-elle ajouté, les choses se sont déroulées assez rapidement avec un consensus presque général et une équité hommes-femmes très intéressante».
Dans son allocution, l’ambassadeur Émie a rendu hommage aux acteurs de la chaîne du livre au Liban qui constituent «une communauté particulièrement dynamique dans un pays qu’on peut considérer comme la véritable plaque tournante de l’édition dans la région». Il a précisé que la composante francophone de cette famille fait preuve d’une vitalité toute particulière et elle se retrouve chaque année en octobre pour cette grande fête qu’est le Salon du livre francophone de Beyrouth, le troisième en français après Paris et Montréal.
Émie a rappelé, dans ce cadre, l’accord de coopération sur 3 ans, signé entre la France et le Liban avec un montant de 1,5 million d’euros, «pour favoriser le développement des bibliothèques publiques notamment dans les régions touchées par le cruel et inutile conflit de l’été dernier».
Bernard Émie a réaffirmé, pour conclure, le soutien de la France et son engagement qui profite à l’ensemble de la population libanaise. On souhaite que les «Belles étrangères» soit l’occasion pour le grand public français de «découvrir un autre Liban, un Liban qui a su l’été dernier continuer a rêver sous les bombes, un Liban qui crée aujourd’hui, malgré la douleur, un Liban qui écrit pour survivre, un Liban qui ne renonce pas».


Présence libanaise au salon du livre de Paris 2007
La région PACA héberge le Liban au salon du livre 2007 de Paris

Les acteurs et éditeurs libanais présents

Tamyras
Librairie el Bourj
ALEPH
PUSJ / usj
Dar el ilm lil malayin
L'Orient le jour
Dergham
Librairie Antoine
Turning point
Dar Hadaeq
Dar Alkotob alhaditha
ASALA
Dar an Nahar
arab scientific publishers
Qiraat saghira / hamzet wasl


>> Le programme complet des signatures sur le stand (G 158)
des éditeurs libanais entre le 23 et le 27 Mars

Le Prix Littéraire FRANCE-LIBAN 2004 attribué
le 17 Novembre 2004 à...
Elias Jabre pour son roman d'anticipation "Immortalis"
Auteurs, inscrivez-vous pour l'édition 2007
En prévision de la présélection des ouvrages à concourir pour le prix littéraire "France-Liban", les auteurs intéressés (Libanais et Français) ayant publié une oeuvre en langue française entre 2006 et 2007, sont invités à se faire connaître auprès du responsable du prix, Abdallah Naaman, en lui adressant un exemplaire de leurs ouvrages respectifs, accompagné d'un cirriculum vitae, à l'adresse suivante: 3 Villa Copernic,
75116 Paris, avant le 28 février 2008.

Seconde récompense pour Elias Jabre après celle du
prix du roman fantastique du Festival de Gerardmer 2004 (Fantastic’arts)

Voyage dans le futur éternel
Elias Jabre est né en 1975 au Liban. Après des études de droit et un passage par la fiscalité internationale, il se passionne pour les nouvelles technologies qui le conduisent à travailler au développement des activités électroniques d'un groupe d'édition. Immortalis est son premier roman.
Ce récit d'anticipation aux multiples rebondissements rappelle que ce siècle verra se jouer l'enjeu de l'espèce. Il retrace le drame de personnages liés par l'amour et par le sang, happés dans la spirale du progrès. Ils devront faire des choix déterminants pour l'avenir de l'humanité. Mais ont-ils le choix ?

Comme elle le fait chaque année depuis plus de vingt ans, l'ADELF, Association des Ecrivains de Langue Française prépare la réunion du jury* en charge de décerner ce prix qui récompense un auteur libanais ou francophone dont le Liban a été au cours de l'année écoulée le thème central d'un livre.
On connait désormais les 23 auteurs nominés pour cette 23ème édition qui démontre que 2004 fut une année particulièrement féconde et que les auteurs libanais choisissant la langue française comme langue d'écriture sont de plus en plus nombreux:

Chez An-Nahar: Ronald Barakat pour Amour et pénombre
Rita Baddoura pour La Naissance du dé
Rita Bassil pour Beyrouth ou le masque d'Or
Irène Lehr pour "De St Pétersbourg à Ain El Mreissé"
Lutfallah Manassah pour La belle sunnamite

Chez L'Harmattan: Mirna Hanna pour Nouvelles d'un néant inversé
Semaan Kfoury pour "Drogman"
Véronique Ruggirello pour Khiam, prison de la honte
Nader Srage pour Dialogue des langues

Chez Mercure de France: Soraya Khalidi pour Le goût de Beyrouth
Yasmina Traboulsi pour Les enfants de la place

Aux PUF: Eric Debié pour Le Liban reconstruit
Chez Karthala: Carmen Boustani pour Effets du féminin
Chez Gallimard: Dominique Eddé pour Le cerf-volant
Chez La Nouvelle Pleiade: Patricia Elias pour Née du Silence
Chez Geuthner: Manar Hammad pour "Aux racines du Proche-Orient"
Chez Le Manuscrit: Elyane Gorsira pour Jérusalem et Byzance
Beyrouth: Victor Hachem pour Antoura de 1657 à nos jours
Chez JC Lattès: Elias Jabre pour Immortalis
Chez Robert Laffont: Jean-Sélim Kanaan pour Ma guerre à l'indifférence
Chez Fayard: Samir Kassir pour Histoire de Beyrouth
Chez Odile Jacob: Mozayan Osseiran Houbbalah pour L'enfant-soldat
et enfin, Michael Davie pour La maison Beyrouthine

* Le Jury de l'ADELF est composé de huit membres:
Mr Charles Zorgbibe(Président), Mr Abdallah Naaman(responsable du prix), Paul Blanc, Vénus Khoury-Ghata, Adel Ismail, Bahjat Rizk, Charles Rizk et Bassam Tourbah

Fondée en 1926, la Société des écrivains coloniaux rebaptisée ADELF sous la présidence de Henri Queffélec (1964-68) a pour objet de favoriser dans le monde l'expansion des littératures de langue française, de soutenir les écrivains de langue française résidant hors de France, de grouper les activités d'ordre intellectuel et social relatives à la défense et au rayonnement des civilisations du monde francophone, de sauvegarder les intérêts moraux et matériels des écrivains appartenant à l'association. L'ADELF compte plusieurs centaines d'écrivains appartenant à 65 nationalités : les écrivains de pays dont le français est langue nationale, de culture ou d'usage, et aussi des écrivains qui ont choisi le français pour écrire.
ADELF: 14,rue Broussais, 75014 Paris Tel: 01 43 219599

Par ailleurs, le prix hors concours est allé à la professeur
Carmen Boustani pour son livre Effets du féminin,
variations narratives francophones, publié chez Khathala. À signaler que ce prix hors concours, à part à Carmen Boustani, a été décerné quatre fois en 20 ans (1981 au Dr Adel Ismaïl, 1987 au président Charles Hélou, 1998 à l’ambassadeur Nasri Salhab,
2003 au professeur Jad Hatem).


Entre France et Liban

Regards appuyés pour:
L’ENFANT DU SECRET,
par Alexandrine Siham
ou l'histoire du parcours d'un enfant adopté entre deux pays:

Quête, identités et droits à travers le t
émoignage d'une femme et de son vécu, sur le mystère des origines entre la France et le Liban (1965-2003)
"Plus de trente ans après son adoption par une famille française, Alexandrine Siham nous livre ici le récit de son parcours et sa quête des origines : depuis l’orphelinat des premières années, l’auteur évoque tour à tour l’oubli, la fuite en avant vers d’autres terres d’adoption, puis le retour au Liban natal après les années de guerre. Une véritable enquête s’engage alors, aventure médiatique et humaine, pour retrouver celle a qui a donné au jour une
"enfant de la honte"…Celle qui, par une grossesse illégitime, a déshonoré sa famille et a encouru le " crime d’honneur ". Ce récit, autobiographique, pose la question de l’accès aux origines et s’inscrit ainsi dans un contexte ou l’accouchement sous X et l’adoption d’enfants étrangers agitent l’opinion suscitant débat et réformes. Avant tout cependant, L’enfant du secret se présente comme le témoignage sensible d’une histoire d’amour entre une enfant et ses parents d’adoption, un vibrant appel à la vie.
"

Un premier livre qui mérite une attention particulière tant il colle à la réalité
d'une certaine génération libanaise.
Editeur : L’harmattan, collection "Graveur de mémoires
".

Invitation à la conférence au Salon "lire en français" de Beyrouth
et à la séance de signature du 24 Octobre avec la Librairie Antoine
Présentation à Paris le 24 Novembre 2004, Librairie Alizées (M° Cardinal Lemoine).

Le message d’amour et le cri de souffrance d’Alexandrine Siham
dans « L’enfant du secret »--
Alexandrine Siham, c’est « l’enfant du secret », l’enfant aux deux prénoms, l’enfant aux deux identités. La première, l’originale, la Libanaise, c’est Siham ou plutôt Siham Nelly qui, jusqu’à l’âge de 4 ans, était une enfant abandonnée, illégitime, une enfant de la honte recueillie par les religieuses de la crèche Saint-Vincent-de-Paul et à laquelle elles ont donné un nom, une identité. La seconde, Alexandrine, est de nationalité française. Elle a aujourd’hui 39 ans. Née à l’âge de 4 ans, alors qu’elle venait d’être adoptée par un couple de Français, elle tente de trouver sa place dans un monde auquel elle ne s’identifie pas. Brune à la peau mate, dans une famille de blonds aux yeux bleus, elle souffre de ne pouvoir être la petite fille modèle tant désirée. Elle souffre surtout du déracinement de son pays d’origine, le Liban, de ce passé que ses parents adoptifs tentent d’occulter, mais qui resurgit dans ses cauchemars d’enfant et ses rêves les plus fous. Rebelle, tant dans son aspect physique que dans son comportement, elle exprime sa souffrance à travers ses actes, ses paroles, ses interrogations. Siham Nelly au Liban, Alexandrine en France, la jeune femme ne se sent ni tout à fait libanaise ni tout à fait française. Tout juste une étrangère ici ou là, mais une étrangère partout ailleurs aussi. À travers L’enfant du secret, Alexandrine se livre totalement, raconte sa détresse, sa souffrance de cette dualité qui lui pèse, son chagrin de ne pas parler ni comprendre l’arabe, sa langue maternelle, qu’elle parlait pourtant exclusivement jusqu’à l’âge de 4 ans, lorsqu’elle était une enfant de « Azarieh ». Mais ce qu’elle dépeint surtout, c’est sa quête de ses parents biologiques qui l’ont abandonnée, sa quête de sa mère surtout, cette « mama ou emmé » à laquelle elle voudrait tant mettre un visage, qui devient non seulement son leitmotiv, mais ausi le but de son existence. Ce désir d’en savoir plus sur sa naissance, de comprendre pourquoi et dans quelles circonstances elle a été abandonnée, se transforme en une hantise. Une hantise qui ne peut que faire souffrir ses parents adoptifs, devenus malgré eux partenaires actifs dans la quête engagée par leur fille, par amour pour elle, par peur aussi de la perdre. Au fil des pages, Alexandrine l’enfant rebelle se transforme. La jeune fille déchirée entre deux mondes, écorchée vive, rancunière, qui donne des surnoms à sa mère adoptive pour ne pas l’appeler maman, qui lui crache sa souffrance d’avoir été déracinée, arrachée à son pays tant chéri, se mue, progressivement, en une Alexandrine plus tolérante. Une Alexandrine qui a accepté sa situation, même si sa quête n’a toujours pas abouti. Une Alexandrine qui a intériorisé sa dualité et qui désire exister en tant que telle. L’enfant du secret est le cri de souffrance d’une personne qui finit par comprendre que les mentalités d’une société encore trop traditionnelle sont plus fortes que le droit à retrouver ses origines. Au terme d’années de combat, L’enfant du secret est en quelque sorte le parcours d’Alexandrine, un parcours identitaire, semé d’embûches, mais aussi tout plein d’émotions, de souvenirs, de parfums, d’amour, de poésie aussi. Un message d’amour immense qu’elle exprime aussi bien à ses parents adoptifs qu’aux religieuses de la crèche. Au-delà de l’histoire personnelle d’Alexandrine, resurgit le problème de l’adoption, de l’accès aux origines, mais aussi des grossesses illégitimes dans une société libanaise encore traditionnelle.

Dans le cadre de la signature de son ouvrage, L’enfant du secret, édité chez L’Harmattan, Alexandrine Siham organise une conférence-débat, sur le thème « Parcours d’un adopté entre deux pays », le dimanche 24 octobre à 17 heures, au Biel, au Salon Lire en français et en musique, à la salle Quatz’arts. La signature du livre suivra la conférence, à 18 heures, au stand de la librairie Antoine.

Anne-Marie EL-HAGE



Premier roman de Yasmine Ghata ( la fille de Vénus)
aux éditions Fayard «La nuit des calligraphes»:
un destin de femme à la pointe du roseau

Sélectionné pour le Prix Renaudot

« Ma mort me fut aussi douce que la pointe du roseau trempant ses fibres dans l’encrier, plus rapide que l’encre bue par le papier. » Ainsi parle Rikkat, la calligraphe ottomane, d’une voix flottant entre ombre et lumière, alors qu’elle entreprend le récit de sa vie.
Dans la plupart des livres d’histoire, Mustafa Kemal Atatürk (1881-1938), fondateur, en 1923, de la République de Turquie, est décrit comme le héros, voire comme le sauveur de son pays. Or, dans La nuit des calligraphes, le premier roman de Yasmine Ghata, fille de la poétesse Vénus Khoury-Ghata et spécialiste en histoire de l’art islamique, le président démocratique est loin d’être porté aux nues. En effet, dans son empressement à rapprocher sa nation de l’Europe, Atatürk met la calligraphie arabe, avec une grosse partie de l’héritage de l’islam, au rebut. Les enlumineurs, qui, jusque-là, étaient hautement considérés, sont alors lentement oubliés, pendant que l’alphabet latin fait une entrée fracassante en Turquie. Yasmine Ghata – dont le premier mérite est de ne pas avoir accablé son récit de prétentieux étalages de ses connaissances profondes sur le sujet précis de la calligraphie arabe en Turquie, dans les premières années du XXe siècle –, présente, à la première personne du singulier, Rikkat, une des très rares femmes calligraphes ottomanes.
Spiritualité et déboires conjuguaux
À travers le récit houleux de son existence de 83 ans, se déploie un monde tout à fait particulier, celui d’hommes et de femmes qui vivent en lien étroit avec Allah, par le biais de leur «calame» (pointe de roseau trempée dans l’encre). L’auteur, au fil de ces quelque 175 pages ponctuées de courts chapitres, a réussi à poser un climat narratif, à travers une écriture raffinée et accessible, qui ne cherche pas l’originalité. Rikkat est à la fois calligraphe d’Allah et mère de deux enfants, nés de deux pères différents. Entre spiritualité extatique – l’artiste est protégée, tout au long de sa vie pour le moins malheureuse, par le fantôme de Sélim, un de ses pairs qu’elle a retrouvé pendu dans sa chambre et qui lui a légué son matériel et ses secrets de calligraphe – et déboires conjugaux – son premier mari est aussi rustre et inattentif que le second –, le roman trouve son équilibre et sa crédibilité. Et, pour pimenter l’ensemble, un secret qui ne sera divulgué, habilement d’ailleurs, que dans les dernières pages. Yasmine Ghata a assurément réussi sa première tentative romanesque. Même si son style dépouillé, qui s’identifie au personnage central, a de quoi déconcerter, et si ses allées et venues sur la ligne temporelle du récit, au gré des souvenirs de Rikkat, manquent parfois de justification. Le destin de Rikkat, femme calligraphe du début du siècle dernier, spirituelle et audacieuse, inspirée et mélancolique, intègre harmonieusement les terres du roman historique. Un coup d’essai prometteur.

Diala GEMAYEL -L'Orient-Le Jour


« Si c’était à refaire »... par Michel Ghazal

Deux ouvrages à son actif : Mange ta soupe et... tais-toi (1992) et Circulez, y’a rien à... négocier (1997), tous les deux parus au Seuil. Voilà le parcours littéraire de Michel Ghazal. Aujourd’hui, il publie un nouvel ouvrage, un roman entre conte psychologique et réflexions philosophiques, sur un ton subtilement ironique et léger, sous le titre de
Si c’était à refaire (Editions Dervy-225).


Refaire quoi? Sa vie bien entendu! Être surtout soi-même pour mieux vivre et garder ses distances (ou les brûler) avec l’ambition, le pouvoir; savourer fidélité et loyauté; éviter les tourmentes de la culpabilité, de la séparation et de la trahison; tenter de se rapprocher de la perfection et du bonheur; vivre l’amour dans toute sa force et son intensité. Qui de nous a jamais su quoi faire dans les méandres et les trappes d’une vie? Nos errements, nos échecs, nos difficultés à surmonter les obstacles, comment les voyons-nous avec la fuite du temps et son irréparable passage temps? À ces interrogations que nul n’élude, Michel Ghazal a écrit ce roman à la fois badin et grave, mais où tout est perçu dans une constante bonne humeur et où l’humour est la clef de voûte de bien des situations. Tout commence par un rêve, la vie d’ailleurs n’est-elle pas un rêve?... Un rêve pour sortir de soi-même et croiser «l’ange» qui fera le parcours à vos côtés... Un voyage qui se dessine au fur et à mesure en une sorte «d’avancée vers le passé»... Une sorte d’arrêt sur image pour mieux réfléchir sur soi, ses actions, ses agissements et les valeurs que nous subissons comme un carcan. L’auteur nous propose cette aventure pour une leçon de sagesse: «Le saut dans l’inconnu allait commencer. Seulement, était-ce vraiment l’inconnu ou s’agissait-il simplement d’accepter de voir ce qui, depuis toujours, lui pendait au nez et qu’il occultait?» Sur ce canevas finalement assez simple se trame toute une histoire d’un roman à rebondissements multiples, avec ses situations imprévisibles et parfois cocasses, et ses personnages à la hauteur de tant de péripéties... Un roman entre esprit voltairien et rêveries gibraniennes (d’ailleurs l’auteur du Prophète est largement cité en exergue des chapitres dans cette fiction)* pour dispenser non un art de vivre, mais un «bonheur» de vivre en harmonie avec soi-même. Alors se déroulent les thèmes qui tourmentent l’humanité. On en fera le tour avec un jugement à garder en tête. La puissance est-elle une réalité ou une vanité? La tolérance serait-elle un différend ou doit-elle rester une différence à respecter? L’incompréhension serait-elle un envirant sentiment de vaincre ou doit-elle être un besoin de convaincre? Comment considérer un échec? Accepter la loi du monde ou imposer la tienne? Trahir, c’est se duper ou être trompé? Où placer le don? Altruisme ou égoïsme? Comment traquer la perfection entre ombre et lumière? L’amour est-il chaîne ou liberté? Le bonheur est-il notre destination ou un voyage qui nous permet de vivre? Autant d’interrogations et de réponses que chacun lira d’une manière différente. Des mots simples, de la distanciation, un regard lucide, de l’humour, une pointe de bonhomie, une écriture claire et sans sophistication. Voilà les ingrédients de cet ouvrage où est abordé le thème d’un véritable parcours initiatique.


Edgar DAVIDIAN - L'Orient Le Jour

* Notez que simultanément sort chez Dervy une réedition du Jardin du Prophète illustrée par des calligraphies de Lassad Metoui et traduite par JP Dahdah.


«Mansour Labaky, la paix par le pardon», d’Évelyne Massoud
ou une une vie remplie à ras bord



Août 2004- Il y a, dans la vie de tout homme, des coïncidences troublantes. Pour certains, les coïncidences sont mystérieuses et les mènent vers des passes obscures, des lieux envoûtés, des contes dont on ne sait s’ils sont de fées. Pour d’autres, ces coïncidences sont lumineuses. Le père Mansour Labaky (64 ans) est de ceux-là. Sa vie semble une suite ininterrompue de rendez-vous, dramatiques, douloureux ou heureux, avec la providence. L’épisode le plus marquant de cette vie remplie à ras bord, le père Labaky l’a vécu à Damour, le 20 janvier 1976, deux jours après la chute de la Quarantaine, un camp de réfugiés palestiniens à l’entrée nord de Beyrouth. Ils furent cinq cents à trouver refuge à l’intérieur de l’église Saint-Élie, dans l’idée qu’ils pouvaient mourir d’une heure à l’autre, sous les bombardements des forces palestiniennes ou massacrés à l’arme blanche.

