FAIROUZ
de Paris à Beiteddine:
Concerts - Evènement et souvenirs
de Juin 2002
à l'été 2004
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Avril 2004
(Photo
Marwan Assaf)
Dans l’église Saint-Élie à Kantari, merveilleusement restaurée,
Feyrouz a fait retentir sa voix cristalline.
Beyrouth, 8 Avril
2004 - En l’église Saint-Élie, à Kantari, Feyrouz, accompagnée
de sa chorale composée de chrétiens et de musulmans, a chanté
devant une foule d’environ un millier de personnes. À la fin
de son chant religieux, en arabe et en syriaque, Feyrouz a été
très longuement ovationnée par le public. Des centaines de personnes
sont restées sur le parvis de l’église maronite, une des plus
anciennes de la capitale, pour écouter les chants douloureux
du vendredi saint.
On rappellera que Feyrouz a été
choisie par Mel Gibson pour la musique de fond de son film «
La Passion du Christ », accusé de « maccarthysme spirituel ».
On entend bien la voix de Feyrouz, la grande dame de la chanson
orientale véritable symbole de « libanité », dans le film «
La Passion du Christ », de Mel Gibson. Il y reprend Ana el-Oum
al-Hazina (Je suis la mère triste), à juste titre, comme musique
de fond pour la scène du chemin de Croix de son film, qui relate
les douze dernières heures de la vie du Christ
Journée
d'hommage consacrée, par l’USJ,
à la diva de la chanson libanaise
Si Feyrouz m’était contée...
Parce que Feyrouz, au-delà
de sa voix exceptionnelle, est un symbole du Liban authentique,
parce qu’elle est une figure reflétant son unité, parce
qu’elle a contribué à son rayonnement artistique dans
le monde, la jeune génération lui voue une admiration
et un respect éperdus. Pour preuve, la journée qui lui
a été consacrée par l’USJ, à l’initiative des comités
d’étudiants des facultés de droit et de sciences économiques.
Une journée qui a débuté par une exposition relatant,
à travers les textes et les images, des étapes clés de
sa vie et de sa carrière, qui s’est poursuivie par la
diffusion, entre deux cours, de ses chansons et qui s’est
clôturée par une rencontre avec le metteur en scène Berge
Fazlian* qui, en tant qu’ami et collaborateur de
longue date de la diva, a répondu aux nombreuses questions
des étudiants. Avant la discussion avec Berge Fazlian,
une projection d’un documentaire que lui avait consacré
Frédéric Mitterrand a retracé les grandes lignes du parcours
de Feyrouz. Son amour précoce du chant, sa carrière qui
débute en 1947 dans une chorale, où son timbre particulier,
tout de suite remarqué, lui ouvre les portes de la radio
nationale, et là, sa rencontre avec les frères Rahbani,
qui feront partie intégrante de son destin. Puis les grandes
dates que tout le monde connaît plus ou moins: la gloire
à Baalbeck avant la guerre et les tournées à l’étranger,
qui feront d’elle «l’ambassadrice du Liban auprès des
étoiles».
Le documentaire de Frédéric Mitterrand
Un beau documentaire, dans lequel l’artiste, connue pour
sa discrétion et sa répugnance du vedettariat, livre simplement,
sans aucune fioriture, les souvenirs de sa jeunesse et
raconte toute une vie vouée au chant. Une interview où
l’on découvre quelques facettes ignorées de la grande
dame de la chanson libanaise. Sa jeunesse paisible et
insouciante dans un quartier populaire de Beyrouth, quand
elle s’appelait encore Nouhad Haddad et que, n’ayant pas
de radio à la maison, elle écoutait, par la fenêtre ouverte,
celle des voisins. Son chant continu, qui interrompait
le sommeil diurne d’un voisin, employé de nuit, lequel
dans sa colère lui hurlait d’aller faire ses vocalises
au conservatoire. Il ne croyait pas si bien dire! Ses
vacances auprès de sa grand-mère dans le village de Dibiyeh,
où, – comme dans les textes qu’elle interprétera plus
tard – elle passait son temps à chanter en allant puiser
de l’eau pour les travaux ménagers. Et surtout sa joie
de vivre, sa gaieté de jeune fille, occultée aujourd’hui
par le visage un peu statufié d’une idole qui n’a jamais
recherché la gloire, mais seulement le bonheur de chanter.
