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Bien apprendre, mieux se comprendre
 
Bienvenue sur VISIONS ARABES. Vu de France et d'Occident en général, le monde arabe apparait souvent bien compliqué et irrationnel tant dans son fonctionnement
que dans l'enchainement et le rythme temporel des évènements.

Visions Arabes a pour but principal d'apporter un éclairage original prioritairement
à travers des analyses et opinions de spécialistes issus du monde arabe lui-même.
Comme, le plus souvent, celles-ci sont issus de la presse ou de la blogosphère arabe,
il est nécessaire d'en saisir les subtilités grâce à une maitrise absolue de la langue arabe. Leurs auteurs peuvent vivre sur place ou être "exilés" en Occident ou même ailleurs.

Voilà pourquoi Visions Arabes propose de développer une interactivité entre la connaissance de la langue et des opinions averties venues le plus souvent d'Orient.


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Janvier 2015 :
Mieux valait attendre un peu pour souhaiter une bonne année à nos lecteurs de France en particulier.
Après l'horreur de la violence meurtrière, il est donc temps d'aspirer à davantage de sérénité et de bien-être dans une société présentant beaucoup de tensions palpables.
Cependant, après l'émotion et la compassion il semble plus que jamais nécessaire d'affirmer que tout évènement ayant une portée universelle a toujours des causes profondes et a pris racine quelque part.
En séjour à Beyrouth, César Sakr nous invite à partager sa vision de la séquence que vient de vivre la France et les changements nécessaires pour que de tels faits ne se renouvellent pas. De son point de vue, il est clair que la tache sera bien ardue pour garantir un apaisement durable.

Correspondance de Beyrouth

Mercredi, 7 janvier 2015

Je suis à Beyrouth depuis le 31 décembre : Sorti de l'aéroport à 22 h 30, emmené par des amis qui m'ont juste laissé le temps de déposer les bagages chez moi à 23 h et, à 23 h 15, attablé avec ces amis (musulmans chi'ites) en plein secteur chrétien de Beyrouth, à 300 mètres de chez moi, dans un restaurant plein à craquer de gens qui attendaient avec impatience minuit pour clamer leur joie de vivre, engloutir des coupes de champagne et se souhaiter la bonne année ...

Ce qui vient de se passer à Paris est le résultat d'une triple faute :

1 - Une faute de goût, d'abord.

Certains, en Occident, ont cru plaisant de railler l'Islam en raillant une figure vénérée par les musulmans, à savoir le Prophète dont se réclament ces musulmans. De la même manière, à quoi sert-il qu'un Français athée raille la figure du Christ ou de la Vierge Marie devant les membres de sa famille restés catholiques, croyants et pratiquants ? Le respect de la croyance d'autrui est une marque de savoir-vivre. Sans compter qu'être athée en France ne signifie nullement le rejet des valeurs sociales chrétiennes qui sont encore vivaces dans ce pays. Il ne faut donc pas, quand on raille le Prophète, donner l'impression que l'on rejette les valeurs sociales de l'Islam, car elles ne sont pas toutes mauvaises, loin s'en faut.

2 - Une faute morale, ensuite.

Comment justifier les agissements de ceux qui, en Islam, ne savent répondre à l'impertinence que par la violence sanguinaire. Railler le Prophète est une impertinence qui ne mérite bien évidement pas la mise à mort de créateurs tels que Cabu, Wolinski, Charb ... Mais il se fait que l'Islam sunnite d'aujourd'hui est radicalisé au moyen des revenus du pétrole. L'Arabie Saoudite, le Qatar, le Koweït ... tous ces pays de l'Islam sunnite ne savent que répandre la forme la plus rétrograde de l'Islam, la plus intolérante aussi. Même au Liban, cet Islam sunnite arriéré se fait pesant. Il est de plus en plus pesant en France, aussi.

3 - Une faute politique, enfin.

Les dirigeants français (tant de droite que de gauche) font la guerre aux régimes arabes qui tolèrent les différences religieuses (Syrie, Liban, Iran ...) mais s'aplatissent devant le premier émir sunnite porteur de pétrodollars. Quand la droite et la gauche françaises larguent leurs valeurs de tolérance pour un peu de pétrodollars, il ne faut plus s'étonner que l'Islam le plus rétrograde fasse tant de ravages en France. Le même pétrodollar devant lequel nous nous aplatissons finance ces fous de l'Islam qui ont aujourd'hui répandu le sang de Charlie Hebdo.

Ainsi, lorsque Monsieur Laurent Fabius affirme que le président syrien Assad (valablement élu avec plus de 60 % des suffrages selon les critères des observateurs internationaux qui ont jugé les élections sincères) ne mérite pas " d'être sur terre ", et lorsque Monsieur François Hollande déclare (il y a peu) que s'il avait su que le président Assad résisterait, il aurait bombardé la Syrie depuis bien longtemps, je me demande quelle différence il y a - en politique extérieure - entre Monsieur Sarkozy et ses successeurs.

Ce président Assad, qui déplaît tant à nos bien-pensants, protège chez lui toutes les minorités de son pays, chrétiennes et musulmanes. Il est également soutenu par la majorité des musulmans sunnites de Syrie, qui professent un Islam quasi-mystique et modéré. Ceux qui lui font la guerre sont les Frères Musulmans radicaux de Turquie et les Wahhabites tout aussi radicaux des pétromonarchies arabes. Comment se fait-il que la France se rallie à ces musulmans radicaux ?

Et, pour couronner le tout, nous faisons la guerre à ces musulmans radicaux au Mali. Autant dire que notre main droite ne sait plus ce que fait notre main gauche. En Syrie, nous soutenons les musulmans sunnites sanguinaires ; au Mali, nous leur faisons la guerre !

Pourquoi prenons-nous tous ces risques ?

Jeudi, 8 janvier 2015

La lecture de la presse libanaise de ce matin est édifiante. Deux attitudes émergent :

1. Certains chroniqueurs pensent que la France reverra sa politique au Moyen-Orient et prendra ses distances envers les pétromonarchies qui financent ce terrorisme ;

2. D'autres, plus cyniques, pensent que la France a trop besoin des pétrodollars, poursuivra la même politique et s'accommodera tant bien que mal des dommages collatéraux tels que l'attentat contre
Charlie Hebdo.


Samedi, 10 janvier 2015

Dans sa chronique du jour (au quotidien al-Akhbar de Beyrouth, http://www.al-akhbar.com/node/223489), Jean Aziz écrit que les attentats de Paris peuvent être l'occasion d'une nouvelle politique au Levant - visant à en finir avec le terrorisme - aux quatre conditions suivantes :

1. Que le conflit israélo - palestinien soit équitablement réglé, car ce conflit reste un foyer de tension qui ne cesse d'alimenter les rancœurs dans le monde arabo-musulman ;


2. Que le modèle libanais de coexistence entre communautés religieuses différentes soit enfin pris au sérieux et qu'on s'en inspire ailleurs ;

3. Que l'Université islamique d'al-Azhar, au Caire, soit le siège du renouveau éclairé de l'Islam sunnite, et que ce renouveau aille dans le même sens que la Constitution tunisienne qui consacre une bonne fois pour toutes les libertés fondamentales de l'individu ;

4. Que l'Arabie Saoudite soit contrainte à renoncer une bonne fois pour toutes à la pensée wahhabite qui ramène l'Islam sunnite à l'obscurantisme le plus condamnable.


César SAKR




























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