La région de Tannourine,


riche en sites naturels et base de départ idéale
pour les randonnées

par

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Une immense cédraie, des gouffres impressionnants,
une vallée archéologique à découvrir...


Pour un randonneur qui cherche à s’extraire à l’effervescence citadine, la région de Tannourine, dans le jurd du Batroun, ressemble à n’en pas douter à un havre de paix. Ses villages conservent une certaine authenticité, mais ne connaissent toujours pas le développement escompté. La zone montagneuse est d’une beauté à couper le souffle, renfermant des splendeurs telles que la cédraie, désormais classée réserve naturelle, les trois gouffres, très connus des spéléologues, et une vallée archéologique encore méconnue du grand public. l’idéal pour une journée de dépaysement, de randonnée et de découverte.


Tannourine

Une réserve au passé tourmenté

Bien que la cédraie séculaire de Tannourine ait été classée réserve naturelle en vertu d’une loi datant du 24 février 1999, elle vient seulement de retrouver son équilibre : durant plusieurs années, elle a été littéralement rongée par un mal auquel on a fini par mettre un nom, l’insecte Cephalcia Tannourinensis, qui réussissait à colorer cette verte cédraie en rouge, tuant plusieurs arbres séculaires à chaque saison. Tant et si bien qu’il n’est pas exagéré de dire aujourd’hui que la forêt est une miraculée, surtout que son sauvetage a tardé à se concrétiser, en raison, d’une part, des combats qui ont sévi dans cette région et, d’autre part, de la difficulté d’identifier l’insecte. La lutte contre le redoutable fléau a pris la forme de campagnes de pulvérisation d’insecticides exécutées par le ministère de l’Agriculture (en coordination avec la FAO) de 1999 à 2001. En 2002, des campagnes similaires, mais plus ciblées, ont été menées. Cette année, une action similaire a été effectuée dans une partie de la forêt qui n’avait pas été traitée précédemment, mais le reste du site ne présente plus qu’une proportion très faible de l’insecte, qui ne justifie pas d’intervention majeure, comme l’explique Mounzer Dagher, du comité de la réserve. Mais la situation de devrait pas tarder à changer. Un protocole a été signé récemment entre le ministère de l’Environnement et l’Université américaine de Beyrouth (AUB) pour la mise en place d’un projet de gestion intégrée de la réserve, financé par le Fonds mondial pour l’environnement (GEF). Ce projet profite d’un budget de 550 000 dollars. Il devrait permettre d’identifier les problèmes de la forêt (notamment par une étude plus approfondie de l’insecte qui a failli la ravager) et de concevoir des solutions adéquates. M. Dagher explique que l’un des apports importants des études prévues consistera à définir des alternatives aux produits chimiques dans la lutte contre l’insecte. « Il y a un travail effectué actuellement sur les phéromones sexuels (qui, placés sur les arbres, attireront les mâles et interrompront, du fait même, la reproduction de l’insecte), dit-il. Il faudra en faire la synthétisation pour pouvoir les utiliser. Mais pour l’instant, c’est toujours un produit chimique qui est employé, un produit très ciblé, qui ne tue pas l’insecte puisqu’il ne l’attaque pas dans son corps, mais seulement quand l’animal mange les bourgeons de cèdre. » Pour l’instant, dans le cadre du projet, le ministère a pu nommer une direction (avec, à sa tête, Ziad Yazbeck) pour la réserve et placer des guides à l’entrée. Par ailleurs, il ne faut pas oublier que la forêt de Tannourine a souvent été associée aux mines qui y avaient été placées durant les combats. Au ministère de l’Environnement, on assure aujourd’hui avoir reçu un document de l’armée prouvant que la région a été nettoyée, information qui nous a également été confirmée par le président du conseil municipal. Malgré toutes les péripéties, la cédraie de Tannourine reste à coup sur l’une des destinations privilégiées du tourisme interne au Liban.
Un site idéal et grandiose à découvrir absolument.



