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Le mandat français au Liban:
entre réalité et imaginaire



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La France dans le rôle du protecteur

Dans la gestion des évènements de 2006, Jacques Chirac perpétue une tradition liant la France au Liban depuis le 16e siècle, "quand François 1er a signé une alliance avec l'Empire Ottoman qui faisait de la France la protectrice des chrétiens d'Orient ", explique l'historien Gérard Khoury*, chercheur associé à l'Institut de recherches et d'études sur le monde arabe et musulman (IREMAM), à Aix-en-Provence. Pendant plus de trois siècles, les chrétiens maronites placés sous la tutelle de la "fille aînée de l'Eglise",
la France envoie de nombreuses missions religieuses et des fonctionnaires dans cette région de l'Empire Ottoman.
Cela lui permet d'étendre son influence dans la zone.
En 1920, le mandat français sur le Liban trace les premières frontières de l'Etat actuel. "Si la France a alors perdu son influence religieuse, elle continue à défendre et soutenir les minorités du pays : les maronites, mais aussi les chiites et les druzes", poursuit le chercheur Gérard Khoury. Les relations entre les deux pays resteront placées sous le sceau de cette protection des minorités. C'est ainsi qu'en août 1989, quand le général maronite Michel Aoun demande de l'aide à la " puissance tutélaire ", François Mitterrand n'hésite pas à envoyer le porte-avions Foch, deux frégates lance-missiles et un transport de chalands de débarquement pour défendre les chrétiens, influant largement sur le conflit.
En 2004, c'est encore la France qui prend l'initiative de la résolution 1559 du Conseil de sécurité pour tenter de rétablir l'équilibre et la stabilisation des forces religieuses. Un de ses objectifs, le désarmement des milices du Liban, vise clairement le Hezbollah. "Depuis deux ans, la France a essayé de mener une politique de dialogue avec les chiites. Mais le Hezbollah n'a pas choisi entre sa participation au gouvernement, où il a deux membres, et sa liberté d'action directe. Il est entré en fait dans une logique de confrontation et suit l'axe Téhéran-Damas, plutôt que de chercher l'unité du Liban ", analyse Gérard Khoury.

Une tutelle coloniale.
Le mandat français en Syrie et au Liban
présenté par Gérard Khoury

En librairie depuis Octobre 2006


Quels ont été les fondements et les conséquences de la politique française au Levant après la Première Guerre mondiale ? La correspondance et les notes inédites de Robert de Caix apportent un éclairage à cette question. Ayant été chargé par Clemenceau de traiter des questions d'Orient avec l'émir Faysal, Robert de Caix sera par la suite secrétaire général du Haut-Commissariat à Beyrouth et inspirera la politique du Quai d'Orsay.
Cette analyse nouvelle des raisons des événements qui se sont déroulés entre 1919 et 1939 au Moyen Orient permet d'analyser différemment le rôle des grandes puissances pendant cette période capitale de l'histoire du Moyen-Orient.
Pour comprendre les problèmes actuels des pays arabes, ce livre explique le poids des religions et des structures familiales, l'échec du nationalisme arabe et le découpage des provinces de l'Empire ottoman en autonomies locales, fondées sur les divisions communautaires et les particularismes régionaux. Un tableau précieux de la diplomatie française et des grands acteurs de cette période.
Une actualité étonnante du sujet : les Américains ont largement repris les idées de Robert de Caix sur le refus de l'administration directe, l'émiettement de l'ensemble proche-oriental, l'appui donné aux minorités pour briser toute tentation unitaire et asseoir leur influence.
Un ouvrage pour historiens passionnés qui souhaitent aller plus loin et comprendre les dessous de l'Histoire. Gérard D.Khoury est invité au Rendez-Vous de l'Histoire de Blois.

