Carlos
Ghosn:
" Une des plus belles réussites de la
Libanité appliquée au monde des Affaires"
Il
était une fois...
Carlos Ghosn, ou la francophonie libanaise des
affaires entre
Brésil, France, Japon et... Liban "Je suis un praticien de la multinationalité"
Premiers
ennuis au
Liban pour l'icone
Carlos Ghosn:
Un juge expulse Carlos Ghosn de
sa résidence à Beyrouth
Carlos
Ghosn, de grand PDG déchu en héros de bande
dessinée
Sorti de la malle lex-PDG
de lalliance Renault-Nissan est le héros
du roman graphique « Escape Ghosn » qui revient
sur sa fuite du Japon dans une malle.
Mais quel est son quotidien
aujourdhui au Liban ?
Escape
Ghosn, histoire sur une évasion en BD et
sur un ton humoristique
Octobre 2023-
Carlos Ghosn mène toujours
une vie active à Beyrouth, se consacrant
à des start-up ou à ses activités
viticoles.
Il reste très occupé par plusieurs
problèmes légaux, comme sa plainte
contre ses ex-employeurs de l'industrie automobile
mondiale, Nissan et Renault.
Carlos Ghosn partage aussi son expertise entrepreneuriale,
principalement dans des pays sans accord d'extradition
avec le Japon.
« Je ne me vois pas davenir politique
», tranche-t-il toutefois.
Novembre
2020 Carlos Ghosn
veut s'offrir une réhabilitation médiatique
par le livre: A
quatre mois d'intervalle, l'ex-PDG de l'Alliance Renault-Nissan-Mitsubishi
s'apprête à publier deux livres. L'un se
veut d'abord comme un document économique où
il livre sa version des faits, tandis que l'autre se présente
comme un document intime, rédigé avec son
épouse. Mais tous deux se veulent d'abord la «
vérité » selon Carlos Ghosn.>>
Lire...
Le
livre de Carlos Ghosn édité au Liban par
Antoine / Grasset
Le 30 décembre 2019, Carlos Ghosn est devenu le
fugitif le plus célèbre de la planète,
quand le monde entier a découvert, à la
une des journaux, que lancien patron de lAlliance
Renault-Nissan-Mitsubishi avait réussi à
séchapper du Japon, où il était
en résidence surveillée, après avoir
été embastillé 130 jours au centre
de détention de Kosuge, à lissue dune
arrestation surprise le 19 novembre 2018.
Avec ce livre-événement, lopinion
publique internationale va enfin pouvoir comprendre les
tenants et aboutissants de ce drame.
-Une tragédie personnelle et familiale : le grand
patron révéré au Japon pour avoir
sauvé Nissan de la faillite en 1999, celui qui
a permis à Renault dobtenir les meilleurs
résultats de son histoire, est transformé
du jour en lendemain en paria, arraché au monde
et à sa famille. Et victime dune violente
campagne de diffamation orchestrée mondialement
par le Vieux Nissan et le bureau
du procureur de Tokyo.
-Une tragédie industrielle : lAlliance, premier
constructeur automobile mondial en volume en 2017 et 2018,
est décapitée, plongée dans une crise
profonde, les actions des entreprises massacrées
en bourse, au moment même où lindustrie
automobile mondiale fait face à une révolution
technologique sans précédent.
-Un thriller politico-judiciaire : cette affaire implique
au plus haut niveau le pouvoir politique au Japon et en
France et décrit un système judiciaire nippon
plus proche de celui dun pays totalitaire que dune
démocratie avancée. Lenjeu est lavenir
dun ensemble industriel employant plus de 450.000
personnes dans le monde, dans 120 usines. Des motifs du
coup dÉtat interne ayant conduit à
la chute de Carlos Ghosn à la question de sa rémunération,
de ses méthodes de management en passant par sa
vision de lavenir de cette industrie majeure, toutes
les questions sont ici abordées. Pour comprendre
ce qui sest déjà passé et peut
encore se passer.
Le Japon officiel a ouvert la chasse à Carlos Ghosn.
Il présente ici sa vérité.
Janvier
2020
Carlos Ghosn, prisonnier encombrant
dans un Liban
au bord de la faillite
Désormais traqué par la justice japonaise, l'ancien
patron de Renault-Nissan va devoir se réinventer dans un
espace beaucoup plus limité. >>
Lire...
De 2005 à 2020, le parcours de Carlos Ghosn apparait bien
singulier.
Fierté incontestable pour tous les libanais depuis ses
fonctions de PDG chez Renault, son image divise dorénavant
le pays suite à ses problèmes avec la justice japonaise
en 2018.
Sa fuite du Japon et son retour rocambolesque au Liban le 30 Décembre
2019 n'a fait qu'accentuer la passion autour de ce personnage
hors du commun.
Ce retour dans
le pays de ses racines alors que ce dernier se trouve également
dans une situation très singulière est le signe
pour certains que Carlos Ghosn pourrait jouer un rôle politique
au Liban.
A la veille de sa conférence de presse du 8 Janvier 2020,
est-il crédible de penser que Carlos Ghosn s'impliquera
un jour dans l'avenir du Liban? En tous cas, dès 2003 Il
exprimait déjà quelques idées sur la question...
Nous avons retrouvé ici la trace de son interview. Reste
à savoir si, depuis et dans les circonstances actuelles,
sa vision reste identique et dans quelle mesure il resterait motivé
à reproduire sa méthode pour aider le Liban...
Carlos Ghosn en visite au Liban en 2003: « Ma méthode pour sauver Nissan peut
être appliquée au Liban »
- Beyrouth, 14 Septembre 2003
-
Invité de marque en clôture du du 43e congrès international
des marchés financiers et comme à chacun de ses passages
au Liban depuis qu’il est devenu le célèbre président de Nissan,
Carlos Ghosn a pu répondre à la même question : votre méthode pour sauver le constructeur
japonais de la faillite
est-elle applicable au Liban ?
Les origines
libanaises de ce PDG ultramédiatisé l’exposent invariablement
au désir de ses compatriotes de trouver enfin le « sauveur » qui
redressera le pays. Et certains lui demandent parfois directement
s’il accepterait de tenir les rênes du gouvernement libanais…
Si le mythe du sauveur est une constante de la psychologie collective
libanaise, il est vrai qu’il trouve en Carlos Ghosn une incarnation
particulièrement alléchante : l’homme a orchestré le redressement
spectaculaire de Nissan, une entreprise que des géants du secteur
automobile avaient jugée impossible et avaient donc refusé de
racheter le constructeur criblé de dettes.
Invité pour clôturer les travaux du 43e congrès de l’ACI, l’Association
internationale des marchés financiers, au Biel, Carlos Ghosn a
expliqué la recette de son succès. Elle est applicable à toute
entreprise, entité publique ou pays en difficulté, a-t-il ajouté,
en réponse à la question de savoir si la méthode pourrait sauver
le Liban. La médiatisation extraordinaire dont Nissan et lui-même
bénéficient dans la presse nipponne et au-delà reflète d’ailleurs,
selon lui, l’idée que le cas de Nissan symbolise celui du Japon
tout entier. La plupart des observateurs voudraient trouver dans
le redressement du constructeur, devenu la deuxième capitalisation
boursière mondiale après Toyota, l’inspiration pour relancer l’économie
du Japon. La méthode est peut-être appliquée partout, mais pas
copiée, insiste Carlos Ghosn. C’est chez les gens qui composent
l’entreprise, la ville ou le pays que réside la solution. Le tout
est de les mobiliser autour d’objectifs très clairs, indiscutables
– effacer la dette, rétablir la rentabilité, augmenter les ventes,
etc. – en les intégrant dans le processus de recherche de solutions.