«Nous avons su comment vivre en chrétiens, sachons comment mourir de même», exhorte le père Labaky (nommé cinq ans plus tôt curé de Damour), durant ces heures dramatiques. «S’il nous veut au Ciel, il nous donnera la force de mourir et pardonner, comme saint Étienne», ponctue le prêtre, qui a la confiance de tous, avant de conduire ses paroissiens dans un suprême Notre Père. Quelques angoissants moments plus tard, des coups violents et rapides sont frappés à la porte. Est-ce l’attaque finale des combattants palestiniens? La panique s’empare des fidèles. Le prêtre joue son va-tout. Il décide d’ouvrir la porte et de se proposer en otage. S’il est tué, peut-être sa mort assouvira-t-elle la folie meurtrière des hordes sauvages qui encerclent l’église. Sous le regard épouvanté des fidèles, il ouvre la porte. Ce sont deux habitants du village qui leur proposent de couvrir leur fuite. Après leur départ, l’église sera dynamitée. Cet épisode est le plus fort de l’ouvrage qu’Évelyne Massoud, journaliste à La Revue du Liban, ancienne secrétaire de la Jeunesse étudiante chrétienne, consacre à «l’itinéraire» du père Labaky.

Son titre, La paix par le pardon, donne son sens à l’ouvrage, qui n’est pas une biographie à proprement dit. De sa jeunesse insouciante à Baabdate à sa situation présente de président de la Ligue sacerdotale, en passant par le Foyer de Douvres-la-Délivrande, près de Caen (France), qui accueillera, sur une dizaine d’années, quelque 200 enfants venus du Liban, et le mouvement «La Tedhal» (Ne crains pas), Évelyne Massoud retrace dans les détails l’itinéraire du père Labaky. Cet itinéraire passe notamment par la belle histoire de sa mère, engrangeant, sacrifice après sacrifice, mois après mois, des grains de blé qui servirent à la première hostie consacrée de son fils. «Ta vie sera marquée par la jalousie et la calomnie», l’avertira-t-elle avant sa mort.. De fait, la vie de ce prêtre écrivain, poète, musicien, conférencier, bâtisseur et éducateur est un peu trop médiatisée aux yeux de certains. Il faut dire que le monde du mécénat est un monde de riches, de princesses et de célébrités qui peut facilement prêter le flanc à la critique et susciter des jalousies.

L’ouvrage est préfacé par Jean Lacouture. Dans un avant-propos, le père Labaky affirme «qu’il est inutile de chercher un autre but dans la vie que celui de tapisser d’espérance les chemins qui mènent le monde à Dieu». Des chemins qui ne sont pas faits que de roses.
Fady NOUN pour L'Orient-Le Jour

(*) Mansour Labaky, la paix par le pardon, d’Évelyne Massoud, préface de Jean Lacouture. Éditions du Jubilé, «Le sarment».



Dictionnaire étymologique des noms du monde arabe

"Les Sources Etonnantes des Noms du Monde Arabe"
,
par Jana Tamer aux éditions Maisonneuve & Larose-Paris
405 pages, prix autour de 35 Euros.


Pourquoi le nom du palmier, nakhlé/nakhla, est-il un prénom toujours chrétien, jamais musulman ? Quelle est la relation entre des noms aussi différents en apparence que Hassan et Ghosn ? Comment Farouk, « sauveur » en syriaque, a pris le sens d’« équitable » en arabe ? Pourquoi tant de noms ont-ils un sens péjoratif ? Pourquoi les noms de saints chrétiens d’Orient passent-ils pour « étrangers » ? Pourquoi de nombreux noms arméniens sont-ils en fait perses ?
C’est à ce genre de questions et bien d’autres que cet ouvrage, qui recense plus de deux mille noms, tente d’apporter une réponse.


L'étude des noms de personnes dans le monde arabe révèle une diversité insoupçonnée d'origines, de cultures et de langues. Par des commentaires détaillés, s'appuyant sur des références historiques et linguistiques, ce dictionnaire souligne le rôle majeur des cultures, des religions et des langues syriaque (araméenne), hellénistique et perse dans la constitution de la civilisation et de la langue arabes. L'auteur y aborde les facteurs historiques et sociaux qui expliquent les différences et les similitudes d'un pays à l'autre et contribue à modifier la perception du monde arabe comme une région n'ayant qu'une seule langue, une seule religion, une seule histoire. Cet ouvrage s’adresse donc à tout public intéressé par le Moyen-Orient.

>>> Lire la description et la critique du livre par François-Xavier


Après "le couvent de la lune", deuxième volet de la fresque historique et sentimentale de Carole Dagher
«Le seigneur de la soie»

Dans un Liban terrain des rivalités entre les grandes puissances européennes éclate, en 1840, un soulèvement contre les abus de Béchir II Chéhab et de son suzerain, Méhémet-Ali, vice-roi d’Égypte et maître du pays depuis 1831. Les affrontements entre druzes et maronites deviennent violents (massacres de 1860). La France, qui assurait la protection des maronites, intervient en 1861 et fait reconnaître par les Ottomans l’autonomie du «Mont-Liban». Voilà, en résumé extrêmement concis, les grandes lignes historiques du roman Le seigneur de la soie, de Carole Dagher. Diplômée de Sciences-Po, journaliste, auteur de nombreux essais politiques, Dagher est devenue romancière sur le tas, suite à une rencontre avec l’éditeur de Plon qui lui a suggéré de combler une lacune: tisser une trame romantique avec pour toile de fond le Liban du XIXe siècle. Après des mois de recherches entreprises à Deir el-Qamar, elle se retrouve avec une masse d’informations qui dépasse de loin ses espérances. «Il y a de quoi en faire dix volumes», s’était-elle exclamée. Elle s’en tiendra finalement à trois. Voilà donc aujourd’hui, Le seigneur de la soie, second volet de la fresque historique et sentimentale de Carole Dagher, après Le couvent de la lune, épopée qui racontait la naissance du Liban moderne. En écrivant le tome 1, Carole Dagher avait découvert ses «racines historiques, culturelles, nationales avec un émerveillement et un bonheur presque enfantins», avait-elle déclaré lors de la remise du prix Ignace Maroun 2003. Elle a également compris pourquoi l’histoire se répète chez nous: «Parce que nous n’en savons rien, ou pas grand-chose, et que donc nous ne retenons pas les leçons du passé.» Le seigneur de la soie, c’est l’histoire d’un peuple qui vit dans la psychose des massacres. L’histoire de religions qui se côtoient avec autant d’indifférence que de respect. L’histoire de guerre où l’enjeu est devenu soudain une terre où cohabitaient les belligérants depuis plus de mille ans… À la mort de son père Karim, premier chevalier de l’émirat du Liban, Francis se retrouve à la tête d’une insurrection déclenchée contre l’occupant égyptien. À la chute de l’émirat, le jeune homme se consacre à l’élevage des vers à soie. Il rencontre une jeune veuve, Agnès Morand, venue établir une filature au Mont-Liban. Une idylle s’ensuit, et Agnès entraîne Francis à Lyon pour qu’il s’initie aux nouvelles techniques de la soie. Mais nous sommes en 1848; les canuts de la Croix Rousse s’insurgent et Francis participe au soulèvement. Ce qui choque le milieu patricien où il évolue et déplaît à Agnès. Leur liaison bat de l’aile. Francis quitte Lyon pour rentrer au pays. Devenu le «seigneur de la soie», Francis tombe amoureux de Yara, la fille de l’émir.
Mais cet amour est condamné d’avance.



Le dernier livre d'Amin Maalouf vient de sortir:
«Origines »:: « Pour patrie, un patronyme... »

De Aïn el-Qabou à La Havane, une saga familiale qui court
sur un siècle et demi d’histoire

La vie est un roman. Celle des aïeux spécialement qui, nimbée du mystère des non-dits, des secrets de famille et du cadre d’époque, interpelle particulièrement l’imaginaire. Le destin le plus insignifiant s’habille alors de romanesque et se transforme, avec le passage du temps, en récit de vie riche de multiples correspondances. Pour les écrivains-conteurs comme Amin Maalouf, la généalogie est un terreau fertile. Après y avoir puisé pour ses précédents ouvrages un personnage par-ci, une anecdote familiale par-là, l’auteur du Rocher de Tanios a décidé de consacrer à l’histoire des siens une biographie, ou plutôt un roman vrai. Origines (qu’il vient de publier aux éditions Grasset) est un long hommage aux ancêtres, au grand-père surtout, figure centrale de ce livre. Un homme aux idées très avancées pour son époque, une sorte de mouton noir dans son milieu, à la fois enseignant, poète, franc-maçon et anticlérical.
Des lettres dans une malle
« Quand mon grand-père avait eu, à la fin des années 1880, le courage de désobéir à ses parents pour aller poursuivre ses études dans une école lointaine, c’est à moi qu’il était en train d’ouvrir les chemins du savoir. Et s’il a laissé, avant de mourir, toutes ces traces, tous ces textes en vers et en prose soigneusement recopiés et accompagnés de commentaires sur les circonstances dans lesquelles il les avait dits ou écrits, s’il a laissé toutes ces lettres, tous ces cahiers datés, n’est-ce pas pour que quelqu’un s’en préoccupe un jour?» écrit Maalouf. Lorsqu’à l’occasion d’un deuil, il tombe sur ces documents – et quelques autres plus anciens encore – conservés de génération en génération dans une malle dans la maison familiale, il s’y plonge, avec son obsessionnel sens du détail exact, pour remonter les traces de ses origines. Déchiffrant les manuscrits, recueillant les souvenirs des plus âgés, mettant ses pas dans ceux de ses prédécesseurs, pour reconstituer la vérité historique, l’écrivain ira même jusqu’à La Havane, où il retrouvera un cousin dont il ne soupçonnait même pas l’existence.
Anticléricaux et mystiques
Dans sa lignée, l’auteur va ainsi découvrir un grand-père anticlérical, un grand-oncle curé catholique, un autre ayant fait fortune à Cuba, un arrière-grand-père pasteur protestant, un oncle d’Amérique mystique... Un brassage de caractères, de tempéraments, un enchevêtrement d’appartenances religieuses, qui donnent forcément quelques querelles de clochers et des identités complexes. Ingrédients parfaitement adaptés à une fresque familiale. Sur fond d’un siècle et demi d’histoire du Levant, allant de l’Empire ottoman au mandat français, Amin Maalouf nous entraîne dans le sillage des personnages de sa famille, avec cet art consommé du verbe qui lui vaut sa réputation de «conteur». Du village de la montagne libanaise à La Havane, en passant par Paris, New York, on suit les tribulations de cette «tribu qui nomadise depuis toujours dans un désert aux dimensions du monde» dont se revendique l’auteur. Cet écrivain, qui «cultive l’éloignement comme on arrose à sa fenêtre une fleur triste», réfute d’ailleurs le terme de racines, parce qu’il est synonyme de captivité, et réclame «pour patrie, un patronyme». Et pour toutes origines, cette tumultueuse filiation. À travers ces esquisses de destins singuliers, se profile celui du Liban. De ce coin de terre soumis à toutes les ingérences, de ses habitants périodiquement acculés à émigrer vers des cieux plus cléments. L’histoire se répète. Celle des familles comme celle des pays (485 pages).
Zéna ZALZAL, dans L'Orient Le Jour


Nouveauté: «Immortalis», d’Élias Jabre: voyage dans le futur éternel
Prix du roman fantastique du Festival de Gerardmer 2004 (Fantastic’arts)

Elias Jabre est né en 1975 au Liban. Après des études de droit et un passage par la fiscalité internationale, il se passionne pour les nouvelles technologies qui le conduisent à travailler au développement des activités électroniques d'un groupe d'édition. Immortalis est son premier roman.
Ce récit d'anticipation aux multiples rebondissements rappelle que ce siècle verra se jouer l'enjeu de l'espèce. Il retrace le drame de personnages liés par l'amour et par le sang, happés dans la spirale du progrès. Ils devront faire des choix déterminants pour l'avenir de l'humanité. Mais ont-ils le choix ?

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Pour un coup d’essai, Immortalis d’Élias Jabre s’est révélé un coup de maître. À peine publié aux éditions du Masque (le 28 Janvier 2004), ce premier ouvrage d’un jeune Libanais de France a obtenu le prix du roman fantastique décerné, le mois dernier, à l’occasion du Festival du film Fantastic’arts de Gerardmer. Consacré par un jury composé d’auteurs et de journalistes reconnus, Marc Caro, Didier Imbot, Yann Moix, Jacques Baudou et Bernard Werber (ce dernier est considéré comme le nouveau pape de la littérature française de science-fiction), Immortalis mérite bien ses lauriers. Comme son titre l’indique, ce récit d’anticipation base sa trame sur un rêve vieux comme le monde: l’immortalité. Un rêve que notre société contemporaine tente d’ailleurs d’atteindre d’une manière détournée à travers tous ces élixirs de santé, de beauté et de longévité qui vont de la simple gélule aux injections de Botox. Mais là n’est pas la question. Immortalis préfigure ce qui pourrait advenir si une vraie victoire sur la dégénérescence était arrachée par les experts généticiens, ces alchimistes des temps modernes
Eugénisme et fantasme d’éternité
À travers les multiples rebondissements d’une épopée familiale du XXIe siècle, où les liens de sang et d’amour se mêlent aux manipulations génétiques, le jeune auteur dresse le portrait d’une société futuriste dont le spectre nous menace. Car les racines de ce récit, alliant bioéthique et politique véreuse, sont profondément ancrées dans notre réalité. Imaginez un monde livré à des politiciens mégalomanes, servis par des savants fous qui, dans leurs laboratoires high-tech, feraient «œuvre au noir» pour créer un nouvel homme. Imaginez un monde dominé par des hommes eugéniques, c’est-à-dire « améliorés », où les humains ayant des défauts seraient éliminés ou, en attendant leur extermination, parqués dans un zoo. Oui, un vrai zoo, que les races supérieures viendraient visiter, caméra à la main. Une zone où seraient exilés aussi bien les personnes atteintes de maladies génétiques que les criminels et les opposants au régime. Mais encore plus, imaginez le fantasme de l’immortalité enfin réalisé. Un scénario catastrophe qu’Élias Jabre, 29 ans, juriste de formation, passionné par les nouvelles technologies (il a d’ailleurs travaillé au développement des activités électroniques d’un groupe d’édition), a concocté avec une réelle maestria. Et vous aurez une tragédie bien ficelée, qui puise à la source grecque de la réflexion philosophique sous-jacente (qu’est l’immortalité sinon l’éternité, et celle-ci n’est-elle pas la répétition du cycle de la vie ? ) mais où les personnages ont troqué leurs toges pour des combinaisons de manga. Immortalis est un livre prenant. Narrées dans un style imagé, les aventures, en 2041, des docteurs Léonard et Stanislas et de leur progéniture Lili, Éléna, Borja et Théo feraient une belle adaptation cinématographique. Élias Jabre : une jeune plume à suivre.

Zéna ZALZAL pour L'Orient le Jour



Parution du dernier livre d'Alexandre Najjar,
Le mousquetaire


La couverture de l’ouvrage: portrait de Zo d’Axa par Constant Montald.

LBV, 23 Janvier 2004- Voilà un essai sur Zo D'AXA (1864-1930), célèbre pamphlétaire de la fin du XIXème et du XXème siècle; de son vrai nom Alphonse Gallaud, refusant le qualificatif d'anarchiste en lui préferant celui d'homme libre, il créa les journaux "l'Endehors" et "la Feuille" avant de se réfugier dans le mutisme et le nomadisme sans jamais passé inaperçu, jusqu'au Québec par exemple.
L'ordre du monde n'est pas pour lui; c'est un jusqu'auboutiste qui finit par abdiquer après la mort de sa femme.
La phrase "le suffrage universel est un moyen d'étouffer l'initiative individuelle"
illustre l'intensité et la passion du personnage que la plume d'Alexandre Najjar transcrit avec verve et fidélité pour une lecture facile de bout en bout.
Paris, Editions Balland
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Zo d'Axa, la liberté à l'état pur L'écrivain libanais Alexandre Najjar publie "Le mousquetaire", une biographie d'Alphonse Gallaud, alias Zo d'Axa, l'un des pamphlétaires les plus virulents de la fin du XIXe, anarchiste hors de l'anarchie. Flamboyant, impertinent, épris de liberté. Ce sont quelques-uns des qualificatifs qu'il convient d'employer au sujet de Zo d'Axa, pseudo qui signifierait, en grec, "je vis en mordant". Après deux biographies de "Khalil Gibran" et d' Ernest Pinard, "Le Procureur de l'Empire", Alexandre Najjar nous fait (re-)découvrir Alphonse Gallaud, pamphlétaire inclassable (1864-1930). "Ce qui m'a séduit, raconte l'écrivain, c'est son amour de la liberté, son indépendance absolue". Dès son plus jeune âge, Zo d'Axa se sent en dehors de la société. Tellement "endehors" qu'il baptise son premier journal, à 27 ans, ainsi. Il se déclare "en dehors de toutes les lois, de toutes les règles, de toutes les théories, mêmes anarchistes". D'écrits en provocations, des geôles de Mazas à celles de Jérusalem, ce mousquetaire s'attaque aux mensonges de la classe politique, la mascarade des élections, la bêtise de la justice, etc. Il va même jusqu'à présenter son candidat, "l'âne Nul" aux élections de 1898. A 36 ans, il part, car "la sagesse est de ne pas rester". Il mettra fin à ses jours à Marseille, en toute liberté, comme le fut toute sa vie.
Par Jenny Lafond, Metro
Editions Balland, 175 pages, 15 euros.

« Le mousquetaire Zo d’Axa » : une biographie pleine d’analogies...
par Zéna ZALZAL

Pour Alexandre Najjar, c’est toujours la période biographies. Son dernier livre, «Le mousquetaire. Zo d’Axa – 1864-1930» (paru en janvier 2004 aux éditions Balland), dresse le portrait d’un pamphlétaire français de la fin du XIXe siècle, un homme d’une liberté sans concession. Un parfait contraste avec l’ouvrage précédent, une biographie «en contre-exemple» d’Ernest Pinard, «Le crapaud», ce redoutable procureur du Second Empire, qui avait persécuté, entre autres, Flaubert et Baudelaire. Deux personnages qui, pour n’avoir rien en commun, s’inscrivent dans l’œuvre d’Alexandre Najjar avec une certaine logique. Ainsi, après avoir dénoncé «le symbole même de l’obscurantisme, de l’intolérance et de la bêtise» , l’avocat-écrivain réhabilite une figure d’« homme pareil au vent : libre, pur, insaisissable, (...) qui savait secouer par le souffle de son esprit ceux qui se vautrent dans la médiocrité», écrit-il dans sa préface. «Les thèmes de mes livres s’imposent à moi», affirme-t-il d’ailleurs, expliquant que « c’est le hasard qui détermine, à chaque fois, le choix de l’un des nombreux sujets que j’ai en tête et me pousse obstinément à le développer ». C’est ainsi qu’étant tombé plus d’une fois, au cours de ses lectures, sur le nom étrange de Zo d’Axa, Alexandre Najjar entreprend des recherches qui le conduisent à la petite-fille de ce dernier, Béatrice Arnac. Seule descendante directe de ce personnage plein de panache, qui maniait aussi bien le fleuret que la plume, elle met à sa disposition les archives familiales. «Trois caisses pleines de textes manuscrits que j’ai compulsés un à un», dit-il. Et à travers lesquels, il apparaît qu’en dépit d’une trajectoire fulgurante, cet «escrimeur de mots» avait eu une certaine notoriété en fondant vers la fin du XIXe siècle deux journaux libertaires et satiriques : L’Endehors et La Feuille. « À vingt-sept ans, Zo d’Axa (Alphonse Gallaud, de son vrai nom) avait réussi à rassembler autour de lui des intellectuels parmi les plus importants de son époque. Des personnages comme Octave Mirbeau, Félix Fénéon (critiques littéraires et artistiques), Georges Darien, Henri de Régnier, etc. Surnommé par Clemenceau “ Le mousquetaire rouge ”, cet homme épris de liberté n’a pas eu peur d’affronter les juges, la prison et l’exil pour dire tout haut ce que beaucoup pensaient tout bas. Très audacieux dans ses écrits comme dans ses actes, il n’a pas versé pour autant, comme certains anarchistes, dans le terrorisme. D’ailleurs, rebelle à toutes les classifications, il réfutait toutes les étiquettes, même celle d’anarchiste », explique l’auteur.
XIXe siècle en France, XXIe siècle au Liban
Fougueux, intransigeant, insoumis, Zo d’Axa ne peut vivre dans un carcan, encore moins celui d’une société où règnent l’incompétence, le laxisme et l’injustice. Après avoir attaqué avec virulence aussi bien l’armée et la magistrature que la famille ou la patrie, arrivé à la trentaine, à défaut d’avoir pu changer le monde, il décide de larguer les amarres. Il passera les trente années suivantes à vagabonder au gré de sa fantaisie aux quatre coins du globe, avant de finir par se donner lui-même la mort – ultime liberté – en se tirant une balle dans la tête. Pour ceux qui reprocheraient à Alexandre Najjar sa propension à faire des biographies de personnage purement français, l’auteur, en bon avocat, se défend d’avoir choisi un sujet qui n’a pas le moindre lien avec le Liban. «D’une part, j’ai toujours revendiqué la triple liberté de l’écrivain: celle du choix du sujet, du choix de la langue et du choix du genre littéraire. Et, d’autre part, je trouve qu’il y a beaucoup d’analogies entre le XIXe siècle en France et le XXIe siècle au Liban. Les régimes de l’époque avaient de nombreux travers qu’on rencontre dans notre société actuelle, tant au niveau des libertés publiques que des dérapages de la justice...» Une bonne raison, en tout cas, de lire ce livre.

