Ce n’était qu’un rêve, mais cela pourrait
devenir une réalité. L’ENA-Liban, qui n’était qu’une
idée en 1999, n’attend plus qu’un décret du Conseil
des ministres pour démarrer. Le conseil d’administration
de cette école, à sa tête le Dr Élie Assaf, est prêt
pour organiser un concours d’entrée destiné à recruter
30 fonctionnaires de deuxième catégorie (ceux de la
première étant nommés directement par l’Exécutif), suivant
les besoins de l’Administration. Pour celle-ci, ce sera
la première injection de sang neuf, sur base de critères
scientifiques.
Une véritable révolution et le début
de la réforme tant attendue, qui, un jour, pourrait
permettre de moderniser entièrement l’Administration.
À l’origine du projet, il y a un homme, qui a fait ses
preuves d’abord dans le privé puis dans le public, mais
toujours dans le domaine académique, avant d’être nommé
directeur général des affaires économiques, financières
et de l’enseignement supérieur à la présidence de la
République. Le Dr Élie Assaf avait lancé son idée de
créer une école d’Administration au Liban, sur le modèle
de l’ENA française, devant le chef de l’État en 1999,
au cours d’une réunion où le thème de la réforme administrative
avait été évoqué. Il avait suggéré de créer une grande
école pour la formation et le recrutement des serviteurs
de la République. En tant qu’enseignant, il connaissait
les universités de France, ainsi que l’ENA. L’idée séduit
le président Lahoud, qui donne au Dr Assaf le feu vert
pour entamer des contacts avec les Français. Ce dernier
rencontre à plusieurs reprises le directeur de l’ENA
de l’époque, M. François Raymond Le Bris, qui devait
manifester un vif intérêt au projet. Après maints entretiens
préparatoires, un protocole de coopération est signé
en 1999.
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Dossier réalisé en coopération avec
Scarlett Haddad - Septembre 2003
Une formation
de dix-huit mois
Une fois le concours réussi, les 30 participants deviendront
des « élèves fonctionnaires » et seront payés pendant
les dix-huit mois de leur formation, qui seront divisés
de la manière suivante : trois mois de cours, alternés
avec deux mois de stage, dont un auprès d’un ministre,
un auprès d’une ambassade et le troisième auprès d’un
chef d’entreprise. À la fin de leur formation, les nouveaux
fonctionnaires seront affectés à des postes de deuxième
catégorie, en tant que directeurs de cabinet.
La formation sera assurée par des intervenants français
(financés par la France ) et libanais. Le Dr Assaf est
convaincu que ces nouveaux fonctionnaires insuffleront
un esprit nouveau pour la restructuration des ministères
et la réorganisation de l’État. « Nous nous sommes engagés
à fournir de nouveaux éléments à l’Administration, affirme-t-il,
et c’est notre responsabilité. Nous ne sommes pas tenus
par une répartition confessionnelle et nous présenterons
à l’État les 30 meilleurs candidats. Si l’on veut réformer
l’État sur la base de la méritocratie, on ne peut pas
s’arrêter aux considérations confessionnelles et nous
ne le ferons pas. »
Après cette première session, le Dr Assaf pense déjà à
une promotion pour les Affaires étrangères et il y aura
ensuite une formation pour les fonctionnaires déjà en
poste, notamment ceux de la première catégorie (les directeurs
généraux). Selon le Dr Assaf, l’ENA-Liban devrait former
tous les fonctionnaires à partir de la troisième catégorie
et d’ici à cinq ans, le gros des effectifs du secteur
public devrait être renouvelé.
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Quelques repères sur la Coopération Franco-libanaise
En Juin 2001, l'Association
des anciens élèves de l'ENA en France ,
sous l'impulsion de Mr. Karim Emile Bitar, avait
choisi le Liban comme thème de leur revue sous
le titre:
Le Liban, à la croisée
des chemins
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ENA - Liban:
un projet ambitieux en cours de réalisation
et d'achèvement
Le PDG de l'ENA-Liban espère l'inauguration
de la première session en Janvier 2004
S'il pense disposer des capacités et des moyens de réussir,
il estime néammoins qu'il demeure nécessaire de
canaliser de nombreuses énergies.
Un projet sérieusement
relancé après avoir été mis en veilleuse
Malheureusement, le projet est mis en
veilleuse pendant plus de trois ans. Mais il a été relancé
il y a près de dix mois et l’ENA-Liban a officiellement
vu le jour au cours du sommet de la francophonie, en
octobre dernier, en présence du président de la République
française, M. Jacques Chirac, pour bien montrer l’engagement
de la France dans la création de cette école au Liban*.
