Liban, 
                  Palestine: le droit à la Mémoire 
                    
                  Khiam, 
                  Cana, Jenine... 
                   
                
                   
                     
                      Mes 
                        petits enfants de Cana  
                        
                         
                          La foudre passée 
                          Dans la poussière étouffante 
                          tout s'effondre 
                        Plus 
                          de maman 
                          Dans les gravats  
                          ses voiles noirs ont disparu 
                        Des 
                          cris des râles 
                          A peine parfois le hoquet 
                          d'une prière 
                          brisée 
                          net 
                        Pour 
                          vous 
                          plus de miracle 
                          ni de fête de la terre 
                        Si 
                          seulement votre martyre n'était vain 
                          Grands sourires noirs 
                          biffés 
                        Mes 
                          petits enfants de Cana 
                        Georges 
                          Meckler 
                          LE SANG DES CEDRES (à paraître 2008) 
                         
                       
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                  Voir 
                  aussi nos pages-souvenir sur la Guerre 
                  du Liban  
                  et celle sur l'Histoire de Beyrouth  
                   
                   
               
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              Au 
                miroir de l'Histoire, le Liban dans la tourmente  
                 
                du 
                XIXème au XXIème siècles 
                " Quel jouet que les hommes 
                ! écrivait Guizot, ambassadeur de France à Londres 
                à la princesse de Lieven le 11 septembre 1840, 
Il 
                y a là, au fond de je ne sais quelle vallée, au 
                sommet de je ne sais quelle montagne du Liban, des maris, des 
                femmes, des enfants, qui s'aiment et qui s'amusent, qui seront 
                massacrés demain parce que Lord Palmerston, en roulant 
                sur le Railway de Londres à Southampton se sera dit : " 
                Il faut que la Syrie s'insurge, j'ai besoin de l'insurrection 
                de la Syrie, si la Syrie ne s'insurge pas, I am a fool." 
                 
                Au Mont-Liban en 1840, 
                émirat autonome entouré des provinces de Syrie de 
                l'Empire ottoman, c'est la fin du règne de l'Emir Béchir 
                II Chéhab, l'allié de l'Egypte. L'Empire ottoman 
                doit faire face à la campagne militaire en Syrie d'Ibrahim, 
                fils de Mohammad Ali. Ce dernier, soutenu par la France tente 
                ainsi de s'affranchir de l'autorité de la Sublime Porte. 
                Dans sa rivalité avec la France et son appui à l'Empire 
                ottoman, l'Angleterre contre cette politique. Beyrouth en 1840 
                fut bombardée par les Anglais et ce qu'on appelait alors 
                la Montagne commençait à vivre une période 
                de troubles et de violences qui allait durer jusqu'en 1860, année 
                où les massacres druzo-chrétiens de Deir Al Kamar 
                allait faire près de 10.000 morts. Ce fut l'intervention 
                des puissances européennes, sous l'égide de la France 
                de Napoléon III, en liaison avec la Sublime Porte qui mit 
                fin à ces enchaînements violents par le règlement 
                organique de 1861, instaurant le gouvernorat autonome du Mont-Liban, 
                à l'origine du Liban contemporain.  
                Cette période de vingt ans allait mettre en évidence 
                l'interpénétration de trois niveaux de réalité 
                qui se mêlent et s'enchevêtrent jusqu'à aujourd'hui, 
                rendant difficile la compréhension de la situation au Liban 
                sans les lier entre eux : il s'agit des facteurs internes, régionaux 
                et internationaux qui constituent la complexité de la question 
                d'Orient au XIX è siècle tout comme celle des conflits 
                du XX è siècle. Le premier niveau est le plus visible 
                et le plus évident ; il sert souvent d'alibi aux autres 
                niveaux. Le niveau régional est perceptible la plupart 
                du temps, même s'il est difficile parfois d'en prouver la 
                pertinence. Ce qui est caché mais fondamental, c'est le 
                troisième niveau : le jeu international des grandes puissances 
                et les moyens dont elles disposent pour installer leur domination. 
                 
                Au XIX è siècle, les tensions entre druzes et chrétiens 
                sur fond de crise sociale entre paysannerie et notabilités 
                au Mont-Liban correspondent au terreau intérieur laissant 
                prise aux conflits régionaux ; la tension et la guerre 
                entre Mohammad Ali et l'Empire ottoman expriment une rivalité 
                sur le plan régional par rapport à laquelle prennent 
                position les deux grandes puissances anglaise et française 
                ; la lutte pour l'hégémonie dans le Levant entre 
                la France et la l'Angleterre correspond aux enjeux internationaux 
                de ces deux pays à l'heure de la révolution industrielle 
                et de la nécessité des débouchés économiques, 
                intervenant en même temps que la constitution et la consolidation 
                des empires coloniaux.. Commencée à cette époque, 
                la rivalité franco-anglaise allait perdurer jusqu'au lendemain 
                de la deuxième guerre mondiale.  
                Ces trois strates des conflits du Levant, c'est ce que j'appelle 
                la loi des trois niveaux qui sont incontournables pour comprendre 
                la complexité de ce qui s'est déroulé au 
                Liban au XIX è siècle. Il faut donc les appréhender 
                ensemble et les relier entre eux, sans quoi on tombe rapidement 
                dans l'incompréhension et l'engagement partisan qui s'en 
                nourrit. 
                Qu'en est-il au XX è siècle et aujourd'hui au début 
                du XXI è siècle ? Les guerres au Liban, cette " 
                guerre des autres " entre 1975 et 1990 pour reprendre l'expression 
                de Ghassan Tuéni ont correspondu aux trois niveaux : sur 
                le plan interne, les impasses du régime politico-économique 
                issu de l'indépendance face aux nouveaux défis posés 
                par la présence de la résistance palestinienne au 
                Liban et par les inégalités politiques et économiques 
                du sud chiite sont parmi les premières raisons de la guerre 
                dite civile et qui l'a été essentiellement dans 
                ses débuts. Il faut noter ici l'incapacité de la 
                classe politique libanaise au pouvoir à soutenir la politique 
                de développement du Liban sud du général/président 
                Chéhab pour laquelle il avait fait appel à la mission 
                Lebret d'Economie et humanisme. Il faut aussi rappeler les erreurs 
                cumulées des mêmes dirigeants à l'égard 
                de la résistance palestinienne, laissant s'installer au 
                Liban un appareil politique et militaire créant un État 
                dans l'État. Par la suite, la guerre aura tous les visages. 
                Sur le plan régional, le Liban a servi de champ de bataille 
                entre toutes les forces opposées dans la région, 
                sur fond de crise du nationalisme arabe après l'effondrement 
                de Nasser, qu'il s'agisse d'Israël et des Palestiniens, de 
                l'Arabie Saoudite et de l'Egypte, de la Syrie et de l'Irak, etc
 