>>> Lire aussi: La critique, plutôt flatteuse, de la Revue du Liban

>>> Tous les livres d'Alexandre Najjar sont référencés par la Fnac.com


« Histoire des Orientaux de France »,
de Abdallah Naaman*


Le 19e ouvrage de Abdallah Naaman, intitulé Histoire des Orientaux de France, vient de paraître aux éditions Ellipses (Paris). Il s’agit d’un travail historique, généalogique et sociologique qui raconte, en 528 pages toutes pleines de passion et de précision, l’installation en France de vagues successives d’Orientaux
(les actuels libanais, syriens, égyptiens, jordaniens, palestiniens, irakiens). En effet, dès les premiers siècles de notre ère, les Orientaux écument la Méditerranée et deviennent les familiers de l’Europe qu’ils sont les premiers à évangéliser. La Gaule connaît tour à tour leurs moines et leurs marchands, puis leurs cavaliers et leurs savants, enfin leurs voyageurs et leur élite pensante et industrieuse. Dans sa recherche, l’auteur s’appuie sur de nombreuses archives inédites, complétées par des témoignages oraux, pour raconter les pérégrinations de ces Orientaux sur le sol français pendant deux millénaires, passant en revue le destin individuel ou collectif des uns et des autres, révélant pour la première fois des épisodes glorieux et parfois sanglants du long cheminement de ces passeurs qui n’ont pas démérité de la France. L’auteur mène en outre une vaste enquête de terrain, interrogeant les descendants, recueillant beaucoup d’éléments inconnus enfouis dans la mémoire familiale, explorant une quantité de documents inédits et consignant avec minutie et fidélité des témoignages poignants. Ce faisant, il rectifie nombre d’erreurs historiques et généalogiques, colportées parfois sans discernement, rétablissant quantité d’informations et de dates erronées au vu de nombreux documents originaux. Au terme de la lecture de ce coup d’œil rétrospectif, l’auteur ose espérer que le lecteur en tirera un sentiment d’admiration pour l’intelligence de ces Levantins, leur entregent, leur capacité d’adaptation, leur ténacité à relever les défis, leur participation active à l’enrichissement intellectuel et économique de la France et leur courage sans faille à servir leur nouvelle patrie. L’ouvrage, fruit de dix ans de recherche, comporte 550 pages, grand format, dont un cahier de soixante illustrations en noir et blanc. Il est à noter que cet ouvrage parle de certains d’entre nous et, grosso modo, d’environ 500 familles d’origine libanaise, syrienne, palestinienne, égyptienne, irakienne, jordanienne, arménienne, turque... Né en 1947 au Liban, docteur ès lettres françaises, Abdallah Naaman vit en France depuis plus de trois décades. Cofondateur de la Maison Naaman pour la culture en 1979, il a à son actif près de vingt titres en français et en arabe, dont les livres français suivants : Le bal du Comte d’Orgel (1971), Printemps perdu (1973), Le français au Liban (1979), La mort et Camus (1980), Les Levantins : une race (1984), La guerre libanaise (1985), ainsi que plusieurs contributions à des travaux encyclopédiques, notamment pour le compte de la maison Larousse.

L'Auteur: Abdallah Naaman
* Docteur ès lettres, écrivain et essayiste bilingue (arabe-français), Abdallah Naaman est né à Beyrouth le 27 décembre 1947 et vit à Paris depuis 1974. Il se définit comme un passeur, à la jonction - plutôt qu'à la frontière - de deux mondes, profondément attaché aux valeurs universelles, à la laïcité et au dialogue des cultures entre des peuples égaux. Avec Histoire des Orientaux de France du 1er au XXe siècle, il signe son dix-neuvième ouvrage, le huitième en français.
La collection L'Orient politique, dirigée par Aymeric Chauprade,
propose une grille de compréhension claire et synthétique de la géopolitique du monde oriental. Géographie, histoire et sciences politiques s'y retrouvent dans le but de décrypter les enjeux géopolitiques actuels. Dès les premiers siècles de notre ère, les Orientaux écument la mer Méditerranée et deviennent les familiers de l'Europe qu'ils sont les premiers à évangéliser. La Gaule connaît tour à tour leurs moines et leurs marchands, puis leurs cavaliers et leurs savants, enfin leurs voyageurs et leur élite pensante et industrieuse. L'auteur s'appuie sur de nombreuses archives inédites, complétées par des témoignages oraux, pour raconter les pérégrinations de ces Orientaux sur le sol français pendant deux millénaires, passant en revue le destin individuel et collectif des uns et des autres, révélant pour la première fois des épisodes glorieux et parfois sanglants du long cheminement de ces passeurs qui n'ont pas démérité de la France...


Fady Stephan, prix Phénix de littérature 2003
pour "Le Berceau du Monde"

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« Le Liban contemporain, histoire et société »
par Georges Corm, aux Éditions La Découverte


Georges Corm ne peut pas rester tranquille. L’an dernier, il bousculait les idées reçues, sur un Orient spirituel et un Occident matérialiste, dans un ouvrage qui a eu un grand succès, en France notamment. Cette année, il récidive, en s’attaquant cette fois au « prêt-à-penser libanais », qui veut que la démocratie communautaire, rebaptisée consensuelle par M. Antoine Messarra, soit la seule solution pour le Liban. Dans un ouvrage foisonnant, Le Liban contemporain, histoire et société, qui est aussi le premier essai traitant de la Seconde République (après Taëf), il propose un regard nouveau, sans être tout à fait celui d’un historien et a surtout le mérite de pousser à une réflexion profonde, qui change des platitudes devenues habituelles. Comme d’habitude, Georges Corm fait salle comble, et comme d’habitude, à la fin de la conférence, l’assistance sort toute remuée, comme si elle avait soudain honte de son inertie. Officiellement, il est là pour parler de son dernier ouvrage, mais il ne peut s’empêcher de sortir de ce cadre, pour pousser les Libanais à changer leurs mentalités. « Tant que nous continuerons à être un aussi bon public pour la classe politique actuelle, celle-ci restera en place et nous continuerons à envoyer nos enfants à l’étranger », dira-t-il en guise de conclusion, avant d’être longuement applaudi par les personnes présentes. Présenté par M. Henri Laurens, Corm commence par expliquer la ligne directrice de son ouvrage qui tout en évoquant l’histoire contemporaine du Liban, dénonce le système communautaire qui n’en finit pas, selon lui, de faire des ravages et de détruire les fondements de l’État libanais. Pour l’ancien ministre des Finances, l’identité communautaire n’est pas une fatalité génétique, mais un concept fabriqué à partir de 1 840, lorsque Français et Britanniques, en route vers les Indes, ont coincé les Libanais dans cette identité communautaire et ont politisé les communautés. Il dénonce ainsi l’idée reçue selon laquelle la Moutassarifia serait le début de la démocratie au Liban. Pour lui, elle ne serait que le début de la représentativité des communautés, car la démocratie, c’est essentiellement le respect des libertés individuelles et pas seulement celles des communautés. Se référant au phénomène de démocratie consensuelle en vigueur en Suisse ou en Belgique, il a affirmé qu’un tel système peut fonctionner dans des milieux apaisés, non dans un pays comme le Liban, où les communautés sont prises dans des réseaux de puissances étrangères. « De plus, en Suisse et en Belgique, il y a une démocratie au sein des communautés et non pas des chefs qui terrorisent les autres », dit-il. Enfin, au Liban, le pire c’est que des civils prétendent désormais parler au nom des communautés religieuses. Corm prône donc un retour aux valeurs républicaines, si on veut un État dans lequel les communautés ne sont pas la base de l’ordre public. Pour lui, les droits individuels sont plus importants que ceux des communautés, et il faut donc défaire ce que le haut-commissaire français a tissé en 1932, en nous emprisonnant dans des communautés dites historiques.

La fameuse théorie de l’État tampon L’ancien ministre s’insurge aussi contre la théorie qui veut faire du Liban un État tampon. « Pourquoi une telle vocation, se demande-t-il, alors qu’elle consiste à faire du Liban un État non souverain, voué à servir de tampon aux guerres que les autres pays ne veulent pas mener ? » C’est d’ailleurs ce qui s’est passé en 1975. L’ancien ministre précise aussi qu’aujourd’hui, les communautés n’ont plus de fonction spirituelle, mais sociologique et politique. Évoquant ensuite la partie traitant de la Seconde République, Corm, qui n’est pas tendre avec la politique suivie, tout en abordant avec franchise et courage la période où il était lui-même ministre des Finances, se défend de régler des comptes personnels. « Je présente des faits, dit-il. Mis bout à bout, ils donnent une image négative, mais ce n’est pas là mon objectif. » Corm tient toutefois à terminer son rapide exposé sur une note positive, en affirmant que malgré tous ses défauts, le Liban tient le coup, surtout comparé à ce qui s’est passé en ex-Yougoslavie. Il rend aussi hommage à ces milliers de personnes anonymes qui sont mortes sous les balles des francs-tireurs, pendant les années de guerre, parce qu’elles refusaient de se terrer et de ne plus faire leur travail. « C’est l’histoire de ceux-là qu’il faut écrire, ceux qui par leur sang ont voulu qu’un Liban nouveau émerge, au lieu de ne s’étendre que sur les cruautés qui ont été commises. » L’assistance ne peut s’empêcher de poser des questions, tant les idées développées par l’ancien ministre l’ont secoué. Et un homme se lève pour déclarer : « Je suis né en 1920. Dans le recensement de 1932, j’ai été placé dans la case chiite. Et je crois malheureusement que je quitterai cette terre sans avoir su si j’étais aussi Libanais. » Il est longuement applaudi, mais une vague de tristesse plane sur les présents. Corm, lui, décide de réagir, s’élevant contre le prêt-à-penser que l’on sert actuellement aux Libanais, fatigués par 15 ans de guerre. « Mais cela fait treize ans que la guerre est finie, même si quelque part, nous sommes encore en guerre. Nous devons nous réveiller et cesser d’accepter de ne plus avoir de repère moral. L’argent tue les consciences. » Corm termine en refusant les accusations de révolutionnaire portées contre lui. « Je suis un conservateur socio-démocrate », lance-t-il sérieusement. Des conservateurs avec un tel profil, on en redemanderait.

Scarlett HADDAD
L'OrientLeJour


Le prix France-Liban décerné à Lamia es-Saad
par l’Association des écrivains de langue française

Le prix France-Liban, pour cette année 2003, a été décerné à Lamia Fouad es-Saad pour son ouvrage Le bonheur bleu édité à Dar an-Nahar. L’Association des écrivains de langue française (ADELF), qui réunit quelque 1 500 écrivains de 60 nationalités, remet chaque année douze prix littéraires dont celui de France-Liban. Elle a pour objectif de favoriser, dans le monde, l’expansion des littératures de langue française où qu’elles se trouvent. Ce prix a été créé en 1980 et son jury est composé d’écrivains français et libanais. Il a déjà été décerné, entre autres, aux écrivains Amin Maalouf, Andrée Chedid, Nazih Hamad et Sabrina Mervin. La lauréate est invitée le 15 mars au Sénat français afin de recevoir son prix au cours d’un déjeuner organisé à cette occasion, en présence de nombreux écrivains francophones de plusieurs pays.


Avant la sortie du second tome au Printemps 2004
Le prix Ignace Maroun à Carole Dagher pour son roman
« Le Couvent de la Lune »

Tous les conquérants ont tenté de faire douter les Libanais de leur identité

Carole Dagher reçoit son prix de Mgr Boulos Matar, archevêque maronite de Beyrouth, et de M. Fouad Turk, président de la Fondation Ignace Maroun.
(Photo Ibrahim Tawil)

Le prix Ignace Maroun a été décerné le 9 Décembre à Carole Dagher, pour le premier volume de son roman Le Couvent de la Lune (Deir el-Kamar), paru chez Plon. Plusieurs écrivains libanais francophones ont tenté leur chance dans le roman historique. Ce que Carole Dagher a fait est différent. Ce n’est pas seulement la belle intrigue qui l’intéresse, mais la restitution aux Libanais de leur passé de peuple. Un passage de son intervention, à la cérémonie de remise du prix, qui s’est déroulée à la salle Gibran de l’amicale des anciens de La Sagesse, illustre son intention : « En écrivant Le Couvent de la Lune (...), j’ai découvert mes racines historiques, culturelles, nationales avec un émerveillement et un bonheur presque enfantin. J’ai compris pourquoi l’histoire se répète chez nous : parce que nous n’en savons rien, ou pas grand-chose, et que donc nous ne retenons pas les leçons du passé (...). Beaucoup de stations historiques nous réunissent, nous Libanais de toutes les confessions, à côté de celles qui nous ont séparés (...). Je citerai le témoignage de Lamartine quand il entreprit son fameux Voyage en Orient : “Si dans telle ou telle contrée de l’Orient, il y a un homme, au Liban, il y a un peuple”. Il y a un peuple, oui ! Plusieurs communautés, avec des sensibilités différentes, avec des histoires, des cheminements différents, mais un même combat pour la liberté. Faire douter un peuple tenace de lui-même, de son histoire, de sa stabilité, de son avenir, a été un jeu auquel se sont livrés tous les conquérants de notre pays. La première règle de ce jeu consiste en général à occulter l’histoire, quand il ne s’agit pas de la falsifier. » Aujourd’hui encore, nos enfants grandissent sans passé, et un grand pan de l’histoire du Liban continue à ne pas être enseigné dans les écoles. La même vieille ruse est utilisée : faire oublier son passé à un peuple, pour lui faire oublier qu’il est un peuple. Présentant Carole Dagher, Mgr Boulos Matar s’est étendu sur ce même point : « Nous sommes invités, a-t-il dit, à reconstituer notre volonté générale unie, en pensée et en action. Alors, la souveraineté nous viendra, inévitablement, en récompense. Son avenir est entre nos mains. Personne ne nous la donnera (...). Unis, nous la garderons, désunis, elle déchoira de nos mains. » Pour sa part, Fouad Turk, président de la Fondation Ignace Maroun, a relevé que le roman a été couronné parmi 17 autres œuvres qui lui ont été soumises. Et pour parler de l’ouvrage, le jury a choisi d’évoquer les noms prestigieux de Balzac, Flaubert et Zola. Le roman se situe à l’époque de l’émir Béchir II Chéhab et des personnages hauts en couleur comme Béchir Joumblatt et Lady Esther Stanhope y défilent, aux côtés des héros du roman proprement dit. Pour sa part, Thérèse Bou Maroun, de la Fondation Ignace Maroun, a souligné combien ce « roman libanais d’expression française, signe d’inculturation, est aussi signe d’un dialogue permanent entre notre peuple et le monde des valeurs humaines et culturelles que représente la francophonie ».
Indispensable pour de véritables fêtes, en attendant le second tome, à paraître au printemps.

Fady NOUN pour l'Orient le Jour

Le prix Ignace Maroun
On connaît mal Ignace Maroun, dont l’action pédagogique s’est étalée sur près d’un demi-siècle, et qui a laissé sa marque dans tous les domaines où il a servi : l’archevêché maronite de Beyrouth, l’école La Sagesse, le patriarcat, la Mission pontificale, le secrétariat des écoles catholiques et le Bureau international des écoles catholiques. « Plusieurs générations d’élèves ont bénéficié de ses charismes d’éducateur, de galvanisateur de la jeunesse », comme l’a bien souligné, au cours de la cérémonie, Mgr Boulos Matar, archevêque maronite de Beyrouth, qui l’a bien connu. Le prix qui porte son nom est destiné à prolonger son rayonnement, et récompense « une œuvre littéraire ou artistique qui met en valeur le patrimoine libanais ».


Lire en français et en musique:
« Née du silence », de Patricia Élias


Signature le Samedi 8 novembre au stand de la librairie Antoine,

La poésie comme source de vie, la paix en partage et surtout comme paraphrase sont d’une prière. Touchés par un sens religieux profond, surtout chrétien, ces poèmes groupés en une mince plaquette, sous le titre un peu énigmatique "Née du silence", de Patricia Élias (50 pages – Éditions Nouvelle Pléiade, Paris, avec des illustrations de Rudy Rahmé), viennent d’obtenir le Grand prix 2003 de la Société des poètes français. On dit un peu énigmatique car il est évident que la vie commence par un cri… Inspiration placée sous le signe de l’amour du divin et des impénétrables desseins du Seigneur. Verbe ardent, protégé par le recueillement et la réflexion, qui touche aux frontières du Parnasse pour mieux atteindre les cœurs et s’ériger comme un rempart contre l’adversité du destin. Avec des images calmes, une certaine musicalité jaillie des vers alliant rimes et sonorités douces, cette poésie enserrée dans sa métrique sage et un peu surannée est surtout non un cri d’amour, mais une détermination à aimer. Aimer à tout prix, surtout son prochain, s’accepter et triompher des épreuves de la vie. Aux abords des complaintes d’une croyante à la foi inébranlable, cette poésie illuminée de la grâce du Seigneur tente de répondre aux interrogations les plus profondes et les plus pressantes d’une traversée humaine. Expliquer le sens d’une vie ? Mais enfin qui de nous peut prétendre, et avec certitude,« où nous allons » et surtout « savoir qui nous sommes »… Ni Claudel ni Péguy n’ont su élucider ce mystère insondable. Cédant peu à une tentation plasticienne de l’écriture, l’auteur privilégie la trame de la simplicité et de l’humilité avec quelque emphase dans le dire poétique, de petites répétitions (« mon corps chancelle ») et surtout certaines naïvetés de style (« À son sourire, marquise des anges, je me prosterne tel un archange »). Combat avec soi-même et les autres, sereine acceptation plus que résignation, offrande plus qu’avarice de cœur, pour qu’à « jamais le mal s’endorme dans les bras de la lumière »…

En toute transparence et dans les mains des anges et de Dieu. Les cheveux châtains dénoués sur ses épaules, les traits fins, de grands yeux clairs en amande captant la lumière, Patricia Élias avoue en toute simplicité, presque avec effacement, que l’écriture, pour elle, est « un besoin, besoin de dire, de confesser, d’instaurer un dialogue entre l’invisible et nous-mêmes. D’ailleurs la mère de la poésie est le Cantique des Cantiques. Et par-delà toute quête spirituelle, la poésie est un chant intérieur, on peut l’embellir, la sculpter...» Comment est venue cette aventure du verbe quand de formation on est gestionnaire ? « Je n’étais pas censée écrire, dit-elle avec un sourire. Mais tout a commencé avec des premiers essais qui ont reçu l’appréciation et l’encouragement de mon entourage. Et puis, lors d’un voyage en France où vivent mes parents, j’ai finalement décidé de publier ce premier recueil tout en sachant combien la poésie a peu d’audience et surtout n’ignorant rien de ses difficultés d’édition. La chance m’a souri et puis me voilà. » Et quel est le message dans ce premier recueil ? « Si message il y a, c’est cette paix que j’ai rencontrée et que je voudrais partager. » Aujourd’hui, à la veille de la manifestation culturelle « Lire en français et en musique » (qui sera l’événement de Beyrouth du 31 octobre au 9 novembre), Patricia Élias prépare la venue de « La Société des poètes français », qui aura lieu au Biel. « C’est un hommage aux poètes libanais d’expression française, tels Schéhadé, Tuéni, Naffah, explique-t-elle. C’est tout un programme, une sorte de “spectacle” son et lumière autour de la poésie. » Fervente lectrice de Gibran (qui s’en étonnerait), travaillant d’ailleurs en collaboration avec le Comité national Gibran, Patricia Élias, infiniment humaine, car elle est aux aguets de la détresse et du besoin de l’homme, ambitionne seulement de vivre, en toute simplicité. Inquiète aussi, car elle ne voudrait guère échouer dans ce qui lui est demandé de faire (« le reste, Dieu y pourvoira », dit-elle en toute paisible confiance) et par-dessus tout elle ne voudrait pas échouer d’aimer... Des projets ? Oui, des projets d’écriture. Un roman en préparation. Une chronique familiale. Mais, pour le moment, sa grande préoccupation c’est l’événement du Biel. Entre-temps, elle vit le jour au jour. Comme seuls les poètes et ceux qui ont la foi savent le faire.
Edgar DAVIDIAN

>>> Visite au Liban de la Société des Poètes Français

Dix-huitième prix littéraire international « Francophonie »
Avis à tous les poètes, auteurs et écrivains de langue française : du 1er novembre au 15 mars, le dix-huitième prix littéraire international « Francophonie » est ouvert à tous dans les catégories poésie classique, poésie libre, sonnet, nouvelle (policière, fantastique, aventure) et texte de chanson. Pour recevoir le règlement, contre une enveloppe préadressée et deux timbres ou deux coupons-réponses, envoyer un courrier à
Christian Ulmer - prix littéraire «Francophonie » -
25, place des Pyrénées - 64150 Mourenx - France.