ROBERT DE CAIX a été directeur du Journal des Débats et rédacteur en chef du Bulletin de l'Asie française de 1893 à 1919, secrétaire général du Haut-Commissariat à Beyrouth, Haut-Commissaire par intérim et représentant accrédité de la France à la Commission permanente de mandats à Genève de 1926 à 1939.
GERARD D.KHOURY, après un doctorat d'Histoire sur la France au Levant, travaille et milite dans le cadre du Mouvement Condorcet sous l'égide de la Ligue française de l'Enseignement. Il est actuellement chercheur associé à l'Institut de Recherches et d'Etudes sur le Monde Arabe et Musulman (IREMAM).

Editions Belin
Collection " HISTOIRE ET SOCIETE " - 496 pages - 28 €



«Tabourni ou le camp Mié-Mié», de Gabriel Boustani
Le Liban sous le mandat français revisité entre passion et guerre


Un pavé pour une belle fresque historique. Un roman tumultueux où personnages, situations et événements ont la part belle sous l’impulsion de la plume d’un écrivain qu’on ne présente plus aux lecteurs francophones libanais et étrangers. Dramaturge avec plus d’une quinzaine d’opus à son actif, dont «Aladin in Memoriam», «La barque de Dante», «Le grand yaourt», «Hotel Semiramis», et producteur de films avec, entre autres, «Mort en direct» de Bertrand Tavernier, «Atlantic City» de Louis Malle, «Le sang des autres» de Claude Chabrol, «Croque la vie» de J.C. Taccchela, Gabriel Boustani est un auteur prolifique qui ne craint pas de s’attaquer, en art, à plus d’un genre.

Force de l’image et clarté du dialogue sont le moteur d’une œuvre qui, tout en jetant des embranchements dans les interrogations philosophiques et les angoisses métaphysiques, n’oublie guère les préoccupations quotidiennes en sondant, mine de rien, les dédales de l’histoire.
Renouant avec le genre romanesque, dans un livre-fleuve, l’auteur du Retour d’Adonis offre, pour la bousculade de la rentrée 2006, une belle palette de couleurs littéraires qui n’a rien à voir avec Zaizafoune, des nouvelles de jeunesse, et le personnage fictif récurrent «Joachim l’imbécile», sorte de voilette d’écrivain à ses débuts, pour mieux dire ce qui ne se dit pas sans porter des gants…
Aujourd’hui, en devantures des librairies, Tabourni ou le camp Mié-Mié, signé Gabriel Boustani (Pharos-Jacques-Marie Laffont-417 pages), est un livre intense où, entre passion et guerre, le Liban sous mandat français est «romanesquement» revisité. Avec allusions, piques, pointes, hommage, descriptions détaillées, une certaine analyse et beaucoup de générosité de cœur, pour une période qui a réciproquement marqué, à des niveaux naturellement différents, le pays du Cèdre et l’Hexagone. «N’allez surtout pas croire que c’est un roman politique» s’empresse de préciser Gabriel Boustani. En exergue, l’auteur écrit ces lignes: «On dit de l’histoire qu’elle se répète… Périodes de fêtes, périodes de charme et d’échanges, mais aussi périodes de violence et de déchirure, tel fut le mandat français au Liban: héroïsme, passions, luttes et un temps pour les amours. Ce temps qui laissa quelque chose de nous dans la France et beaucoup de France dans le Liban…»
Le roman s’ouvre sur une scène – presque de cinéma! – avec Rosine Matard, la tante du narrateur, mordant dans un élan de révolte un officier français au bassin de Beyrouth et sous le choc d’un désir fou, possédée par ce dernier, balayant du coup pucelage et états d’âme… Personnage flamboyant et jeune femme fascinante, l’héroïne de ce roman, habitée d’une passion dévorante et romantique, mène impérieusement la ronde de sa tranche de vie devant le regard médusé de «Tabourni», surnom tendrement donné à son neveu… Oui «Tabourni» est bien l’équivalent outrancièrement lyrique et courant de l’expression arabe «Taaberni» (enterre-moi!). C’est déjà dire la relation privilégiée du narrateur avec une femme que rien ne prédisposait à être, sans l’avoir cherché, à la tête d’un camp d’internement de la France en guerre puis de la France de l’armistice. Une femme admirable qui su faire de ce camp un refuge, permettant ainsi à certains de ses internés d’échapper à l’extradition vers les camps de concentration nazis.

