Février 2009
Une grande réunion pour l'eau est prévue cette semaine à
Beyrouth, au cours de laquelle seront discutés des thèmes
intéressant les pays méditerranéens,
comme la gestion intégrée des ressources hydrauliques, le
financement de l'eau, l'hydrodiplomatie, etc.
La
deuxième semaine de l'eau à Beyrouth, qui accueille
la réunion des directeurs de l'eau du bassin méditerranéen
et des experts dans le domaine, est organisée du 4 au 7 février,
à l'hôtel Metropolitan, par le ministère de l'Énergie
et de l'Eau, direction générale des ressources hydrauliques
et électriques, et le Partenariat global pour l'eau - Méditerranée
(GWP-Med), avec l'appui de la Composante méditerranéenne
de l'Initiative de l'eau de l'Union européenne (MED EUWI) - pilotée
par le gouvernement grec -, le gouvernement français et d'autres
donateurs.
Ces réunions des directeurs généraux de l'eau ont
lieu deux fois par an, dans le cadre de la MED EUWI, et cette réunion
se déroule cette fois-ci à Beyrouth.
Le ministre de l'Énergie et de l'Eau Alain Tabourian, le ministre
français Jean-Louis Borloo, invité d'honneur, Serge Telle,
ambassadeur, représentant l'Union pour la Méditerranée
(UPM), ainsi que les directeurs généraux des pays membres
et de nombreux représentants d'organisations régionales
et internationales seront présents. Les présidents du congrès
seront Fadi Comair, directeur général du ministère
de l'Énergie et de l'Eau, et Michael Scoullos, président
du GWP-Med.
Seront notamment discutés des thèmes ayant trait, sur un
plan plus vaste, à l'élaboration de la nouvelle stratégie
de l'eau en Méditerranée, et les efforts à déployer
collectivement pour y arriver, surtout avec la perspective du changement
climatique dont l'impact sur le bassin méditerranéen sera
une nette pénurie en eau. Ainsi, la première session sera
consacrée à la gouvernance de l'eau en Méditerranée,
et sera axée sur les initiatives et les processus régionaux
en cours, ainsi que sur le rôle de l'UPM dans le domaine de l'eau
et du développement durable. Au cours de cette session, le concept
de gestion intégrée (globale) des ressources en eau et la
nécessité de son application par les pays du sud-est de
la Méditerranée seront au centre des interventions et des
discussions.
Autre sujet brûlant, celui de la gestion de la demande en eau, une
eau qui se fera de plus en plus rare en raison du changement climatique
et de la croissance démographique. Au cours de cette deuxième
session, des sujets comme l'économie d'eau en vue d'une utilisation
maximale, la protection des ressources et autres mesures à prendre,
seront soulevés. La délicate question de la tarification
de l'eau sera débattue comme outil inévitable de la gestion
de la demande de l'eau.
Le financement de l'eau, notamment les projets hydrauliques destinés
à satisfaire les besoins des populations, sera abordé par
les participants à la réunion. L'accent sera mis sur le
partenariat public-privé, et les succès dans ce domaine.
Les cours d'eau transfrontaliers et le partage des ressources sont souvent
source de problèmes, entre autres au Moyen-Orient et en Afrique
du Nord. La coopération régionale pour la gestion de ces
cours d'eau internationaux sera au menu des discussions des directeurs
généraux et des experts, plus précisément
l'hydrodiplomatie qui serait fondée sur la coopération en
vue de la création d'une dynamique de développement économique
au niveau d'un bassin transfrontalier, loin du concept purement sécuritaire.
Le rôle de l'éducation sera discuté au cours d'une
session présentée par l'Unesco, des représentants
de différentes universités libanaises, françaises
et méditerranéennes, ainsi que des représentants
de la société civile.
L'enseignement universitaire visant à former les futurs «
leaders de l'eau » du bassin méditerranéen et sa contribution
au développement seront au centre des débats.
Le changement climatique et ses effets sur les ressources hydrauliques
des pays du Sud-Est méditerranéen sera bien sûr discuté
au cours de cette réunion, sous l'angle de l'adaptation des différents
pays à ce phénomène, et les mesures à prendre
pour faire face à cette situation qui affectera, à l'évidence,
quelque 300 millions de personnes souffrant de pénurie d'eau en
2070.
Un
rôle central pour le Liban dans la stratégie régionale
M. Comair précise à L'Orient-Le Jour que cette réunion
de directeurs généraux se tient généralement
deux fois par an, à l'initiative de la MED EUWI, pilotée
par la Grèce. Elle vise à discuter des problèmes
d'eau dans les pays de la région, particulièrement des effets
néfastes du changement climatique, et de la pénurie d'eau
dont risque de souffrir le bassin méditerranéen, avec une
mutation graduelle vers des climats plus arides.