A la veille de l'édition 2003 du Salon Lire en Français...

Yasmina Traboulsi, prix du premier roman

Yasmina Traboulsi, de passage au Virgin Megastore pour présenter son roman « Les enfants de la Place ». (Photo Michel Sayegh)

On l’a découverte il y a moins d’un an, lors de la sortie de sa nouvelle, «Maria Aparecida ». Yasmina Traboulsi y faisait ses débuts officiels dans l’écriture. Après avoir décroché le « premier prix des jeunes écrivains francophones », elle revient avec un roman, «Les enfants de la Place», paru au Mercure de France, et une étonnante maturité. «Les enfants de la Place est la suite de Maria Aparecida, explique d’emblée Yasmina, j’avais le désir de raconter l’histoire de chacun des personnages, d’aller plus loin. La nouvelle est une valse sans fin, très rapide. Quand on s’arrête, on reste un peu étourdi. J’ai voulu aller plus profondément dans mes héros et le Brésil, car cette fois-ci, on part à Rio, São Paulo, dans les prisons et les bidonvilles. Les enfants de la Place pourrait être une valse plus lente, qui entraîne à son passage des êtres désespérés, désespérément heureux, fous, en quête de Maria Aparecida, en quête d’amour, une quête de soi, surtout. Autour de la Place, une valse à deux temps entre l’absente, « la reine de la Place», Maria et Sergio, petit vendeur de bonbons et de mouchoirs, Gringa, l’étrangère, le miroir de la Place, c’est à travers ses yeux que les personnages se voient, Mama Lourdes, voyante de pacotille, Gabriela l’orpheline jeune prostituée insolente, Tonio le borgne, musicien difforme, le chien errant, mascotte de la Place et les autres. La Place est une famille, il n’y a pas de jalousie, il y règne malgré tout de la joie et beaucoup d’humour. » La Place, c’est aussi les extrêmes du Brésil, que l’auteur aime avec passion, le pays de sa mère Paula ; son rythme, ses teintes à la fois sombres et colorées ; comme une scène de théâtre qui plante le décor et impose une ambiance, imbibée de violence, en même temps que s’échappe une note d’espoir, qui ressemble à Yasmina. « C’est une totale fiction qui aurait pu aussi se passer ailleurs. » Rayonnante en bleu turquoise et fuchsia, c’est avec un sourire serein qu’elle dénonce la cruauté, la misère tellement courante dans ce pays de tous les excès. « J’avais envie de parler de certaines choses qui me révoltent, la violence banalisée, l’horreur montrée à la télévision et qui fascine les foules, les sectes, comme celle de l’Église universelle, les prisons. Il y a dans chacun des personnages non pas un peu de moi, mais de mes idées. » Et la principale : «J’ai l’espoir que derrière chaque criminel, il reste une part d’humanité. » Peur de rien
Rien, en effet, n’a altéré ce bel optimisme qui caractérise Yasmina, surtout pas ses rencontres avec la pauvreté et la criminalité. « J’ai rencontré un chef trafiquant de 22 ans pour essayer de comprendre pourquoi il faisait ça, j’ai visité des prisons, j’y ai vu la solitude, la peur, qui suintait, dissimulée par de l’agressivité, de la violence, du mépris ou de l’indifférence. Un peu comme dans la vie, en fait. J’ai vu des maisons de redressement de mineurs, la meilleure école pour apprendre “ comment devenir pire”. Mais partout, il y avait aussi de belles histoires. » Partout, dans la vie comme dans ces pages, habitées par des gens qui s’aiment, s’affrontent, s’ignorent, se frôlent ou se détruisent. « Chacun a son histoire. J’ai vécu avec eux pendant un an. Quand je me réveillais, ils se réveillaient un à un. Quand je rédigeais une scène où il arrivait quelque chose de mauvais à l’un d’entre eux, j’en avais les larmes aux yeux ! » Le livre est terminé ; Gringa, Turco, l’Accordeur et leurs acolytes sont repartis ; Yasmina a commencé à se fabriquer de nouveaux amis pour son prochain roman encore en gestation. « Je me suis rendu compte, en terminant la nouvelle, que l’écriture était une urgence dans ma vie, mon oxygène. Le deuxième roman est le plus dur. Il sera sur le Soudan, je crois. » Pressentie pour le « prix du premier roman du Touquet », elle vient d’obtenir le « prix du premier roman », et réagit à cette victoire avec un gracieux sourire. « Je n’aime pas trop le fait d’être mise en avant », aime-t-elle à répéter. « Je suis étonnée mais flattée. Je reste un peu timide », avoue-t-elle enfin. Les enfants de la Place ressemble lui aussi à une valse douce amère dont on ressort un peu étourdi mais heureux. « Attention talent ! » C’est dit sur la couverture.


Carla HENOUD


* L’auteur signera « Les enfants de la Place » au stand Virgin du salon « Lire en français et en musique », les 8 et 9 novembre.


Selim Abou

Chaque 19 mars, entre 1996 et 2003, le père Sélim Abou, alors recteur de l’USJ, prononçait un discours d’anthologie à l’occasion de la Saint-Joseph. Directeur des Presses de l’USJ depuis septembre 2003 – et titulaire de la chaire « Louis D. – Institut de France » d’anthropologie interculturelle – le père Abou a pris l’heureuse initiative de regrouper ces allocutions dans le cadre d’un ouvrage, Les Libertés dans une édition bilingue arabe-français. Un avertissement au lecteur, au début de l’ouvrage, indique : « À regrouper les allocutions par ordre chronologique dans un même recueil, on saisit mieux l’évolution du discours et les méandres de la réalité sociale, culturelle et politique dont il essaie de rendre compte dans une perspective critique. » À parcourir l’ouvrage, l’on se rend compte comment Sélim Abou a exprimé l’esprit de l’époque à travers ses discours. Avec, en toile de fond, une exigence : celle de défendre les libertés, jusqu’à la « colère » (discours de mars 2002), et même, circonstances obligent, jusqu’à la « résistance » (discours de mars 2003). Le père Abou signera son ouvrage dans le cadre d’une cérémonie au Salon Lire en français.


Venus Khoury-Ghata,
poètesse et conteuse,

une inconditionnelle du Salon Lire en Français de Beyrouth


>>> Son entretien avec la Revue du Liban

Quelques idées de Lecture pour l'Eté...
Entre Romans et Poésie

Temps idéal pour lire en été. Beaucoup de livres dans les devantures des librairies. Une petite sélection des derniers ouvrages parus où, entre essais, romans, poésie et critique littéraire, la culture, en français ou en arabe, sonde plus d’un domaine du paysage littéraire libanais. Et en donne des reflets variés.

«L’idéal du chancelier de l’université» de Raja Choueiri
Prolifique auteur et homme de lettres avisé, Raja Choueiri n’est plus inconnu des lecteurs libanais. Après une série d’œuvres placées sous le label «Terroirs littéraires du Liban» où l’on cite volontiers Dhour Choueir ou la paix des pins, Deir el-Qamar et Fakhreddine, Bécharré, Gibran et le gibranisme, Baskinta et Neaimeh ou la nouvelle montagne inspirée, Le pays de Byblos-Jbeil visité par Amine Rihani et Nostalgie, sagesse et folklore selon Anis Freiha, voilà que Raja Choueiri, loin de l’analyse littéraire et de l’essai biographique, tâte du roman. Fidèle à son inspiration au pays du Cèdre, l’auteur fait plonger les racines de sa fiction en terre libanaise et au cœur même de Beyrouth. L’idéal du chancelier de l’université (éditions Felix Beryte – 315 pages) de Raja Choueiri est un regard pertinent et quelque peu interrogateur sur une institution académique célèbre dans notre capitale et la région. Une université centenaire, de beaux bâtiments dispersés dans un jardin à la végétation bien entretenue, une communauté de missionnaires américains, un chancelier désenchanté et mettant en doute le sens d’une vie, des étudiants préoccupés par leurs études mais aussi par le tourbillon de la vie, tout cela s’agite, vit et palpite dans ces pages formant un tableau vivant et coloré où se nouent drames, passions et aspirations secrètes livrées au hasard et à l’imprévisible de l’avenir...

«La vision» de Jean Salmé
Recueil de quelques nouvelles, courtes comme un exercice de style, groupées sous le titre La vision de Jean Salmé. Nouvelles traduites de l’arabe en français par Antoine Rizkallah Mouchati, où l’auteur aborde la fiction à travers des détails puisés au quotidien et inspirés de la vie courante. Six nouvelles au souffle tendre et parfois moralisateur qui portent différents titres. On cite volontiers Thémis, L’indésirable, Le singe, Un écrivain, La résurrection, Une promenade en voiture… Croquées sur le vif, dans une expression simple et claire, ces nouvelles mettent en situations des personnages et des évènements comme pour mieux éclairer ou expliquer le cours d’une vie…

«Kitab al-Sawaii» de Gérôme Chahine
Préfacé par l’archevêque Georges Khodr, le dernier ouvrage de Gérôme Chahine, Kitab al-Sawaii (93 pages – éditions Dar an-Nahar), est de la poésie d’inspiration religieuse. Mots limpides et pensée vibrante, où Dieu est la source première de ces poèmes empreints d’une certaine lumière mystique. Long parcours de l’auteur, parfaitement à l’aise aussi bien en français qu’en arabe et dont nous citons volontiers certaines de ses œuvres : Maan ala tarik, Al-massihiya wal markaa (La chrétienté et la femme)1975, Et j’aurai un nom (1986), La sagesse arabe (1989) et les traductions en arabe des livres d’Etel Adnan (Sitt Marie-Rose) et d’Albert Memmi (L’image du colonisé et du colonisateur). Avec des mots simples, des images radieuses, un lyrisme à peine contenu, une musicalité soigneusement mesurée, ces poèmes libres de toute prosodie conventionnelle sont presque une prière ardente et un vibrant message de fraternité humaine.

«Adwaa Kachifat» de François el-Hélou
De la critique mordante enrobée d’humour mais aussi d’un certain vitriol. Critique de la vie culturelle et des travers de la société, voilà ces « lumières » qui se projettent sur plus d’un paysage libanais à travers la plume touchée non seulement par la dérision mais aussi par la poésie de François el-Hélou. Paru aux éditions Dar el-Salwa, son ouvrage intitulé Adwaa Kachifat (Lumières révélatrices), 96 pages, où justement l’auteur met à nu sans ménagement ni tendresse le monde du show-business libanais et égratigne en passant les rouages rouillés d’un système social dominé encore par l’obscurantisme et les tabous. Tonique malgré son allure farfelue. Sans nul doute, un livre de réflexion malgré sa fausse apparence de légèreté.

Avec la collaboration de

et


« Correspondance nostalgique » de Nadia Nammar
Témoignage et cri du cœur


Un livre simple, émouvant, révélateur des moments les plus difficiles dans la vie des Libanais affrontant une longue période de guerre sanglante et meurtrière. Correspondance nostalgique de Nadia Nammar (274 pages – édité par les FMA avec en couverture une reproduction d’une toile intitulée Lames de fond de Nicolas Nammar) jette la pleine lumière sur une tranche de vie des difficultés quotidiennes d’une population littéralement «bombardée » (et c’est à peine là une figure de style) par des ennuis et des tracas insurmontables dans une constante atmosphère d’extrême violence, de débâcle et de déroute. L’auteur signe là son premier ouvrage en langue française et son second après la parution de Hikayat Jassad (Histoire d’un corps) dont nous avons fait la présentation dans ces mêmes colonnes. En exergue, Lucien George note : « Dans le Moyen-Orient de tous les dangers et de toutes les turbulences, Correspondance nostalgique, chronique de la guerre du Liban vue à travers le prisme personnel des lettres échangées par Nadia Nammar avec sa famille et ses amis, paraît alors qu’une autre guerre, en Irak, vient de bouleverser la géopolitique de la région et déboussoler ses populations.» Formulation et narration simples pour dire le désarroi mais aussi un certain espoir dans ces journées sombres où vivre (et survivre) était presque une gageure. Nadia Nammar explique son entreprise : « Essayer de remettre plus ou moins en ordre tout ce désordre que je retrouve écrit selon l’humeur du moment vécu, au cours de nos errances durant cette période maudite et chaotique qui n’a causé que morts, malheurs et séparations, n’a pas été chose facile. Pourquoi ai-je gardé toute cette correspondance ? Je ne saurais le dire. Je tiens toutefois à préciser que seules quelques lettres sans intérêt, hors d’un cercle très intime, ont été sciemment supprimées. Quant au reste, tout est reproduit intégralement et tel quel. Y changer quoi que ce soit altérerait authenticité et sincérité. Nous avons beaucoup souffert, quinze années durant. Puissions-nous effacer à jamais de nos mémoires ces moments douloureux qui ont souillé de sang et de honte un grand chapitre de l’histoire de notre nation. Puissent surtout nos enfants et petits-enfants dépasser cette période amère dans leur marche vers un avenir meilleur. » Relation épistolière un peu décousue où, sans évoquer la régularité des lettres d’une Madame de Sévigné, la plume, même dans un siècle aujourd’hui dominé par la rapidité des e-mails, a toute la force et la pertinence d’un sérieux constat doublé d’une certaine analyse sociale. Dans la préface, Jean-Paul Fransceschini relève les détails suivants : « Le cliché journalistique sur l’attitude des Libanais pendant la guerre est bien connu : au lendemain de chaque bombardement, le commerçant balayait les éclats de verre de sa vitrine avant de reprendre la vente. Et il est vrai que peu de peuples, dans l’histoire, ont montré l’extraordinaire force de résistance, l’étonnant courage face au déchaînement de l’horreur dont les Libanais ont fait preuve. Toutefois, c’est d’un autre courage que nous parlent les signataires de ces lettres. Le courage plus haut et tellement plus rare de refuser la haine si tentante qui tourbillonne, la vengeance qui propose à chaque instant sa drogue hébétante, la sottise qui fait préférer la vérité d’un camp à celle de l’âme. Le courage qu’il faut pour survivre à la frénésie et la bassesse quand on voit son pays déchiré et sa famille séparée. » Et les années ont passé… La dernière lettre est signée de janvier 2003. L’euphorie de la mort violente dépassée, toujours pas de lendemains qui chantent... Et cette phrase terrible qui clôt le cycle des lettres : « Les années passent…Et nos rêves avec elles. »

30 Juillet 2003

Nouveauté aux PUF

Cliquez sur la couverture pour accéder à la fiche...

La Paix et la crise:
le Liban reconstruit?
par Franck Débié et Danuta Pieter

Paru à la fin du mois de Mai 2003, on ne saurait passer à côté de cette Monographie traitant de la situation du Liban qui s'attarde dans une transition entre la Paix et la Crise.
Voici un ouvrage bien documenté et plein d'analyses pertinentes pour comprendre le Liban d'aujourd'hui au coeur d'une région en pleine mutation.


Khiam, prison de la honte*:
le titre du livre de Véronique Ruggirello peut se lire de deux façons. Ce centre de détention barbare qui est devenu le symbole de l'occupation israélienne du sud du Liban incarne aux yeux du monde les crimes dont s'est rendue coupable l'armée d'un Etat jugé «démocratique» hors du monde arabe. C'est la prison de la honte, dénoncée par Amnesty International. Mais pour les lecteurs libanais, la honte surgit d'emblée à un autre niveau.

>>> Lire l'Article de l'Hebdo Magazine...
* Editions L'Harmattan, collection Comprendre le Moyen-Orient


« Parcours en francophonie(s) », de Zahida Darwiche Jabbour
Professeur à l’Université libanaise, Zahida Darwiche Jabbour n’en est pas à sa première tentative d’écriture. À son actif déjà, plus d’un ouvrage attestant de sa culture et préoccupation littéraires.
On cite volontiers ses publications au Dar an-Nahar : Poésie et initiation dans l’œuvre de Nadia Tuéni (1992), Études sur la poésie libanaise francophone (1997) et, finalement, Histoire et expérience dans le Livre I d’Adonis (2000, en arabe). Aujourd’hui, fidèle à sa maison d’édition, c’est-à-dire Dar an-Nahar, voilà qu’elle signe un ouvrage de réflexion et d’analyse sur le concept et les réalités de la francophonie et sur la littérature francophone, notamment au Proche-Orient, au Maghreb et en Afrique noire. Parcours en francophonie(s) (182 pages), tel est le titre de cet ouvrage ayant jeté son dévolu sur trois espaces géographiques avec des rapprochements socio-historico-culturels, qui permettent de les aborder dans une perspective identique.
L’auteur porte son regard sur la littérature comme miroir pour illustrer les notions de métissage, de dialogue et de diversité culturelle, à l’heure de la mondialisation. L’objectif ici n’est pas de retracer une histoire de la francophonie, mais d’éclairer ses aspects problématiques, notamment ceux relatifs à l’identité nationale, en particulier au Liban, au Maghreb et en Afrique. Pour cela, Zahida Darwiche Jabbour interroge certaines œuvres et prête l’oreille à leur auteur tout en cherchant à garder sa neutralité et en respectant autant que possible l’objectivité nécessaire à toute approche critique.
Opter aujourd’hui pour la francophonie signifierait plus une adhésion aux valeurs de l’humanisme que prendre le parti de la langue française ou la privilégier par rapport aux autres langues. Après un bref survol des notions de colonisation, de négritude, de francophonie et une illustration littéraire à travers certains écrits de Vénus Khoury-Ghata, Myriam Antaki, Malika Mokeddem et Henri Lopes, le mot de la fin revient à cette citation tirée des dernières lignes : « Instrument de la diversité culturelle, le français est pour chacun de nous francophones une des composantes d’une identité culturelle, non pas double mais plurielle ». Ghassan Tuéni y voit, à juste titre, « un véhicule culturel par excellence, offert à tous ceux qui sont habités par un instinct de dépassement de soi et une propension à transcender le particulier pour atteindre à l’universel. »


Cliquez sur la photo pour en savoir plus sur la riche bibliographie artistique et éclectique du Libano-Canadien Wajdi Mouawad.

Premier roman du dramaturge libanais
« Visage retrouvé », de Wajdi Mouawad :
le deuil de la guerre
Ceux qui ont vu «Littoral», la plus célèbre pièce de Wajdi Mouawad qui s’est jouée en mars 2001 au théâtre Monnot, ne l’ont pas oubliée facilement. Il faut dire que l’écriture du dramaturge est chargée d’une grâce violente, presque romantique dans ses excès et sa sincérité, qui touche au plus profond. Le voilà qui signe son premier roman, «Visage retrouvé», aux Éditions Actes Sud - Leméac. Et encore une fois, il fait mouche. Une seule et unique motivation l’occupe et le hante : la guerre libanaise, qui l’a exilé loin de sa terre natale. Lorsqu’il reçoit, en novembre 2000 à Montréal, le prix littéraire du gouverneur général, il confie, lors de son discours, que « l’écriture est devenue pour (lui) la seule position tenable pour répondre à cette barbarie . » Si Littoral s’ouvre sur la mort du père et le retour au pays natal, Visage retrouvé évoque l’agonie de la mère dans le pays d’accueil, le Canada. Ici, le personnage principal, Wahab, a sept ans le 13 avril 1975 lorsque l’autocar avec à son bord des Palestiniens est criblé de balles devant ses yeux à Aïn el-Remmaneh. À 14 ans, quelques jours après son anniversaire fêté au Québec, où il est installé depuis quelques années avec sa famille, il rentre chez lui et ne reconnaît plus ni sa mère ni sa sœur. La violence verbale, les punitions prennent le dessus sur la douceur. Effrayé et ne comprenant pas ce qui lui arrive, Wahab fait une fugue pendant une semaine. Le temps, en forme de prologue, puis le premier livre, avec ses deux parties, La peur et La beauté, suivent cet enfant et cet adolescent dans ses rêves, ses attentes, ses moments de solitude, ses peurs et ses décisions. En filigrane, le visage d’une mère complètement transformé. Avec une facilité déconcertante, l’auteur rend la voix de l’adolescent tangible, crédible, troublante de toute manière. Angoissé, rongé par des apparitions morbides qui le poursuivent depuis la vision macabre de l’autobus en flammes, il trouvera la solution à son angoisse en rendant la parole à une petite fille croisée pendant sa fuite et en rencontrant le grand-père de celle-ci, qui lui confie le secret : « Il n’y a qu’une peur d’enfance pour terrasser une autre peur d’enfance ». Révélation Le deuxième livre, placé sous le titre du chapitre unique La colère, rattrape Wahab à ses 19 ans. Son discours a changé. Il ne sait plus pleurer, il est agressif, perdu. Une nuit, son frère l’appelle et lui demande de les rejoindre à l’hôpital pour accompagner leur mère, rongée par un cancer, dans ses dernières heures. Cinquante pages admirables où toute la rage et tout l’amour dont est capable un jeune homme envers sa mère se déploient dans des phrases puissantes, tantôt longues comme des lianes, tantôt courtes comme des lames de rasoir. Les circonvolutions interminables des pensées du héros avant d’arriver à l’hôpital, sa lucidité, sa cruauté et la révélation finale, qu’il affronte alors que sa mère vient de s’éteindre, livrent la clé du roman. Cette clé, le lecteur l’attend sur plus de 200 pages, et cette attente n’est pas déçue. Wajdi Mouawad, avec un sens aguerri du rythme, déroule son récit sans couac. En somme, ce coup d’essai est plus qu’honorable : Visage retrouvé est le roman d’apprentissage par excellence. Ou comment faire son deuil de la guerre.