«Je n’ai rien choisi, confie-t-elle à Frédéric Mitterrand.
C’est Assi qui a tout décidé. Il était dur au travail,
intransigeant. Je suis le produit de cette rigueur.» Feyrouz
raconte sa vie tellement envahie par le chant que tout
le reste lui semblait irréel. Les nuits blanches passées
en studio, le noyau solitaire qu’elle formait avec les
frères Rahbani: son mari Assi, le compositeur, et son
beau-frère Mansour, le parolier, qui vont créer la chanson
libanaise qu’elle, Feyrouz, portera de sa voix profonde
comme un étendard à travers le monde....
* Berge Fazlian a bien connu
Feyrouz.
Il a travaillé avec elle et les Rahbani de 1961 à 1975.
Une
vie de recluse Feyrouz,
sans aucun doute,
la plus grande diva de la chanson arabe d’aujourd’hui,
qui a imposé la musique libanaise sur la scène
mondiale, reste toujours préoccupée de son public.
Prévenue par Berge Fazlian de la rencontre à son
sujet avec les étudiants de l’USJ, elle lui a
demandé de laisser la parole aux jeunes et de
lui rapporter leurs questions, leurs messages.
«L’opinion de la jeune génération compte pour
elle. Je crois d’ailleurs qu’elle attend aujourd’hui
une collaboration avec un jeune compositeur qui
respecte son style», a indiqué le metteur en scène,
affirmant que «pour Feyrouz le mot est important.
Elle chante la poésie». Pour ceux qui lui demandaient
pourquoi elle n’était pas elle-même venue à cette
journée organisée pour elle, Fazlian a assuré
que Feyrouz vivait réellement sa célébrité cloîtrée
chez elle, auprès de ses enfants et de ses amis
proches. «Elle n’apparaît jamais en public, excepté
à l’église d’Antélias, le vendredi saint. C’est
une règle absolue chez elle. Elle n’y a jamais
dérogé. Elle a ainsi décliné les offres d’un roi
arabe qui voulait qu’elle chante dans son palais
et celle du président Hraoui qui, recevant l’ex-président
Bush senior, lui avait également demandé cette
faveur. Feyrouz ne chante pas dans les palais.
Elle se produit uniquement sur scène.»
Zéna Zalzal - L'Orient-Le
Jour.
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La
seule fois où elle a chanté pour elle-même...
À un étudiant qui demandait pourquoi elle ne prenait
pas fait et cause pour leurs luttes, Fazlian a
assuré que, patriote dans l’âme, celle dont la
voix charme et unit a toujours refusé toute récupération
politique ou mercantile. Pourquoi la compare-t-on
souvent à Oum Kalsoum, et quelles sont les différences
entres elles? «Ce sont les deux voix qui ont le
plus marqué la chanson orientale. Celle de Oum
Kalsoum s’attaque à la sensualité de son auditoire,
tandis que Feyrouz s’adresse, elle, directement
aux émotions.» Égrenant quelques souvenirs, Fazlian
a narré, avec émotion, une scène à laquelle il
a eu le privilège d’assister. «Nous étions à Baalbeck
en train de faire les répétitions de Jibal al-Sawan.
En retournant à l’hôtel, à l’aube, vers cinq heures
du matin, Feyrouz est entrée dans le temple de
Bacchus et s’est mise à chanter, pour elle seule.
En plein lever de soleil, c’était un moment magnifique.»