                Sur le plan international, la dernière bataille de la guerre 
                froide entre les Etats Unis et l'URSS, qui avaient pris le relais 
                de l'hégémonie européenne depuis la guerre 
                franco-anglo-israélienne de 1956, s'est jouée au 
                Liban en 1982/1983 et elle s'est terminée en faveur des 
                Américains. C'est aussi en 1983 que les chiites libanais 
                ont commis un attentat terrible contre la force multinationale 
                (Marines américains et soldats français), constituant 
                l'acte fondateur du Hezbollah, dont les puissances occidentales 
                n'ont pas mesuré, à l'époque, l'importance 
                symbolique.  
                A propos de la frontière géostratégique et 
                géopolitique entre les deux empires américain et 
                russe, Arnold Toynbee, dans une conférence au Cénacle 
                libanais en 1957 s'était alors interrogé : " 
                A l'heure actuelle, les pays arabes sont devenus l'objet d'une 
                lutte entre l'Amérique et la Russie, pour déterminer 
                le tracé, au Levant, de la frontière entre ces deux 
                empires mondiaux. Cette frontière doit-elle coïncider 
                avec les limites, au Nord, de la Turquie et de l'Iran ? Ou doit-elle 
                coïncider avec la frontière entre les Croisés 
                et le Musulmans ? Evidemment, cette question est d'une importance 
                capitale pour l'avenir du Liban. Si la frontière russo-américaine 
                se stabilise aux limites septentrionales de l'Iran et de la Turquie, 
                les perspectives pour le Liban sont assez favorables. En ce cas, 
                tous les pays arabes seraient rassemblés sous l'égide 
                américaine. Au contraire, si cette frontière s'établit 
                sur la crête de l'Anti-Liban, la république libanaise 
                risquera, à mon avis, de partager le sort de l'Etat d'Israël. 
                Comme Israël, le Liban n'est pas viable s'il se trouve dans 
                un état permanent d'hostilité envers ses voisins 
                de l'Est. Déjà Toynbee en 1957 désignait 
                les deux points sensibles sur le plan géostratégique 
                : l'Afghanistan( aux limites de l'Iran) et le Liban qu'on retrouve 
                en guerre au même moment d'hier à aujourd'hui ! Il 
                passait ensuite au plan régional, en prédisant que 
                si les relations syro-libanaises devenaient hostiles, le Liban 
                serait étouffé. A l'époque la Syrie et l'Egypte 
                étaient sous influence russe et pour Toynbee on ne pouvait 
                écarter cette influence en 1957 qu'en trouvant une solution 
                juste au problème palestinien et il ajoutait : " Tant 
                que l'Amérique n'impose pas cette solution, les peuples 
                arabes voisins immédiats d'Israël continueront de 
                chercher l'appui de la Russie. Imposer une solution à la 
                question palestinienne , c'est l'Amérique seule qui peut 
                le faire, parce que c'est l'Amérique seule qui peut exercer 
                la pression nécessaire sur les Israéliens . " 
                 
                Le moins que l'on puisse dire c'est que depuis 1957, soit depuis 
                près de cinquante ans, l'Amérique a échoué 
                à régler cette question, quel que soit les gouvernements 
                concernés ou les efforts de tel ou tel président 
                américain. Cela est devenu particulièrement vrai 
                depuis l'accession au pouvoir du président Bush et des 
                néo-conservateurs américains qui mêlent la 
                rationalité politique à la croyance religieuse des 
                Christian born again. Ce pays qui disposait d'un capital de sympathie 
                à l'ère de la domination européenne, a progressivement 
                perdu son attrait auprès des Arabes. Il a largement mis 
                à l'épreuve les régimes alliés arabes 
                gagnés à sa cause soit par nécessité 
                de protection militaire, soit par besoin de soutien financier, 
                ceux-ci se coupant de leur peuple et constituant la base du développement 
                des extrémismes. Si le XX è siècle a été 
                celui du nationalisme arabe à ambition laïque ou au 
                moins laïcisante avec le nassérisme et les baathismes 
                syrien et irakien, force est de constater aujourd'hui l'émergence 
                d'un islamisme persan, parallèlement à l'échec 
                de ces nationalismes et des pays arabes face à l'inertie 
                ou à la complicité de l'Amérique, soutien 
                inconditionnel d' Israël. C'est déjà une période 
                historique que l'on peut examiner avec recul, ce qui n'est pas 
                le cas de ce qui se déroule sous nos yeux depuis les bombardements 
                et le pilonnage israéliens au Liban. Ce présent 
                relève de l'histoire immédiate que l'on doit examiner 
                avec circonspection, notamment depuis les bouleversements dans 
                le monde soviétique et les pays de l'Est. 
                La 
                chute du mur de Berlin et la fin de l'Union soviétique 
                ont laissé le champ libre au gouvernement américain 
                pour sa politique moyen-orientale, ce qui était une nouvelle 
                opportunité pour régler les questions de fond du 
                Moyen-Orient. Ni la conférence de Madrid ni les initiatives 
                successives mais biaisées des Américains en ce qui 
                concerne la Palestine - la feuille de route notamment - n'ont 
                été concluantes. Cela a laissé toute latitude 
                à Israël de réduire à néant les 
                accords d'Oslo qui leur étaient malgré tout plus 
                favorables qu'aux Palestiniens et de contraindre ces derniers 
                à la deuxième Intifada, puis d'écarter toute 
                instauration d'une Palestine viable en n'y laissant survivre que 
                des Bantoustans, et enfin de construire un long mur de séparation 
                entre ces deux entités, symbolique de leurs visées 
                conscientes et inconscientes. 
                Nous en sommes là au moment où se réunit 
                le groupe des 8 à Saint Petersbourg le 15 juillet dernier, 
                marquant sans doute le retour de la Russie sur la scène 
                des grands, ce qui pourrait être à terme le commencement 
                d'une autre guerre froide. L'agenda de cette rencontre est bouleversé 
                par les attaques violentes d'Israël le 12 juillet au sud 
                Liban, sur l'aéroport de Beyrouth et sur l'ensemble du 
                territoire libanais. Les bombardements israéliens (avec 
                des bombes à phosphore et des bombes dites intelligentes) 
                frappent impitoyablement les populations civiles libanaises dans 
                une guerre que l'Etat d'Israël veut faire au Hezbollah libanais, 
                considéré par eux et par les Américains comme 
                un parti terroriste, allié à la Syrie et à 
                l'Iran, alors que les Européens évitent cette désignation 
                et reconnaissent que les membres du Hezbollah sont des résistants. 
                On peut imaginer, réunis autour de la table ovale, Blair 
                disant à Bush : " Il y a des femmes, des vieillards 
                et des enfants dans le sud Liban qui y vivaient malgré 
                les conditions difficiles des dernières années et 
                qui avaient repris confiance depuis le retrait israélien. 
                " et Bush de lui chuchoter en retour - les caméras 
                de la télévision nous l'ont montré alors 
                qu'il croyait les micros éteints - : " J'ai besoin 
                qu'Israël intervienne et brise le Hezbollah, montre aux Iraniens 
                avec leur projet nucléaire ce dont nous sommes capables, 
                il faut que la Syrie fasse pression sur ces terroristes libanais 