Le gouffre des trois ponts. Le spéléologue qu’on aperçoit au milieu de la photo donne une idée de la dimension du site.
(Photo Hani Abdelnour)


Des profondeurs abyssales


Avec ces deux circuits, Tannourine n’a pas encore livré tous ses secrets naturels. Un autre site, et non des moindres, reste à découvrir : les trois gouffres avec leurs ponts naturels, bien connus notamment des spéléologues. On y accède par la route qui mène de Ehmej à Tannourine el-Fawqa. Un kilomètre environ après les pistes de ski de Laqlouq, on emprunte la bifurcation à gauche qui va vers Tannourine, pour s’arrêter deux à trois kilomètres plus loin au niveau d’un virage très fort, également à gauche. À partir de ce point, la route n’est pas très bonne, bien qu’elle soit actuellement en cours d’aménagement (la municipalité a créé un sentier de pierre en cet endroit), et la voiture ne peut aller beaucoup plus loin. De la route, seul l’un des gouffres est visible, celui qu’on appelle Baakara ou le gouffre des trois ponts (naturels). De ses 240 mètres de hauteur (selon des informations obtenues auprès de l’Association libanaise d’études spéléologiques, Ales), c’est le plus impressionnant des trois, surtout que durant la saison de fonte des neiges, une cascade d’eau s’y forme, tombant en chute libre sur 90 mètres. Plus loin se trouvent les deux autres gouffres, celui de Balaa, avec ses 125 mètres de profondeur, et celui de Jouret Abed (250 mètres). Il est évident que ces gouffres sont prisés par les spéléologues expérimentés. Comme le recommande l’Ales, il est nécessaire que les personnes qui tentent l’aventure soient bien formées et bien équipées, l’exploration des gouffres étant dangereuse et en aucun cas destinée à des amateurs. Mais le site reste accessible aux randonneurs, leur offrant des paysages uniques et impressionnants. Pour les visiteurs de la région qui aimeraient passer leur journée dans les environs, prendre un repas ou même passer une nuit, il faut savoir que les villages de Tannourine ne sont pas encore bien équipés pour les recevoir, bien que la région de Tannourine el-Tahta bénéficie de la présence de restaurants, près de Nahr el-Joz exactement. Les touristes pourront se rabattre sur les hauteurs du caza de Jbeil, notamment Laqlouq, ou sur les villages du Nord, comme Hadeth el-Jebbé, ou encore se diriger vers la côte. Mais pour ceux qui veulent poursuivre leur journée dans le dépaysement, ils peuvent opter pour le village de Bsetine el-Assi, dans une belle plaine verte juste après Tannourine el-Tahta. On y trouve une quantité de restaurants à prix raisonnables, près d’un fleuve dont l’eau provient de la source de Dellé, elle-même alimentée par la cascade du gouffre des trois ponts. Par ailleurs, en continuant dans la même direction, après Bsetine el-Assi on tombe sur le village de Kfarhelda, avec ses cascades caractéristiques de 40 à 50 mètres de hauteur... un véritable plaisir pour le regard. Là aussi, de nombreux cafés attendent les clients. À signaler que cette route se poursuit jusqu’au littoral du Liban-Nord, menant d’une part à Batroun, d’autre part à Amioun (Koura). Quant à la capacité des villages de Tannourine à accueillir les touristes, des améliorations sont prévues dans l’avenir proche, d’autant que les importants sites naturels, notamment la réserve, donnent à la région un potentiel touristique important. M. Torbey assure que la municipalité a des projets de création de foyers et d’hôtels accessibles à tous. Elle envisage également d’encourager l’ouverture de restaurants. Par ailleurs, Mounzer Dagher, membre du comité de la réserve, souligne que ce comité et les associations écologiques prévoient un séminaire pour le développement écotouristique de toute la région de Tannourine (avec tous ses vestiges, naturels et religieux).
Et que le prochain projet consistera à construire une maison d’accueil à l’entrée de la forêt.