Un dernier témoignage donné par Aimée Boulos sur
la légendaire discrétion de la star, qui a refusé
de parrainer la soirée de remise de diplômes de
la première promotion de l’Iesav, pour ne pas
voler la vedette aux diplômés dont faisait partie
sa fille Rima; et une dernière affirmation fusant
de la salle, «Feyrouz a toujours chanté le Liban
souverain», ont clôturé la séance. À l’issue de
laquelle les étudiants ont remis à Berge Fazlian
une centaine de messages, consignés sur un livre
d’or adressé à la diva.
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Annulation des deux concerts de Fairouz!
LBV/Marseille,
le 2 Avril 2004-
C'était sans doute trop beau pour être vrai!
deux concerts de Fairouz en France en une semaine, dont un pour
le public du sud, au début on croyait à une rumeur;
ce n'en était pas une mais à un peu plus de deux
mois de leur programmation, la confirmation de la dé-programmation
semble définitive et irréversible:
Fairouz ne viendra pas, ne viendra plus?..., chanter en France.Que
ses fans se rassurent, elle n'a pas perdu sa voix, mais il semble
que les affairistes qui l'entourent soient particulièrement
gourmands et procéduriers...Nous vous donnerons davantage
d'informations sur les coulisses de ce malheureux incident qui
ne se produit malheureusement pas pour la première fois;
déjà à Marseille, une annulation de ce
type s'était produite il y a quelques années,
à quelques jours du concert, et alors que tous les billets
étaient déjà vendus.
Cet entourage de la chanteuse est-il conscient qu'il ternit
considérablement l'image de l'une dernières divas
du monde arabe? La frustration est grande et nous ferons tout
pour dénoncer ce manque de respect du public et dénoncer
les vrais coupables de tels agissements.
Le communiqué
officiel
AFP-6
Avril -La diva libanaise Fairuz, qui devait notamment
donner un concert le 25 juin à Toulon, a annulé sa tournée
en Europe, a annoncé mardi le centre national de création
et de diffusion culturelles de Châteauvallon. Aucune explication
n'a été donnée à l'annulation de la tournée de la diva
de la chanson arabe qui prévoyait également un concert
à Paris, selon la même source. Le centre de Châteauvallon
programmera le 25 juin un spectacle au Zénith de Toulon
avec Cheb Mami et Cheb Bilal.
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FAIRUZ
en France!
le 18 Juin 2004 au Palais des congrès à Paris
s'enregister pour réserver
le 25 juin au Zénith de Toulon*
*Concert
unique à 20h30
Assis numéroté : 20 € Avec la carte
Chateauvallon : 10 €
RENSEIGNEMENTS 0 800 089 090 (appel gratuit)
La plus grande des Divas de la chanson
arabe d'aujourd'hui a imposé la musique libanaise face aux mastodontes
du Caire et aux jeunes surdoués du Maghreb. Hypersensible, secrète
et opiniâtre, Fairouz ("turquoise" en arabe) traite sa célébrité
avec dédaim et refuse toute récupération politique ou mercantile.
Issue d'une famille paysanne du Haut Liban qui quitta son village
en 1935 pour s'installer dans un quartier populaire de Beyrouth,
Nouhad Haddad y passse son enfance, toujours à l'affût de la
musique. Sa carrière débute en 1947 dans une chorale ou son
timbre vocal particulier, tout de suite remarqué, lui ouvre
les portes de la radio nationale....
Deux ans presque jour pour jour après ses deux derniers
concerts en France, salle Pleyel à Paris, elle a choisi
le Sud de la France pour répandre sa voix;
un évènement à
ne pas manquer, que l'on soit libanais ou simplement fasciné
par les appels musicaux de l'Orient.
Accompagnée pour un concert unique par un orchestre de 40 musiciens,
Fairuz ouvrira l'été de Chateauvallon puisque
ce spectacle est organisé par le centre national de création
et de diffusion culturelles de Châteauvallon, à Ollioulles (Var),
près de Toulon.De quelle plus belle entrée en matière
pouvait donc rêver la 54ème édition du Festival
de Toulon - Chateauvallon?...
