Internet : 80% de la population mondiale sans accès
Tunis, Novembre 2005-
Difficile
à quantifier, la fracture numérique nen
demeure pas moins une réalité dans un monde
où les trois quarts de la population nont pas,
ou peu, accès aux télécommunications
de base. Sa réduction est lun des principaux
enjeux que sest fixé le Sommet de Tunis où
doivent se retrouver, du 16 au 18 novembre, dirigeants du
monde, représentants du secteur privé et de
la société civile. Deux ans après la
rencontre de Genève qui a permis dévaluer
cette fracture numérique, la deuxième phase
du Sommet mondial de la société de linformation
(SMSI) devrait se pencher sur les solutions techniques indispensables
pour réduire le fossé qui existe entre ceux,
peu nombreux, qui ont accès aux technologies de linformation
et de la communication et les autres, majoritaires, qui nen
soupçonnent même pas lexistence.
Les
statistiques de lUnion internationale des télécommunications
(UIT) sont à ce sujet éloquentes. Sur une population
mondiale de 6,2 milliards dhabitants en 2004, deux milliards
nauraient jamais passé un coup de fil de leur
vie. Toujours selon ces mêmes statistiques, seuls 1,2
milliard avaient une ligne fixe et un peu plus de deux milliards
avaient un téléphone mobile. Un dernier chiffre,
plus récent, avance lestimation que, dici
la fin de lannée 2005, Internet comptera un milliard
dutilisateurs, soit 14,6% de la population mondiale.
En 1996, il y a moins de dix ans, la Toile ne servait quà
40 millions dindividus.
La
première vraie fracture universelle est celle qui existe
entre les riches et les pauvres, que ce soit au sein du monde
développé, au sein du tiers-monde et naturellement
entre le Nord et le Sud. Elle a globalement pour conséquence
que les riches deviennent de plus en plus riches alors que
les pauvres deviennent de plus en plus pauvres malgré
de nombreux efforts pour tenter dinverser cette tendance.
Cet enrichissement des uns et cette paupérisation des
autres sont pour beaucoup aujourdhui illustrés
par ce que lon a appelé la fracture numérique
qui fait que, pour lessentiel, les technologies de linformation
et de la communication (TIC), qui sont autant dinstruments
de modernisation et de développement, demeurent, partout
dans le monde, le privilège dune minorité
possédante.
Une
croissance exponentielle trompeuse
La
fracture numérique vient du fait que les internautes
sont naturellement très diversement répartis
à travers la planète. Inventeurs de ce gigantesque
réseau de communication mondiale, les Etats-Unis en
sont les premiers utilisateurs avec, selon les statistiques
compilées par le Journal du Net, près de 203
millions dindividus connectés. Viennent ensuite
limmense Chine avec 103 millions, le Japon 78 millions,
lAllemagne 47 millions et lInde 39 millions. Mais
les chiffres qui semblent les plus impressionnants sont les
taux de croissance du nombre dinternautes enregistrés
en cinq ans. Quelque 684% pour lInde, 619% pour la Russie,
358% pour la Chine, 348% pour le Brésil contre seulement
112% pour les Etats-Unis et 65% pour le Japon.
Clairement
cest dans les pays au plus fort taux de croissance quInternet
semble se développer le plus. Mais ces chiffres sont
trompeurs puisque seuls 3,6% des Indiens, 7,9% des Chinois,
15,5% des Russes et 12,3% des Brésiliens ont accès
à la Toile alors que globalement, en Occident, sensiblement
plus de la moitié de la population est connectée.
Cette croissance exponentielle dInternet ne doit toutefois
pas cacher la dure réalité de la fracture numérique
puisque seuls 11% de la population mondiale ont aujourdhui
un accès au Net et 90% de ces internautes sont issus
des pays industrialisés.
Et
lAfrique
Cette
croissance, en outre, sest presque exclusivement faite
dans des zones où existaient déjà des
infrastructures de base et notamment lélectricité.
Or une personne sur trois dans le monde nest pas reliée
à un réseau électrique et les trois quarts
de la population de la planète nont pas ou peu
accès aux télécommunications de base.
La meilleure illustration du défi à relever
concerne le continent africain où vivent 14% des habitants
de la Terre et où seuls 1,8% ont accès à
Internet.
Aujourdhui,
les pays dAfrique du Nord sont certes reliés
à lEurope et à lAsie par plusieurs
câbles sous-marins comme lest aussi lOuest
du continent via une liaison à fibres optiques longue
de 28 000 kilomètres qui part du Portugal et va jusquen
Malaisie en longeant la côte atlantique jusquen
Afrique du Sud. Ces infrastructures permettent donc un accès
à haut débit à Internet, ce qui nest
malheureusement pas le cas des pays enclavés qui restent
desservis par des liaisons satellites coûteuses. Des
dizaines de milliers de villages nont en outre toujours
pas lélectricité, et si cet handicap a
depuis quelques années été relativement
bien contourné par le développement du téléphone
mobile, dont les multiples relais sont alimentés par
des panneaux solaires, il reste beaucoup à faire.
Mais
les spécialistes ne désespèrent pas de
parvenir un jour à réduire cette fameuse fracture
numérique. Pour cela ils tablent sur la recherche et
sur la mise en place de technologies moins coûteuses.
Ainsi à Tunis, Nicholas Negroponte, qui dirige le très
prestigieux Media-Lab du Massachusetts institue of technology,
devrait présenter officiellement son ordinateur portable
à 100 dollars destinés aux enfants du tiers-monde
et pour lequel quelque 4,5 millions de commandes ont dores
et déjà été passées.
Autant de prouesses technologiques qui pourraient paraître
encourageantes si elles ne risquaient pas de se heurter à
une autre fracture, culturelle celle-ci, entre ceux qui ont
accès à la lecture et le reste de la population
illettrée, dans le tiers-monde, certes, dans aussi
dans les pays développés.
Mounia Daoudi pour RFI