La région de Tannourine,


composée d’une quinzaine de villages dans les hauteurs du Batroun, se trouve à une centaine de kilomètres de Beyrouth et à une quarantaine de kilomètres de Tripoli. On y accède par plus d’une route : l’une passe par Jbeil et monte vers Annaya (où se trouve le couvent de saint Charbel), par la route de montagne principale. Au niveau de ce village, il s’agit d’emprunter la bifurcation de Tannourine (indiqué sur un panneau). On peut aussi se rendre à Tannourine par Batroun ou passer par le village de Hadeth el-Jebbé au Liban-Nord (en montant par Chekka) et rejoindre la réserve de l’autre côté. L’un des principaux sites naturels pouvant être visités dans cette région est la cédraie, classée réserve naturelle depuis 1999. Au-delà du village de Tannourine al-Fawqa, il suffit de suivre la route principale jusqu’à l’entrée de la réserve, dont la pancarte de signalisation est bien visible. Ce qui frappe un citadin qui se rend à Tannourine, comme dans tout autre forêt préservée, c’est le plaisir immédiat suscité par un environnement enchanteur : l’odeur fraîche de la végétation, l’air pur qui intègre les poumons, les étendues vertes à perte de vue, dégageant une beauté séculaire, et, surtout, le gazouillis des oiseaux qui, seul, vient se greffer sur un silence si total qu’on n’en connaît plus de pareil en ville. Tannourine est la plus grande forêt de cèdres centenaires et millénaires du Liban, avec 400 000 de ces arbres. À l’est de la forêt se profile l’imposante chaîne de montagnes de Tannourine, appelée Rahwé, culminant à 2300 mètres d’altitude. La cédraie est en fait bordée de montagnes de tous les côtés, dont le Jabal Niha de Batroun, recouvert de cèdres et faisant partie de la région classée. La particularité de cette réserve, ce sont ses rochers qui apparaissent comme autant de sculptures naturelles. La forêt, qui culmine d’une altitude de 1250 à 1870 mètres, devrait faire le bonheur des randonneurs. Mais il faut insister sur le fait qu’elle n’est pas encore tout à fait protégée. Les visiteurs sont appelés à faire preuve d’une grande vigilance et à respecter les règles de protection d’une réserve : ne pas allumer de feu, ne pas organiser de pique-niques, ne pas jeter d’ordures, ne pas chasser, etc. Vu que la forêt, dont la superficie est importante, n’a pas encore été aménagée et que les panneaux de signalisation y sont toujours absents, les randonneurs non accompagnés dans la cédraie feraient mieux de suivre les sentiers bien visibles, conseille Issam Torbey, nouveau président du conseil municipal. La forêt couvre en effet la superficie considérable de 600 hectares. Elle a une morphologie bien particulière, puisqu’elle consiste principalement en deux versants de montagne séparés par une vallée. Si des études spécifiques et globales sur la réserve n’ont pas encore été complétées, il ne fait nul doute que la faune et la flore de la forêt sont remarquables et diversifiées. Pour ce qui est des animaux, des observateurs ont constaté qu’on trouve traditionnellement à Tannourine la faune caractéristique du Mont-Liban comme les hyènes, les renards... En outre, on y a observé le loup en hiver, un animal qu’on croyait disparu de la région. On y voit occasionnellement le sanglier, un mammifère très discret, récemment réintroduit au Liban-Nord. Ces animaux, comme dans les autres réserves, croisent rarement le chemin des hommes et ne sont pas considérés comme constituant un danger pour les promeneurs. Les oiseaux, eux aussi, sont revenus, après l’interdiction de la chasse incontrôlée, et leurs chants diversifiés sont audibles partout. En ce qui concerne la flore, elle est également très riche. La forêt comporte en majorité des Cedrus Libani, mais aussi des chênes, des poiriers et des pruniers sauvages, des genévriers, etc. Quelque 280 espèces de plantes y ont, par ailleurs, été identifiées par Nelly Apostolidès Arnold, docteur en pharmacie, en phytopathologie et en toxicologie. La richesse végétale est saisissante et vaut le détour.