Si Carlos Ghosn n’a pas souhaité risquer un diagnostic concernant
le cas du Liban, il a en revanche résumé pourquoi, selon lui,
l’économie du Moyen-Orient n’a toujours pas décollé. « Créer de
la richesse n’est pas une priorité des gouvernements de la région,
constate-t-il simplement. Or de même que le profit n’est jamais
une conséquence, mais le moteur de l’activité d’une entreprise,
le développement économique doit être au cœur de la politique
d’un pays. » Et Carlos Ghosn de citer, à titre d’exemple, le cas
de la Chine, dont l’objectif national, fixé par les autorités,
est de quadrupler le produit intérieur brut. Le PDG de Nissan
donne toutefois un conseil : « Créez un véritable marché commun
arabe, car si les frontières sont aujourd’hui ouvertes sur le
papier, en réalité elles ne le sont pas. » Dans le secteur de
l’automobile par exemple, tout le marché arabe représente 500
000 unités par an, dont 50 % sont absorbés par l’Arabie saoudite.
Or une usine fabrique un minimum de 250 000 unités par an. Dans
ces conditions, quel constructeur se risquera à investir au Moyen-Orient,
sachant aussi que les marchés sont cloisonnés ?
« Ce qui est valable pour les voitures l’est aussi pour des quantités
de produits », dit-il, préconisant de créer un grand marché pour
inciter les investisseurs potentiels à se lancer dans la substitution
aux importations.
Conclusion:
Les Libanais pourront continuer à rêver que le PDG d’origine
libanaise leur donne la recette magique du sauvetage de leur pays
tout en commençant à sélectionner les ingrédients
nécessaires à cette entreprise ambitieuse....
Carlos Ghosn prend ses fonctions de PDG de Renault le 2 Mai 2005
(Photo Catherine Cabrol)
Le
volant de Renault a changé de mains dans la soirée du 29
Avril 2005:
l’arrivée à sa tête de Carlos Ghosn, toujours patron de Nissan,
marque la fin de 13 ans de présidence de Louis Schweitzer et ouvre
une nouvelle ère pour un constructeur automobile français de plus
en plus international. L’atypique et médiatique manager franco-brésilien
d’origine libanaise va, à 51 ans, devenir président de la direction
générale du groupe français, au terme de l’assemblée générale
des actionnaires de Renault. Parti de Renault en 1999 pour piloter le redressement de
Nissan, Carlos Ghosn va retrouver un constructeur en bonne santé
(bénéfice record de 3,55 milliards de dollars en 2004) qui a beaucoup
changé, avec un déploiement de plus en plus international, illustré
ces derniers mois par la fameuse Logan.
Le patron d’origine libanaise fait la couverture
du « Point »
«L’extraordinaire M. Ghosn. » Le titre est à la une de l’hebdomadaire
français Le Point qui publie cette semaine en couverture un portrait
du nouveau PDG de Renault. Le patron libano-franco-brésilien,
sauveur de Nissan, dirige depuis hier Renault,
succédant à Louis Schweitzer. Le Point lui consacre un
dossier de huit pages, dans lequel le nouveau PDG du quatrième
constructeur automobile mondial énonce, dans une interview, son
« plan pour Renault ». Pas de recette miracle, mais une stratégie
fondée sur le contact avec la réalité et la motivation du personnel
autour d’une stratégie aux objectifs bien définis.
Sa
nomination aux fonctions de PDG de Renault-Nissan était, depuis
près de deux ans, programmée pour le Printemps 2005.
Parcours
d'une personnalité dont la libanité en elle-même multinationale
s'exprime dans l'univers d'un grand groupe multinational et multiculturel.
Carlos
Ghosn affirme aussi volontiers:
"Le manager trop mou et le manager trop dur sont deux catastrophes."
"Ce qui est important, c'est l'avenir à long terme de l'entreprise.
"
Carlos
Ghosn, futur pilote redouté de Renault
Septembre 2004: « L’interrègne a déjà commencé,
mais il ne faudrait pas que cela dure trop longtemps », observe
Walter Pizzaferri, directeur au cabinet Stratorg. La passation
de pouvoirs entre Louis Schweitzer, qui conservera la présidence
non exécutive de la marque, et Carlos Ghosn, qui endossera le
costume de directeur général, est prévue pour avril 2005. Pourtant,
depuis des mois déjà, les managers de Renault s’activent fébrilement
pour mettre d’équerre leurs dossiers avant le retour en France
du très redouté redresseur de Nissan. Son style de management
direct risque de trancher avec celui, plus florentin, de Louis
Schweitzer. Carlos Ghosn a, certes, fait de Nissan le groupe
automobile le plus rentable du monde, avec une marge opérationnelle
de 11,1 % ! Mais sa réputation de cost cutter (réducteur de coûts)
effraie ! Il estime en outre qu’un constructeur ne peut figurer
parmi les survivants de l’automobile en Europe si sa rentabilité
opérationnelle minimale n’atteint pas 5 %. Un chiffre que Renault
peine à atteindre. « Ça va saigner ! » prédit un banquier du groupe.
Ghosn doit aussi cumuler la direction générale de Renault et la
fonction de chief executive officer de Nissan. Un double pilotage
qui devrait stimuler ce boulimique de travail. A Paris, il s’appuiera
sur une garde rapprochée, composée notamment de Thierry Moulonguet,
directeur financier de Renault, et de Jean-Baptiste Duzan, au
contrôle de gestion. Jean-Pierre de la Roque pour le Magazine
Challenges
A
l'occasion du Mondial de l'automobile, « Business Week »
consacre une enquête à Carlos Ghosn, le patron de Nissan qui s'apprête
à prendre aussi le volant de Renault. L'hebdomadaire rappelle
l'aspect désormais mythique du personnage : « Dans tous les Salons
de l'auto les plus en vue, de Paris à Pékin, son air cosmopolite
- Ghosn parle couramment cinq langues - et ses remarquables résultats
passés font de lui une véritable star. Il est aussi onctueux en
public que de la soie thaïlandaise. Et ses collègues s'émerveillent
de son magnétisme personnel, de sa capacité à travailler vingt-quatre
heures sur vingt-quatre et sept jours sur sept, et de sa passion
rigoureuse pour les comparaisons et les objectifs. Et comme si
tout cela ne suffisait pas, au Liban, dont il est originaire,
son nom apparaît depuis quelques semaines comme celui d'un candidat
possible pour devenir président. »
Mais, après avoir redressé Nissan de manière spectaculaire et
avant de succéder à Louis Schweitzer, « Business Week » se demande
« si Ghosn ne va pas trop loin et trop vite ». Avant d'ajouter
: « Ne va-t-il pas devoir être obligé de se faire cloner ? » Ce
à quoi l'intéressé répond : « Je ne serai pas un président à mi-temps
à la fois chez Nissan et chez Renault, mais un président à plein
temps avec deux casquettes. » Et ce que Carlos Ghosn entend faire,
c'est de créer un unique groupe automobile performant, à partir
de deux constructeurs distincts ; une ambition que Daimler-Benz
et Chrysler n'ont pas réussi à atteindre.
Et cette tâche, souligne « Business Week », sera d'autant plus
aisée à remplir que Louis Schweitzer a réussi à faire de Renault
la marque la plus vendue en Europe. Mais, surtout, l'alliance
Renault-Nissan fonctionne déjà très bien sur le plan opérationnel.
« Le seul pouvoir réel dont dispose un dirigeant d'entreprise,
rappelle Carlos Ghosn, c'est celui de motiver. Le reste n'a que
peu d'intérêt. » Et l'hebdomadaire de conclure que sa capacité
à motiver devra donc être plus forte qu'elle n'a jamais été par
le passé.
Extrait des
Echos, "le quotidien de l'économie"/
27.09.2004
Carlos
Ghosn - Sauveteur d'entreprises Voici le livre événement de la rentrée
économique 2003: « Citoyen du monde », de Carlos Ghosn,
chez Grasset.