                pour que leur milice désarme et intègre l'armée 
                nationale libanaise , sinon I am a fool ! " .  
                Une fois de plus le Liban est brutalement visé. Qu'en est-il 
                sur la scène libanaise des imbrications régionales 
                et des enjeux internationaux ?  
                Si 
                  l'on reprend à nouveau la loi des trois niveaux, que 
                  peut-on constater ?  
                  Sur le plan interne, il y a au Liban deux regroupements majeurs 
                  en matière politique : celui qui s'est constitué 
                  autour de la " révolution du cèdre " 
                  après l'assassinat de Rafic Hariri, comprenant les partis 
                  chrétiens, sunnites et druzes, attachés les uns 
                  et les autres à des valeurs démocratiques, et 
                  celui constitué par le mouvement chiite représenté 
                  par les partis Amal et Hezbollah qui trouvent leur cohérence 
                  dans l'observance des valeurs chiites. Le premier a des soutiens 
                  occidentaux et arabes, le second principalement iranien et syrien. 
                  Tant sur le plan interne que régional et international, 
                  il y a une oscillation des influences en faveur soit de la consolidation 
                  de l'unité nationale, soit de l'implosion du Liban et 
                  de sa cantonalisation. L'attaque militaire israélienne 
                  dès le 12 juillet aurait pu accentuer la fragmentation 
                  du Liban, mais elle semble jusqu'à présent avoir 
                  produit le résultat contraire : un renforcement du soutien 
                  des Libanais au Hezbollah et à l'unité libanaise. 
                  La guerre aura-t-elle réussi jusqu'à présent 
                  à souder davantage les Libanais entre eux que les tentatives 
                  de dialogue national ? A l'issue de cette nouvelle tragédie 
                  libanaise, il faudra envisager sérieusement la participation 
                  réelle au pouvoir de la communauté chiite représentée 
                  par ses diverses composantes dont le Hezbollah.  
                  Dans une perspective historique, on peut rappeler ici les étapes 
                  constitutives du système pluriel libanais : l'entente 
                  druzo-chrétienne a fondé la coexistence au Mont-Liban 
                  jusqu'au début du XX è siècle, puis le 
                  pacte national de 1943 a scellé l'entente entre chrétiens 
                  et musulmans sunnites pour le partage du pouvoir au moment de 
                  l'indépendance du pays, en 1943 à la fin du mandat 
                  français. Assistera-t-on dans les temps à venir 
                  à un nouvel accord qui devrait intégrer à 
                  part entière la communauté chiite au destin national 
                  libanais ? Son chef politique, avec son charisme et sa modération, 
                  renforcé par son action d'hier et d'aujourd'hui, ne cesse 
                  de donner des preuves de son attachement à l'entité 
                  libanaise. Il a écarté la perspective d'instauration 
                  d'un Etat islamique au Liban même s'il reconnaît 
                  le soutien financier de l'Iran à son mouvement. De même 
                  qu'en 1943, les chrétiens avaient accepté de ne 
                  plus recourir à la protection française tandis 
                  que les musulmans sunnites renonçaient à rejoindre 
                  dans un projet unitaire les nationalistes arabes, on pourrait 
                  envisager aujourd'hui que les deux regroupements politiques 
                  majeurs au Liban atténuent leur recours aux soutiens 
                  extérieurs et s'entendent pour une nouvelle alliance 
                  nationale. Cela pose la question d'un nouveau pacte national 
                  et du désarmement politique de la milice du Hezbollah. 
                  Selon les déclarations de l'un de ses députés 
                  au parlement, Hassan Fadallah, les conditions d'acceptation 
                  de ce désarmement seraient la libération des fermes 
                  de Chebaa, la libération des prisonniers détenus 
                  par Israël et la fin des agressions israéliennes. 
                  ( voir l'Orient-Le Jour du 29 juillet 2006, " Le Hezbollah 
                  prêt à étudier toute proposition mais après 
                  la fin des agressions ").Ce serait une sortie optimale 
                  de crise pour le Liban, les autres scénarios de règlement 
                  étant irréalistes si l'on est attaché aux 
                  valeurs plurielles et à l'équilibre des forces. 
                  En contre partie d'un règlement équitable pour 
                  le Liban, Israël aura assis une meilleure sécurité 
                  sur sa frontière nord que si ce pays persiste à 
                  vouloir écraser le Hezbollah et massacrer les chiites, 
                  créant ainsi pour des générations des résistants 
                  soudés par l'extrémisme du malheur.  
                  Sur le plan régional, l'absence de règlement de 
                  la question palestinienne permet à l'Iran chiite, après 
                  les échecs successifs des gouvernements arabes, de devenir 
                  le champion de cette cause juste, défiant ainsi tout 
                  à la fois les Arabes et les sunnites. Si le XX è 
                  siècle a été celui du nationalisme arabe 
                  sunnite et de son échec patent, le XXI è siècle 
                  s'annonce actuellement comme celui du chiisme et des Persans. 
                  Il faut noter ici que l'Empire ottoman sunnite, puis la Renaissance 
                  arabe ou Nahda et les mouvements nationalistes arabes étaient 
                  tournés vers la modernité occidentale et les systèmes 
                  politiques occidentaux. La branche chiite de l'islam a sa cohérence 
                  propre : à la persécution subie durant des siècles, 
                  les chiites ont opposé de tout temps une résistance 
                  que renforçait leur capacité à vivre et 
                  à intégrer le martyr dans leur conception du monde. 
                  Ceux-ci défendent leur propre vision du politique et 
                  de l'organisation sociale et s'y attachent avec un autre rapport 
                  au temps. L'Iran s'est saisie du flambeau de la cause palestinienne 
                  et se dresse aussi bien face aux sunnites, avec lesquels ils 
                  pourraient un jour s'entre déchirer, que face aux occidentaux, 
                  en menaçant ces dernier de vagues d'attentats meurtriers 
                  ! Il est à noter ici que le renforcement du chiisme iranien 
                  s'est doublé de la capacité de l'Iran de produire 
                  du nucléaire militaire. Ceci a fait monter la tension 
                  d'un cran supplémentaire auprès des Israéliens 
                  et des Américains, et qui se traduit depuis deux ans 
                  par des menaces et des pressions sur l'Iran, sommé de 
                  renoncer au nucléaire militaire. Ni le chantage américain 
                  et israélien à la guerre, ni les tentatives diplomatiques 
                  européennes n'ont jusqu'à présent infléchi 
                  l'Iran. Les acteurs se testent en faisant monter la pression 
                  régionale et c'est au Liban que se joue une partie de 
                  bras de fer depuis la résolution 1559 et l'assassinat 
                  de Rafic Hariri. D'une part, l'Amérique et la France 
                  ont soutenu les partisans du président assassiné 
                  et de la révolution du cèdre et pensé pouvoir 
                  utiliser le levier libanais pour entamer la détermination 
                  iranienne à travers le désarmement de la milice 
                  du Hezbollah. D'autre part, l'Iran et la Syrie ont renforcé 
                  leur soutien à ce parti et à sa milice. Une partie 
                  serrée d'influence s'est donc amorcée dès 
                  le début de l'enquête de l'ONU sur les auteurs 
                  de l'assassinat du milliardaire et homme politique libanais. 
                   