Le Dr Élie Assaf en est convaincu, ce projet est nécessaire
et vital, « car seuls la formation et le recrutement
de jeunes, dotés d’un souffle nouveau, peuvent moderniser
en profondeur l’Administration ». Ce projet est-il lié
à l’actuelle campagne pour la réforme ? « Il est né
bien avant, précise le Dr Assaf, et il en est totalement
indépendant. » Même si, quelque part, les deux initiatives
peuvent se rejoindre et se nourrir l’une et l’autre.
Un conseil d’administration formé de six membres ainsi
qu’un commissaire du gouvernement ont été nommés par
le Conseil des ministres et les statuts de l’école ont
été achevés. Le PDG est donc le Dr Assaf. Le vice-président,
M. Ghaleb Farhat, et les quatre membres sont : MM. Antoine
Messarra, Abbas Halabi, Walid Nakib et Robert Fadel.
Quant au commissaire du gouvernement, il s’agit de M.
Ali Merhi. L’ENA-Liban sera installée à Yarzé, dans
un bâtiment qui est en train d’être rénové par le CDR.
Tout devrait donc être prêt pour la rentrée. En fait,
toute l’équipe n’attend plus que le décret du Conseil
des ministres prévoyant l’ouverture d’une session pour
le recrutement et la formation de 30 fonctionnaires
de deuxième catégorie dont les postes sont actuellement
vacants. Ce sera d’ailleurs la première fois qu’une
telle initiative sera prise au Liban pour les fonctionnaires
de cette catégorie. Une fois le décret publié, le conseil
d’administration organisera un concours d’entrée, ouvert
à tous les candidats qui le souhaitent, âgés de 28 ans
maximum pour ceux qui viennent du secteur privé et de
35 ans maximum pour ceux qui sont déjà au sein de l’Administration.
Il y aura un délai pour l’acceptation des demandes d’inscription
et le concours se fera en trois phases : d’abord un
test psychotechnique pour évaluer les capacités logiques
et psychotechniques des candidats, puis quatre épreuves
écrites et un « grand oral ». Les épreuves écrites,
de 5 heures chacune, porteront sur le droit public,
l’économie et les finances publiques, le management
et la culture générale. Quant au « grand oral », il
sera d’une demi-heure pour chaque candidat et se déroulera
devant une commission libano-française. D’ailleurs,
toutes les modalités du concours ont été établies en
coopération avec l’ENA-France et son directeur actuel,
M. Antoine Durleman. Une convention a été signée entre
les deux écoles, il y a trois mois, et elle porte sur
une coopération très étroite entre les deux écoles,
au niveau du concours d’entrée, de la formation et des
stages.
Une coopération étroite avec
le Conseil des ministres et la fonction publique
Pour les fonctionnaires de la première
catégorie, la formation sera spéciale et elle portera
sur les nouvelles techniques de l’information, le management
public, les finances publiques, les relations internationales
et les questions sociales. Le gouvernement sera-t-il
tenu de nommer les fonctionnaires de la première catégorie
parmi ceux qui ont bénéficié de la formation de l’ENA
? Le PDG de l’école le souhaite, même s’il reconnaît
que l’école qu’il dirige pour une période de trois ans
renouvelables n’a pas le pouvoir d’imposer ses règles
au Conseil des ministres. « Nous travaillons en coopération
étroite avec le Conseil de la fonction publique et le
Conseil des ministres, pour répondre aux besoins de
l’État, qu’ils doivent eux-mêmes définir », précise-t-il
toutefois. Y a-t-il un profil particulier du fonctionnaire
modèle ? « Nous allons former, dit-il, les cadres supérieurs
de l’État avec des compétences bien précises qui se
résumeraient à quatre qualités essentielles : le sens
de l’intérêt général (l’éthique, la rigueur, la disponibilité
et l’écoute, la conscience de gérer des deniers publics
et la prise en compte du long terme), la capacité d’anticipation
(ouverture d’esprit, imagination, innovation, capacité
d’analyse et de synthèse), la maîtrise du management
public moderne (la disposition à conduire les changements,
le sens de la négociation et de la communication et
la capacité à contracter et à évaluer) et l’aptitude
à la gestion traditionnelle (animation des équipes,
mobilisation des énergies et des talents, optimisation
des choix sous contrat). Le candidat doit aussi pouvoir
intégrer la mutation de l’environnement au niveau national
et sur les plans régional et international, avec les
évolutions en perspective et le processus de mondialisation.