Sachez que divers titres pour le livre tels
que "le Brise-Glace" ou "le Samourai" ont
été pressentis.Mais chacun d'eux ne donnait semble
t-il qu'une vue juste mais partielle du personnage.Sans doute
"Citoyen du Monde" correspond t-il finalement plus
parfaitement à Mr Carlos Ghosn; les extraits ci-dessous
devraient suffire à s'en convaincre...
Extraits LES RACINES
[Né au Brésil, où
son grand-père, Libanais de confession maronite, a joué les
pionniers, Carlos Ghosn baigne dès sa plus tendre enfance dans
un monde multiculturel où l'on parle aussi bien le portugais
et l'arabe que le français.] De ce grand-père qu'il n'a pas
connu, Carlos Ghosn Bichara - c'est sa signature complète -
parle avec déférence et familiarité. [...] « Mon grand-père
a émigré du Liban pour le Brésil quand il était très jeune.
Il est parti seul. Il devait avoir 13 ans. A cette époque, on
partait relativement très jeune puisqu'il n'y avait pas tellement
d'impératif scolaire. [...] Bichara Ghosn venait de Kesrouan,
la partie du mont Liban qui était maronite à cent pour cent.
Il y a chez les maronites une valeur de loyauté qui est très
importante. Loyauté vis-à-vis de l'Eglise et respect des traditions.
Ainsi la messe maronite est-elle toujours dite en syriaque,
une langue qui n'est plus parlée aujourd'hui mais qui était
la langue du Christ. Ces traditions et cette loyauté ont été
transmises de génération en génération dans la communauté maronite.
[...] Un beau matin de ce début de siècle, il est descendu de
son village pour aller prendre un bateau sur le port de Beyrouth.
Ensuite, trois mois de traversée jusqu'à l'arrivée au Brésil.
Il était à peu près illettré, sans le sou et ne parlait qu'une
seule langue, l'arabe. [...] " RETOUR AU LIBAN "
[A l'âge de 6 ans,
Carlos Ghosn part avec sa mère pour Beyrouth. Il y restera jusqu'à
la fin de ses études secondaires, effectuées chez les Jésuites.]
Tout au long des années 60, la vie de Carlos Ghosn est rythmée
par les visites régulières du père et les voyages en famille
vers le Brésil. [...] « Commence alors une période très stable.
Je vais faire toute ma scolarité dans le même collège. Les Jésuites,
cela a été très important pour ma formation. Ils dispensent
une éducation dans laquelle la discipline est très importante,
mais également la compétition, le défi permanent, un système
de classement qui incite les élèves à se dépasser. Mais, en
même temps, les Jésuites sont connus pour promouvoir une très
grande liberté intellectuelle. » Le recteur du collège Notre-Dame
est un Suédois, le père Jean Dalmais. Mais la majorité des enseignants
vient de France. Il y a aussi quelques Libanais ou Egyptiens.
« L'ordre des Jésuites, au fond, c'est la première multinationale
au monde. » Parmi ces hommes de foi et de haute culture, les
personnages très marquants ne manquent pas. « En classe de seconde,
nous avions un professeur de littérature française, le père
de Lagrovole. Il s'agissait d'un homme déjà assez âgé, très
sévère, petit, costaud, pas vraiment sympathique, mais il avait
une telle passion pour la littérature française que nous le
respections beaucoup. Même s'il était un peu hautain, sa passion
en faisait un modèle pour nous. [...] Il nous disait : "Quand
vous faites compliqué, c'est que vous n'avez rien compris. La
simplicité est la base de tout." Il avait une sagesse extraordinaire,
comme souvent ces prêtres détachés de leur famille, ayant quitté
leurs amis et vivant pour une mission qui était d'apprendre
à des Libanais, ou à quiconque à l'autre bout du monde, la langue
française. Il y avait en eux quelque chose qui fascinait : le
dévouement, la sincérité, la simplicité, la culture. J'ai beaucoup
appris. Quand j'ai quitté les Jésuites, j'avais un sens de la
discipline, de l'organisation, de la compétition, et puis le
goût du travail bien fait. »
Carlos Ghosn
Avec Philippe Ries Citoyen du monde Document
Carlos Ghosn est actuellement le co-président du conseil d’administration
de Nissan. Il doit succéder en 2005 à Louis Schweitzer à la
tête de Renault. Il vit à Tokyo. Philippe Riès, auteur chez
Grasset de Cette Crise qui vient d’Asie (1998 ), dirige le bureau
de l’A.F.P. à Tokyo. En mars 1999, Nissan Motor est une branche
malade de l’économie japonaise. Saturée de dettes, l’entreprise
ne sait plus comment se redresser. Lorsque Carlos Ghosn, au
nom de Renault qui prend alors 36,8 % du capital, annonce un
plan de redressement, une réduction de la dette, une renaissance
en deux ans, alors qu’il n’est entouré que d’un commando de
17 Français, on peut douter de ses déclarations. Le résultat
? En 2003, le bénéfice net de Nissan progresse de 33 %, son
chiffre d’affaires de plus de 10 %, sa dette est réduite à zéro.
Nissan est devenue l’une des entreprises les plus rentables
au monde ! Comment cela fut-il possible ? Comment une économie
réputée aussi impénétrable que celle du Japon a-t-elle su s’ouvrir
à de nouvelles et efficaces méthodes ? Comment s’intégrer à
un pays si différent ? Qu’est-ce qu’un manager sans frontières
? Ce livre passionnant, écrit avec la collaboration du journaliste
Philippe Riès, ne raconte pas seulement la renaissance de Nissan,
son plan de suppression d’emplois et de rationalité, son ouverture
à une culture étrangère, il explique de l’intérieur l’itinéraire
d’un homme hors du commun, bientôt à la tête d’un groupe bi-national.
Voici un autre visage de la mondialisation. Du Brésil où il
est né dans une famille libanaise à Clermont-Ferrand, où ce
polytechnicien sorti des écoles de la République, qui parle
l’arabe, le portugais et l’anglais, a su gagner la confiance
des « Bib’s », des Etats-Unis où il dirige les activités de
Michelin à un Tokyo en crise, le prochain patron de Renault
se raconte pour la première fois. Derrière l’image réductrice
du « Cost killer », il y a l’homme. « Il n’y a pas de limite
à ce que nous pouvons faire » dit-il à ses salariés. C’est l’une
des leçons, entre autres, de cette « success story »
"La
qualité de la relation avec Renault fonde la valeur de Nissan"
Entretien avec Carlos Ghosn, président de Nissan
LE MONDE | 02.09.03 | 13h00
Dans un entretien au "Monde", le patron fait le point sur l'alliance
à l'occasion de la sortie de son livre "Citoyen du monde". Cet
entretien a été relu et amendé par Carlos Ghosn.
Vous
publiez "Citoyen du monde", un livre d'entretiens avec le journaliste
Philippe Ries, où vous racontez votre parcours. Pourquoi ce
livre maintenant ?
En arrivant chez Nissan, j'avais l'impression que tout mon parcours
m'avait préparé à cela. Non pas que j'allais appliquer des méthodes,
des recettes, mais que tout ce que j'avais vécu allait me servir.
En 2001, j'ai voulu raconter l'expérience de Nissan dans un
livre qui s'appelle Renaissance. Il s'est vendu à 300 000 exemplaires
au Japon. Je n'ai pas voulu qu'il soit traduit, car il avait
été conçu pour le public japonais. Lorsque Philippe Ries m'a
contacté, il m'est apparu intéressant que le public européen
puisse découvrir ce qui s'est passé chez Nissan, relaté de l'intérieur.
Qu'est-ce qui vous motive ?
Le plus motivant, c'est quand on vous dit que quelque chose
n'est pas possible et que vous le faites. Deuxièmement, c'est
la progression des personnes qui sont autour de vous. Il y a
eu très peu de changements d'hommes chez Nissan. Et c'est cette
équipe, qui était incapable de faire des profits, de tenir une
part de marché et de concevoir une voiture excitante qui, en
quatre ans, est revenue dans le peloton de tête de l'industrie
mondiale. Ça c'est gratifiant. Ce livre peut-il être lu comme votre programme de futur président
par les gens de Renault ?