Diala GEMAYEL - L'Orient-LeJour du 17 Avril 2003


Fady Stéphan dédicace son roman au Salon du livre de Paris
À l’instar de Braudeau, Sollers et Le Clézio, Fady Stéphan est à l’honneur de la couverture du magazine des libraires français Page dans son numéro de février dernier. Stéphan a également eu droit à une interview pour son récent roman inspiré par sa ville natale, Deir el Kamar, Le berceau du monde , qu’il signera au Salon du livre de Paris, Porte de Versailles, au stand Versailles/Le Seuil (carré Seuil et diffusions), samedi 22 mars de 16 à 17 heures.

Un livre qui sort des sentiers battus et qui se fraie son propre chemin… Baroque, insolite, érudit, jetant des ramifications et des embranchements multiples, oscillant entre digressions inspirées et contes levantins inédits, ce premier roman de Fady Stephan semble l’affaire d’une vie. Une vie où compilation, histoire (grande et petite), poésie, littérature et désirs d’évasion font un heureux mariage d’amour. Portant le titre Le berceau du monde avec deux mots-clefs « orient-opéra » en sous -titre, cet ouvrage (aux éditions Verticales – 389 pages) s’inscrit dans le sillage des écritures richement documentées où la réalité dépasse, devance et explique la fiction. Né à Beyrouth en 1946, Fady Stéphan est professeur d’archéologie et de langues nord-est sémitiques à l’Université libanaise. Fouilles (au Liban, à Chypre, au Yémen) et traductions en français de nombreux textes latins, araméens, syriaques, hébreux, phéniciens et puniques lui sont familières. Spécialités qui non seulement se reflètent dans ces pages foisonnantes de détails historiques mais les inondent et parfois en débordent. Une authentique invitation au voyage au cœur de l’Orient que ce Berceau du monde dont parlait justement Gérard de Nerval. Fourmillant récit initiatique pour retrouver l’essence d’une vie, d’un pays. De l’enfance de Fady Stéphan, lui servant à la fois de voilette et d’écran pour se soustraire aux regards et projeter son « intériorité », aux incroyables turbulences d’une histoire du Liban touffue, dense, panachée de couleurs vives et variées dans sa mosaïque de communautés, brassant événements sanglants et personnages pittoresques, ce livre est un vibrant hommage à une terre aimée et à son insaisissable société. Labyrinthe d’histoires pour un kaleidoscope d’images et une galerie de personnages attachants. Comme Proust avait rêvé de faire un livre sur la musicalité et les richesses sonores des seuls noms, Stéphan entreprend une longue et minutieuse promenade à travers nos « villes douces » pour émerger à Deir el-Kamar où « les étés se déroulaient dans un cirque élevé de collines, couronné d’un bois de cyprès argentés… » Histoire du Liban comme on ne l’a jamais racontée, avec des chapitres palpitants de vie qui s’enchaînent comme ces poupées russes gigognes, prolongeant ainsi le sens du merveilleux d’une narration puisée au sein même d’une terre aux légendes millénaires. Épique, lyrique, bruissant d’une poésie aux phosphorescences magiques, ce livre hors norme passant du conte au journal intime, des poèmes à l’historiographie, évoque avec subtilité une terre édénique, paradis retrouvé des romantiques et point de rencontre et d’accueil de toutes les religions, communautés de pensées et sectes philosophiques. De l’unité à la réconciliation à notre innommable guerre-déchirure, sur fond de paysages somptueux et impassibles, se déroule cette fresque où défilent Hindiyé, le Djazzar, des émirs (Béchir, Fakhreddine), Lady Hester Stanhope, Lamartine, Nerval, la reine de Saba, Kamal Joumblatt et bien d’autres…Orient rêvé , Orient de rêve, dans ce tissu chamarré de couleurs éclatantes et comme ployant sous les nuages d’encens qui s’en dégagent, voilà des pages bourrées de connaissances où tout se succède et se téléscope (comme un film) à une vitesse déroutante et c’est à peine si ce volumineux ouvrage, avec un saut de plus de cent ans dans le vide d’un trait de plume, peut contenir autant de monde, d’aspiration, d’agitation et de paysages… Approche savante, spirituelle et littéraire du Liban, passionnément et profondément aimé. L’auteur semble être sous le charme de ce pays aux innombrables correspondances secrètes et il en communique cette richesse fondamentale à travers une écriture sobre, précise, imagée mais aussi ornée et poétique. Alliant le romanesque, l’autobiographique et un sens critique réservé, ce livre singulier, s’il ne livre pas entièrement la personnalité de son auteur, n’en jette pas moins toute la lumière, avec émotion et ravissement, sur « un petit pays caché derrière un éventail de collines et de ravins de mer, recelant tant de merveilleux ».

Edgar Davidian l'Orient-Le Jour.

XXIIe édition du festival annuel du livre du 6 au 16 Mars 2003:
Le Mouvement culturel-Antélias se place sous le signe du changement par la culture

Le Ministre Salamé lors de l'inauguration du Salon - Photo Marwan Assaf -

Le Mouvement culturel-Antélias a annoncé hier, par la voix de son secrétaire général Georges Abi Saleh, la 22e édition de son Festival libanais du livre, qui fait date dans l’agenda culturel annuel, et qui est placé, cette année, sous le patronage du chef de l’État. Le Festival libanais du livre se tient dans la grande salles des fêtes de l’Église Mar Élias, à Antélias, et restera ouvert quotidiennement entre 11 heures et 21 heures, du 6 au 16 mars. Comme chaque année, plusieurs dizaines de maisons d’édition arabes et étrangères participeront à cette foire du livre où le taux d’escompte des prix des livres n’est jamais inférieur à 25 %. Le festival propose en outre un stand aux auteurs ayant édité leurs ouvrages à leur propre compte, ainsi qu’une variété d’activités culturelles orientées vers différentes catégories de lecteurs. En réalité, le Festival du livre du Mouvement culturel-Antélias reflète la profonde conviction de ses organisateurs dans la possibilité d’un « changement par la culture », a affirmé M. Georges Abi Saleh dans sa présentation. Un changement dont les moteurs invariables sont « la défense de certaines causes humaines et nationales sacrées au premier rang desquelles il faut placer la souveraineté, l’indépendance, la liberté de décision, l’unité nationale et la libération de l’occupation, de la tutelle et de l’arriération ». Voici le programme des activités culturelles qui animeront et rempliront les dix journées du Festival du livre. Hommage aux anciens. Le Festival du livre a pris l’habitude de rendre hommage aux anciens pour leur contribution à l’enrichissement du patrimoine culturel national, sous divers angles. Des livrets seront consacrés à chacune des personnalités auxquelles il sera rendu hommage. Les hommages seront organisés tout les soirs à 18h30.
1 - Cette année, le Mouvement culturel-Antélias a établi la liste de personnalités à honorer comme suit :
– le juriste Hassan Kawwas (8 mars), présenté par M. Mounif Hamdane ;
– l’éminent professeur irakien de langues anciennes Bassil Akoula, présenté par Georges Chalhoub ;
– l’ambassadeur Fouad Turk, présenté par Henri Zgheib ;
– l’écrivain d’origine syrienne Salma Haffar Kouzbari, présentée par Me Ghaleb Ghanem, président du Conseil d’État ;
– le pionnier du travail social Joseph Donato, présenté par Moussa Gédéon ;
– l’historiographe et chercheur Wagih Kawtharani, présenté par Massoud Younès ; – l’économiste et banquier Amine Alami, présenté par Ghassan Ayyache.
2 - Par ailleurs, le Festival du livre organise, comme chaque année, une série de conférences tables rondes sur un thème ou un ouvrage. Cette année, les thèmes choisis sont « le risque de guerre en Irak » (7 mars, 18h30), avec la participation d’Élias Hanna, de Chafic Masri et de Jihad el-Zein ; l’ouvrage de Camille Naufal sur « Les Arabes américains, otages impuissants, de Eisenhower à Ford » (14 mars à 16 heures) avec la participation des anciens ministres Farès Boueiz et Nadim Dimachkiyé ; l’ouvrage de Michel Geha sur les poètes libanais écrivant en langue vernaculaire, avec la participation de Sami Makarem, Elham Kallab-Bsat et du poète Joseph Abi Daher (15 mars à 18h30) ; l’ouvrage Recommandations dernières de l’imam Chamseddine, avec la participation de Mohammed Hussein Chamseddine et Samir Frangié (16 mars à 18h30).
3 - Le Festival libanais du livre offrira par ailleurs des activités artistiques aux étudiants, selon le calendrier suivant :
– Mardi 11 mars : rencontre-débat autour d’un film vidéo avec Georgette Gébara sous le titre : « La danse et l’identité » (7-12 ans).
– Mercredi 12 et jeudi 13 mars : scènes de théâtre présentées par les élèves de l’Institut des beaux-arts de l’Université libanaise-deuxième section, suivies d’un débat sut « le théâtre et l’éducation » conduit par le président de la section théâtre Jean Daoud (secondaire).
– Vendredi 14 mars : Scènes théâtrales pour enfants présentées par Gisèle Hachem Zard Abou Jaoudé.
4 - Le Festival du livre organisera à l’intention des élèves du secondaire qui ont pris l’habitude de le visiter deux concours de culture générale destinés aux élèves du complémentaire et du secondaire. Leurs résultats feront l’objet d’une cérémonie de remise de prix spéciale.
5 - Dans le but de mettre en rapport l’auteur avec ses lecteurs et de leur permettre de tirer profit de cette relation pour un enrichissement mutuel, des signatures d’ouvrages seront organisées, suivant un programme en cours de définition qui sera publié quotidiennement dans la presse. Une quarantaine d’auteurs bénéficieront de cette occasion.
6 - À l’occasion du Festival du livre, le Mouvement culturel-Antélias publie une série d’ouvrages, et d’abord une sorte d’actes du Festival du livre (2002-2003), un recueil des présentations des auteurs honorés l’année dernière et enfin, un ouvrage sur le philosophe libanais personnaliste René Habachi, qui vient de s’éteindre. Ces ouvrages seront distribués gratuitement aux visiteurs. Le Mouvement culturel aura par ailleurs son propre stand dans le festival.
7 - Un stand nouveauté affichera les principales publications parues entre deux éditions du Festival du livre. Le festival, insiste la présentation, n’est pas seulement une foire aux livres, mais une célébration d’un rite, celui du livre.
C’est la fête du mot, de la pensée, du dialogue et de la créativité littéraire, des valeurs auxquelles le Mouvement culturel-Antélias croit et pour lesquelles il œuvre.



Un livre engagé au coeur de l'actualité qui ne pourra pas plaire à tout le monde...

« ISRAËL LE DERNIER QUART D’HEURE » de Gabriel Enkiri
A LIRE ABSOLUMENT AVANT LA GUERRE : Le Litani menacé !


Remaniée et actualisée, la seconde édition de son livre paraît en format poche.
Elle comporte un nouveau chapitre éclairant intitulé « de l’Affaire Rosenberg… à la Shoa ». (Membre du PCF au moment de l’Affaire, son témoignage n’a pas fini de faire des vagues aux States… et ailleurs !) Plus important encore : pour la première fois, un observateur de la vie politique, qui fut gaulliste puis communiste, a enfin compris, douze ans après la disparition de l’URSS, que les communautés juives d’Europe (centrale et de l’Est), émancipées par le capitalisme (allemand) au cours du 19e siècle, se sont lancées - mues par une formidable volonté de domination (due à une longue frustration) - à l’assaut de l’Europe (et du monde) en s’alliant avec la nouvelle puissance au cœur de l’Europe. Elles furent « retournées » en 1917 (en pleine guerre !) par l’Angleterre soucieuse de rompre l’alliance des Juifs avec ce pays en plein essor. Quelques mois plus tard, quatre Empires s’effondraient comme des châteaux de cartes, laissant place à deux entreprises à vocation hégémonique : la « soviétique » et le sionisme, les Juifs sortant triomphants de la guerre, à Moscou comme à Londres, avec Trotski et Weizmann. Ces deux « démences » accouchèrent à l’Est d’un État totalitaire, à l’Ouest d’un État sioniste dominateur. Le XXe siècle fut traversé et ensanglanté par ces deux entreprises qui fusionnèrent en 1941, dans le cadre de l’alliance « américano-soviétique » conclue lors de l’invasion de l’URSS. Après deux guerres (la « promesse » avec l’Angleterre puis la « concrétisation de la promesse » en 1945-1949 avec l’aide conjointe de Staline et de l’Oncle Sam) les Juifs ont fini par s’emparer d’une partie de la Palestine… et par passer à l’Ouest ! Le massacre des Juifs – commencé sous le tsarisme après l’assassinat d’Alexandre II en 1881 –devenait inévitable, dès 1917, après leur « trahison », ressentie comme telle en Allemagne, et le soulèvement des peuples de l’Est contre le nouvel impérialisme moscovite. Les assassinats de Rosa Luxembourg et de Karl Liebknecht en 1918 annonçaient le formidable « règlement de comptes » qui eut lieu… en 1941 lorsque ces peuples opprimés (profondément croyants) crurent venue la fin de l’occupation judéo-soviétique athée. L’alliance réalisée avec Roosevelt sauva Staline et son régime despotique mais les sionistes, en choisissant les States en 1949, plongèrent Staline dans un délire antisémite qui ne prit fin qu’avec sa mort en 1953. En reprenant le chemin de l’Ouest, les Juifs condamnaient l’URSS à disparaître. Aujourd’hui, ils font naturellement corps avec l’hyper puissance dominante. Pour consolider et tenter de sauver l’État juif, Ariel Sharon a besoin d’une nouvelle guerre au Proche-Orient. Il a convaincu Bush junior que le pétrole irakien (et plus encore) était à sa merci. Et lui, pendant ce temps, tentera d’imposer sa solution à lui. Ira-t-il jusqu’à détourner le Litani, dont les eaux seront absolument nécessaires au grand Israël ? L’annexion du Golan par Shamir le laisse penser. Nous sommes bien à un tournant de l’histoire de l’Humanité. Après le Traité de Versailles (1918), après Yalta (1945), voici le nouveau « partage » auquel les Anglais espèrent être associés en participant, aux côtés des Américains, à la « grande guerre » des pétroliers texans. Dans une « lettre ouverte » publiée par le site internet la-paix.org Gabriel Enkiri, dont la famille paternelle est originaire de Saint-Jean-d’Acre, lance un appel à Jacques Chirac : « Opposez-vous à la guerre avec Gerhard Schröder. Proposez ensemble à l’ONU une grande Conférence pour la paix ». Dans sa réponse, son Chef de Cabinet, Annie Lhéritier, écrit : « chargée de vous répondre, je puis vous assurer qu’il a été pris attentivement connaissance de vos réflexions ». Il faut rappeler que Gabriel Enkiri est né lui aussi en 1932, et qu’il est également un « ancien du Lycée Carnot » à Paris. Dans son livre autobiographique « romancé » intitulé « Kidnapping – entre Saint-Caradec et l’Elysée » l’auteur a narré son itinéraire à la fois « parallèle » et « croisé » avec celui de l’actuel Président de la République pour lequel il a voté dès le 1er tour, en 1995 et en 2002 ! Ce qui rend d’autant plus incompréhensible ( ?) la censure des médias français, alors que les journaux arabes (Al Ittihad, Al Watan…) découvrent son livre, fort dérangeant il est vrai, pour les sionistes . Une « paix juste et durable » ne pourra prendre forme que sur la vérité.

« Israël le dernier quart d’heure » - seconde édition remaniée, complétée et actualisée- après l’échec de L. Jospin et la réélection de J. Chirac - 380 pages en format poche – 8 euros
Distribution : Alterdis pour la France, et Albouraq (Librairie de l’Orient) pour le monde arabe
– en vente également à l’IMA. Egalement sur les librairies en ligne Amazone et Alapage



Janvier 2003

Le prix littéraire "France-Liban" attribué à Nazir Hamad pour
"l'enfant adoptif et ses familles"

Le vendredi 17 janvier 2003, et pour la 22e fois, le jury du prix littéraire "France-Liban" s'est réuni au siège de l'Association des écrivains de langue française (ADELF), à Paris, en présence de Paul Blanc, Adel Ismaïl, Edmond Jouve, Vénus Khoury-Ghata, Abdallah Naaman (responsable du prix), Bahjat Rizk, Charles Rizk et Bassam Tourbah. Sept ouvrages étaient en compétition et c'est "L'Enfant adoptif et ses familles" (aux éditions Denoël) de Nazir Hamad qui a été couronné. Le lauréat, né à Baalbek en 1947, est un psychanalyste libanais installé à Paris. Auteur de nombreux ouvrages, dont un co-écrit avec la célèbre Françoise Dolto (1909-1988), Nazir Hamad est membre de l'Association freudienne. Il a été nommé, en décembre dernier, chevalier dans l'ordre des Palmes académiques.


Décembre 2002:
Inauguration d'une MédiaZone à l'ABC Dbayé
avec un débat sur le littérature libanaise contemporaine.