» Énoncé de la sorte, tout paraît réalisable, mais quand
il voit l’état actuel de l’Administration, ne se sent-il
pas découragé ? Le Dr Assaf sourit d’un air entendu,
comme s’il avait fréquemment entendu ce genre de remarque.
« Avec les autres membres du conseil d’administration,
nous sommes très motivés pour mettre en marche et appliquer
le processus dans un but unique : la modernisation de
l’État. L’avenir de nos jeunes en dépend, car si on
ne leur donne pas cet exemple, on augmentera l’émigration.
Je suis conscient du fait qu’il s’agit d’un énorme défi,
je ne débarque pas de Mars, même si cette planète s’est
rapprochée de nous, mais je suis convaincu que nous
pouvons et que nous avons les moyens d’agir. Nous avons
aussi toutes les capacités requises. Il s’agit simplement
de canaliser les énergies, en évaluant les contraintes,
pour avoir la volonté nécessaire, la motivation, les
moyens et les convictions. C’est d’ailleurs le rôle
du responsable. » N’a-t-il pas de doutes sur l’avenir
du projet ? « Non, se contente-t-il de dire avec simplicité.
Il faut savoir travailler en terrain miné. » Certains
critiquent le modèle français. Est-il valable pour réformer
l’Administration libanaise ? « Je suis convaincu que
les grandes écoles françaises ont donné à la France
une élite. Même si certaines personnes sont critiquées,
je pense qu’il s’agit d’un excellent système d’enseignement.
» Pour le Dr Assaf, le projet est donc réalisable et
essentiel. Rendez-vous en janvier pour un premier bilan.
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* L'inauguration
de l'ENA Liban
à Baabda - Yarzé:
Un partenariat que la France s’engage à réussir; les
Présidents Chirac et Lahoud, côte à côte pour
l’inauguration de l’Ena
C’est en personne que
les deux présidents Jacques Chirac et Émile Lahoud ont
inauguré, hier, à Baabda, l’École nationale d’administration
du Liban (Ena), qui formera, dès l’année 2003, les cadres
supérieurs de l’administration publique. La cérémonie
d’inauguration, qui s’est déroulée à quatorze heures
quinze, dans une ambiance de bonne humeur générale,
a rassemblé, pour une dizaine de minutes seulement,
un important parterre de personnalités politiques tant
libanaises que françaises. Étaient notamment présents
le président de la Chambre, Nabih Berry, le Premier
ministre, Rafic Hariri, le ministre français de la Coopération
et de la Francophonie, Pierre-André Wiltzer, le ministre
français de la Culture et de l’Information, Jean-Jacques
Aillagon, l’ambassadeur de France, Philippe Lecourtier,
ainsi que de nombreux ministres et députés libanais.
« Je n’avais pas réalisé que les travaux étaient aussi
avancés », lançait le président Chirac à son arrivée,
au président directeur général de l’Ena-Liban, Élie
Assaf. Après les salutations d’usage aux membres du
conseil d’administration de l’Ena ainsi qu’aux personnalités
libanaises présentes, les deux chefs d’État, accompagnés
de MM. Berry et Hariri, se sont dirigés vers le bâtiment.
« Un superbe endroit », remarque le président français.
« Ce sont les plantes vertes qui l’embellissent », rétorque
le président Lahoud, en riant. Prononçant pour l’occasion
une courte allocution, le PDG de l’Ena a remercié le
président Chirac pour sa présence auprès du président
Lahoud. Il a remarqué que l’Ena était « le fruit d’une
réflexion profonde et d’une volonté ferme », tout en
félicitant le président libanais pour les efforts qu’il
a entrepris pour la renaissance de la fonction publique.
Le professeur Assaf a salué le soutien de la France
à la réédification de la fonction publique. « C’est
un véritable partenariat entre l’Ena-France et l’Ena-Liban
», note-t-il. Et de conclure en affirmant que la réforme
de l’administration publique, le développement du secteur
public ainsi que la restructuration et la relance de
l’économie sont des défis que s’est fixés l’Ena, qui
envisage de jouer « un rôle essentiel pour motiver la
jeunesse libanaise à prendre part aux décisions politiques,
économiques et sociales ». C’est alors que les deux
présidents ont levé d’un même geste le voile couvrant
la plaque commémorative gravée en arabe et en français.