                  La Syrie, gouvernée depuis près de quarante ans 
                  par les Alaouites, une secte issue du chiisme, est suspectée 
                  d'abriter le terrorisme après avoir été 
                  courtisée par les Occidentaux, d'être un " 
                  Etat voyou " selon la terminologie américaine et 
                  se trouve pour le moins écartée du jeu occidental. 
                  Poussée à quitter le Liban après y avoir 
                  été installée avec l'aval des grandes puissances 
                  entre 1976 et 2004, elle trouve dans le giron iranien des appuis 
                  qui doublent ceux de l'Arabie saoudite. La possibilité 
                  de concrétisation d'un nucléaire militaire iranien 
                  alarme sur le plan régional les Israéliens qui 
                  sont jusqu'à présent les seuls à détenir 
                  le feu nucléaire., mais aussi les Américains qui 
                  ne veulent pas de contestataires de leur puissance régionale, 
                  mise à mal par les attentats du 11 septembre et par leur 
                  enlisement dans la guerre irakienne !  
                   
                  Sur le plan international : Après l'accession au pouvoir 
                  du président Bush, la nouvelle équipe marque , 
                  dans un premier temps, son désintérêt pour 
                  le Moyen-Orient, prenant ses distances avec la politique volontariste 
                  du président Clinton jusqu'à la dernière 
                  minute. Mais depuis le 11 septembre 2001, le Moyen-Orient est 
                  redevenu un enjeu central, comme s'il fallait ce terrible événement 
                  pour légitimer la mise en place d'une politique moyen-orientale 
                  occulte. La guerre contre le terrorisme d'abord en Afghanistan 
                  s'est doublée d'une invasion de l'Irak avec des prétextes 
                  et des mensonges qui ont été élucidés 
                  très rapidement. Le désaccord avec l'Europe et 
                  le reste du monde n'a eu aucun effet sur la politique américaine 
                  qui agit désormais d'une manière unilatérale. 
                  En raison de cet unilatéralisme, des liens particuliers 
                  et étroits avec l'État d'Israël qu'un lobby 
                  juif puissant veille à maintenir et à consolider, 
                  et de l'échec depuis 2003 de la guerre en Irak, les Américains 
                  ont probablement laissé passer l'occasion de pacifier 
                  le Moyen-Orient et de préserver ainsi dans le moyen terme 
                  et peut-être le long terme leurs intérêts 
                  géopolitiques, économiques et géostratégiques. 
                  L'échec du projet du Grand Moyen-Orient avec l'instauration 
                  de démocraties de type occidental semblent bien montrer 
                  le côté irréaliste de la politique américaine. 
                  Les néo-conservateurs ont voulu plaquer de l'extérieur 
                  des modèles politiques occidentaux sur des structures 
                  politiques et religieuses totalement différentes, celles 
                  de l'islam sunnite et chiite. L'introduction dans le jeu régional 
                  de l'Iran chiite face à la Turquie sunnite caractérise 
                  les dernières années du XX è et ce début 
                  de siècle. Les raisons à peine cachées 
                  de cette politique américaine, c'est la tentative de 
                  contrôler les sources pétrolières, de l'Asie 
                  centrale au golfe arabo-persique, et d'écarter toute 
                  prétention régionale de l'Iran, après l'échec 
                  du monde arabe à jouer un rôle régional 
                  de premier plan, avec la Turquie et Israël comme alliés 
                  traditionnels de l'Amérique. Ainsi que l'Angleterre et 
                  la France dans un passé récent et leur politique 
                  à courte vue, l'Amérique veut préserver 
                  ses intérêts à court et moyen terme. Elle 
                  colmate les situations et refuse de traiter les problèmes 
                  quant au fond, provoquant ainsi la montée des extrémismes 
                  et des fondamentalismes.  
                  La question du nucléaire militaire iranien est venu accentuer 
                  les peurs d'Israël pour sa sécurité après 
                  les surenchères du président iranien Ahmadinejad 
                  et les craintes américaines d'un déséquilibre 
                  régional mettant en danger les intérêts 
                  géostratégiques occidentaux et le cordon pétrolier 
                  qu'ils veulent sécuriser pour garder la haute main sur 
                  les approvisionnements pétroliers de l'Europe, du Japon 
                  et de la Chine. Jusqu'à une date récente, la Russie 
                  de Poutine a gardé un profil relativement bas et n'a 
                  pas trop contesté la politique américaine, mais 
                  aujourd'hui elle semble revenir sur la scène internationale, 
                  renforcée par sa capacité gazière et pétrolière 
                  et les bénéfices qu'elle en tire pour son développement 
                  . Dans le jeu régional, l'Amérique s'appuie sur 
                  Israël, les pays arabes conservateurs sauf la Syrie et 
                  favorise un axe Le Caire/Ryad/ Amman en tentant d'attirer dans 
                  ce camp Beyrouth après la résolution 1559 de l'ONU 
                  et l'assassinat de Rafic Hariri, ce qui jusqu'à présent 
                  a divisé le pays entre les partisans de la révolution 
                  du Cèdre et ceux du Hezbollah. Les Américains 
                  ont donc décidé de combattre l'axe Téhéran/Damas/ 
                  Sud Liban qu'ils estiment dangereux pour la sécurité 
                  d'Israël ainsi que pour leurs intérêts essentiels, 
                  notamment en Irak où l'Iran joue la déstabilisation 
                  américaine et l'échec de sa politique en activant 
                  ses réseaux chiites pro-iraniens. Depuis novembre 2004, 
                  date de la résolution 1559 et ses conséquences 
                  au Liban, avec les enquêtes sur les origines de l'assassinat 
                  de Rafic Hariri et le départ des forces militaires syriennes 
                  (sans pour autant que la Syrie perde au Liban ses réseaux 
                  d'influence ), les tentatives de désarmer la milice du 
                  Hezbollah n'ont pas abouti, tout comme ont échoué 
                  les négociations de l'Union européenne avec l'Iran 
                  pour régler la question du nucléaire iranien. 
                  Aux pressions pour porter cette question aux Nations-Unies semble 
                  avoir répondu l'activation des mouvements de résistance 
                  palestinien et libanais, et il n'a fallu que les premiers prétextes 
                  pour qu'Israël bombarde Gaza et le Liban mettant en application 
                  un plan probablement préparé à l'avance 
                  en accord avec le gouvernement américain, après 
                  celui d'attaques aériennes contre des sites iraniens 
                  élaboré en 2005 et semble-t-il abandonné 
                  pour l'instant. A l'unilatéralisme américain s'ajoute 
                  semble-t-il une mauvaise connaissance des dossiers et le traitement 
                  des problèmes davantage par la force que par la diplomatie. 
                  Le monde occidental risque de se heurter à une résistance 
                  de guérilla chiite bien plus structurée et cohérente 
                  que l'action militaire des pays arabes qui a été 
                  à chaque fois anéantie. S'il ne se résout 
                  pas à traiter les problèmes par la négociation, 
                  il est à parier que l'Occident payera très cher 
                  le prix de la nouvelle domination moyen-orientale, plongeant 
                  cette région encore durablement dans la guerre et le 
                  malheur et risquant de provoquer un conflit mondial. 
                Le 
                  Liban est une fois de plus l'épicentre de la tourmente, 
                  le centre des affrontements des forces régionales et 
                  internationales et le lieu symbolique des formes politiques 
                  de regroupement pluriel. Veut-on une fois de plus casser ce 
                  modèle de pluralisme - qui finit par désespérer 
                  ses partisans même face à la violence des secousses 
                  pour l'invalider et aux compromissions qu'ils ont du accepter 
                  - et favoriser une cantonalisation, qui n'est autre qu'un repli 
                  sur des identités homogènes ? Israël dont 
                  l'existence depuis 1948 a bouleversé tous les équilibres 
                  du Moyen-Orient a tendance à se vouloir non seulement 
                  un État juif mais un État séparé, 
                  et son modèle est à l'opposé de celui du 
                  Liban, mais aussi de celui de nombre de pays arabes hérité 
                  de l'Empire ottoman. Depuis Ben Gourion et Moshé Dayan 
                  Israël voudrait favoriser la constitution d'États 
                  homogènes ( chrétien, druze, chiite, etc
) 
                  sans être jamais parvenu à ses fins. Il ne faut 
                  pas oublier non plus un autre fantasme israélo-américain 
                  : cantonner les Palestiniens à la Jordanie.  
                  Contrairement à ce que l'on pouvait craindre, l'action 
                  militaire actuelle au Liban a une fois de plus montré 
                  l'attachement des Libanais à leur modèle pluri-communautaire 
                  et l'a jusqu'à présent renforcé. La France 
                  et l'Europe, avec leurs moyens, tentent de faire ce qu'ils peuvent 
                  pour soutenir ce pays dans l'adversité et le sauver de 
                  l'éclatement. Jusqu'à quel point l'Europe et notamment 
                  la France qui a des liens traditionnels avec le Liban légitimant 
                  sa préoccupation particulière et son action, ont-ils 
                  l'oreille de l'Amérique ? C'est ce que les temps à 
                  venir nous montreront. 
                  Les Etats-Unis et Israël vont-ils enfin comprendre qu'on 
                  ne peut pas tout régler par la guerre et imposer une 
                  hégémonie qui engendre l'extrémisme politique 
                  et ne procure guère de sécurité à 
                  Israël ? La négociation s'impose avec tous les acteurs 
                  actuels du Moyen-Orient, de l'Iran au Hezbollah en passant par 
                  la Syrie. Face au monde chiite, qui a sa revanche à prendre 
                  sur l'histoire et qui se renforce du martyr qu'on lui fait subir, 
                  les Etats-Unis vont-ils tomber dans le piège de la méconnaissance 
                  des autres et de leur culture ? Vont-ils être aveuglés 
                  par leurs propres croyances religieuses - celles des fondamentalistes 
                  américains -, mauvaises conseillères en matière 
                  de rationalité politique, puisque le fondamentalisme 
                  protestant vient exacerber le fondamentalisme juif et musulman 
                  ? Si c'était le cas, ils se trouveraient confrontés 
                  à une cohérence redoutable du chiisme politique 
                  et religieux qui tire sa force de sa capacité à 
                  accepter la mort et le sacrifice et qui estime avoir le temps 
                  pour lui. Ce n'est pas le cas des pays occidentaux qui veulent 
                  faire la guerre avec " zéro mort " !  
                  Après ceux de 1996, les nouveaux massacres d'enfants, 
                  de femmes et de populations civiles intervenus à Cana, 
                  n'ont pas réussi à arrêter la guerre au 
                  delà d' un arrêt des combats de quarante huit heures 
                  ! Est-ce vraiment cynique de constater que depuis 1914, il n'y 
                  a plus de protection réelle des populations civiles malgré 
                  les conventions internationales, celle de Genève en particulier 
                  ? Les horreurs des guerres du XX è siècle en Europe 
                  ont été telles que l'on sait maintenant à 
                  quel point les gouvernants sont insensibles aux pressions humanitaires- 
                  même s'ils protestent diplomatiquement à grands 
                  cris- quand une action militaire servant leurs intérêts 
                  est en cours. Ils ont l'art de gagner du temps et d'user ceux 
                  qu'ils veulent réduire. L'endurcissement du cur 
                  humain, pour reprendre une expression d'Erich Fromm est à 
                  la mesure de la barbarie qu'il engendre. Nous savons aussi depuis 
                  1914 et surtout depuis 1939 à quel point la propagande 
                  et la manipulation de l'information sont devenues monnaie courante. 
                  Il n'est donc pas étonnant d'avoir été 
                  et d'être les témoins de ces pratiques au Moyen-Orient 
                  dans la succession des guerres qui s'y sont produites depuis 
                  1948 jusqu'à la guerre actuelle au Liban. Pour ne prendre 
                  qu'un exemple, on qualifie ceux qu'on veut diaboliser le terme 
                  de terroriste et on dédouane le terrorisme d'État 
                  quand il est flagrant. 
                  Faut-il en arriver à ce degré d'inhumanité 
                  et d'absurde pour se rendre compte que la force et la domination 
                  poussés à l'extrême rejaillissent à 
                  un moment ou à un autre sur ceux qui les avaient aveuglement 
                  exercées ? Sommes-nous à un tournant de l'histoire 
                  où l'hyperpuissance américaine pour reprendre 
                  le terme d'Hubert Védrine sera de nouveau capable de 
                  réviser ses positions, en encourageant ses partenaires 
                  israéliens à en faire autant pour que la négociation, 
                  le droit international et la diplomatie l'emportent sur la guerre 
                  et que des solutions justes aux problèmes du Moyen-Orient 
                  interviennent enfin ? C'est peut-être utopique, mais c'est 
                  peut-être aussi la carte de la dernière chance 
                  pour l'Amérique, pour Israël si ce pays veut vraiment 
                  obtenir la sécurité et l'intégration dans 
                  la région, sans quoi un nouveau cycle de violences planera 
                  à l'horizon du Moyen-Orient du XXI è siècle, 
                  provoquant des recompositions dramatiques et des séismes 
                  économico-politiques dont aucun pays ne sortira intact. 
                    