Animée par May Menassa, notre consœur du quotidien « an-Nahar », une table ronde, intitulée « Regards sur la littérature libanaise contemporaine», a réuni, à l’ABC, à l’occasion de l’inauguration d’un espace Media Zone au sous-sol du grand magasin (et à l’invitation de la librairie Antoine), quatre grands auteurs libanais.
Il s’agit de Vénus Khoury-Ghatta (romancière et poétesse), d’Alexandre Najjar (avocat et écrivain), d’Élias el-Khoury (romancier, essayiste, critique littéraire et rédacteur en chef du supplément culturel du « Nahar ») et de Hassan Daoud (romancier et journaliste au quotidien « al-Mustaqbal »).
Quatre plumes différentes, dans leur style, leur langue et leur mode d’expression, mais qui ont en commun le talent et cette vocation d’être des messagers de l’identité profondément multiculturelle du Liban, comme l’a dit May Menassa dans son mot de présentation. Devant une assemblée, composée au départ uniquement de lecteurs assidus puis grossissant au fur et à mesure que se développait le débat, May Menassa a d’abord souligné l’importance de la langue française pour les auteurs libanais. Qu’ils soient d’expression française, comme Vénus Khoury-Ghatta et Alexandre Najjar, ou «arabophones » (étiquette que récuse avec humour Élias el-Khoury, en faisant remarquer l’utilité d’une telle précision, un écrivain libanais étant forcément arabophone !), à l’instar de ce journaliste et de son confrère Hassan Daoud. «La langue française a trouvé au Liban ses purs reflets, affirme May Menassa. Des poètes, des romanciers (...) ont laissé transparaître leur langue mère sous la langue française, outil d’expression. (...)
Voilà que bon nombre d’auteurs arabes offrent à la langue française une âme, une histoire, une émotion, un Levant encore fascinant d’où un nombre de maisons d’édition françaises qui trouvent dans les arabophones matière riche à traduire ; notamment: Hoda Barakat, Adonis, Ounsi el-Hage, Paul Chaoul, Élias el-Khoury, Hassan Daoud, Rachid Daïf et d’autres...»
L’animatrice a ensuite présenté brièvement les écrivains réunis pour l’occasion, avant de leurs demander de parler chacun d’une de leurs œuvres majeures ou récentes. Vénus Khoury-Ghatta a confirmé son identité d’écrivain oriental de langue française. Cet auteur de 12 recueils de poèmes et de 16 romans en français aborde presque toujours le Moyen-Orient dans ses écrits. Mis à part son dernier roman, La Maestra, inspiré par une morte dans la maison de laquelle Vénus Khoury-Ghatta s’est retrouvée lors d’un voyage en Amérique du Sud.
Un livre dont l’écriture garde cependant une coloration orientale.
Une histoire d’amour différente
Élias el-Khoury est l’auteur de huit romans, dont Bab el-Chams (La porte du soleil), qui a obtenu le grand prix littéraire palestinien. Et qui a été traduit en français, en anglais et en... hébreu. «Ce livre raconte une histoire d’amour, placée dans le contexte de la « nakba » palestinienne. Mais à la différence des romans d’amour habituels qui parlent généralement de séparation, La porte du soleil est le récit des retrouvailles d’un couple, séparé lors des événements de 1948. Khalil est un combattant chassé de Palestine, qui vit dans le camps de Chatila. Sa femme et son fils se sont réfugiés à Deir al-Assad. Leur séparation forcée, entrecoupée de visites régulières, va attiser les sentiments de Khalil pour sa femme. Il va en retomber amoureux.» Hassan Daoud a parlé, lui, de Ayyam zaidat (Les jours ajoutés), qui conte les derniers jours d’un nonagénaire qui n’est autre que le grand-père de l’auteur. «J’ai écrit ce livre en mémoire de mon grand-père, dont j’étais, il me semble, le petit-fils préféré, pour rendre hommage à cet homme à la personnalité hors du commun, indique Hassan Daoud. Mais ce livre est aussi une forme d’excuse que je lui adresse pour une faute que j’ai commise envers lui.»
La modernité dans l’écriture
Enfin Alexandre Najjar, le plus jeune d’entre tous et le plus prolifique, puisqu’il a publié, depuis 1988 à 2002, 12 romans, 2 recueils de poèmes, une pièce et enfin une biographie de Gibran Khalil Gibran. À propos de ce dernier ouvrage, Najjar a expliqué que c’était là son premier livre écrit sur commande, à la demande d’une maison d’édition française spécialisée dans les biographies de grands hommes. Qu’il y avait trouvé une sorte de défi à relever, après toutes les biographies écrites sur l’auteur du Prophète. Et qu’il avait essayé de donner sa vision objective de Gibran, basée sur une somme de recherches, de documentations et d’études de thèses et d’ouvrages multiples sur cette grande figure. Un débat autour d’une question posée par May Menassa, sur la modernité dans l’écriture, a suivi les présentations des auteurs. Certains s’en réclamant comme Hassan Daoud ou Élias el-Khoury, qui affirme que la modernité de l’écriture transparaît surtout dans les sujets inspirés du quotidien qu’elle aborde. D’autres, comme Vénus Khoury-Ghatta, préfèrent se placer hors du contexte d’une modernité qui ramène la littérature à des élucubrations nombrilistes et exhibistionnistes, ou comme Alexandre Najjar, qui affirme qu’«avoir une plume moderne ou pas est, avec le choix du sujet et celui de la langue, une des trois libertés primordiales de l’écrivain ».
Une séance de signature ainsi qu’un cocktail ont suivi cette table ronde. Laquelle ne devrait pas rester, on l’espère, une de ces heureuses initiatives isolées qui sortent la culture des cercles et cénacles restreints aux seuls intellectuels. Mais faire effet boule de neige, pour mettre enfin la culture à la portée du grand public. Dans des lieux publics.

Zéna ZALZAL

3.12.2002

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Nouveautés


pour commander une fois dans le site tapez Beyrouth, prix: 24 €uros

"Regards sur Beyrouth"aux Editions Romain Pages,
de Astrid Gateau, Frédéric Soreau et Olivier Dalle. Ce livre contient des photos, des textes et des interviews et a pour thème Beyrouth et la langue française.
Les personnalités culturelles interviewées dans ce livre sont :
Abbas Beydoun, Alexandre Najjar, Gebran Tuéni, Hanan el Cheikh, Aref Rayess et Ounsi el Hage.

"Nous avons beaucoup erré et beaucoup écouté, au hasard des rues et des quartiers de Beyrouth, nous sommes partis à la rencontre de toutes ces communautés qui forment la source vive et l’histoire de la capitale libanaise, Druzes, Maronites, Arméniens, Sunnites, Chiites, et cette centaine d’autres micro-communautés.
Surtout, les auteurs ont interrogé les écrivains de la ville, ceux qui y vivent ou y ont vécu, ceux qui ont écrit sur Beyrouth, qui l’ont connue.
Qui mieux que des romanciers, des poètes, sauraient nous parler de leur ville ? "

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De Gaulle et le Liban, Vers l'Orient compliqué (1929-1931)

Au Liban, le général de Gaulle est, depuis longtemps, entré dans la légende. A sa mort, il n'est pas un homme politique libanais qui n'ait salué sa mémoire et rappelé son action en faveur du Liban et de la " cause arabe ". Pourquoi cette idolâtrie ? Est-elle justifiée ? Quelles furent exactement les relations entre le Liban et le Général, qui résida deux années au pays des Cèdres alors qu'il n'était que commandant, qui joua un rôle déterminant dans l'accession du Liban à l'indépendance, qui accueillit chaleureusement le président libanais Charles Hélou en mai 1965, et décréta l'embargo sur les armes destinées à l'Etat hébreu à l'issue du raid israélien sur l'Aéroport International de Beyrouth en 1968… Des articles, des mémoires ont déjà évoqué les liens entre de Gaulle et le Liban. Mais c'est la première fois qu'un livre, en quatre volumes, est consacré à ce sujet. Fruit de recherches minutieuses au Liban et en France, enrichi de documents inédits et d'un important dossier iconographique, il lève le voile sur des aspects méconnus de la vie du " plus illustre des Français

Editions Geutner-Paris


Quand le Liban regarde le Québec, cela donne le livre de
Zeina El Tibi : Le Québec, l’Amérique en français.

Une petite encyclopédie sur ce pays finalement peu connu, à l’usage de tous.

Le Magazine Québecois du Livre
NUIT BLANCHE
consacre son numéro de l'Automne 2002 à la littérature libanaise d'expression francophone.
Poésie, Roman, Théatre, un dossier complet...

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La fiction au coeur de la réalité du 11 Septembre?

Quelques jours après la destruction du World Trade Center, des lettres contenant de l'anthrax contaminent de paisibles employés aux quatre coins de l'Amérique... Meg, microbiologiste de renom, est contactée par la CIA pour mener une enquête planétaire qui la conduira jusqu'en Irak. A peine arrivée à Bagdad, elle doit affronter une femme redoutable, responsable du programme bactériologique irakien et surnommée «Lady Virus»... Entre elles, deux hommes: Chris, un chercheur français qui en sait long sur le syndrome du Golfe et le crash mistérieux d'un avion israélien à Amsterdam, et Rachid, un informaticien libanais en mal d'amour. De New York à Amman et d'Amsterdam à Beyrouth, Meg parviendra-t-elle à déjouer les plans diaboliques de son ennemie? Un roman d'espionnage haletant, qui mêlant fiction et réalité, nous entraîne dans l'univers impitoyable du bioterrorisme mondial

Alexandre Najjar, l'auteur de ce roman était l'invité de l'émission matinale de Jacques Pradel, le 20 Août sur Europe 1, en compagnie de Mr Roland Jacquard.

Lady Virus, 218 p., éd. Balland, 2002.


Sortie en Octobre 2002:
une nouvelle Biographie de Khalil Gibran par Alexandre Najjar


Octobre 2002

Publication - Un ouvrage unique en son genre, destiné au sommet de Beyrouth
« L’armorial de la francophonie » de Maurice Saliba :
16000 notices bibliographiques sur le Liban

* Dès l’annonce, en 1997 au Vietnam, de la décision d’organiser le IXe Sommet de la francophonie à Beyrouth, j’ai résolu, en tant que citoyen libanais vivant en France, de contribuer à faire connaître la francophonie du Liban», déclare d’emblée Maurice Saliba. Il se lance alors dans l’élaboration de cet armorial de la francophonie dans lequel il a réuni plus de 16 000 notices bibliographiques ayant trait directement ou indirectement au pays du cèdre. D’une part, cela concerne les publications des Libanais en langue française toutes disciplines confondues. Et, d’autre part, les écrits en français sur le Liban depuis 1515 jusqu’à fin 2001.
L’auteur ne prétend pas que son travail soit exhaustif. «En effet, certains ouvrages publiés à compte d’auteur, à tirage réduit, ne figurent pas toujours dans les catalogues des bibliothèques ou centres de documentation. Autre raison: un bon nombre de thèses ou de mémoires n’ont pu être identifiés.» Maurice Saliba est spécialiste en sociologie de l’éducation et du développement, consultant libre auprès des organisations des Nations unies. Il enseigne actuellement en France. À son actif, notamment, l’Index Libanicus I, œuvre bibliographique répertoriant quelque 5000 publications parues en langues européennes touchant directement ou indirectement le Liban (histoire, géographie, archéologie, politique, économie, droit, sciences, arts, etc.) et L’Index Libanicus II, un inventaire de touts les thèses et mémoires soutenus dans les universités du Liban de 1900 à 1980. Il a traduit de nombreux ouvrages dont la fameuse étude du professeur Théodore Hamf, Liban, coexistence en temps de guerre (en arabe, aux éditions Dar an-Nahar).
L’armorial de la francophonie est un dictionnaire dont les notices bibliographiques sont classées par ordre alphabétique selon les noms des auteurs et dans l’ordre chronologique de leur parution. L’auteur donne des informations sur chaque type de document (ouvrage, article dans une revue littéraire ou scientifique, thèse, ou littérature grise, etc.). L’ouvrage est complété par deux index: le premier est thématique et géographique, le second est onomastique (pour signaler les coauteurs, les traducteurs, les préfaciers et les illustrateurs). Pour parvenir à son objectif, l’auteur a lancé des initiatives de recherche avec des proches, des amis, d’anciens collègues universitaires, des bibliothécaires et des pigistes. Près de 40 personnes dans sept pays (France, Canada, Belgique, Suisse, Italie, Espagne et Liban) y ont contribué.
Chose étonnante: des centaines de Libanais ont soutenu leurs thèses en français dans des pays non francophones, comme l’Espagne, l’Italie, l’Allemagne, la Russie ou la Pologne. Homme de chiffres, Saliba affirme que plus de «50 ouvrages et collections de références ont été dépouillés; 48 catalogues consultés; 43 bibliothèques, instituts de recherche et centres de documentation visités; 192 revues compulsées et plus de 40 sites Internet interrogés.» La somme de cette recherche constitue un répertoire de 16027 notices bibliographiques. À qui s’adresse cet ouvrage? L’auteur souhaite qu’il soit distribué à tous les délégués qui participeront au sommet ainsi qu’à toutes les bibliothèques francophones dans le monde pour que la vraie participation libanaise à la francophonie soit identifiée et bien connue. Maurice Saliba espère que «les Libanais connaîtront mieux leur patrimoine culturel francophone, qui est un vrai facteur d’enrichissement et d’ouverture. Ce patrimoine leur permet de cultiver les échanges de tout genre avec le monde entier mais aussi de promouvoir sainement le dialogue des cultures et des civilisations, affinités constantes de leur histoire et de leur destin.» Comme le souhaite Camille Aboussouan dans l’avant-propos: «Peut-être que l’analyse détaillée de cet ouvrage et de ses thèmes permettra de dire que l’observation attentive de l’histoire, de l’écriture et du langage devait un jour mener aux rigueurs d’une exceptionnelle et harmonieuse exigence.»

Le sociologue dédie cet ouvrage à la mémoire de quatre Libanais: «Le président Charles Hélou, père de la francophonie, Boutros Dib, le père Étienne Sakr et l’éminent homme de sciences Rammal Rammal.»
Maurice Saliba conclut sur cette réflexion: «Aurons-nous un jour la chance d’avoir une bibliothèque nationale qui réunirait toutes les publications des Libanais dans toutes les langues?» Reste à souligner que cet ouvrage est disponible en librairie. Les Messageries du Moyen-Orient assurent sa distribution au Liban et la librairie orientaliste Geuthner en France.

MGH

Edition du 8 Octobre 2002


Septembre 2002

Nouveauté- « La folle odyssée de Didon », un ouvrage de jeunesse en français Les mythes fondateurs phéniciens revisités par Karine Safa

Le siège de Tyr (éditions Sader), suivi de L’invraisemblable histoire de Cadmos le Phénicien et de sa sœur Europe (édition du Béryl) et maintenant La folle odyssée de Didon, princesse de Tyr, reine de Carthage (également aux éditions du Béryl) clôture la trilogie phénicienne signée Karine Safa. L’auteur, docteur en philosophie, s’est attachée « à combler un vide, dit-elle. Mon idée générale était de m’occuper du patrimoine du Liban. J’ai choisi de m’attaquer aux mythes fondateurs de la Phénicie sur lesquels on ne trouve pas grand-chose dans les livres d’histoire du Liban. Les pérégrinations de Cadmos, par exemple, y sont relatées en trois lignes qu’on oublie aussitôt lues ». Son Cadmos a d’ailleurs été très apprécié des écoliers libanais, « parce qu’il n’y a pas au Liban de livres en français aussi attrayants sur notre patrimoine ». Et en France, où il est distribué en librairie, il a participé au salon du livre de jeunesse de Montreuil, où il a été sélectionné parmi les 50 meilleurs ouvrages du salon. Encouragée par ce succès, Karine Safa s’attaque donc à une autre figure légendaire de la civilisation sphénicienne Élissa, la fondatrice de Carthage, « connue en Europe sous le nom romain de Didon, lequel est tiré de Dido, qui signifie en latin errante », signale Karine Safa, qui a fait ses classes de latin, et tiré même une partie de ses recherches de la littérature gréco-latine, dans le texte. « Virgile a été une référence, dit-elle. Mais ce n’est pas toujours facile de se retrouver avec la profusion de textes écrits sur Didon, très connue en Europe pour ses fameuses amours avec le Troyen Énée. C’est d’ailleurs une thématique récurrente dans l’art européen. La peinture dans tous les siècles s’est attelée à ce sujet: Raphaël, l’Anglais Turner... Et donc dans cette masse d’informations, on obtient souvent des récits tout à fait contradictoires. C’est là où le travail d’écriture commence. Des voies émergent, on leur donne une direction en fonction de ce que l’on a envie d’écrire.» Élissa-Didon « Pour ma part, j’avais envie de passer d’une information formelle, classée à mi-chemin entre histoire et mythologie, à quelque chose de plus vivant et d’y introduire la dimension de l’aventure, du merveilleux et du rêve. Dans La folle odyssée de Didon, poursuit-elle, ce que je mets surtout en valeur, c’est la première partie de son histoire. Sa vie à Tyr et les péripéties qu’elle y a vécues, les persécutions qu’elle a subies de la part de son frère Pygmalion qui en voulait à sa fortune. Ce qui l’a justement poussée à fuir Tyr pour aller fonder la ville de Carthage, qui deviendra par la suite un empire. Et le grand concurrent de Rome. J’ai expliqué donc ce qui s’est passé et je termine le livre à la fondation de Carthage. » C’est dans un style simple et poétique à la fois que Karine Safa narre cet épisode de la vie d’une figure sans doute historique qui a été embellie par l’imagination populaire. Ce livre, joliment illustré, s’adresse aux enfants à partir de 11 ou 12 ans. Il a été publié grâce au concours du fonds de soutien à l’édition de l’Agence intergouvernementale de la francophonie (AIF). Cette agence consacre un fonds spécial pour aider, à travers le monde, les éditeurs de livres de jeunesse francophones à constituer un stock d’ouvrages de qualité, dont le prix ne soit pas très élevé, de manière à ce qu’il convienne au pouvoir d’achat des pays du Sud. Au Liban, il est vendu 9 euros.


est le distributeur pour le Liban et le Moyen-Orient de

, l' éditeur des cultures francophones.

Contact : SELECTION Distribution BP 1162-5267 Musée – Beyrouth, 1106 - 2030 LIBAN
Tél/Fax: 961-1-381111 ou 961-1-394343


Parution en Mars 2002
aux éditions ACL "Atelier de la création libertaire"

1er Roman de Georges Saad

" Marie Luce Bruyère ou la vie d'un étudiant libanais en France"

En vente au Liban, dans les Libraires Antoine et à la Librairie Le Point

Pour la France:
ATELIER DE CREATION LIBERTAIRE 2002 Atelier de création libertaire BP 1186,
F-69202 Lyon cedex 01 Tél 04 78 29 28 26 - email : ateliber@multimania.com
ISBN 2 - 905691 - 76 – X janvier 2002 - 10 euros seulement!.
Pour les intéressés il faut le commander chez l’éditeur qui n’est pas riche pour engager une maison de diffusion. Il le fera si l’ouvrage devient le best-seller du 21ème siècle!


Ce livre a fait l'objet d'une conférence spéciale de présentation

par la
Mission Culturelle Française à Beyrouth

Le 23 Mai 2002 au Centre Culturel Français de Beyrouth

Avec >>>>>>>>

Intervenants : Carmel Mitifiot, attachée de coopération à l’Ambassade de France, Suheil al Kach, professeur à l’université libanaise, Hervé Lecuyer, professeur à l’U.S.J. Présentateur-modérateur Nadim Schoucair, journaliste.
La présentation sera suivie d’une signature ; elle aura lieu le jeudi 23 mai 2002, à 18h, salle des conférences du centre culturel français, rue de Damas, Beyrouth.

Trois échantillons gratuits :
1. Mademoiselle, le théâtre de la sagesse, s’il vous plaît ? – On n’est pas d’ici. Ce regard malicieux, c’était pour me dire qu’elle avait compris que ce théâtre n’existait pas en Avignon. Elle s’est quand même arrêtée à ma hauteur, le sac en bandoulière et la main droite qui s’y accrochait pour plus de contenance. Son sourire était si encourageant, – une véritable aubaine pour le grand timide que je suis, que je l’ai invitée à se joindre à moi autour d’un café, sur une de ces places dont seule la France a le secret. Ah ! cette douce France, une affaire de cœur ! On ne trouve ça ni dans les pays rhénans, ni Outre-Atlantique, ça grouille tellement de monde de toutes les couleurs. ?a murmure, ça ronronne, ça se dispute, ça gigote, ça remue... Et quelle belle source d’eau sur cette place ! Et je ne vous dis rien de ces maisons en briques rouges ou en vieilles pierres de pays qui contrastent, malgré la beauté sublime du pays du cèdre, avec les vilains immeubles de Beyrouth.

2.On était vendredi. Le lendemain je retournais à Bourgoin. Je devais d’abord emprunter à quelqu’un un peu d’argent. Mais je n’ai trouvé personne. J’assistais à tous les cours. Avec plaisir, en plus. Un cours de Monsieur le Professeur Vincent, encore un, et un autre de Monsieur Azéma. Un professeur sympathique, commercialiste et libéral. Les mauvaises langues disaient qu’il était de droite. Moi je le trouvais gentil. Je pensais, à cette époque d’engagement un peu sectaire, qu’on ne pouvait pas être de droite, pro-capitaliste et gentil à la fois. Ce vendredi, j’ai pris moi-même mes cours. Et pour une fois, comme tous les étudiants français, je m’apprêtais à partir en week-end moi aussi. J’étais même privilégié, puisque moi, je ne partais pas vers de vieux parents par obligation mais vers Marie, ma copine, ma moitié, ma femme à moi, qui allait m’attendre à la gare et avec qui j’entrevoyais déjà la belle nuit qui nous attendait, le bon plat avec mille ingrédients, une quiche lorraine par exemple, rien qu’en entrée, avec ces petits morceaux de lard fumé, de la crème fraîche et aigre.

3.C’est que chez Marie ces épices t’appelaient de loin, leur présence embaumait, je suppose que chez moi elles devaient être bien cachées dans le grenier ou bien on ne devait pas les utiliser souvent. Ce sont des aromates, des petits riens qui font quelquefois basculer les choses et les concepts, qui vous font passer brusquement d’un plat ordinaire à un mystère, à un amour, à une belle histoire : laurier, thym, basilic, gingembre, girofle, origan, romarin, safran... Enfin tout était doux dans cette maison. Effectivement, Marie était une fille sincère. Une fois chez elle, on s’apercevait qu’elle était quelqu’un de vrai. J’ai compris cela quand elle m’a présenté ses amis. Ritou, Bibi, Tonton, Quiqui, Riri, Ahmad, Bouch... Une dizaine de jeunes, filles et garçons, dont aucun ne m’a été présenté par son vrai prénom, ce qui voulait dire que leurs relations étaient plutôt du genre mignon, humain, peu compliqué, égalitaire, socialiste, et même mieux que ça, communiste libertaire. [1][1][1] Signature au centre culturel français de Beyrouth le 23 mai, 16h, 2002. Deux signatures en France (sud et Paris dates à déterminer), probablement été 2002. Georges Saad


Tant de Libanais qui ont passé quelques années en France pour y étudier pourront certainement s'identifier au personnage de l'ouvrage...