Pas du tout. S'il y a quelque chose qui ressort de ce livre,
c'est la nécessité de repartir d'une feuille blanche à chaque
fois. Même si vous êtes enrichi de vos expériences passées.
Le management, c'est de l'artisanat. Vous faites l'éloge de Renault-Nissan
comme un modèle de "mondialisation heureuse"...
Je pense que cette alliance est une référence, je ne dis pas
que c'est la seule. Il est indéniable qu'elle incarne une tendance
qui va continuer : les frontières sont en train de disparaître,
les gens ont besoin d'en savoir plus sur les autres. Mais vous
n'accepterez pas la mondialisation si vous pensez qu'elle menace
votre identité. Si l'alliance crée de la valeur, c'est aussi
parce que personne ne se sent menacé dans son identité, ni les
Français, ni les Japonais. Renault a été enrichi par son échec
passé avec Volvo. Le projet avait échoué parce qu'il était perçu
comme un rapport de forces par les Suédois. Chez Nissan, il
nous fallait, dès le départ, échapper à cette logique. Ce n'était
pas évident. Nous avons réussi. L'alliance a été très bien perçue
par les Japonais. Aujourd'hui, certains pensent même que Nissan
est devenu plus fort que Renault. C'est faux. Nous ne sommes
pas dans une logique de rapport de force. Le plus grand danger
pour l'alliance, c'est que l'un ou l'autre se mette dans cet
état d'esprit. Le rapport de force conduit à la destruction
de valeur. Vous ne craignez pas que certains, chez Renault, soient déjà
dans cet état d'esprit,
dans la perspective de votre retour ?
Avant un changement, il y a toujours une appréhension. Quand
je suis arrivé au Japon, c'était le cas. Les choses se sont
finalement bien déroulées, car mon approche proposait une vision
cohérente, un avenir partagé et qui motive tout le monde. Chez
Renault, je suis conscient qu'il y aura de l'anxiété, je ferai
avec. Lors de mon arrivée chez Renault en 1996, j'étais un Martien
! Je venais des Etats-Unis, d'un groupe familial, Michelin,
j'étais jeune, inconnu, je n'étais pas un apparatchik, et j'ai
été nommé au comité exécutif ! Cela s'est très bien passé pour
moi et, je pense, pour tous ceux qui ont travaillé avec moi.
Je n'ai pas changé. En ce qui concerne l'alliance Renault-Nissan, diriez-vous
que le plus dur est fait ?
Le jour où vous vous dites cela, vous êtes bon pour la retraite
! Quel regard portez-vous sur la situation de Renault ?
Vous savez, un constructeur automobile est une organisation
très complexe. Je peux vous parler du Renault que j'ai connu
de l'intérieur de 1996 à 1999. Depuis 1999, je me suis impliqué
totalement dans mon rôle de patron de Nissan. Je suis certes
administrateur de Renault mais, comme vous le savez, les administrateurs
ne sont pas forcément les gens les mieux informés de ce qui
se passe dans une entreprise. Je suis aussi membre du conseil
de Sony et d'Alcoa, et, franchement, il y a des moments où je
suis incapable de donner un avis. On imagine quand même que
vous avez un œil plus aiguisé sur Renault... J'ai probablement
un regard plus averti, mais pas suffisant pour vous dire que
j'ai en poche les recettes pour l'avenir. Il y a une autre raison
: Renault a un seul patron, c'est Louis Schweitzer. En 2005,
ce sera la même chose : il y aura aussi un seul patron. Avant
c'est avant, après c'est après. Mais Nissan a été redressé plus vite que prévu. Vous ne piaffez
pas de revenir à Paris ?
C'est Louis Schweitzer qui a choisi avril 2005. S'il avait choisi
2006, c'eût été aussi très bien. Et avril 2004 ?
J'ai toujours souhaité que le processus de renaissance de Nissan
soit mené à son terme. Le plan stratégique se termine en mars
2005, nous sommes donc dans le bon calendrier. Ce que je fais
chez Nissan me passionne. Ce serait faux de penser qu'il y a
quelqu'un à Tokyo dont les valises sont déjà prêtes, et qui
n'attend qu'un coup de téléphone pour débarquer à Paris. La valorisation de Renault en Bourse n'intègre pas Nissan,
qui contribue pourtant largement aux résultats.
Les analystes font comme si la participation de Renault dans
Nissan n'existait pas, puisqu'elle n'a pas vocation à être vendue.
Ils ne prennent en compte que le flux de cash et le dividende.
Peut-il y avoir une OPA ?
Il peut toujours y en avoir ; mais la qualité de la relation
avec Renault fonde aujourd'hui la valeur de Nissan. Je ne suis
pas sûr que cette qualité demeurerait en cas d'OPA. Or, si cette
qualité était remise en cause, ce qui est aujourd'hui un atout
risquerait de devenir un handicap. Il n'en faut pas beaucoup
pour démotiver les gens. Quand un constructeur marche bien,
il est extrêmement créateur de richesses. Quand il va moins
bien, il en détruit beaucoup. Le gouvernement a vendu 8,5 % de Renault cet été, mais il
a annoncé qu'il souhaitait rester à 15 % afin de "contribuer
à la stabilité de l'actionnariat". Qu'en pensez-vous ?
La présence de l'Etat protège d'une aventure, elle n'est pas
une garantie de réussite. Si, pour un certain nombre de raisons,
l'Etat devait se retirer, on ferait avec. Le paysage du capitalisme occidental a beaucoup changé depuis
votre départ d'Europe... La réaction qui a fait suite aux
scandales Enron, WorldCom, me semble très saine. Le message
est très positif : on ne s'assied pas sur les erreurs ou les
fautes, on les corrige. Il y a trop de systèmes où les erreurs
sont cachées. En matière de gouvernance, les entreprises se
cherchent, un peu partout dans le monde. Il y a une chose qu'aucun
système de gouvernance ne peut remplacer : quand quelqu'un a
une responsabilité, il l'assume. Si on commence à mettre trop
de garde-fous, de contrôles, on risque de perdre l'énergie qui
est à la base de la création d'entreprise. Il faut évidemment
un minimum de contrôles, mais il ne faut pas que le contre-pouvoir
devienne plus puissant que le pouvoir. La qualité d'un système
dépend des résultats auxquels il aboutit. Que pensez-vous de la décision de Microsoft de supprimer
les stock-options ?
Ils les ont supprimées parce que l'action s'est stabilisée à
un très haut niveau, alors évidemment ça ne paie plus ! Chez
Nissan, nous avons encore une bonne marge de progression. Alors,
moi, je crois encore aux stock-options...
Propos recueillis par Pascal Galinier et Stéphane Lauer •
ARTICLE PARU DANS L'EDITION DU 03.09.03
>>> A Lire aussi dans le Magazine Challenges de Septembre
2003: "Le
patron de Nissan, un bolide sûr de ses performances"
Petit Extrait:
..."Carlos a quand même l’air un peu fatigué quand, ce
dimanche, il débarque à Europe 1, dans le studio de Jean-Pierre
Elkabbach, directement de Roissy en provenance de Tokyo. Pendant
une heure, il racontera ce chemin exceptionnel qui l’a mené,
lui le Brésilien de naissance, le Libanais de cœur et le
Français de formation,
à cette réussite industrielle hors norme:"...
Le magazine «Fortune»
classe Carlos Ghosn, le PDG du constructeur japonais d’automobiles
Nissan, parmi les 10 personnalités les plus puissantes de la planète.
cliquez pour voir la liste Septembre
2003- Ce classement récompense le travail effectué depuis
1999 par le PDG français d’origine libanaise pour sauver le constructeur
automobile japonais de la faillite. L’année dernière, Nissan a
affiché la marge bénéficiaire la plus élevée du secteur mondial
de l’automobile, avec des bénéfices de 4,1 milliards de dollars
sur un chiffre d’affaires de 56 milliards de dollars, note Fortune.