                
                Le 
                7 août 2006 
                Gérard D. Khoury 
                Historien 
                Chercheur associé à l'IREMAM 
                 
                Aix en Provence
                
                Ce 
                dont nous sommes témoins aujourd'hui, c'est de l'écrasement 
                d'un peuple par les moyens de la technologie moderne. Ils sont 
                utilisés pour le châtier d'une politique dont il 
                n'est pas le responsable. 
                Les souffrances que subit le Liban sont aussi notre souffrance. 
                Nous sommes dans l'attente de mesures auxquelles nous pourrions 
                nous associer qui viendraient rapidement soulager le malheur des 
                Libanais. 
                10 
                août 2006 
                 
                Parmi les premiers signataires : 
                Chritiane 
                Abou Adal, Gabriel Abou Adal, Sarah Alexandrakis, Claudie Amado, 
                André Ancesthi, Jean Paul Anfles, Paule Angles , Huguette 
                Astier, Geneviève Ayasse, Jean Ayasse, Christiane Audi, 
                Frédérique Banzet, Maurice Barjavel, Josette Barjavel, 
                Gilbert Barrillon, François Bayle, Catherine Béja, 
                Claudine Béja, Jacqueline M. Benoist, Janine Béquié, 
                Jacques Béquié, Jean-Michel Béquié, 
                Anita Béquié, Jean -Pierre Biondi, Marie-Claire 
                Boons, André Bourgey, Chantal Bourgey, Antoine Bres, Pierre 
                Buffet, Nicole Burger, François Burger, Philippe Cardinal, 
                Guy Catusse, Guillaume Chabert, Marie Jeanne Champaud, Jacques 
                Champaud, Jean Chesneaux, William Christie, Henry-Claude Cousseau, 
                Boris Cyrulnik, Jean-François Cullasfroz, Gérard 
                Doumet Khoury, Sylvie Denoix, Annick Desandre, Eric Desandre Navarre, 
                Andrée Duby, René Evain, Simone Evain, Thierry Fabre, 
                Nicole Gally,Arlette Georges Xavier Girard, Florine Irghi, Philippe 
                Jaccottet, Laetitia Marie Jamet, Arlene D. Khoury, Marielle D. 
                Khoury, Jean Lacouture, Paula Laleuf, Daniel Lançon, Henri 
                Leclerc, Yves Lemière, Claire Lohner, Sophie Martin, Simone 
                Mondain, Hélène Monsacré, Patrick Nicole, 
                Fabienne Niel, André Nouschi, Nadine Picaudou, Christiane 
                Poli, Robert Poli, Ariane Poulantzas, Myra Prince, Camille Proal, 
                Olivier Proal, François Rappard, Brigitte Raymond-Montignon, 
                Arnaud Rey, Annie Roland, Geneviève Roland, Jacques Roland, 
                Georgette Sauzade, Eliette Séméria, Jean-Claude 
                Simoens, Roger Trefeu, Eliane Tricolo, Max Vialis, Aimée 
                Vialis, Claude Zeltner, Bernard Zeltner.
                Pour 
                  souscrire à cette requête: 
                    
                 
                 
                 
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                      La 
                        guerre du Liban 
                        
                         
                        De 
                        1975 à 1990, le Liban,  
                        dont le système politique repose  
                        sur un fragile équilibre intercommunautaire, est le terrain 
                        d’une guerre aux visages multiples, dont les enjeux sont 
                        aussi bien libanais que régionaux et internationaux. 
                          
                        Cartes animées grâce 
                        au site  
                        "histoire à la carte" 
                        cliquez! 
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                On 
                ne croit plus aux miracles à Qana... 
                 
                Qana, lieu du premier miracle du Christ ; Qana, lieu du dernier 
                haut-fait de l'armée israélienne le 18 avril 1996 : le massacre 
                de 100 civils, principalement vieillards, femmes et enfants réfugiés 
                dans un site de la FINUL (Force Intérimaire des Nations-Unies 
                au Liban). Qana, symbole des douleurs des Libanais, de la tragédie 
                du Proche-Orient : 50 ans de massacres, de malheurs, de destructions. 
                Jusqu'à quand ? Récit d'une visite, par Lucie Heymann.
                  
                Près 
                de deux mille ans après ses célèbres noces, Qana est loin de ressembler 
                à un tableau de Véronèse : situé dans une région très pauvre du 
                Sud-Liban, au coeur de terres arides et cependant ô combien convoitées, 
                cet illustre village déçoit d'emblée. L'ensemble n'est qu'une 
                succession de bâtisses informes en béton nu, dont la construction 
                semble s'être arrêtée il y a des années. Seul édifice récent, 
                un petit cimetière au "beau" milieu de la ville : les tombeaux, 
                identiques, en marbre sombre, nous tendent des portraits. Ces 
                clichés, aux couleurs blanchies par le soleil, pourraient sortir 
                tout droit d'un vieil album. Il n'en est rien : c'est dans ce 
                lieu, dont seul le nom pourrait encore faire rêver, qu'en avril 
                1996 un bombardement israélien faisait 107 morts et des centaines 
                de blessés, tous civils.  
                Les victimes reposent là, à côté du lieu de leur supplice transformé 
                en véritable sanctuaire. Il faut s'approcher de la sépulture du 
                centre pour comprendre la signification de chacun des objets qui 
                y ont été déposés : un cèdre fictif, dont les branches figurent 
                des corps enveloppés dans des linceuls, un obus évidé qui sert 
                de vase à quelques fleurs de tissu, des éclats de métal fondu. 
                Aux murs, des photos qui bien qu'abîmées restent insoutenables 
                : des casques bleus tenant dans leurs bras de petits corps sanguinolents, 
                des cadavres désossés, des amas de chair dont on ne saurait déterminer 
                la provenance. On ressort du cimetière incrédule, gêné par cet 
                inhabituel spectacle de mort. 
                