Site archéologique inattendu



Non loin de la réserve de Tannourine se trouve un autre trésor, récemment sorti de l’oubli par la volonté de quelques passionnés. Dans une vallée parallèle à celle de la forêt, un site appelé Aïn el-Raha a abrité, il y a des centaines d’années de cela, une communauté de moines et d’habitants, connus comme étant des disciples de saint Simon le Stylite. C’est dans ce petit coin de paradis qu’ils se sont réfugiés lors d’époques troublées. On trouve aujourd’hui dans cette vallée des ruines d’églises et des cellules de moines creusées dans les rochers, témoins de l’époque où des ermites s’isolaient totalement du monde, contemplant Dieu et ne recevant comme pitance que ce que leurs pairs leur glissaient dans des paniers, descendus jusqu’à eux en faisant usage d’une corde. Vue de la forêt, cette vallée est d’une beauté remarquable, dégageant une impression de sérénité intemporelle. Jusque-là, des randonneurs expérimentés dotés d’un solide esprit d’aventure peuvent se lancer à la découverte de ce site encore peu connu, avec la possibilité d’être accompagnés d’un guide de la réserve, Georges Sarkis. À défaut, il est recommandé de contacter la municipalité. À retenir que l’itinéraire est trop long pour des enfants.


Dossier réalisé par Suzanne Baaklani

Juillet 2004



Que signifient les inscriptions d’Hadrien?

Il existe à Tannourine un vestige archéologique qui, certes, se retrouve dans bien des contrées, de Beyrouth au Hermel, mais que les visiteurs de cette région pourraient découvrir avec plaisir : les inscriptions de l’empereur romain Hadrien. Selon Hani Abdelnour, professeur d’université et membre de l’Ales, l’une de ces inscriptions se trouve dans le village de Tannourine el-Fawqa, à 50 mètres de Nabeh el-Kirsi (la source de la chaise). D’autres peuvent être observées à la vallée de Aïn el-Raha, près de la cédraie. Que signifient ces inscriptions ? L’empereur Hadrien (117-138), qui était un grand voyageur, s’était rendu compte de l’importance commerciale et militaire des grands arbres des forêts du Mont-Liban. Il a voulu se réserver l’usage exclusif de quatre espèces dont il a interdit l’abattage : le cèdre, le sapin de Cilicie, le chêne et le genévrier. C’est cet ordre qu’il a fait graver sur des rochers de la montagne libanaise et qui, quand il est complet, donne ce qui suit:

IMP HAD AVG DFS AGIV CP.

Selon M. Abdelnour, ces inscriptions sont souvent détruites par ignorance, et devraient donc être préservées.

Bon à Savoir
Conseils et numéros de téléphone utiles

Les personnes qui désirent un supplément d’informations sur une visite de la réserve ou un accompagnement peuvent appeler le directeur de la réserve, Ziad Yazbeck, au 03-308879, un des guides sur le site, Georges Sarkis, au 03-679055, ou la municipalité au 06-500020. M. Sarkis et les autres guides peuvent également fournir des renseignements concernant la vallée de Aïn el-Raha et organiser des tournées sur le site ou autour de la réserve. Par ailleurs, Issam Torbey, président du conseil municipal, invite les futurs randonneurs à planifier leur visite à la réserve et à ne marcher que sur les sentiers, aménagés pour la protection des arbres. À signaler que des guides sont continuellement présents aux portes de la forêt, qui a une grande superficie et dont certains itinéraires peuvent être difficiles pour les enfants. La prudence s’impose donc.





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