>>> L'histoire
du Festival de Chateauvallon depuis 1951
Des
Echos sur Fairouz dans la presse française
>>> La tournée de Fairouz
en France avec Fairuzonline
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Son dernier Concert à Beiteddine en
Août 2003
FEYROUZ, Immortelle Diva par
Clôture du Festival
de Beiteddine 2003 avec Feyrouz et Ziad Rahbani:
La voix qui transcende tout...
Telle une énorme lame de fond,
la foule, portée par un même élan, s’élance, déferle des gradins
les plus éloignés vers la scène. Scandant, hurlant, le nom de
son étoile : Feyrouz. Le public de Beiteddine était tout entier
jeudi (lors de la première), aux pieds de son idole. Plus de cinq
mille personnes, sans compter tous ceux qui s’étaient amassés
aux alentours du palais des Émirs, qui communiaient dans une même
ferveur à la source d’une voix incomparable transcendant n’importe
quel texte, et s’élèvant au-dessus de tout orchestre. Feyrouz,
l’unique. La grande dame de la chanson orientale est plus qu’une
diva, plus qu’une voix légendaire, un véritable symbole de «libanité»,
dans son sens – si outrageusement maltraité – de dignité. C’est
le constat que fait d’emblée tout auditeur qui assiste pour la
première fois à l’un de ses concerts. Lorsqu’elle apparaît, après
une heure d’attente, sur le tapis rouge déroulé spécialement pour
elle, scintillante dans une robe d’Élie Saab, droite, distante
et modeste tout à la fois, les gens se lèvent respectueusement.
Dès les premières notes de la première chanson, à juste titre
intitulée Idach kane fi nass (Combien de gens...), ils lui font
un triomphe. Accompagnée, cette fois, de son fils Ziad Rahbani
au piano et de l’orchestre d’Arménie (avec la participation de
musiciens libanais, syriens, hollandais et français), dirigé par
le maestro Karen Durgaryan à l’éloquence gestuelle et corporelle
magistrale, la diva se lance en premier dans un répertoire de
chansons romantiques. D’anciens titres réarrangés par Ziad et
de nouvelles ballades écrites et composées par lui, au ton évidement
plus piquant, comme ce sympathique Hobbaq kane hélou, we sar mech
hélou (à l’approximative traduction : Notre amour était si beau
et maintenant il sonne faux).
Quasi épidermique
Sa voix de velours, que ses inconditionnels
jugent plus grave et plus sensuelle que par le passé, est enveloppante.
Elle entraîne chaque personne présente au fond de soi, à travers
ces histoires d’hier et de toujours, d’amoureux qui se séparent,
de croisée de chemins, de souvenirs et de douce nostalgie. Elle
l’envoûte surtout par ses modulations, ses inflexions, son rayonnement
qui provoquent une réaction quasi épidermique. C’est par tous
les pores de sa peau que l’on écoute Feyrouz. Et lorsqu’elle entonne
des hymnes à la liberté et à la dignité, à l’instar du fameux
Nachid al-oumamia de Ziad Rahbani qu’elle interprète elle-même
pour la première fois, elle attise l’enthousiasme, l’ardeur, le
sentiment de rébellion et de fierté blessée du public libanais
qui s’enflamme aux seuls mots de «jayi maa el-chaab el-meskine»
(Je me place aux côtés du pauvre peuple). Alternant ses apparitions
sur scènes – qui n’excédaient pas les dix minutes d’affilée à
la grande frustration de ses fans les plus ardents ! – avec les
mordantes compositions de Ziad interprétées par un excellent groupe
de chanteurs, la grande Feyrouz a tenu sous son charme, profond
et mystérieux, durant plus d’une heure trente minutes, un public
composé aussi bien de fidèles nostalgiques que de jeunes adorateurs.
Lesquels, complètement subjugués, captivés, en délire, l’ont longuement
bissée en vain, à la fin du premier rappel, pour qu’elle ne file
pas sous leurs yeux. L’étoile.