Carlos Ghosn s’est déclaré « honoré par cette distinction », ajoutant
que s’il avait joué un rôle dans la croissance de Nissan, « toute
la société avait travaillé sans relâche pour soutenir le plan
de redressement et réussir ».
Juillet 2003
Hebdo Magazine,
spécial
Carlos Ghosn
Son histoire
Ses méthodes
Sa réussite
En exclusivité
Un des dix premiers dirigeants les plus respectés
du monde, selon le Financial Times, celui qui a réussi l'exploit
de redresser Nissan en créant une alliance avec Renault, après
un double échec essuyé par Ford et Daimler-Chrysler. Celui qu'on
a surnommé le cost-killer et qui défraye les chroniques économiques
internationales, Carlos Ghosn, est un citoyen du monde. Il a passé
une partie de son adolescence sur les bancs du collège Notre-Dame
de Jamhour où il a côtoyé le PDG du groupe Magazine, Charles Abou
Adal, qui, à ce titre, a voulu exceptionnellement interviewer
son camarade d'école.
Depuis
qu'il fut nommé en 1999 Président de Nissan Motor
dont Renault détient une importante participation, on ne
compte plus les distinctions obtenues dans le monde du Management
par ce travailleur brillant qui honore la Diaspora libanaise.Il
faut dire que le redressement et surtout la rapidité de
celui-ci, dans un environnement économique mondial dégradé,
intrigue plus d'un grand manager de la planète.Tantôt
Français, Libanais ou Brésilien, il incarne une
mobilité toute libanaise et une libanité qui se
revèle sans doute un atout majeur de sa réussite.
Membre de fait de cette francophonie libanaise, il illustre avec
bonheur que celle-ci fait bon ménage avec le monde des
affaires.Il était donc plus que juste et naturel de souligner
un itinéraire d'exception.
« Comment Carlos Ghosn a sauvé Nissan
»
en vente à la Librairie Orientale.
Carlos Ghosn est un habitué des médias. Son
nom figure depuis longtemps dans les kiosques à journaux. Le
patron de Nissan a aussi fait l’objet d’une bande dessinée,
sans compter les thèses qui lui sont consacrées. Il est désormais
en rayon dans les librairies. David Magee, un journaliste américain,
lui a en effet consacré un livre* pour mieux comprendre comment
ce Français d’origine libanaise a sauvé le constructeur japonais.
L’ouvrage a été traduit en français aux éditions Dunod. Il raconte
l’histoire d’un redressement spectaculaire en expliquant la
méthode Ghosn : une véritable leçon de management. Nissan a
été l’un des fleurons de l’industrie japonaise avant de symboliser
la crise de l’économie nipponne. La conclusion d’une alliance
avec Renault, en 1999, marque le début d’une nouvelle période.
Créé en 1933, Nissan a débarqué aux États-Unis dès les années
1950, sous la marque Datsun. C’était un pari risqué au lendemain
de la Deuxième Guerre mondiale pour une entreprise venant d’un
pays vaincu, mais un pari réussi. En 1975, Datsun devient le
premier importateur de véhicules aux États-Unis, et c’est à
cette période que le monde occidental commence à s’intéresser
aux méthodes de travail japonaises. En 1983, le constructeur
ouvre une usine au Tennessee et se met à vendre ses voitures
sous le nom de Nissan. Les problèmes débutent à partir des années
1990. Ils viennent du conservatisme des dirigeants de Nissan,
mais aussi des traditions économiques du pays du Soleil Levant.
Les grandes entreprises y sont liées entre elles par un système
de relations client-fournisseur, baptisé Keiretsu, qui consiste
en des participations croisées. Trente à cinquante pour cent
du capital de ces grandes entreprises son détenus par des entreprises
faisant partie du même Keiretsu. Ce système a été un moteur
puissant pendant les années fastes, mais il s’est révélé très
handicapant au moment du retournement de conjoncture. Pour Nissan,
le Keiretsu a été synonyme de gonflement exorbitant de ses coûts
de production, car il l’obligeait à effectuer ses achats auprès
des mêmes fournisseurs qui, bénéficiant d’un marché captif,
ne faisaient aucun effort de compétitivité. Dans la seconde
moitié des années 1990, Nissan croule sous les dettes et multiplie
les déconvenues. Le constructeur caresse un temps l’espoir d’une
fusion avec un autre groupe de taille mondiale, mais les discussions
avec DaimlerChrysler et Ford n’aboutissent pas. C’est alors
qu’intervient Renault. Le groupe français qui sort d’une phase
de restructuration cherche des partenaires pour se développer
hors d’Europe. Alliance avec Renault
Carlos Ghosn, alors directeur général chez Renault, pousse à
l’alliance avec Nissan. Le patron du groupe français prend la
décision d’injecter cinq milliards d’euros d’argent frais dans
l’entreprise japonaise en acquérant 36,8 % du capital. Ghosn
est nommé directeur général de Nissan en 1999 (il n’en deviendra
le PDG qu’en 2001). Pour lui, il s’agit d’un défi bien plus
grand que ceux qu’il a déjà relevés au sein de Michelin, d’abord,
puis de Renault, ensuite. Car, cette fois, c’est à lui que revient
le dernier mot, le pouvoir décisionnel. Le défi culturel est
plus grand que le défi économique, car le diagnostic des problèmes
de Nissan est évident, mais la difficulté consiste à mener à
bien la réforme. D’autres s’y sont cassé les dents avant Carlos
Ghosn. Mais le nouveau patron dispose d’une recette qui a déjà
fait ses preuves ailleurs : il pense qu’à tous les échelons
de l’entreprise les employés ont des solutions aux problèmes
qui se posent. Au lieu d’appliquer des plans préconçus, il prend
la peine d’écouter tout le monde et organise des groupes de
travail réunissant des salariés de différents grades et de différentes
cultures, en l’occurrence des Japonais et des Français. Ces
groupes transversaux sont la clé de la conception du « plan
de renaissance de Nissan ». Ils sont aussi la raison de la conclusion
de l’alliance entre Renault et Nissan dont le but est de créer
des synergies entre les deux groupes à tous les niveaux. Contrairement
aux fusions, qui conduisent à la domination d’un constructeur
sur l’autre, l’alliance se veut respectueuse de l’identité de
chacun. Au lendemain de l’annonce du plan de renaissance, en
octobre 1999 la plongée du cours de l’action de Nissan témoigne
du scepticisme des opérateurs quant à la capacité de Carlos
Ghosn à bouleverser les traditions japonaises. Car le nouveau
patron n’y va pas de main morte pour donner un coup de pied
dans la fourmilière, qu’il s’agisse de l’emploi à vie dans une
entreprise ou des Keiretsu. Il faut dire qu’il dispose d’arguments
massues : en comparant les prix des fournisseurs de Nissan à
ceux de Renault, il démontre que le constructeur nippon se fait
voler par ses fournisseurs en payant tout 25 à 40 % plus cher
que ses concurrents. Mais, au préalable, il a pris soin d’expliquer
sa démarche, de motiver les employés en les impliquant et de
fixer des objectifs précis qui servent de repères. « Beaucoup
de PDG ont une vision, mais lui a cette capacité à s’intéresser
aux actions », témoigne Philippe Klein, vice-président de Nissan,
cité par David Magee. Un investissement d’un milliard de dollars
Les trois points-clés du plan de renaissance sont les suivants
: réduire les coûts d’exploitation de 1 000 milliards de yens
(8,7 milliards d’euros) ; diviser par deux le nombre de fournisseurs
; faire baisser l’endettement financier de 1 400 milliards de
yens, à moins de 700 milliards à la fin de l’exercice 2002,
soit une réduction de six milliards de dollars après injection
des fonds par Renault. S’il reste fidèle à sa réputation de
« Cost Killer », Carlos Ghosn sait que la restructuration de
Nissan n’est qu’une première étape, mais que l’avenir dépend
de la capacité du constructeur à développer des modèles innovants.