                 
                La 
                zone est contrôlée par l'ONU, et le village de Qana abrite un 
                camp de la FINUL occupé par des casques bleus fidjiens. Leur camp 
                actuel jouxte le petit cimetière, et nous sommes cordialement 
                invités à faire la visite des lieux. Un libanais d'une quarantaine 
                d'années nous sert de guide, et se présente avec ces mots : "je 
                suis un survivant du massacre". Nous déambulons au milieu des 
                baraquements, des tranchées et des ambulances : le camp sert de 
                dispensaire pour les parages. On est étonné par l'exiguïté de 
                la position, à peine plus grande qu'un terrain de football, ce 
                qui correspond mal dans notre imaginaire occidental à l'idée qu'on 
                peut se faire d'un camp pour réfugiés... Mais le camp de la FINUL 
                ne l'a en fait jamais été, et c'est par nécessité qu'il a dû accueillir 
                les 800 civils d'avril 1996 : des constructions en dur avait dues 
                être aménagées tant bien que mal, et on imagine aisément l'entassement 
                qui devait y régner.  "On 
                pense qu'il n'y a eu qu'un massacre à Qana, ce qui est faux." 
                commence notre guide en s'arrêtant devant une tranchée profonde 
                bordée de sacs de sable. "Il y en a eu deux. L'un s'est produit 
                ici, et 55 personnes y ont trouvé la mort. Le bâtiment a été rasé 
                parce qu'il se trouvait au milieu du camp et que les odeurs, même 
                après quelques jours, demeuraient insupportables. Une autre bâtisse 
                a été touchée, à côté de là où se trouve maintenant le cimetière, 
                et celle-là a été laissée telle quelle, mais hors du camp, pour 
                que les gens puissent venir s'y recueillir." Il nous emmène à 
                l'extrémité du cantonnement d'où on aperçoit ladite bâtisse. Il 
                s'arrête, soupire : "Le 12 avril, les habitants de Qana et de 
                trois autres villages voisins ont commencé à affluer chez nous 
                à cause de l'intensification des tirs d'artillerie. Cette population 
                civile, essentiellement des femmes et des enfants, bien que très 
                nombreuse, s'est mise à vivre à peu près normalement. Les femmes 
                cuisinaient et les enfants jouaient au football dans les allées. 
                Le sureffectif était difficile à gérer, mais le moral était bon, 
                d'autant que les tirs passaient au dessus de nous sans jamais 
                nous atteindre, et que le camp avait déjà été un refuge très sûr 
                lors d'attaques israéliennes similaires en 1993. " "Ils étaient 
                installés depuis 7 jours lorsque le bombardement a eu lieu. Il 
                s'agissait bien de tirs d'artillerie, même si les gens ont cru 
                sur le moment qu'il s'agissait de salves tirées depuis des hélicoptères. 
                Des obus à fragmentation ont commencé à s'abattre sur les deux 
                abris : un ou deux tirs auraient pu être des erreurs, mais l'une 
                des maisons a reçu pas moins de 35 obus en l'espace d'une vingtaine 
                de minutes ! " L'homme se tait et lève son index pour nous demander 
                de tendre l'oreille. Au loin, des échos de tirs viennent appuyer 
                ses derniers mots. Un sourire las apparaît sur son visage : "Ils 
                recommencent !" "J'ai moi-même été blessé" glisse t-il en effleurant 
                du pouce le bas de sa chemise, suivant la cicatrice qu'elle cache. 
                "Les gens qui ont survécu à ça ne peuvent plus vivre normalement. 
                Certains sont même incapables de manger de la viande... En 16 
                ans de collaboration avec l'ONU, c'est la chose la plus effroyable 
                qu'il m'est été donné de voir. Mais j'écris un livre sur le sujet, 
                je crois que cela peut m'aider." 
                 
                Nous approchons de la bâtisse conservée : juste à côté, une autre 
                maison, intacte, donne une double idée de la force de l'attaque 
                mais aussi de son implacable précision. Des murs, il ne reste 
                que la base en béton sur une cinquantaine de centimètres de hauteur, 
                la maison semble avoir été décapitée. Le sol est uniformément 
                noir. En fixant son regard sur cet amas de cendres, on découvre 
                des formes : des boîtes de conserve, des effets personnels, cette 
                chaussure autrefois portée par une femme et qui colle maintenant 
                littéralement à la terre, le talon fondu. Je repense aux dernières 
                paroles de notre guide, à ces histoires qui prennent vie dans 
                nos esprits par l'horreur de la mort qu'elles contiennent. Celle 
                des 22 membres d'une même famille, dont 3 seulement sont sortis 
                vivants de cet enfer. Celle d'un groupe réfugié sous des couvertures, 
                et protégé par les corps des autres occupants. Et tous ces autres 
                chiffres encore, ces bilans, ces enfants morts avant d'avoir neuf 
                ans, ce nouveau-né décapité à quatorze jours seulement. Sur les 
                tombeaux du cimetière de Qana, les portraits décolorés des défunts 
                me regardent à présent, et je me fais la promesse de ne pas oublier. 
                Après une telle visite, comment pourrait-on ? 
                Qana est un lieu de mémoire important.  
                Le fléau qui s'est abattu sur lui, dans l'indifférence la plus 
                générale, et ce il y a si peu de temps, nous confronte directement 
                à ce qu'il existe de plus terrible pour des événements tels que 
                celui-ci : l'oubli. Et pourtant le calvaire de Qana soulève les 
                questions élémentaires que nous devrions nous poser quant à notre 
                implication internationale réelle, au delà de notre engagement 
                illusoire aux Nations Unies. Il s'agit d'un massacre volontaire 
                de civils ayant pourtant cherché la protection de la force d'interposition 
                internationale présente sur place. Ce massacre a été perpétré 
                en utilisant des armes volontairement meurtrières et mutilantes, 
                interdites par la plupart des pays développés. Les autorités israéliennes 
                ont elles-mêmes reconnues qu'il s'agissait d'une action préméditée 
                dans le cadre de l'opération militaire au sud Liban, les "Raisins 
                de la Colère". Ces aveux, où aucune forme de regret n'est exprimée, 
                ajoutés au rapport accablant de l'ONU pour Tsahal, n'ont nullement 
                ébranlé la conscience de la communauté internationale. Qui est 
                donc Israël pour s'indigner du terrorisme aveugle qui frappe sa 
                population, alors qu'il assassine de manière organisée des femmes 
                et des enfants ? Le terrorisme d'un État est-il moins atroce que 
                celui d'un groupe de fanatiques ? Nous nous indignons à raison 
                de la passivité du gouvernement algérien, sans doute satisfait 
                du climat de terreur qui règne au sein de son pays et qui permet 
                l'installation d'un pouvoir dictatorial sans qu'aucune contestation 
                ne puisse l'empêcher. La notion de meurtre, ou de complicité de 
                meurtre s'évaporerait-elle avec l'implication de L'Etat dans le 
                crime ? C'est bien la triste conclusion que nous offre Qana. L'échec 
                en cours du processus de paix dans la région, voulu par un gouvernement 
                israélien suffisamment puissant pour rejeter les critiques qui 
                se font pourtant vives à son égard, est celui plus criant encore 
                de l'ONU. Il y a un an, des enfants mouraient dans les bras de 
                ceux que NOUS -les citoyens du monde par l'intermédiaire des Nations 
                Unies- avions désigné pour les protéger. Jamais l'ONU n'avait 
                été rempart plus chimérique et jamais l'oubli n'avait autant caché 
                la honte de notre impuissance. 
                 
                Lucie 
                Heymann - Liban 
                 
                
                   
                     
                      Depuis 
                        le retrait du Liban, le Hezbollah a multiplié ses réseaux 
                        au sein de la société israélienne 
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                       On 
                        les disait terroristes sous l'occupation du Liban-Sud 
                        .
                          
                        
                        Un 
                        livre de Josée Lambert 
                        Le Liban-Sud se remet difficilement 
                        des blessures infligées par une occupation de 22 ans, 
                        de 1978 à 2000, qui a causé des milliers de morts et plus 
                        encore de déportations. Photographe et militante, Josée 
                        Lambert connaît bien cette région du monde qu'elle a fréquentée 
                        pour la dernière fois juste après le retrait des forces 
                        israéliennes. De cette visite, elle a rapporté une courte 
                        pièce de théâtre, un témoignage et des photographies consacrées 
                        au rôle du centre de détention de Khiam où plus 
                        de 2000 personnes, enfermées sans inculpation ni procès, 
                        ont survécu au mépris des droits humains les plus élémentaires. 
                        Livre trilingue (français, anglais, arabe), On les disait 
                        terroristes porte un éclairage intéressant sur le Moyen-Orient 
                        à travers le destin de gens ordinaires, marqués par cette 
                        tragédie. Éd. Sémaphore, 2004, 184 pages. 
                          