LibanVision souhaite le meilleur succès à
"Marie-Luce Bruyère ou la vie d’un étudiant libanais en France "
Georges Saad

un livre au coeur de la francophonie libanaise!


et aussi:

«Le couvent de la Lune» de Carole Dagher,
ou Deir el-Kamar à travers le temps

Premier roman d’une trilogie aux éditions Plon

Carole Dagher : Le recours a l'histoire , pour comprendre le present

Auteur de trois essais politiques sur le Liban et le Moyen-Orient, Carole Dagher, journaliste et chercheur associé à l’Université de Georgetown, signe aujourd’hui une fresque historique et sentimentale, flash-back sur le Liban du XIXe siècle. «Le couvent de la Lune», premier roman d’une trilogie aux éditions Plon, transporte le lecteur au temps de l’émir Béchir II Chéhab, période faste en évènements, intrigues, prouesses militaires, témoignages d’amitié et de loyauté.
De la cour de Deir el-Kamar à Constantinople, de Damas à Saint-Jean d’Acre, il y a là les personnages illustres de l’époque et ceux imaginés par la romancière. Les faits sont vus et vécus par le jeune héros Kérim, idéaliste chef de cavalerie de l’émir. Quelles sont les raisons qui ont poussé Carole Dagher à écrire ce roman ? « Curieusement, et en dépit du fait que le XIXe siècle fut un siècle foisonnant et déterminant dans l’histoire des nations, orientales aussi bien qu’européennes, il reste à découvrir par le grand public, souligne la jeune écrivain. Le XIXe siècle fut le terreau des grands conflits du XXe siècle en Orient. Le rôle décisif joué par la France, l’Angleterre et subsidiairement la Prusse, l’Autriche et la Russie dans l’Empire ottoman reste aussi méconnu en France qu’il l’est en Orient.
Au Liban, entre l’histoire de la conquête arabe et celle de la France, des générations de Libanais ont grandi à l’école sans rien apprendre de l’histoire de leur pays autre que ce que les uns et les autres ont bien voulu leur distiller à des fins politiques, poursuit-elle. Cette négligence n’est pas innocente : parce que l’histoire pèse encore lourdement dans l’inconscient collectif, parce que l’on n’ose pas l’assumer de crainte qu’en remuant la cendre, l’on ranime une braise toujours ardente, parce que l’on préfère éviter ce que l’on ne sait pas aborder de manière scientifique, non passionnelle, dans cet Orient de tous les déchaînements, l’on a préféré démissionner ». Le romantisme aussi… « Un souci de romantisme et d’esthétique a présidé à l’écriture du “ couvent de la Lune” , affirme Dagher.
Il s’agit de faire revivre le Levant riche en couleurs des grands voyageurs, peintres, écrivains, explorateurs et consuls européens du XIXe siècle. Le monde d’aujourd’hui a besoin de rêve et de dépaysement ; cet ouvrage se propose de répondre à ce besoin. Ce souci de romantisme est couplé à un autre, qui lui est corollaire : le souci d’authenticité. Il m’a guidée dans la peinture des mœurs et traditions, des costumes et d’un style de vie aujourd’hui disparus ou ne survivant plus que dans des villages reculés. Cela ajoute un parfum d’exotisme à l’œuvre ».
Carole Dagher s’est installée pendant 6 mois dans une maison de Deir el-Kamar. S’imprégnant de l’atmosphère du village, entreprenant des recherches sur le terrain, fouillant les archives des grandes familles de la région, revivant les us et coutumes des ancêtres à travers divers témoignages. Les faits historiques sont authentiques. Les personnages qui évoluent autour de l’émir ont existé. « Je n’ai pas porté de jugement sur telle ou telle personnalité », note Carole Dagher. Pour cela, il fallait entrer dans la peau des personnages. Imaginer leurs motivations et réactions. Et les expliquer plutôt que de les condamner. «L’autorité et la rigidité de l’émir Béchir sont légendaires. Il a gouverné d’une poigne de fer. Les Libanais sont divisés à son propos. Certains le voient comme un despote, ils le tiennent responsable de nombreux malheurs. D’autres le considèrent comme un héros, un des fondateurs du Liban moderne ». Parler d’un personnage aussi controversé est une entreprise assez audacieuse. Elle en est consciente. « À des moments, je sortais épuisée du travail d’écriture », dit-elle. « Mais si on le présente de manière à rendre toutes les contradictions des personnages, c’est honnête. Les lecteurs jugeront par eux-mêmes ». Acte donc.

LibanVision Mai 2002
avec le concours de

 


Francophonie - Création de l’Association internationale des libraires francophones


Une vingtaine de libraires venant de dix-huit pays francophones, réunis le 27 mars 2002 au siège de l’Agence intergouvernementale de la francophonie, ont créé l’Association internationale des libraires francophones.
Objectifs : dynamiser la diffusion du livre francophone et développer la solidarité professionnelle, notamment entre libraires du Nord et du Sud.
L’idée de créer cette association s’était imposée comme une nécessité en octobre dernier, à Beyrouth, lors d’un colloque qui a réuni pour la première fois une quarantaine de libraires francophones.
Le colloque avait été organisé par l’agence en partenariat avec France Édition, en réponse à l’initiative de libraires libanais. L’Association internationale des libraires francophones a pour principaux objectifs de dynamiser la diffusion du livre francophone et de soutenir les libraires – qui souffrent souvent d’isolement, en particulier dans les pays du Sud – en instaurant des mécanismes de partage et de solidarité entre libraires du Nord et du Sud, en recensant leurs besoins et en collectant et diffusant l’information qui les intéresse. Sur la base des propositions concrètes formulées lors du colloque de Beyrouth, six axes de travail ont été dégagés par l’association, notamment dans les domaines de la formation, la diffusion et l’informatisation. Des jumelages entre librairies sont envisagés dans le but de promouvoir l’esprit de réseau.
L’Association internationale des libraires francophones s’est dotée d’un conseil d’administration dont le coordonnateur est le libraire libanais, Michel Choueiri.


A la Une ce mois-ci:

Aux Editions l'Harmattan:

Faites tomber les murs, le défi du Liban de l'aprés-guerre*
par Carole Dagher

L'auteur propose au lecteur une reflexion sur l'idée libanaise avec le recul de la guerre, transmet sa croyance en la réalité de ce rêve, pronant davantage la Libanité du monde arabe que l'arabité du Liban.
Elle milite ainsi pour une plus grande implication des Chrétiens du Liban, dont la présence apporte la richesse et la complémentarité qui en font sa spécificité.
Or, que deviendrait celle-ci, faite de dialogue, pluralisme et respect si le reflexe était la fuite face à certaines peurs.
De leur comportement dépendent en grande partie l'avenir du Liban et ses chances de survie, la vision partagée d'un pays et d'une idée commune.La priorité consiste donc à restaurer l'âme du Liban selon la formule de l'Avocat et penseur Pharès Zoghbi lors d'un débat organisé en Mars à Beyrouth à l'occasion de la présentation de ce livre lucide et courageux qui pose certainement la vraie problématique libanaise du moment.

* Original écrit en Anglais sous le titre "bring down the walls"-éditions St Martin's Press -Mc Millan



" Communiqué Libanvision "

Retour sur la Forte Présence Libanaise au Salon du Livre de Paris
du 22 au 27 Mars 2002

Participation du Liban, pour la 1ère fois, au Salon du Livre de Paris, Porte de Versailles, du 22 au 27 mars 2002

avec:

Un stand d'éditeurs libanais francophones


Une expo sur Gibran,


ainsi qu'une
Table ronde "Le Liban en toutes lettres" le 23 à 17 h 30,
salle Leopardi, au Salon,
avec des écrivains libanais francophones.


Renseignements sur le site officiel du Salon

La Maison du Livre
à Beyrouth

Inauguration le 27 Février
Un triple objectif : information, formation et diffusion
La Maison du livre francophone, passeur de culture

Ghassan Salamé, à l'inauguration, le 27 Février 2002

L’ouverture officielle, hier soir, de la Maison du livre francophone, n’a fait, semble-t-il, que des heureux, à commencer par les fondateurs eux-mêmes. En effet, Nadim Tarazi et Michel Choueiri, les deux professionnels du livre à l’initiative du projet, ont vu celui-ci se réaliser 26 mois après son ébauche d’origine.
Le ministère de la Culture ensuite – ou devrait-on simplement dire Ghassan Salamé ? –, qui voit dans la création de cet espace de quoi «reprendre espoir dans la vitalité du peuple libanais». Le représentant de l’Agence internationale de la francophonie enfin, Roger Dehaybe, venu pour l’occasion et décoré pendant son bref séjour de l’insigne de grand officier de l’Ordre du Cèdre par le président de la République. M. Dehaybe a félicité le comité fondateur de contribuer à consolider «la grande politique de la diffusion de la culture francophone». Quant à Sélim Abou, recteur de l’USJ, il a déclaré avoir été convaincu, de même que René Chamussy, vice-recteur aux ressources humaines, et Bruno Sion, vice-recteur à l’administration, par «le triple objectif que se propose la Maison du livre, à savoir l’information, la formation et la diffusion».


Les trois piliers fondateurs

Les trois piliers fondateurs de la Maison du livre ont été explicités par Nadim Tarazi, qui a choisi, au début de son intervention, de «définir la MDL par ce qu’elle n’est pas» :
*plutôt qu’une librairie, «elle se propose d’être un relais international d’informations sur les publications francophones et une vitrine permanente de nouveautés» ;
*plutôt qu’une bibliothèque, «elle cherche à devenir un lieu de rencontres et d’échanges autour du livre» ; plutôt qu’une maison d’édition, «elle se veut une plate-forme de promotion de la production locale et internationale francophone, au Liban et ailleurs» ;
*enfin, plutôt qu’une entreprise commerciale, «elle est une association à but non lucratif, qui réalise ses activités grâce au soutien de ses partenaires et des amis du livre».
Ces précisions données, Nadim Tarazi précise que la Maison du livre, «dans sa dimension de diffusion, sera en mesure d’offrir des services tels que l’accès à des sites et à des banques de données et la consultation de catalogues ou de brochures». De plus, deux salles d’exposition permettront «d’encourager la diversification et l’offre dans le marché du livre et de sensibiliser le public à la qualité et à la variété dans ce domaine». Dans sa dimension de formation ensuite, «la MDL propose des formations en cours d’emploi et une formation de base, qui se ferait en coordination avec l’USJ». Enfin, la dimension d’information et d’animation fait de la MDL «un lieu de rencontres et d’échanges grâce à, entre autres, des ateliers d’écriture, un café littéraire et des projets communs avec d’autres domaines culturels».
Pour conclure, Nadim Tarazi évoque l’écrivain Daniel Pennac qui a classé les librairies selon deux catégories, les gardiens et les passeurs : «La Maison du livre se situe résolument du côté des passeurs». Dans un avenir proche, l’espace devrait former un pôle culturel avec la Bibliothèque orientale, le Musée libanais de la préhistoire, le théâtre Monnot et la crypte de l’église Saint-Joseph.


Panorama de l’édition locale francophone

Dans la crypte où s’est déroulée hier l’inauguration officielle, la Maison du livre a présenté sa première exposition, à découvrir pendant une semaine, axée autour de l’édition locale francophone. Presque tout le paysage éditorial libanais a été réuni, à travers 60 maisons et 900 ouvrages, depuis l’ouvrage d’art au manuel scolaire, en passant par les éditions scolaires et universitaires. Quant au poète et peintre Alain Tasso, il expose huit ouvrages de son cru, issus de sa propre maison d’édition et illustrés par des artistes tels que Charles Khoury, Rita Awn ou Fayçal Samra.

La Maison du livre,
rue de l’Université Saint-Joseph. Tél.: 01-203 104.
E-mail : maisondulivre@usj.edu.lb


28.02.02


Créé par Nadim Tarazi et Michel Choueiri, le nouveau site ouvrira ses portes fin février La Maison du livre, pour le plaisir de la découverte

L’un a fermé sa librairie de la rue Monnot en février 2001, l’autre vend toujours avec passion des livres à Badaro. Mais tous les deux se sont accrochés mordicus à leur projet commun, la Maison du livre. En annonçant son inauguration prochaine, dans des locaux prêtés par la Bibliothèque orientale, rue de l’Université Saint-Joseph, Nadim Tarazi -à G- et Michel Choueiri -à D-affichent le sourire des persévérants récompensés, un jour ou l’autre, de leurs efforts déployés pour que le livre ne meure pas : «Nous nous connaissons depuis 1978», racontent-ils, un œil vigilant sur les travaux en cour dans leurs locaux. «Ce n’est que l’année dernière que nous avons travaillé ensemble pour la première fois en organisant, il y a quelques mois, le colloque des libraires francophones». En décembre 1999, alors que Daniel Le Goff était encore à la tête du Bureau du livre du Centre culturel français, l’idée d’une «maison du livre» est lancée. Les deux libraires la saisissent au vol, en particulier Nadim Tarazi, qui a «toujours énormément misé sur les activités annexes à la librairie» : rencontres et découvertes d’auteurs et de maisons d’édition, expositions autour d’un thème spécifique. Mais, faute de moyens, ces projets sont la plupart du temps restés au fond d’un tiroir.

 

La librairie au Liban : carences et demandes de formation
Retour en 1995 : France-Éditions propose à Beyrouth un stage de formation pour libraires professionnels. Le succès est certain mais incomplet. Après de nombreux pourparlers, la société française revient dans la capitale libanaise, encouragée par l’enthousiasme et le travail de fourmi réalisé par le tandem Tarazi-Choueiri, qui sont arrivés à prouver l’importance d’une formation complète et continue. En avril 2001, plus d’une soixantaine de libraires s’inscrivent aux stages de formations de formateurs, de bibliothécaires et de libraires : «Selon le syndicat des libraires, il y aurait au Liban quelque 150 “librairies” dont à peine le tiers possède un rayon livres», explique Michel Choueiri, membre de ce syndicat. «Le succès de ce stage prouve combien les besoins sont importants et les carences grandes». En effet : certains libraires n’ont jamais utilisé un ordinateur, d’autres ne savent pas ce qu’une gestion de stocks veut dire ; certains gérants ne cèdent aucune responsabilité à leurs vendeurs tandis que certains responsables de rayons sont incapables d’épeler correctement le nom d’un auteur classique. La liste est longue mais les espoirs sont grands. «Après ce stage, certains vendeurs se sont vus valorisés pour leur travail, d’autres libraires ont fait de grands changements dans leurs locaux tout comme pas mal d’autres sont restés les mêmes», concluent les deux compères en souriant.

Les jésuites et l’Agence internationale de la francophonie :
les bons génies Ils se sont rapidement tournés vers l’Agence internationale de la francophonie, qui est restée assez longtemps dans le même état d’esprit : enthousiaste mais attendant des faits concrets. Sélim Abou, recteur de l’Université Saint-Joseph, soutenu par René Chamussy, grand défendeur du projet, ont eu vent du projet qui correspondait parfaitement à leur désir de voir se transformer le secteur Bibliothèque orientale-Musée de Préhistoire-Crypte-Théâtre Monnot en un pôle culturel d’envergure. La Maison du livre de Nadim Tarazi et de Michel Choueiri trouvait naturellement sa place dans cette arborescence. Résultats : la rentrée universitaire 2002 de l’USJ inaugure une formation, à partir de la licence, vers les métiers du livre, et la Maison du livre trouve un appui de taille, qui convainc aussitôt l’agence. Plus d’un million de francs est débloqué et les travaux commencent dans 300 m2 attenant au bâtiment de la Bibliothèque orientale. «Les locaux de la Maison du livre seront dès le mois de février composés de trois pièces, poursuivent les initiateurs. Une pour l’administration, une autre réservée à l’information – celle-ci est équipée de 11 ordinateurs reliés à une banque de données permettant d’accéder à la vie internationale francophone du livre ; une dernière enfin, la “salle de montre”, qui présentera régulièrement une actualité ou proposera de découvrir une maison d’édition, un auteur, un thème».

Les idées foisonnent et les envies ne s’arrêtent pas là, comme celle, en particulier, d’encourager les libraires, les médias et tous les acteurs de la vie francophone à intégrer la Maison du livre. Nadim Tarazi et Michel Choueiri ont gagné leur pari. Que ceux qui les aiment, eux et le livre en français, les suivent.

Diala GEMAYEL


7.1.02






Découverte...


Le Liban en Bande Dessinée !
dans la série Carnets d'Orient de Jacques Ferrandez


Aux éditions Casterman, la célèbre maison d'édition de Tintin
Une très bonne idée de Cadeaux....



et toujours...

LA FRANCOPHONIE
et le
DIALOGUE DES CULTURES

par Zeina el TIBI

Photo de la Couverture

 

Avant-propos du général Emile Lahoud, Président de la République du Liban, Préface de Bernard Landry, Premier ministre du Québec

Dans la perspective du IXè Sommet des chefs d'Etat et de gouvernement de la Francophonie internationale à Beyrouth, une réflexion sur le dialogue des cultures était nécessaire pour fixer un certain nombre d’idées sur cette question essentielle qui met en jeu la préservation de la diversité culturelle des nations face au défi d'une mondialisation qui, non régulée et non organisée par la volonté des Etats - nations , seuls représentants légitimes des peuples, pourrait conduire à une uniformisation générale et à un laminage des cultures. Le monde du XXIè siècle sera-t-il celui de la diversité ou de l'uniformité qui n'est jamais rien d'autre que le totalitarisme? Dans quelle mesure la Francophonie internationale, qui rassemble 55 Etats et gouvernements, peut-elle apporter une réponse à ce défi et à quelles conditions?

Pour mener cette réflexion, plusieurs personnalités du monde francophone et des responsables d'organisations internationales ont bien voulu répondre à une enquête qui a fait l’objet d'une série d'entretiens parus dans l’hebdomadaire la Revue du Liban. Le danger était de susciter une succession de discours semblablement lénifiants. Or, si les diverses personnalités interrogées, représentant des cultures et des courants d’idées fort différents, sont d’accord sur le fond, il est notable que chacune d’entre elles a apporté une contribution originale, posé des problèmes précis, proposé une analyse d’envergure. Sans doute faut-il voir dans cette originalité des contributions, le symbole même de la diversité que défend précisément la Francophonie.

A la menace d'un choc des civilisations que certains prophétisent; à l'incompréhension et à l'injustice qui nourrissent les fanatismes de toutes sortes, il faut répondre par le dialogue des cultures qui seul permettra la construction d'un monde plus serein. C'est l'objet de la Francophonie internationale qui, selon Zeina el Tibi, propose "une nouvelle grille de lectures des relations internationales fondée sur la prise en compte de la dignité des peuples et des nations et sur l’exigence d’un développement plus équilibré et plus harmonieux de notre planète

." Préfacé par le président de la République du Liban, le général Emile Lahoud et le Premier ministre du Québec, M. Bernard Landry, l'ouvrage comprend des entretiens avec le ministre des relations internationales du Québec, Louise Beaudoin; l'écrivain algérien Slimane Benaïssa; le secrétaire général de l'OIF, Boutros Boutros-Ghali; le président de l'assemblée nationale du Québec, Jean-Pierre Charbonneau; l'ancien ministre des affaires étrangères Hervé de Charrette; le député européen Paul-Marie Coûteaux; le secrétaire général de l'Agence de la Francophonie Roger Dehaybe; le sénateur Adrien Gouteyron; l'ambassadeur de la Ligue arabe Nassif Hitti à Paris; l'ambassadeur Antoine Jemha; le ministre français de la Coopération et de la Francophonie, Charles Josselin; l'écrivain québécois Jean-Marc Léger; le ministre de la culture du Québec Diane Lemieux; l'écrivain congolais Henri Lopès; le directeur général de l'Unesco, Koïchiro Matsuura; Luc Plamondon; l'écrivain français Charles Saint-Prot; le ministre de la culture du Liban, Ghassan Salamé; Philippe Séguin; le poète libanais Salah Stétié; le président de la République du Sénégal, Abdoulaye Wade.