« La France est prête à assurer par tous les moyens
la réussite de ce partenariat », dit Jacques Chirac
à l’assemblée. Et le président français de conclure
par une note d’humour : « C’est du solide ? », demande-t-il,
tapotant en riant la plaque de marbre noir. « Aussi
solide que les cèdres du Liban », répond M. Lahoud,
avec la même bonne humeur. Au terme de la cérémonie,
Élie Assaf a exposé à L’Orient-Le Jour les modalités
de collaboration entre la France et le Liban. « Grâce
aux encouragements de la France, nous avons signé, en
1999, un protocole de coopération avec l’Ena-France.
Aujourd’hui, la convention définissant les modalités
de coopération est prête », observe-t-il, ajoutant que
sa ratification par les deux parties est imminente.
En effet, précise l’ancien doyen de la faculté d’information
et de documentation de l’Université libanaise, cette
coopération tant académique que technique ou financière,
définira notamment les cursus d’enseignement, le mode
de sélection dans les concours d’entrée, les stages
ainsi que l’assistance technologique de l’Ena-France
à l’Ena-Liban.
Anne-Marie EL-HAGE
L'Orient-leJour - Octobre 2002
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Réflexions:
Le clientélisme au Liban :
toutes les solutions sont-elles
« politiques » ?
L’Association libanaise des sciences
politiques organise une recherche collective et un séminaire,
en novembre 2003, sur le thème : « Le clientélisme au
Liban : problématique et perspectives d’action ».
Nous publions ci-après un extrait de
la présentation du programme, par M. Antoine Messarra,
président de l’ALSP et par ailleurs Adminnistrateur
de l'ENA - Liban. Les illusions sur l’État démocratique,
clés en main, ainsi que la culture politique dominante
dans le monde arabe par suite d’une tradition d’autoritarisme
font croire que les solutions, à tous les problèmes,
sont « politiques ». Cette perception dominante est
contraire à la réalité, constitue un obstacle à l’exercice
d’une citoyenneté active, d’une démocratie de proximité
à travers une société civile agent de changement, et
d’une opposition politique efficiente. En réalité, quand
les problèmes sont transposés dans le champ du politique
en tant qu’enjeu de pouvoir, le plus souvent ils se
bloquent. L’arrosage de quelques arbres dans un quartier
du village relève certes du conseil municipal, mais
si le problème est soumis à un conseil municipal empêtré
dans un réseau d’influence, d’intérêts et de clientélisme,
il y aura un blocage de la décision par tel membre du
conseil ou une adjudication de l’affaire à un coût exorbitant...
Si l’affaire est soumise à un pouvoir central, ce sera
encore pire et la délibération prendra du temps sans
qu’il soit garanti que l’entrepreneur assurera effectivement
l’arrosage en contrepartie de l’argent public qu’il
a empoché... Quand l’État de droit est défaillant, c’est
l’initiative et la vigilance citoyenne qui exercent
une haute fonction de régulation non assumée par le
pouvoir central et, grâce à des actions cumulées et
harcelantes, changent la politique. En outre, dans une
mondialisation où les quatre pouvoirs sont désormais
concentrés en un seul : les pouvoirs du politique, de
l’argent, des médias et de l’intelligentsia, une citoyenneté
vigilante et active est créatrice d’État de droit. La
société politique libanaise, qui a manifesté une résistance
civile exemplaire durant les années de guerre contre
un système sophistiqué de violence, se trouve aujourd’hui
en déliquescence. Il y a un recul de toutes les défenses
civiles (syndicats, partis, organisations économiques,
médias, intelligentsia...) face à l’hégémonie du pouvoir
politique, de l’argent et de la géopolitique régionale.
Un syndrome d’impuissance et de manque de confiance,
compréhensible mais exagéré, a été nourri et propagé
au Liban depuis 1990. Ce syndrome détruit les plus grandes
nations.
Une autre opposition
Une opposition libanaise crie en faveur
de l’indépendance et la souveraineté, alors que l’indépendance
et la souveraineté sont limées au quotidien par de nouveaux
contingents de clients et de subordonnés. On crie pour
un changement au niveau du pouvoir, alors que le pays
risque d’être plongé dans le noir à cause de la corruption
et de la mauvaise gestion de l’Électricité du Liban.
On crie pour la « réconciliation » nationale (notion
fort ambiguë), alors que la dette publique galope jusqu’à
32 milliards de dollars... La politique au Liban et
dans le monde arabe en général, dans son exercice et
dans la culture politique, même chez des intellectuels
et des politologues, est trop enjeu de pouvoir. Accessoirement
et fort maigrement, elle est gestion de l’intérêt général.