                        Israël 
                        , Etat assassin 
                        L’assassinat 
                        du chef du mouvement palestinien Hamas dans les territoires 
                        occupés Abdelaziz al-Rantissi, samedi soir lors d’un raid 
                        aérien israélien dans la ville de Gaza, s’ajoute à une 
                        série d’assassinats perpétrés par Israël et qui ont coûté 
                        la vie depuis 1973 à des personnalités palestiniennes. 
                         
                          
                        13 
                        avril 1973 : 
                        deux ans jour pour jour avant le début de la guerre du 
                        Liban, un commando israélien débarque de nuit à Beyrouth 
                        et assassine trois des principaux dirigeants de l’OLP 
                        : Kamal Adouane, responsable des territoires occupés, 
                        le poète Kamal Nasser, porte-parole officiel de la centrale 
                        palestinienne, et Youssef Al-Najjar. 
                        22 janvier 1979 : Aboul Hassan (Ali Hassan Salameh), 
                        chef du département des “opérations spéciales” du Fatah, 
                        principale composante de l’OLP, est tué par les Israéliens 
                        à Beyrouth dans l’explosion de sa voiture. - 9 octobre 
                        1981 : Majed Abou Charar, responsable de l’information 
                        de l’OLP, est assassiné dans sa chambre d’hôtel à Rome 
                        (Italie). 
                        16 avril 1988 : Assassinat à Tunis par un commando 
                        israélien d’Abou Jihad, chef de la branche militaire du 
                        Fatah, l’un des plus proches collaborateurs de Yasser 
                        Arafat. Il s’agit du deuxième forfait perpétré en Tunisie 
                        depuis le bombardement meurtrier du quartier général de 
                        Yasser Arafat, au sud de Tunis, en octobre 1985, qui a 
                        fait plus de 70 morts. 
                        8 juin 1992 : L’assassinat à Paris d’Atef Bseiso, 
                        responsable des services de sécurité de l’OLP, est attribué 
                        par l’OLP aux services de renseignement israéliens.  
                        5 janv 1996 : Attentat au téléphone piégé contre 
                        , Yehya Ayache, alors dans la bande de Gaza. 27 août 2001 
                        : Abou Ali Moustapha, élu en juillet 2000 secrétaire général 
                        du FPLP en remplacement de George Habache, est éliminé 
                        en Cisjordanie lors d’un raid d’hélicoptères israéliens 
                        contre son bureau à Ramallah. 21 août 2003 : Ismaïl 
                        Abou Chanab, l’un des principaux dirigeants politiques 
                        du Hamas, dont il est l’un des con-fondateurs, est tué 
                        par des missiles israéliens tirés contre sa voiture à 
                        Gaza. Deux de ses gardes du corps sont également tués. 
                        22 mars 2004 : Cheikh Ahmad Yassine, le fondateur 
                        et chef spirituel du mouvement, est tué dans un raid d’hélicoptères 
                        alors qu’il sortait d’une mosquée à Gaza. Sept autres 
                        personnes sont tués et quinze blessées, parmi eux deux 
                        des trois fils du dirigeant palestinien. 
                         
                        D’autre part, M. Arafat a échappé à de nombreuses tentatives 
                        d’assassinat depuis son accession à la présidence de l’OLP, 
                        en 1969.   
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                      18 
                        Avril 1996 : Massacre à Qana ... 
                        L'article 
                        du Palestine times de 1997 
                        traduit en français grâce au site Aloufok 
                         
                        Voici 
                        le reportage du massacre de Qana qui eut lieu le 18 avril 
                        1996. C'était sans aucun doute un acte terroriste, effectué 
                        par un État qui s'est du coup révélé être un menteur sans 
                        vergogne. 
                        Robert Fisk révèle la Vérité et expose les mensonges. 
                        Passons enfin à Qana. 
                        Robert Fisk fut le premier journaliste à pénétrer l'enceinte 
                        des Casques Bleus du Fidji après qu'elle fut attaquée 
                        par des obus de proximité au plus fort des bombardements 
                        israéliens du Sud Liban l'année dernière.  
                         
                        Au cours de sa description très détaillée et émouvante, 
                        qui fit couler les larmes de plusieurs membres du public, 
                        il raconta la scène alors qu'il entrait dans le camp. 
                        "Le sang coulait à flots depuis les portes de l'enceinte 
                        des Nations Unis, dans laquelle ces pauvres gens avaient 
                        trouvé refuge. C'était les portes de l'enfer. Alors que 
                        je pénétrai à l'intérieur, je vis une petite fille entourant 
                        de ses bras le corps d'un homme d'âge mûr, berçant le 
                        corps de droite à gauche et gémissant et pleurant sans 
                        cesse "mon père, mon père". Il y avait des bébés sans 
                        tête, des femmes sans bras. Je n'oublierai jamais ce que 
                        j'ai vu. J'ai tout décrit dans le quotidien qui m'emploie." 
                        Il raconta ensuite toute l'histoire du massacre de Qana. 
                        Le fait qu'il parlait le 18 avril, exactement un an après 
                        l'attaque d'Israël, rendit sa présentation d'autant plus 
                        poignante. "Pour nous reporters de l'époque - et pour 
                        les Nations Unis - la vérité ou autre de l'explication 
                        d'Israël - qu'ils n'avaient jamais eu l'intention d'attaquer 
                        la base Onusienne, ni les civils musulmans qu'elle protégeait 
                        - reposait sur leur affirmation qu'ils ne pouvaient pas 
                        voir où tombaient les obus. Mais les survivants, des soldats 
                        de l'ONU comme les réfugiés, ont tous témoigné avoir vu 
                        un avion israélien sans pilote capable de prendre des 
                        photos de reconnaissance, survoler le camp pendant le 
                        massacre. Et si c'était vrai, alors la conclusion était 
                        évidente : les Israéliens savaient très bien ce qu'ils 
                        faisaient." Après avoir interrogé les réfugiés et les 
                        soldats des Nations Unies, Robert Fisk entendit des rumeurs 
                        à plusieurs reprises qu'un soldat de l'ONU d'une base 
                        proche avait filmé tout à fait par hasard le bombardement 
                        de Qana ainsi que l'avion de reconnaissance israélien. 
                        Sa recherche du film mystérieux resta sans succès. On 
                        lui dit que les personnels de l'ONU avaient reçu les ordres 
                        strictes de ne pas parler de son existence à qui que ce 
                        soit. Deux jours après les funérailles communes des victimes 
                        du massacre de Qana, la sonnerie du téléphone de Fisk 
                        retentit dans son appartement de Beyrouth. Une voix anonyme 
                        lui donna une référence sur une carte et ajouta : "13h". 
                        L'audience de Fisk restait captivée par son récit émouvant, 
                        peut-être l'événement principal de la soirée, et mérite 
                        d'être reproduit mot à mot. La référence de carte indiquait 
                        un carrefour à l'extérieur de Qana. Je n'ai jamais conduit 
                        aussi vite jusqu'au Sud Liban. A 13h, dans mon rétroviseur, 
                        je vis une Jeep de l'ONU s'arrêter derrière moi. Un soldat 
                        de l'ONU en tenue de combat et portant le béret bleu s'approcha 
                        de moi, me serra la main et dit : "J'ai fait une copie 
                        de la vidéo avant que les Nations Unies ne la saisissent. 
                        On y voit l'avion. J'ai pris une décision personnelle. 
                        J'ai deux enfants en bas-âge. Du même âge que ceux que 
                        j'ai portés, morts, dans mes bras à Qana. C'est pour eux 
                        que je le fais." Et de sa chemise kaki, il sortit une 
                        cassette vidéo et la jeta sur le siège passager de ma 
                        voiture. C'était, je pense rétrospectivement, l'acte individuel 
                        et personnel le plus dramatique que j'ai jamais vu faire 
                        un soldat. Les grands pouvoirs peuvent parfois essayer 
                        de cacher des choses, mais les petites gens peuvent parfois 
                        gagner. Le film à l'état brut, sans coupures, montrait 
                        clairement la base des Nations Unies de Qana sous les 
                        bombardements avec l'avion sans pilote au-dessus. Fisk 
                        commenta la projection de la vidéo au public, montrant 
                        la trajectoire et la direction des obus qui venaient de 
                        l'extérieur. Un hélicoptère israélien était également 
                        visible au-dessus de Qana au moment de l'attaque, larguant 
                        des balises lumineuses pour éviter les missiles à tête 
                        chercheuse thermique. Qana était recouverte de fumée tandis 
                        que les obus d'artillerie tombaient du ciel. A un moment, 
                        les flammes étaient clairement visibles dans la base de 
                        l'ONU. Fisk annonça en montrant l'écran, "Ici, c'est la 
                        salle de conférence en feu. Il y a environ 50 personnes 
                        qui sont en train d'être brûlées vives en ce moment. Cette 
                        fumée, continua-t-il, montrant une autre section proche 
                        sur l'écran, provient en fait de la crémation de ces gens 
                        alors que les murs prennent feu." Le public restait immobile 
                        et silencieux comme des jurés dans un tribunal, tandis 
                        que Fisk présentait ses preuves avec la précision méticuleuse 
                        et le sang-froid d'un avocat de l'accusation démolissant 
                        de façon convaincante l'argument principal des avocats 
                        de la défense. Après que la vidéo fut arrêtée, il retourna 
                        sur le podium et finit son discours sur les phrases suivantes 
                        : "C'est ici, je crois, que le travail du journaliste 
                        doit s'arrêter et que les faits historiques doivent prendre 
                        la relève. Pour votre gentillesse ce soir, mesdames et 
                        messieurs, et pour votre gentillesse de m'avoir invité 
                        à Ottawa pour vous faire cette présentation, je vous remercie 
                        beaucoup." Un tonnerre d'applaudissement et une ovation 
                        debout s'ensuivit.  
                         