Zeina El Tibi en compagnie de Luc Plamondon
Metteur en scène de "Notre Dame de Paris"

Issue d'une vieille famille de la presse libanaise, fille de Wafic el Tibi, propriétaire du quotidien al Yom et qui a été l'un des pionniers de l'enseignement du journalisme à l’Université libanaise, Zeina el Tibi collabore à plusieurs publications libanaises et françaises.

Editions L'Age d'Homme (Paris/Lausanne) Editions Dar al Moualef (Beyrouth)

Communiqué

Présentation à Paris du livre La Francophonie et le dialogue des cultures de Zeina el TIBI (éditions l'Age d'homme)

Le 22 janvier 2002, à Paris, la journaliste libanaise Zeina el Tibi, collaboratrice à l'hebdomadaire La Revue du Liban, a présenté son livre La Francophonie et le dialogue des cultures, paru aux éditions l'Age d'homme. Sous le haut patronage de Boutros Boutros-Ghali, secrétaire général de l'Organisation internationale de la Francophonie, cette présentation s'est déroulée lors d'une réception à l'Office du tourisme du Liban, en présence de nombreuses personnalités de la Francophonie, d'hommes politiques et d'intellectuels.
Plusieurs représentants du corps diplomatiques étaient également présents dont l'ambassadeur du Liban, M. Elysé Alam et l'ambassadeur de la Ligue des Etats arabes, M. Nassif Hitti. Tout en proposant de nombreuses réflexions sur la question nationale québécoise, le dialogue avec le monde arabe, les défis de l'Afrique, la Méditerranée, les enjeux de la mondialisation-américanisation, ce livre présente une analyse très pertinente de ce que pourrait être une grande ambition francophone qui pourrait participer à l'organisation d'un nouvel ordre mondial.
Ainsi, Zeina el Tibi souhaite que "la Francophonie propose une nouvelle grille de lectures des relations internationales fondée sur la prise en compte de la dignité des peuples et des nations et sur l'exigence d'un développement plus équilibré et plus harmonieux de notre planète".
" La Francophonie et le dialogue des cultures " est préfacé par le général Emile Lahoud, président de la République libanaise, et par Bernard Landry, Premier ministre du Québec.
Ce livre comprend des entretiens avec de Louise Beaudoin, ministre des relations internationales du Québec; l'écrivain algérien Slimane Benaïssa; le secrétaire général de l'OIF, Boutros Boutros-Ghali; le président de l'assemblée nationale du Québec, Jean-Pierre Charbonneau; l'ancien ministre des affaires étrangères Hervé de Charrette; le député européen Paul-Marie Coûteaux; le secrétaire général de l'Agence de la Francophonie Roger Dehaybe; le sénateur Adrien Gouteyron; l'ambassadeur de la Ligue arabe Nassif Hitti; l'ambassadeur Antoine Jemha; le ministre français de la Coopération et de la Francophonie, Charles Josselin; l'écrivain québécois Jean-Marc Léger; le ministre de la culture du Québec Diane Lemieux; l'écrivain congolais Henri Lopès; le directeur général de l'Unesco, Koïchiro Matsuura; Luc Plamondon; l'écrivain Charles Saint-Prot; le ministre de la culture du Liban, Ghassan Salamé; Philippe Séguin; le poète libanais Salah Stétié; le président du Sénégal, Abdoulaye Wade

L'Identité pluriculturelle Libanaise par Bahjat Rizk , aux éditions
IDLIVRE.com
, collection " Esquilles ".

et

Culture Libanaise et Francophonie
par A.H Mourany,
aux éditions Dar al Mashrek, Librairie Orientale

Vient de paraître aux Éditions Autrement, Paris
« Beyrouth, la brûlure des rêves », une ville terrifiante, tendre... en quête
d’auteur ---

La couverture de l’ouvrage.

Beyrouth «ne ressemble plus à rien à force de s’être brûlée à l’imaginaire des autres», dit l’architecte Jade Tabet qui a dirigé la réalisation de l’ouvrage «Beyrouth la brûlure des rêves».
Aux Éditions Autrement, Paris, et bientôt chez nos libraires. Le volume, qui déroule 221 pages, est illustré de croquis, type bande dessinée, signés Jacques Liger-Belair. Ils représentent des instants volés au grand chambardement et les quartiers réhabilités de Foch-Allenby et de la place de l’Étoile. En annexe, une chronologie synthétique de l’histoire de la ville, de ses lointaines origines, en l’an 5 000 avant Jésus-Christ, jusqu’à l’an 2000.
Voilà donc Beyrouth démythifiée, banalisée. Il ne s’agit plus de chanter la ville sept fois détruite sept fois reconstruite. Ni de la représenter à travers des clichés, comme la place du farniente au Moyen-Orient autrefois alanguie dans ses habits de lumière avant de sombrer sous le déluge du feu et du fer. Ni de débattre des rêves réalisés ou avortés de la reconstruction. Ce n’est pas un livre d’histoire ou d’urbanisme. Mais une série de réflexions sur «une ville irresponsable où se croisent sans se voir les rescapés des utopies d’hier, les nostalgiques de l’islam, les nouveaux riches et les miliciens devenus hommes d’affaires».

Un groupe d’architectes, d’historiens, de politologues, de sociologues et d’écrivains tissent une histoire dans laquelle le passé éclaire le présent. En se fixant un but : trouver ou «imaginer, avant qu’il ne soit trop tard, des espaces ouverts à la pluralité des cultures et des appartenances, où l’expression des différences ne vienne pas, à chaque fois, remettre en cause les bases de la convivance», explique Jade Tabet.Il n’en fallait pas beaucoup pour faire plancher sur le sujet Adonis, Amin Maalouf, Élias Khoury, Samir Kassir, Ahmad Beydoun, Fawaz Traboulsi, Omar Boustany, Bilal Nsouli, Jihane Sfeir Khayat, Christine Delpal, Jean Hannoyer, Élisabeth Picard et Maud Santini. Comme un personnage de Pirandello Beyrouth, miroir aux alouettes où le luxe masque une misère silencieuse. Laboratoire de populations, de cultures et d’expériences intellectuelles menacées par les possibles totalitarismes ou déchirés entre la globalisation uniformisante et les replis identitaires.
Grammaire complexe d’une ville à différentes facettes, rétive rebelle, à l’ordre, à la rationalité, mais toujours fascinante, attachante. Et pour cause, vers elle ont convergé «les révolutionnaires du monde arabe et d’ailleurs, Égyptiens, Irakiens, Syriens, Yéménites, ceux du Golfe et de l’Arabie, mais aussi les déçus de toutes les révolutions avortées, les Brigades et les Fractions rouges du monde entier, les Zenkaguren japonais, et les aventuriers de tous bords : la guerre civile libanaise aura aussi son côté guerre civile espagnole, où les membres des brigades arabes et internationales mèneront les guerres de substitution qu’ils n’ont pas pu ou pas voulu entreprendre dans leur propre pays», écrit Fawaz Traboulsi.
Aujourd’hui, après avoir été jusqu’au bout de ses fantasmes auxquels on l’a si souvent identifiée, au point de s’y détruire, «Beyrouth se retrouve désemparée, comme à la recherche d’un rôle que personne ne veut plus lui proposer. Elle ressemble de plus en plus aux personnages de Pirandello, une ville en quête d’auteur…», ajoute Traboulsi. Beyrouth de l’après-guerre ne sait plus où elle en est, ne sait plus que faire ou que dire de son conflit entre la culture du mythe et celle de la vie. «La première se nourrit de nostalgie, d’antiquités et d’oubli. La seconde se construit à partir de la mémoire critique et de la multiplicité des formes du vivre ensemble. Partant de l’hypothèse que la culture, l’écriture et les arts sont des formes de la vie elle-même, et non pas de simples expressions de la vie, elle tente de peindre une grande fresque pluraliste qui intégrerait les différences en s’appuyant sur l’expérience vécue et les pratiques de la quotidienneté. Ce conflit culturel se produit dans un monde où la perte des repères traditionnels, sacrifiés sur l’autel de la rentabilité économique, se conjugue avec un accouplement hybride entre une modernité devenue postmoderne et une obéissance aveugle aux valeurs religieuses et sociales les plus rétrogrades. C’est dans ce conflit que naît le nouveau Beyrouth : non plus une ville arrogante par son assurance, unifiée dans le mythe d’un passé idéalisé ou d’un futur projeté à l’image de ce passé, mais une terre de conflits, de turbulences et de rêves. Un lieu terrifiant et tendre, beau et laid à la fois», écrit Élias Khoury.

Beyrouth, c’est aussi le camp misérable de Chatila. Jihane Sfeir-Khayat, jeune historienne, a interviewé des Palestiniens qui y sont nés et qui ont décidé d’y rester parce que ce camp est leur seule Palestine même si maintenant tous les crève-la-faim de Beyrouth (Syriens, Kurdes, Sri Lankais, et même Libanais) y sont installés. De l’autre côté de la barrière, les îlots rénovés du centre-ville, les quartiers bouillonnant de vie de la célèbre corniche, et au centre du spectacle, la boîte la plus branchée, la plus insolente : le B018 où l’on vient «s’ébattre frénétiquement» et rencontrer les filles. «Une charge érotisée label Méditerranée qui a vite fait de vous électriser ou de vous tétaniser», écrit Omar Boustany. «Aguicheuses, enjouées, bêcheuses, allumeuses, nombril découvert parfois, souvent. On se trémousse, on fait la moue, on allume la galerie. À la libanaise, même techno, c’est baroque !». Beyrouth qui parle de calumet de la paix depuis 1990, veut s’étourdir pour oublier «l’ordinaire de la normalité».
Mais les clivages subsistent ! «Les habitants de Beyrouth continuent à discuter la question de savoir ce qu’ils sont réellement : Arabes ou non ? Libanais ou plus ? surhommes ou sous-monstres ?», note Ahmad Beydoun.
Fragments d’une ville telle qu’elle est ressentie du dedans par les auteurs. Fragments d’un quotidien passé souvent sous silence. Morceaux choisis qui traitent de la vie dans ce qu’elle a de moins grandiose et donc de plus réel et qui demande autant d’implication du lecteur qu’il en a exigé de l’auteur.


M.M.
L'Orient-le Jour 29.10.2001



Depuis le 20 0ctobre 2001, 14 centres "CLAC"au Liban
article de l'Orient-le Jour du 22-10-2001


--- Roger Dehaybe - en photo ci-dessus -
, administrateur général de l’Agence francophone, de passage à Beyrouth pour l’inauguration des Clac.

Rencontre - L’Agence intergouvernementale de la francophonie est un soutien au développement, explique Roger Dehaybe.
Quatorze centres de lecture et d’animation culturelle inaugurés samedi dernier


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Malgré l’ajournement du Sommet, l’Organisation internationale de la francophonie continue de poursuivre son programme au Liban. En effet, après des manifestations comme «Ciné Caravane» en juillet dernier ou comme le colloque des libraires francophones il y a quelques semaines, c’était au tour de l’inauguration, samedi 20 octobre, de 14 Clac (Centres de lecture et d’animation culturelle) à travers le pays, en présence de Roger Dehaybe, administrateur général de l’Agence intergouvernementale de la francophonie.

Rencontre avec un Belge, amoureux d’une langue, le français, et d’une notion : le dialogue des cultures.
«Le dialogue des cultures, dont on parle beaucoup ces temps-ci, existe depuis la création, le 20 mars 1970, de l’Agence de la francophonie, initiée par trois chefs d’État, le Sénégalais Léopold Sedar Senghor, le Tunisien Habib Bourguiba et le Nigérien Hamani Diori», explique Roger Dehaybe. «Elle se devait alors d’instaurer un dialogue intergouvernemental et d’encourager la diversité culturelle». Le respect de la culture d’un pays ou d’une communauté est en effet le noyau fondateur de l’institution : «Ce n’est pas la langue française qui nous importe en premier lieu, comme on pourrait d’emblée le penser, souligne-t-il. L’Agence est avant tout un organisme de soutien et de développement : en clair, cela veut dire que le respect de la langue de la communauté est essentiel et que nos actions se limitent à souder les liens des gens d’un village ou d’une bourgade, les aider à fonder une structure qu’ils prennent eux-mêmes en charge». Mais il est vrai que l’Agence continue de se battre pour que le français soit conservé au sein du Conseil de l’Union européenne comme «langue internationale», souvent deuxième langue des pays africains ou autres.

Agir ensemble
Le Clac est une illustration parfaite de la préoccupation culturelle de l’Agence : «À la demande d’une municipalité, un Clac est inauguré», poursuit Roger Dehaybe. «Rien n’est jamais imposé, ce qui serait en effet une aberration. Ce centre fait office de bibliothèque (environ 2 000 ouvrages), mais aussi et surtout de lieu de rencontre : c’est pour cela que la plupart des centres sont ouverts dans les milieux ruraux. Ceux-ci sont désertés à cause de l’exode vers la ville et la communication entre ceux qui sont restés est rompue. Le Clac leur donne une occasion de se retrouver». De se retrouver, mais surtout d’agir ensemble. Roger Dehaybe donne l’exemple d’un Clac d’Afrique qui a donné la possibilité au village où il était installé de lutter efficacement contre une invasion endémique de déchets urbains ; d’un autre, toujours sur le même continent, qui est parvenu, avec ses propres moyens, à maîtriser la présence gênante de rats ou encore de celui dont les jeunes ont lancé une campagne efficace contre la poliomyélite. Belles réussites «Un des beaux exemples de la réussite de la politique de coopération de l’Agence, ce sont les radios locales», renchérit l’administrateur général. «Elles sont fondées avec notre soutien puis entièrement prises en charge par les gens de la communauté. Elles émettent à 90 % dans la langue parlée et sont en contact direct avec la vie quotidienne du village : annonce de décès, aide aux malades, conseils, etc. La formule est efficace et il existe à ce jour 50 radios de ce genre». «De la culture vers le développement» : c’est l’étendard, discret mais prégnant, de l’Agence francophone. «La francophonie, ce n’est rien d’autre que l’utilisation d’une langue pour le développement», affirme Roger Dehaybe.

L’inauguration, samedi dernier, des Clac de Bint Jbeil, Hasbaya, Jbaa, Barja, Jab Jenine, Mansoura, Bednayel, Bickfaya, Kfarzebian, Amioun, Halba, Kobeyat, Haret Hreik et Sin el-Fil continue l’expérience sur un sol francophone, avec cependant trois nouveautés : «Pour la première fois, nous inaugurons un Clac dans un milieu urbain comme Beyrouth, précise l’administrateur général. Ensuite, nous avons tenu à ce que la moitié du fonds de la bibliothèque soit en arabe. Enfin, les 14 centres seront mis en réseau pour un meilleur suivi de leur actualité». L’Agence intergouvernementale de la francophonie, dans son travail depuis 31 ans sur «la coopération Nord-Sud d’un point de vue culturel», est une authentique réussite, ce qui permet à Roger Dehaybe de conclure sur une note enthousiaste : «Notre action est certainement un modèle pour les politiques de coopération».


D.G.

- Lire en français et en musique -
18 Novembre 2001

Le jury du Prix des Cinq continents rencontre le public du Salon et récompense Yasmine Khlat


Les membres du jury réunis au «Café littéraire» du Salon du livre.
(Photo Mahmoud Tawil)

Pour lancer son «Prix des Cinq continents» à Beyrouth, à l’occasion du sommet reporté mais aussi de la dixième édition de «Lire en français et en musique», bien présent, l’Agence internationale de la francophonie, représentée pour l’occasion par son administrateur général, M. Roger Dehaybe, a convoqué un jury à la qualité très enviable. En effet, ses membres, sous la présidence de la poétesse libanaise Vénus Khoury-Ghata, étaient JMG Le Clézio, Linda Lê, Andreï Makine, Lyonnel Trouillot, René de Obaldia, Aminata Sow Fall, Leïla Sebbar, Lise Bissonnette et Christiane Baroche. Lors du café littéraire qu’ils ont donné ensemble samedi après-midi, ils ont évidemment débattu du thème-phare, celui du «dialogue des cultures». Chacun y est allé de son opinion, de son expérience, de ses espoirs et de ses angoisses.

Cinq continents, une seule planète C’est avec beaucoup d’émotion et d’empressement que la présidente du jury annonce le nom du lauréat, choisi par six voix contre quatre, celui de la Libanaise Yasmine Khlat, pour son premier roman paru en janvier dernier aux éditions du Seuil, Le désespoir est un péché. Avec une mention spéciale pour le roman du Séoudien Ahmed Aboudehman, La Ceinture, publié chez Gallimard. En compagnie du ministre de la Culture Ghassam Salamé et de Roger Dehaybe, Vénus Khoury-Ghata remet à la lauréate le prix, d’une valeur de 120 000 FF, ainsi qu’un stylo de collection signé Michel Audiard (voir encadré). Le ministre, dans sa courte allocution, redira son admiration pour les membres du jury qui, par leur présence, ont opposé «au discontinu de la politique le continu de l’émotion» et rappelle que «les cinq continents francophones sont une seule planète, celle de tous les individus qui refusent les crispations identitaires et l’hégémonie d’une langue unique».

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Yasmine Khlat, l’art de l’ellipse

Près de 12 ans consacrés à une écriture silencieuse et obstinée et qui aboutissent aux 87 pages – rédigées avec une densité et une retenue exemplaires parce que réconciliées – du premier roman de la Libanaise Yasmine Khlat, Le désespoir est un péché. Celui-ci a pour héroïne Nada, une jeune femme devenue servante à l’âge de sept ans chez les Nassour. Elle est aussi belle que bossue, ce qui est la moindre de ses contradictions. Elle parle peu, travaille beaucoup, elle est la risée des enfants du quartier et se fait quotidiennement humilier par le fils aîné de la famille, Ichhane. Jusqu’au jour où celui-ci la viole. Elle venait d’apprendre par le voisinage que la famille Nassour était accablée d’un secret tragique. «J’ai rencontré une femme qui m’a inspiré le personnage de Nada, explique laconiquement l’auteur. Celui-ci est une alchimie du réel et de mon imaginaire». Yasmine Khlat préfère évoquer la construction de son roman, «élaborée avec une petite série d’éléments qui se répondent, une mélodie aux résonances très construites.» Il semblerait, comme l’a constaté une lectrice proche de l’écrivain, qu’«aucune phrase ne soit à retirer, l’essentiel est là, sans apprêt». «C’est un travail réfléchi», répond l’intéressée. Alors dans ces paragraphes ramassés, l’auteur découvre une famille traditionnelle libanaise dont les membres quittent peu à peu la maison mère, celle qui, immuable, constitue le squelette du roman. Après la souffrance, l’amour, parfois L’épouse, décédée, brille par son absence qui scelle le destin. Nasri Nassour, l’époux veuf, le père impuissant voit s’envoler ses enfants : Nour et Omar se marient, Narimane se réfugie chez des cousins pour fuir le vide laissé par le départ de sa sœur et Moha va apprendre la musique à Beyrouth. Ne reste que son fils aîné, Ichhane, son espoir, sa descendance, le violeur de servantes. Nada voudra en mourir, de ce viol, alors Ichhane en mourra de honte, surpris par le voisinage alors qu’il la maltraitait sur une plage. Il s’enfuira sans laisser de trace et son père l’attendra jusqu’au bout : «Le désespoir est un péché», une phrase magnifique qu’il prononce dans sa souffrance qui sert de titre au premier roman de Yasmine Khlat. Cette conviction, Nada la servante la fait sienne. Car au bout du tunnel de la souffrance, il y a parfois l’amour. Elle le connaît dans les bras de Taymour, le neveu de Nasri, le fils d’un père meurtrier. Voilà le secret de la famille Nassour : il est teinté de sang. Ce n’est pas celui de Nada qui, après la mort du maître qu’elle idolâtrait, vit seule dans la grande maison. Taymour vient l’y rejoindre jusqu’au jour où il ne la trouve pas. Nada est morte mais Yasmine Khlat ne le dit pas. Nada et Taymour, issus de «castes» différentes, ne se seraient jamais aimés au grand jour, mais là aussi, la romancière fait une grande ellipse.

Pourtant, comme celle-ci le dit elle-même, «tout est là, évident». Son roman laisse assurément une empreinte prégnante dans les émotions du lecteur – le sujet est connu, voire sensible pour tout Libanais – et dans ses appréciations purement littéraires. Douze ans de recherches, de doutes, bref, de tout ce qui constitue la recherche d’une écriture forgent une authentique personnalité d’auteur. Coup de maître ? Oui, sans l’ombre d’un doute, parce que Yasmine Khlat n’a jamais désespéré de mettre au monde un texte qui l’habite depuis longtemps : «On se débarrasse de certaines images», ajoute-t-elle sans en dire davantage. Le Liban a une nouvelle plume, une grande.




Voici une bonne sélection Bibliographique sur le Liban dans divers domaines