Parallèlement au plan de restructuration, le nouveau patron
décide d’un investissement d’un milliard de dollars pour la
construction d’une nouvelle usine au Mississippi destinée à
refaire de Nissan une marque phare sur le marché américain.
Un an après la mise en œuvre du plan, en mai 2001, Nissan annonce
des résultats financiers record. Les coûts d’achat sont réduits
de 11 % soit la moitié de l’objectif final prévu au bout d’une
période de trois ans. La marge opérationnelle s’établit à 5,4
%, la plus élevée de l’histoire de Nissan. Le taux d’utilisation
des usines du Japon augmente de 51 % à 74 %. Et, cerise sur
le gâteau, en un an, les ventes augmentent de 4 % alors que
la croissance à court terme ne faisait pas partie des objectifs.
Fort de ces premiers résultats qui font de lui une vedette internationale,
Carlos Ghosn a fixé à Nissan de nouveaux objectifs en avril
2002, baptisé plan 180. Le « 1 » sigifie un million de véhicules
vendus en plus dans le monde à la fin de l’exercice 2004, par
rapport à 2001, soit une croissance de 40 %. Le « 8 » signifie
une marge opérationnelle de 8 %, un chiffre qui placerait Nissan
en tête du secteur automobile mondial en termes de rentabilité.
Et le « 0 », signifie zéro dette. Le livre de David Magee se
termine sur ces nouveaux objectifs. Mais, il est d’ores et déjà
possible de dire que le pari est en grande partie gagné puisque
deux des trois objectifs ont été atteints au bout d’un an. Fin
avril, Nissan a annoncé des bénéfices d’exploitation de 737
milliards de yens (6,25 milliards d’euros) pour l’année fiscale
2002 qui s’achève fin mars au Japon. Et Carlos Ghosn a expliqué
que Nissan avait éliminé totalement la dette et enregistré une
marge opérationnelle de 10,8 %, un record mondial dans le secteur
de l’automobile. Reste à réaliser le pari en termes de ventes.
Pour l’année fiscale 2002, Nissan a vendu 2 771 000 véhicules
à travers le monde, soit 6,7 % de plus qu’en 2001.
Classement: Carlos
Ghosn fait une entrée remarquée parmi les dix premiers dirigeants les
plus repectés en 2002, estime le « Financial Times »
Bill Gates, cofondateur
de Microsoft, a remplacé l’ancien patron de General Electric, Jack Welsh,
à la place enviée de « patron le plus respecté au monde » en 2002, selon
une enquête annuelle du Financial Times. General Electric reste en revanche
numéro un des entreprises les plus respectées du monde, pour la cinquième
année consécutive, selon cette enquête réalisée chaque année depuis
1998 auprès d’un millier de chefs d’entreprise dans 20 pays par le cabinet
de conseil PricewaterhouseCoopers pour le FT. Interrogés sur les patrons
qu’ils respectent le plus, ces chefs d’entreprise ont cité Bill Gates,
juste devant Jack Welch qui a pourtant pris sa retraite l’an dernier.
Un autre retraité, l’ancien patron d’IBM Lou Gerstner, arrive en troisième
position devant Michael Dell, du groupe informatique éponyme, et le
financier Warren Buffet, l’un des rares à avoir échappé aux ravages
de la bulle Internet. Le patron de Nissan Carlos Ghosn fait une entrée
remarquée parmi les dix premiers patrons, progressant de la 20e à la
7e place. Lindsay Owen-Jones, le patron du français L’Oréal, arrive
en 21e position alors qu’il était classé à la 30e en 2001. Sur cette
liste de 50 noms apparaissent deux autres Français, Bernard Arnaud (LVMH)
et Louis Schweitzer (Renault). Le seul chef d’entreprise d’un pays en
développement est l’Indien Ratan Tata, patron du conglomérat Tata, classé
50e. La liste des 60 entreprises les plus respectées du monde est largement
dominée par des compagnies anglo-saxonnes, les sociétés américaines
et britanniques représentant près de 60 % du total. Huit groupes américains
figurent parmi les dix les plus fréquemment cités : General Electric,
Microsoft (en deuxième position), IBM (3), Coca-Cola (4), General Motors
(7), Wal-Mart (8), 3M (9) et Dell (10). Les japonais Toyota et Sony
se glissent en 5e et 6e position. Le suisse Nestlé arrive à la 13e place,
L’Oréal (30) étant le premier groupe français cité dans ce classement,
devant Renault (39). Le constructeur aéronautique européen Airbus arrive
en 38e position
Portrait
Carlos Ghosn Né
au Brésil en 1954 de parents libanais puis diplomé
de l'Ecole Polytechnique et des Mines de Paris, Carlos Ghosn
est marié et père de trois filles et d'un garçon.
Il
assume volontiers son surnom de Briseur de glace ou "Icebreaker"que
lui décerna le PDG du groupe DaimlerChrysler pour saluer
ses capacités à ignorer les pratiques de business
locales qui ouvre la voie vers la profitabilité.
Le
constructeur nippon affiche des résultats semestriels record
en 2002: En
dépit d’une rentabilité désormais au top niveau de l’industrie
automobile mondiale, Carlos Ghosn, le président-directeur général
de Nissan Motor Company, a affirmé hier que le meilleur était
encore à venir pour le constructeur japonais contrôlé par Renault.
Pour la cinquième fois consécutive, Nissan, sauvé d’une faillite
quasi-certaine en mars 1999, par son alliance avec le constructeur
français, a affiché des résultats semestriels record. Avec une
marge bénéficiaire de 10,6 %, le numéro trois nippon est installé
dans le peloton de tête de la rentabilité chez les constructeurs
généralistes.
« Le meilleur est encore à venir », a lancé M. Ghosn en présentant
à la presse les résultats préliminaires non audités pour la
période avril-septembre 2002. Les chiffres affichés, le bénéfice
net semestriel progressant de 24,2 % à 286 milliards de yen
(2,5 milliards d’euros), ont suscité la réaction positive des
analystes et pourraient faire flamber l’action Nissan aujourd’hui
à la Bourse de Tokyo. Pour l’ensemble de l’année, le bénéfice
net est attendu à 4.90 milliards de yens (4,2 milliards d’euros).
Le directeur général de Nissan n’a pas ignoré les nuages noirs
qui s’accumulent à l’horizon de l’industrie automobile mondiale.
Parmi les principaux dangers, il a cité une contraction du marché
automobile américain, une reprise possible du mouvement de grève
des dockers sur la côte Ouest des États-Unis qui pénaliserait
lourdement les exportateurs japonais, et la perte de confiance
qui affecte les marchés financiers au Japon. Il y oppose essentiellement
la dynamique créée par le redressement spectaculaire de Nissan,
dont l’entrée en force sur le marché chinois est la plus récente
illustration.
Des trois engagements au cœur de ce programme triennal, qui
a succédé au Plan de renaissance de Nissan bouclé en mars dernier
avec un an d’avance sur le calendrier, l’un est déjà dépassé,
la marge bénéficiaire. L’autre, sur l’endettement, est pratiquement
atteint. La dette de Nissan, qui représentait 2 100 milliards
de yens en mars 1999, serait ramenée à seulement 80 milliards
fin mars 2003. Reste l’augmentation d’un million d’unités des
ventes mondiales du constructeur d’ici à fin mars 2005. Au Japon,
la bonne nouvelle est que les nouveaux modèles lancés récemment
ont enfin permis de renverser la tendance historique au déclin
de la part de marché de Nissan. Le numéro trois nippon a gagné
en six mois 1,2 point de part de marché, à 18,8 % (hors le segment
des mini-voitures sur lequel il vient tout juste de faire son
entrée). Selon Carlos Ghosn, Nissan vend en moyenne chaque mois
plus de 14 000 unités de la nouvelle petite March, très au-delà
de l’objectif de 8 000 ventes mensuelles. Quand à la nouvelle
Fairlady Z, lointaine héritière de la légendaire Datsun 240
Z, le quota de ventes pour l’année a été écoulé en deux mois.