Fiction et réalité pour le bilan d’un mandat
Phrases courtes et claires, humour, pathos et vivacité pour un récit aux rebondissements multiples, palpitant comme un roman policier. Avec en filigrane, les trahisons des armées vichystes, les intermittences du cœur sur un mode romantique, des personnages d’un autre temps mais si actuels (!), des meurtres, des batailles et une identité farouchement gardée secrète jusqu’aux dernières lignes. Et qu’on se gardera de dévoiler afin de ne pas gâcher le plaisir de lire et de découvrir…
«Je porte cette histoire en moi depuis au moins vingt-cinq ans, confie Gabriel Boustani par e-mail interposé, et j’attendais le déclic pour l’écrire. Écriture que j’ai commencée en 2003. N’oubliez pas que c’est de la fiction tirée de faits réels. Le vrai et le faux ne sont-ils pas les deux faces d’une même réalité ? On met beaucoup de choses, en plus de soi, dans un roman… Je voulais régler probablement de vieux comptes à la fois littéraires et politiques, en plus de ma double nationalité franco-libanaise bien entendu. Cette période du mandat français m’a toujours fasciné à plus d’un titre. Surtout la guerre 39-45. Elle est restée vivace dans la mémoire collective de tout le monde. Plus particulièrement en ce qui concerne notre pays. Je trouve cette période de l’histoire mêlée de la France et du Liban très romantique, très riche et très peu abordée par le genre romanesque, question de mode peut-être… En 1941, deux armées régulières françaises se sont affrontées ici et nulle part ailleurs. Elles ont laissé des milliers de morts sur nos plages pour une certaine liberté. Événements passés dans les trappes de l’histoire. Cela à mon sens méritait d’être raconté ou du moins servir de toile de fond d’une belle histoire d’amour et de guerre. En dehors de l’autoflagellation dont sont férus certains Français et qui est très à la mode, pour condamner et mettre dans le même sac colonialisme et mandat, disons les choses comme elles sont, sans fard et amalgames. Les Ottomans sont restés 400 ans au Liban, qu’ont-ils laissé derrière eux? Misères, désordre, bakchichs et j’en passe. Les Syriens, d’une manière ou d’une autre, sont restés trente ans. Qu’ont-ils laissé derrière eux? Fort heureusement, on commence à dresser le désastreux bilan des destructions systématiques, de la culture, de l’administration, de la justice, des libertés et le compte n’est pas fini… Mais la France, quel bilan en vingt-cinq ans de mandat a-t-elle laissé? Je souhaite le dire pour une fois. Écoles, universités, facultés, hôpitaux, administration, armée libanaise qu’on s’est acharné à détruire jour après jour depuis, le code civil qui est devenu le nôtre, le XVIIIe siècle, Voltaire, et la laïcité pour les plus éclairés d’entre nous, et Maarad que le président Hariri a eu la force de rétablir à l’identique au prix de sa vie, comme le plus bel hommage à cet héritage. Et j’en passe. Bien sûr le Liban, sur le plan de la culture, était un terrain fertile et loin d’être totalement en friche. Dans la plus sombre des estimations, le mandat français a eu la délicatesse de ne pas détruire ce qu’il y avait, comme l’ont systématiquement fait ses prédécesseurs ou ses successeurs. D’autre part, je trouve que les rapports entre les êtres, à cette époque-là, étaient empreints d’une grande délicatesse et d’un sens de l’honneur que je trouve rarement de nos jours. À moins que ce ne soit le temps qui affine les faits et gestes des hommes en les rentrant dans les fûts de l’histoire comme les vieux vins… À chaque époque son langage. Mais l’histoire
recommence… »

Edgar DAVIDIAN pour l'Orient Le Jour


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