                        Robert Fisk, reporter vétéran du Moyen Orient, présenta 
                        une conférence le mois dernier devant un public de 350 
                        personnes, à Ottawa au Canada, intitulée "Menaces, Mensonges 
                        et Vidéo : Être correspondent au Moyen-Orient" . Le titre 
                        aurait pu aussi bien être : "Honnêteté et Intégrité Morale 
                        : Être correspondent au Moyen-Orient". Avec un style oral 
                        pénétrant et une diction anglaise parfaite, il parla pendant 
                        1h45, s'appuyant sur son expérience de 30 ans comme journaliste 
                        professionnel, dont 21 passés en tant que correspondent 
                        au Moyen-Orient et en Afrique du Nord.  
                         Source : The Palestine Times daté de juin 1997 
                         
                         
                           
                        Khiam, 
                        prison de la honte 
                        «Contribuer 
                        humblement à la mémoire…», disait la dédicace de Véronique 
                        Ruggirello, auteur de Khiam, prison de la honte*, lorsqu’elle 
                        m’adressa son livre à sa sortie en mars 2003. 
                         
                          
                        Jusqu’ici, 
                        je n’avais pas pu aller jusqu’au bout de ce terrifiant 
                        récit, celui recueilli auprès de douze survivants de la 
                        prison de Khiam au sud du Liban qui, de 1985 à 2000, servit 
                        de bagne et de centre de torture aux alliés libanais de 
                        l’occupant israélien.  
                        Certes, Jean Genet, dans Quatre heures à Chatila, nous 
                        avait déjà restitué l’horreur des massacres des deux camps 
                        palestiniens de Beyrouth en 1982. Mais ici ce sont les 
                        acteurs eux-mêmes qui restituent leur parcours personnel. 
                        Ainsi, Kifah, réfugiée palestinienne, numéro de détention 
                        2232 à Khiam, avait 12 ans en septembre 1982 lorsqu’elle 
                        allait rencontrer brutalement la mort, celle des hommes 
                        fusillés devant elle à la Cité sportive, celle de cette 
                        femme enceinte éventrée dans une ruelle du camp: J’ai 
                        eu peur, mais je crois que c’est vraiment à partir de 
                        ce moment là que je n’ai plus eu peur de mourir…J’avais 
                        la force de la haine. Après çà, là où il y avait des combats 
                        je me jetais dedans. Ecrit à partir d’entretiens avec 
                        les anciens de Khiam, ce récit nous livre d’abord les 
                        racines de la résistance. La conviction de la résistance 
                        à l’occupation israélienne s’est forgée lentement dans 
                        l’humiliation et s’est ancrée sous la torture pour, finalement, 
                        s’imposer avec force. Les récits de Namaan (numéro 2198 
                        à Khiam), Mohammad (N° 788), Afif (N° 1188), ou Degaulle 
                        (N° 7532) convergent pour nous décrire les images de guerre, 
                        leurs terreurs d’enfants, l’humiliation d’une maison détruite 
                        en représailles, la nostalgie d’une Palestine qu’ils n’ont 
                        jamais connue.  
                        Véritable parcours de psychologie post-conflit, le récit 
                        de Véronique Ruggirello nous entraîne dans l’univers effrayant 
                        d’une prison sans existence légale, sans règles et sans 
                        échéances. Et surtout sans pénétration du CICR jusqu’à 
                        1995. Autrement dit, un voyage au bout de l’horreur qui 
                        ne peut être restitué ici: «le nid», «le sac», «le poteau», 
                        «la souillure» ou «le pas du gardien» sont autant d’expressions 
                        qui se suffisent à elles-mêmes. Nul besoin d’en dire plus. 
                        Le vrai mérite de Khiam, prison de la honte, c’est ce 
                        patient travail d’entretiens et d’enquête, par lequel 
                        la parole est rendue à ceux qui en sont ressortis vivants. 
                        Vivants mais brisés. Et cette belle illustration du désespoir 
                        transformé en rage de survivre: De rien ils feront tout. 
                        La dérision va devenir un remède, l’humour un antidote, 
                        le chant un combat pour la liberté, et plus que tout, 
                        l’ingéniosité, une arme de survie contre l’ennui. Censés 
                        être annihilés, ils vont reconstruire une vie à l’échelle 
                        d’une cellule. Faire un film à plusieurs en assemblant 
                        des souvenirs personnels de films vus des années auparavant, 
                        récupérer dans la cour un lambeau de journal trempé pour 
                        y apprendre la chute du mur de Berlin en 1989, discuter 
                        dans le calme de philosophie ou de religion, apprendre 
                        à lire aux analphabètes, tout apprendre du métier d’un 
                        électricien ou de la science d’un médecin co-détenus, 
                        passer des heures à fabriquer une aiguille à coudre, redécouvrir 
                        après des années son visage dans un fragment de miroir, 
                        c’était en fait créer un morceau de vie dans le néant. 
                        De la libération du 24 mai 2000, retenons cette anecdote: 
                        A un jeune homme (libéré) qui ne retrouve pas sa famille, 
                        le journaliste propose son téléphone portable pour contacter 
                        quelqu’un: ‘ il a eu un mouvement de recul et m’a regardé 
                        étrangement. Il ne savait pas ce que c’était, du moins 
                        il ne pouvait pas croire qu’on puisse avoir un téléphone 
                        qu’on transporte comme cela dans un sac à main’. Avec 
                        ce récit poignant et engagé, l’auteur nous permet de comprendre 
                        un peu mieux la complexité de l’histoire contemporaine 
                        du Liban et la force du lien identitaire -une notion d’ordinaire 
                        occultée dans le Liban d’après la guerre civile- au sein 
                        de la résistance libanaise à l’occupation.  
                        Marco 
                        Medina  
                         
                        Editions 
                        L’Harmattan, Collection ‘Comprendre le Moyen-Orient’, 
                        Paris, mars 2003.  
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