Aux États-Unis, en dépit du refus de M. Ghosn de suivre les
constructeurs américains dans une politique de rabais qu’il
juge « insoutenable », la part de marché de Nissan a néanmoins
progressé de 4 à 4,2 %. Le point noir reste l’Europe, où Nissan
réussit l’exploit de ne plus perdre d’argent mais où les ventes
ont chuté de 9,4 % entre avril et septembre.
M. Ghosn a estimé que la marque continuerait à souffrir jusqu’à
l’arrivée en janvier prochain de la nouvelle Micra, sœur européenne
de la March. Et il a indiqué que Nissan offrirait bientôt des
moteurs diesel d’origine Renault sur toute sa gamme européenne
de voitures particulières. Pour encourager les petits actionnaires
japonais, qui ne détiennent que 6 % du capital de Nissan, à
revenir sur le titre, Carlos Ghosn proposera de tripler en trois
ans le dividende annuel, qui passerait de 8 à 24 yens d’ici
à 2005. C’est aussi une bonne nouvelle pour Renault, qui détient
44,4 % des actions.
Libanais de souche, Brésilien de coeur, Carlos Ghosn
sera t-il prophète en son pays, la France dès
2005?
par PATRICK LAMM
Quotidien "Les Echos"
à l'occasion de la sortie de Citoyen du Monde le 3 Septembre
2003.
Le
sauveur de Nissan et futur patron de Renault est devenu l'archétype
du manager de la mondialisation en marche. Publicité Inconnu
en 1999, Carlos Ghosn est aujourd'hui une icône du capitalisme
international. Et en 2005, c'est-à-dire demain, il sera le patron
de Renault. Une ascension hors du commun pour un homme hors
normes. Par quelles recettes ce Français d'adoption, Libanais
de souche, Brésilien par sentiment, a-t-il, en moins de quatre
ans, redressé le géant japonais de l'automobile Nissan au point
d'en faire aujourd'hui la « vache à lait » de son principal
actionnaire, Renault ? Comment ce polyglotte, véritable archétype
de la mondialisation par ses origines, sa culture et les divers
postes qu'il a occupés dans sa carrière, a-t-il gagné ses galons
de capitaine d'industrie dans un pays aussi fermé aux étrangers
que le Japon, qui lui consacre aujourd'hui un manga ? Comment
ce « cost killer » a-t-il réussi le tour de force d'être vénéré
au Japon ? Voilà quelques-unes des questions qui viennent à
l'esprit quand on parle de Carlos Ghosn. Aussi le livre qu'il
a écrit, en compagnie du journaliste de l'AFP Philippe Riès,
était-il très attendu. Et, disons-le d'emblée, le résultat est
relativement décevant. Cela tient plus à la forme de l'ouvrage
qu'au fond. Le livre hésite entre deux genres : la biographie
au début et la leçon de management dans sa seconde partie. Ce
qui en fait un ensemble peu homogène et peu harmonieux. Par
ailleurs, le fait qu'il ait été écrit à quatre mains en a compliqué
la structure, trop brouillonne. Trop long, il aurait gagné à
être allégé, notamment dans sa première partie, où Carlos Ghosn
s'étend un peu trop sur ses origines, sa famille, ses études... Conserver
son identité
Pourtant, il faut lire « Citoyen du monde ».
Certes, on peut regretter que Carlos Ghosn ne soit pas plus
disert sur plusieurs sujets pourtant fort intéressants. Ainsi
on reste sur sa faim concernant les passages spécifiquement
consacrés à Renault. Tout l'aspect politique de la fermeture
de l'usine belge de Vilvorde, en particulier, est occulté. De
même, le livre est un peu court sur les conditions dans lesquelles
le gouvernement français s'est rallié à l'accord avec Nissan.
Tout l'intérêt du livre réside dans l'exposé de la méthode employée
par cet « hommes de défi », qui ne semble jamais douter de lui,
pour redresser le constructeur automobile japonais, plongé dans
un coma profond en 1999. Tout le plan NRP (« Nissan Revival
Plan ») est minutieusement décrit avec ses « équipes transverses
», les fermetures de sites, le démantèlement du keiretsu Nissan
et l'élaboration concomitante de projets de développement, le
tout accompagné de l'engagement du « patron » de partir au cas
où le plan ne réussirait pas. Carlos Ghosn insiste sur d'autres
éléments plus immatériels : la communication, la transparence,
la motivation des hommes non par la récompense mais par l'incitation.
Par-delà ce cours de management, l'homme fort de Nissan nous
fait partager quelques-unes de ses convictions. L'avenir, nous
dit-il en substance, est aux entreprises multi- culturelles,
à la mondialisation, mais dans le respect des identités. « Le
monde qui est en train de se construire repose sur des liaisons,
des mixages, où il faut savoir conserver son identité tout en
collaborant avec d'autres. » Son credo - respect des identités
et développement des synergies - s'accompagne du refus des rapports
de force. Sur des sujets plus pointus, Carlos Ghosn juge le
marché américain incontournable, croit dans les potentialités
de la Chine, mais doute des véhicules hybrides. Refusant les
diver- sifications, il ne repousse pas l'effet taille qui, dit-il
« fournit un matelas qui amortit les chocs ». Reste à savoir
si ce « citoyen du monde » sera prophète en son pays. Réponse
à partir de 2005.
Itinéraire
Avant
de rejoindre Nissan,
Mr Ghosn entra chez Renault en 1996 et fut nommé Vice-Président
executif en charge du Management général en Décembre
1996.
Dans cette fonction, ses responsabilités recouvraient
la recherche avancée ainsi que l'ingénierie et
le developpement des véhicules, les opérations"powertrain",
les achats , l'usinage et la zone d'Affaires MERCOSUR en Amérique
latine.
Mr Ghosn
rejoigna Renault après une assez longue carrière
chez l'équipementier pneumatique Michelin ou il était
entré en 1978.Durant ce passage, il a tenu diverses positions
dans les usines de production et le centre opérationnel
de développement de la Compagnie.En 1981, Ghosn fut nommé
Directeur de l'usine du Puy dans le centre de la France.Puis
entre 1984 et 1985, il fut à la tête de la recherche
et du développement en matière de pneumatiques
à destination de l'agriculture et engins de chantiers
à Ladoux en France.
Durant les
quatre années suivantes, Mr Ghosn occupa la fonction
de chef des opérations du Groupe Michelin pour le continent
Sud-Américain. En 1989, il fut nommé Président
et directeur des opérations de Michelin Amérique
du Nord.Acette fonction, il négocia la fusion entre Michelin
Amérique du Nord et Uniroyal Goodrich Tire Co.En 1990,
Mr Ghosn fut nommé Président-Directeur-Général
de Michelin Amérique du Nord.Il fut alors notamment responsable
de l'assimilation et du développement de la nouvelle
stratégie multi-marques de Michelin USA suite à
l'acquisition de la Société Goodrich.
Outre ses
fonctions de PDG de Nissan, Mr Carlos GHosn assume également
les fonctions de Directeur Général de Renault
et depuis 2002 d'Administrateur d'Alcoa
Carlos Ghosn :
transparence et performance, les clés du redressement Nissan
ou la crédibilité retrouvée
(Photo Jean-Loup Bersuder)
Il
a réussi là où d’autres ont échoué.