Zéna ZALZAL
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La voix de l’Orient
Dix ans après sa dernière
apparition parisienne, Fairuz, la plus grande diva de la chanson
arabe, se produira les 27 et 28 juin sur la scène de Pleyel.
Un événement salué ici par celui qui, sur Arte, lui consacra
un magnifique portrait
Par Frédéric Mitterrand*
Fairuz:
elle est la plus grande des divas de la chanson arabe d’aujourd’hui
et elle a imposé la musique libanaise face aux mastodontes du
Caire et aux jeunes surdoués du Maghreb. Hypersensible, secrète
et opiniâtre, délicieuse pour ceux qui ont gagné sa confiance,
elle traite sa célébrité avec dédain et refuse toute récupération
politique ou mercantile. Fairuz, c’est le Liban; sa géographie,
son histoire.
Enfant, elle passait ses vacances chez sa grand-mère, à Dibiyeh,
un village chrétien de la montagne; quelques maisons de pierre
granitique autour d’une église dont le carillon sonne les heures.
Les Druzes musulmans habitaient celui d’à côté, mais ce n’était
pas chacun chez soi car on allait constamment de l’un à l’autre
pour la récolte des olives, le dur travail de terres escarpées,
les deuils et les fêtes. Un paysage de Méditerranée à l’antique,
idéal de beauté lumineuse et cependant austère et dur, avec
la mer en contrebas. La grand-mère avait passé quelques années
en Amérique, elle racontait le vaste monde à sa petite-fille,
et cet enracinement des Libanais qui mettent tant de courage
à émigrer et tant de persévérance à pratiquer la nostalgie du
sol natal.
Durant le reste de l’année, c’était Beyrouth, la mosaïque de
communautés différentes, bien plus nombreuses et enchevêtrées
que le résumé d’une simple ligne de partage entre chrétiens
et musulmans. Au quartier populaire d’Al-Basta, où se côtoyaient
les Arabes maronites évangélisés par les apôtres, les chiites
fuyant la misère pour tenter leur chance à la ville, les Arméniens
rescapés des massacres ottomans, les familles sunnites patriarcales,
toute une humanité solidaire à qui la France avait permis de
se reconnaître en une nation. Le père, Wadi, travaillait comme
typographe, et la mère, Lisa, élevait ses quatre enfants dans
une atmosphère de modestie chaleureuse où l’on ne manquait de
rien parce qu’on ne demandait pas grand-chose à l’existence,
hormis la tendresse et la sagesse.
Le site spécialement réalisé
sur Fairouz pour l'émission qui lui fut consacrée
sur ARTE TV.
Née en 1935, Nouhad Haddad,
qui ne s’appelle pas encore Fairuz, va à la messe le dimanche,
écoute la TSF des voisins parce qu’un poste de radio est trop
cher pour le maigre budget familial, et chante déjà si bien
dans sa cuisine que l’on garde les fenêtres ouvertes dans la
maison en face pour pouvoir l’entendre. Le maître de la chorale
à l’école a confié qu’elle était extrêmement doué Mais enfin,
les artistes, c’est un univers qui sent le soufre, ce qui n’incite
guère à flatter la vocation de la petite cuisinière chantante.
Adolescente, elle est donc pieuse, réservée, timide, contente
de son sort et foncièrement attachée aux siens, avec l’air de
ces jeunes filles qui se marient la première fois qu’elles sortent
de chez elles avec des hommes plus âgés. Ça ne se passera pas
comme cela: Nouhad chante décidément trop bien, il y a quelque
chose en elle qui l’entraîne, sans qu’elle le sache encore,
bien au-delà de ces bonheurs en demi-teinte. Un professeur du
conservatoire la remarque et persuade ses parents de lui faire
suivre ses cours. Les meilleures élèves se produisent dans une
autre chorale bien plus professionnelle, celle de la radio.