Sommes-nous devenus tellement et naturellement clientélisés
au point que les plus grands scandales de dilapidation
de l’argent public sont débattus dans les médias et
surtout à la télévision pour confronter des hommes politiques,
sans aucune allusion aux « effets » de cette mauvaise
gouvernance sur les citoyens usagers et consommateurs
? Des émissions télévisées sont organisées pour opposer
des politiciens, qu’on choisit l’un musulman et l’autre
chrétien, pour soi-disant « débattre » des rapports
libano-syriens. Des positions s’affrontent, sans vraiment
se confronter, et il est demandé au téléspectateur de
se ranger avec tel ou tel politicien alors que « le
problème », avec des faits et données, n’est pas exposé
(sécurité, échanges agricoles...) pour que le téléspectateur
puisse juger et prendre position avec lucidité et clairvoyance.
Il n’y a pas d’indépendance et de souveraineté sans
un « peuple indépendant », avec une culture « d’autonomie
», un peuple, ni subordonné, ni client, mais un peuple
de citoyens libres. Bien sûr, on dira que le Libanais
est attaché de façon atavique à la liberté, mais quand
il s’agit de quelques intérêts privés, profit mercantile
ou accès à un haut rang, il n’y a pas de mal pour lui
de recourir à quelque Sublime Porte. Peuple libre certes,
mais qui au cours de son histoire a dû cultiver la ruse
et l’obédience à l’égard de l’occupant en attendant
un changement de conjoncture extérieure ou en cherchant
appui auprès d’un ami, ennemi ou frère réel ou équivoque.
Comportement réaliste, mais souvent risqué et d’un coût
exorbitant. Les rapports internationaux ont aujourd’hui
changé ainsi que la situation des petites nations dans
le système international mondialisé. L’attachement atavique
à la liberté est aujourd’hui insuffisant, en politique
interne et internationale, sans son corollaire de «
l’autonomie » par rapport à la subordination douce du
clientélisme et à toute Sublime Porte étrangère. La
bonne gouvernance ne concerne pas exclusivement le pouvoir
central, mais toutes les forces vivantes et actives
de la société et, en premier lieu, ceux qui sont dans
l’opposition. L’opposition politique au Liban, qui soulève
à juste titre de grands problèmes nationaux et supranationaux,
ne table pas sur des problèmes quotidiens et vitaux
de la population, alors qu’un harcèlement civique sur
des problèmes, qualifiés à tort de mineurs, est à la
base d’un changement structurel et en profondeur. L’effort
difficile de conciliation entre la politique conflictuelle
et enjeu de pouvoir, et la politique en tant que gestion
de la chose publique réside dans une « politique citoyenne
», c’est-à-dire une politique qui pose tous les problèmes
– sans exception – sous l’angle du citoyen, bénéficiaire,
consommateur et usager de services publics…, et cela
en termes concrets et pragmatiques, à la différence
du style des joutes télévisées, oratoires et polémiques,
entre politiciens qui parlent de « leurs » prises de
position. Aujourd’hui, sur le plan intérieur libanais
et pour un large secteur des relations régionales du
Liban devenues malheureusement et en grande partie un
enjeu interne, « il n’y a pas de solutions par la politique,
telle qu’elle est entendue et pratiquée par la plupart
des politiciens », mais par une politique réhabilitée
dont l’enjeu est concret, pratique, quotidien, apparemment
terre à terre et banal, mais qui pose les problèmes
en tant que « chose publique » et dans la sphère « publique
» et sous l’angle « d’usagers » et de bénéficiaires
de services publics et d’« argent public ». Toute politique,
quand elle n’est pas citoyenne, est un danger public.
La presse s’y est engagée. Elle s’est trouvée seule
! Certains ministres s’y sont engagés, ils ont été écartés
! Certaines ONG y ont œuvré et continuent d’œuvrer,
on a sous-estimé leur action…, alors que le laminage
clientéliste continuait son opération destructrice de
la société politique libanaise. Résultat : ni indépendance
comme on le souhaite, ni société politique capable de
continuer le combat et, à tous les niveaux, un réseau
de clientélisme et de clientélisation, bien huilé et
bien en place. Il faut changer la politique. Changer
en conséquence de forme d’opposition politique et de
combat politique. Ce qui reste aujourd’hui de positif
au Liban et restera est justement le fruit de ce genre
de combat démocratique.
Antoine Messarra
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