En jouant les cartes de la transparence et de la performance,
il a su redonner à la marque Nissan la crédibilité qu’elle avait
perdue. Qualifié de « martien » par les médias français à son
arrivée chez le constructeur automobile Renault, Carlos Ghosn
est aujourd’hui, et selon des statistiques officielles publiées
au Japon, perçu par les chefs d’entreprise comme étant le quatrième
meilleur manager du pays. Il est d’ailleurs le centre d’intérêt
de nombreux auteurs japonais et étrangers, qui tentent de donner
la recette de sa réussite. Une réussite qui le désignera comme
successeur de Louis Schweitzer à la présidence de Renault dès
2005. Au cours d’une entrevue exclusive, le PDG de Nissan livre
à « L’Orient-Le Jour » les facteurs-clés du redressement de
l’entreprise, à savoir, la communication et la performance.
«Je n’ai jamais été un communicant très extraverti, au cours
des dix premières années de ma carrière, lorsque j’étais chez
Michelin, » avoue Carlos Ghosn. Et pourtant, depuis son arrivée
à la tête de Nissan au Japon, la communication constitue un
élément-clé du plan de redressement de l’entreprise. « Au moment
de l’alliance entre Renault et Nissan, en 1999, l’entreprise
japonaise n’avait plus aucune crédibilité, car la performance
y était inexistante », remarque-t-il. En effet, le constructeur
japonais avait perdu d’importantes parts de marché, ne faisait
plus de profits, alors que le montant de sa dette avait atteint
20 milliards de dollars, d’autant plus que les voitures lancées
sur le marché n’étaient pas attractives. « C’est à partir de
ce moment que j’ai saisi la communication comme un outil de
management », raconte Carlos Ghosn, ajoutant qu’elle était fondamentale
pour l’entreprise.
Le
plan Nissan 180, objectif à atteindre en trois ans
Redonner à la marque la crédibilité perdue était une nécessité.
Pour ce faire, il fallait d’abord jouer la transparence, au
moyen de la communication. La seconde étape consistait à tabler
sur la performance, en lançant de nouveaux produits de haute
qualité et en effectuant un travail cohérent au niveau de la
marque et du management de l’entreprise. « Réaliser des changements
d’une importance majeure, fermer des usines et remettre en cause
des valeurs traditionnelles japonaises comme l’avancement en
fonction de l’ancienneté ainsi que le principe de l’emploi à
vie risquaient d’être mal perçus par les Japonais s’ils étaient
faits dans l’ombre. C’est pourquoi dès le départ, observe le
PDG de Nissan, j’ai pris une position très claire. J’ai décidé
d’annoncer et d’expliquer personnellement les mesures auxquelles
on allait avoir recours, tout en fixant les résultats auxquels
on voulait aboutir. D’un côté, cela vous donne du crédit, de
l’autre, cela rassure les personnes concernées. Car, quand il
y a le feu à bord, c’est le capitaine que les gens veulent écouter.
» C’est ainsi que la communication, exclusivement véhiculée
à travers Carlos Ghosn, a constitué, dans une première étape,
une part intégrante du plan de renaissance de Nissan. Plan qui
n’aurait pas abouti en l’absence de cette transparence, selon
les propos du PDG. Aujourd’hui, alors que l’entreprise retrouve
sa crédibilité et que la situation de crise commence à s’estomper,
la communication continue de jouer un rôle remarquable, notamment
dans la présentation et l’application du plan Nissan 180, qui
a démarré en avril 2002. « À présent, note M. Ghosn, une vague
de managers prend le relais de la communication Nissan, s’exprimant
autour de sujets comme la technologie, la stratégie commerciale,
les produits et le design, aussi bien sur le plan régional qu’au
niveau mondial ». Mais, il avoue rester en première ligne lors
d’événements qui revêtent une importance particulière pour l’entreprise,
comme notamment le lancement de la Micra au dernier Salon de
Paris, voiture qui va représenter pour le groupe le tiers de
ses ventes européennes. Abordant, dans un deuxième temps, la
stratégie adoptée par Nissan au niveau de la performance, M.
Ghosn évoque le NRP (Nissan Revival Plan), plan de redressement
étalé sur trois ans, annoncé en 1999 et mis en place en avril
2000, dont les objectifs ont été atteints avec une année d’avance.
Renouer avec les bénéfices, réduire la dette de 50 % et générer
une marge opérationnelle supérieure à 4,5 % au terme du plan
étaient alors les grands défis de l’entreprise. Aujourd’hui,
après une courte période d’adaptations tactiques, notamment
sur le marché américain (vu les efforts de la concurrence suite
aux attentats du 11 septembre), l’entreprise s’est fixée de
nouveaux objectifs à atteindre en trois ans, à travers le plan
Nissan 180, dont l’application a démarré en avril 2002. « Vendre
un million de voitures de plus qu’en 2001, d’ici à la fin de
l’exercice fiscal 2004 (l’année fiscale s’étale au Japon du
1er avril au 31 mars), atteindre une marge opérationnelle de
8 %, qui représente le niveau top de marge de bénéfices d’un
constructeur automobile et ramener la dette à zéro, tels sont
aujourd’hui nos objectifs majeurs », annonce M. Ghosn. Des
consommateurs de plus en plus exigeants
Atteindre ces objectifs implique pour le constructeur l’adaptation
aux différents marchés par le lancement de produits régionaux.
« Nous sommes dans une stratégie de produits régionaux », explique-t-il,
ajoutant qu’il est nécessaire de s’adapter aux demandes et aux
goûts de chaque pays. « Ainsi, la X-Trail, qui est un succès
mondial et qui est très adaptée aux conditions libanaises, n’a
pas été mise en vente aux États-Unis, où nous avons lancé le
modèle Xterra. Par ailleurs, l’Altima a connu un succès foudroyant
en Amérique du Nord, alors que la Sunny est la plus vendue au
Liban et qu’au Japon la March a remporté un franc succès. »
Et M. Ghosn d’expliquer que les voitures commercialisées en
Chine sont développées au Japon, alors que leur design est revu
par le centre technique de l’entreprise basé à Taïwan. Car,
précise-t-il, « les goûts des Chinois en matière de modèles
et de matériaux sont très différents de ceux des Japonais ».
Atteindre ces objectifs implique aussi de répondre aux exigences
des consommateurs, qui changent régulièrement et varient d’une
région à l’autre. Cependant, remarque le PDG de Nissan, « des
tendances de base persistent ». Ainsi, l’achat d’une voiture
est à la fois basé sur la rationalité et l’émotion. C’est la
raison pour laquelle un constructeur doit innover autant en
matière d’offre rationnelle (prix, qualité, délais de livraison,
qualité du service) qu’au niveau de l’offre émotionnelle (modèle,
design interne et externe, image de marque). De plus, poursuit-il,
« grâce aux nouvelles sources d’information, le consommateur
est de plus en plus averti et possède 90 % de l’information
nécessaire avant de se présenter chez le concessionnaire ».
Ce consommateur devient exigeant et demande de la valeur, notamment
l’équation équipement et fonctionnalité de la voiture par rapport
à son coût. Une équation qui inclut les performances, les espaces
de rangement, la sécurité, le confort, le bruit et surtout le
prix. Certes, remarque M. Ghosn, « certaines tendances naissantes
viennent s’ajouter aux paramètres de base, notamment le désir
d’avoir une voiture non polluante à un prix compétitif, mais
aussi la perception de la voiture comme espace de communication
». Si cette dernière tendance se limite pour l’instant aux pays
développés, elle se généralisera aux pays en voie de développement,
sitôt que la mise en place des outils, notamment la cartographie
et les satellites le permettront. Audacieuse et réfléchie, telle
est l’image de marque qui se développe aujourd’hui autour de
Nissan. « La réalité de notre marque est la perception que nos
clients en ont », observe Carlos Ghosn, ajoutant que les nouvelles
voitures, audacieuses, différentes et innovantes, sont le fruit
de concepts réfléchis, au centre desquels se trouve le client.
Avec Anne Marie El Hage
24.10.02