Et les meilleures des meilleures deviennent solistes. Les émissions
sont hebdomadaires, en direct, et très écoutées. Les parents
font enfin le sacrifice d’acheter un poste à galène: ils en
auront sacrément besoin pour suivre Nouhad, désormais toute
à son ascension fulgurante. Au début des années 1950, Beyrouth
est à l’égal du Caire, l’autre phare du Proche-Orient; la version
modernisatrice, républicaine, pro-occidentale d’un monde arabe
où le progressisme pronassérien épuisera un prodigieux capital
d’espoirs, de ressources culturelles en aventures nationalistes
sans issue. A Beyrouth, on lit la presse du monde entier, on
parle le français dans presque tous les milieux. On se passionne
pour le surréalisme et l’existentialisme, et, si l’Etat est
faible, partagé en clans rivaux qui s’équilibrent, on en profite
pour mener des affaires florissantes en gérant les trésors en
pétrodollars des monarchies du Golfe, et en amusant leurs émirs
avec des vacances peu rigoristes dans des casinos peuplés de
fausses blondes qui ressemblent à Martine Carol. Beyrouth, c’est
à la fois Genève revue par Dario Moreno, Nice qui aimerait les
intellectuels, Alexandrie perdue et retrouvée pour la jet-set
internationale qui annexe le Festival de Baalbek après Salzbourg.
La ville se hérisse de buildings sans parkings, se presse dans
les clubs nautiques en été, sur les pistes de ski du mont Liban
en hiver; une insouciance porteuse d’avenir quand on aime la
paix, lourde de jalousies environnantes quand les tensions guerrières
s’accumulent aux alentours. Radio-Beyrouth rayonne naturellement
sur tout le monde arabe, mais il manque un son pour fédérer
l’orchestre libanais, une voix pour faire sentir l’accord profond
de cette société composite en pleine effervescence.
C’est alors que le jeune rossignol rencontre les frères Rahbani.
Assi Rahbani est flic de profession et directeur artistique
à Radio-Beyrouth le reste de son temps, c’est-à-dire vingt-quatre
heures sur vingt-quatre. Acharné à faire évoluer cette musique
libanaise qui s’endort dans les variétés et le folklore, avec
l’aide de son frère Mansour, poète élégiaque maîtrisant la langue
arabe la plus pure. Le talent, la douceur, l’ambition artistique
de Nouhad les subjuguent, ils la rebaptisent Fairuz, c’est-à-dire
«Turquoise», en hommage à son éclat mystérieux. Assi l’épouse,
Mansour est garçon d’honneur, le trio est indissolublement soudé,
à la vie à la mort, et la folle aventure peut commencer. Difficile
de déterminer l’apport de chacun. Assi est le patron, mélodiste
incroyablement inspiré imposant une discipline de fer; Mansour,
chantre aux formules aussi inoubliables dans l’émotion que dans
la légèreté; Fairuz, la muse et l’interprète dont la timidité
les exaspère, la volonté les fascine, l’intelligence hypersensible
les méduse.
Ensemble, ils ont tout réinventé: des comptines pour enfants
aux revues musicales, des refrains de jeunes filles aux hymnes
patriotiques, des chansons d’amour aux arias avec chorale et
orchestre symphonique, sans oublier les chants religieux à l’œcuménisme
militant; intégrant toutes les influences qu’ils avaient aimées
et que la radio avait strictement cloisonnées jusqu’alors. Cette
renaissance de la musique proprement libanaise hantera le monde
arabe comme un bienveillant fantôme de gaieté, de romantisme
et de liberté. La géniale Oum Kalsoum en prendra légitimement
ombrage, avant qu’Abdel Wahab, l’empereur de la chanson égyptienne,
ne tente de l’annexer en persuadant les frères Rahbani de lui
laisser faire le voyage du Caire. Brève évasion dont il reste
des enregistrements extraordinaires de qualité et qui soulignent
a contrario la qualité de la fidélité de Fairuz aux merveilleuses
mélodies des deux frères. Enfin, ce n’est pas tout de la faire
chanter sur les ondes de Radio-Beyrouth, il faut aussi la persuader
de monter sur scène, de passer à la télévision, de faire des
films. Paralysée par le trac, ravalant sa pudeur et ses larmes,
Fairuz affronte désormais un public qu’elle avait sans doute
secrètement espéré ne jamais voir. Les apparitions de Fairuz
sont très étranges, à rebours de tout ce qu’on enseigne à des
vedettes de la scène et de l’écran: hiératique, le visage clos,
intensément concentrée sur son chant, elle impose une présence
à la solitude bouleversante qui emmène le public dans une communion
mystique à laquelle personne ne résiste. Youssef Chahine et
Henry Barakat auront l’habileté et le tact de ne pas forcer
cette retenue: les films qu’ils tourneront avec Fairuz sont
des chefs-d’œuvre inclassables, par leur délicatesse et leur
tendresse, dont les conventions et les artifices habituels dans
le genre des comédies chantantes arabes ne font que souligner
l’incroyable pureté d’âme de l’héroïne.
Et là encore, les cœurs les plus endurcis ne peuvent que rendre
les armes. «Je t’aime mon Liban, ma patrie Tu te demandes ce
que j’ai Tu te demandes ce qui m’arrive…» Les textes de Mansour
sont souvent prémonitoires, ils annoncent l’apocalypse de près
de vingt années de guerre. Lorsque l’étau des conflits du Proche-Orient
se referme sur le Liban et transforme Beyrouth en un amas de
ruines que se disputent les massacreurs de tous bords, Fairuz
se cloître et entre dans le silence, qu’elle ne rompt que pour
des chants de Noël ou de rares tournées à l’étranger pour des
salles d’émigrés qui l’écoutent avec une ferveur de naufragés.
Elle aurait pu quitter le Liban comme tant d’autres, mais cela
aurait été renoncer à son âme, et, si certains lui reprochent
son refus obstiné de prendre parti, cet exil intérieur apparaît
bientôt comme une preuve de courage, une pratique de deuil et
une volonté d’espoir. Lorsque Assi meurt d’épuisement et de
chagrin, en 1979, elle conduit ses funérailles dans la ville
dévastée, avec un masque de tragédie antique où chacun reconnaît
la douleur que tous les Libanais ont désormais en partage. Et
si l’on ne sait plus au juste quand la guerre a commencé, il
est certain qu’elle s’achève ce soir de 1994 où Fairuz accepte
enfin de se produire en concert sur la place des Martyrs et
chante: «Nous reviendrons un jour dans notre quartier nous plonger
dans la tiédeur de l’espérance, nous reviendrons tôt ou tard
et les distances qui nous séparent s’effaceront…» Moment d’émotion
extraordinaire pour ces millions de Libanais qui l’écoutent,
dans le public et sur les ondes, tel qu’aucun politique ne leur
aura jamais fait ressentir. Aujourd’hui Beyrouth revit dans
l’amnésie de la guerre et l’euphorie des grandes affaires de
la reconstruction, à l’ombre d’un protectorat syrien omniprésent
et invisible dont les Libanais se moquent faute de pouvoir s’en
débarrasser.
Mais Fairuz n’a pas oublié; alors qu’elle a toujours réservé
une capacité d’humour délicieuse à ceux qu’elle admet parmi
ses intimes, ne vous attendez pas à entendre autre chose qu’un
chant de mélancolie qui embrasse l’histoire crucifiée du Liban
et le destin floué d’une femme arabe.
Frédéric Mitterrand
Nouveau CD: «Wala Kif», Virgin. En vente le 23 juin 2002.
En concert: les 27 et 28 juin, Salle Pleyel (01-45-61-53-00).
(*) Cinéaste et producteur de télévision,
Frédéric Mitterrand est notamment l’auteur, au cinéma, de «Lettres
d’amour en Somalie», «Madame Butterfly»; à la télévision, des
«Aigles foudroyés», de «Légendes du siècle» et, en 1998, de
«Fairuz».
Article du Nouvel OBS', rubrique Arts et Spectacles du 20 Juin
2003.
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