Pour faire face à de tels problèmes, toujours selon M. Comair,
l'objet de l'Initiative de l'eau de l'UE, avec l'UPM, sera de présenter
un plan global pour la gestion de la demande en eau, qui pourra s'adapter
aux cas des différents pays. L'accent sera mis, notamment, sur
l'irrigation qui utilise actuellement une moyenne de 80 % des ressources
des pays du sud-est de la Méditerranée, sachant que les
pays de la rive nord, qui disposent de plus d'eau, utilisent des techniques
d'irrigation avancées. La question de la réutilisation de
l'eau après épuration est aussi au centre des préoccupations.
Selon le directeur général de l'Eau, il faut axer les efforts
sur deux paramètres : la mobilisation de ressources dans des barrages
et des lacs, et la réutilisation de l'eau épurée
tout en introduisant des techniques d'irrigation plus efficaces.
Le troisième thème principal est celui de la gouvernance.
M. Comair rappelle que le Liban a adopté une stratégie de
l'eau, ce qui pousse la MED EUWI à vouloir mettre en avant son
rôle dans l'élaboration d'une stratégie régionale.
Il indique également que le concept de la gestion intégrée
de l'eau est adopté depuis 2000.
Mais le délai de la mise en application de la stratégie
décennale, souligne-t-il, a été repoussé jusqu'à
2018.
Novembre
2008- Le
symposium international sur leau
« Resolving the Water-Energy Nexus
»
sest déroulé au siège de lUnesco à
Paris du 26 au 27 novembre, un événement qui sinscrit
dans le cadre du Programme hydrologique international (PHI) de lUnesco
en collaboration avec le Programme des énergies renouvelables
de lUnesco.
Il
est organisé par lassociation RED-Éthique et constitue
également un événement préparatoire au Forum
mondial de leau, qui se tiendra à Istanbul, en mars 2009.
A
cette occasion, le directeur général des Ressources électriques
et hydrauliques Fadi Comair (photo ci-dessus) a tenu à relever
quil est désormais inévitable pour les Libanais
de prendre conscience que « le monde est en train de changer »
et que, par conséquent, le Liban est également concerné
par le changement climatique et la rareté des ressources hydrauliques.
« Les précipitations sont passées de 600 à
450 millimètres par an, et il ne pleut plus que sur 60 à
90 jours au lieu des 90 à 100 jours habituels. Sur le plan climatique,
la température autour du bassin méditerranéen va
augmenter dans les années qui viennent de 2 à 4 degrés
Celsius. Pour le Liban, cela signifie que le climat va devenir semi-aride
après avoir été méditerranéen. Les
pays semi-arides, comme le Maroc par exemple, vont connaître laridité
totale, type Arabie saoudite ou les Émirats arabes unis. »
Cest seulement lorsque le Liban et ses voisins directs auront
pris conscience de limportance de la gestion de leau quune
réelle coopération pourra avoir lieu. Selon M. Comair,
cette prise de conscience existe déjà. Il cite dans ce
cadre les modifications qui ont été apportées au
traité signé avec la Syrie concernant les eaux de lOronte.
Originellement signé en 1994 dans la foulée des accords
de Taëf, il prévoyait que le Liban accéderait à
80 millions de mètres cubes par an, sans prévoir dinfrastructure
de stockage, ni lirrigation. De plus, il considérait les
eaux souterraines comme des bassins ouverts et comptabilisait le fleuve
Nahr Ibrahim dans le cadre de ces 80 millions de mètres cubes.
« Cest en se basant sur la Convention sur leau des
Nations unies de 1997 que le Liban et la Syrie ont tous deux signé
que nous avons réussi à convaincre la partie syrienne
de revoir cet accord. Largument principal sur lequel nous nous
sommes basés était le suivant : si nous ne parvenons pas
à coopérer entre pays amis, comment pourra-t-on procéder
avec lennemi et face à lui, en loccurrence Israël
? Mais cela na pas été facile, six mois sont passés
sans que nous parvenions à tomber daccord sur un ordre
du jour. » En 2002, les accords ont été modifiés
et trois points importants ont été retenus : le stockage
de 38 millions de mètres cubes, la création de la station
hydroélectrique et lirrigation de sept mille hectares dans
le Hermel et dans le Kaa.
Le
Wazzani et le Hasbani
Plus
au sud et en ce qui concerne le Wazzani et le Hasbani « le partage
nest toujours pas équitable. Nous avons réussi à
faire entendre nos droits auprès des Nations unies dans une lettre
adressée à Kofi Annan à lépoque. Mais
cela na pas été facile, car Israël nest
pas signataire de la Convention de 1997 ». Concrètement,
le Liban na droit aujourdhui quà 7 millions
de mètres cubes sur un total de 135 millions. « Israël
pratique une gestion non durable de leau. Le standard reconnu
par lONU, cest 200 litres par jour et par personne. En Israël,
ce sont 350 litres par jour par personne qui sont utilisés.
Au Liban, nous devrions pouvoir accéder dans la zone du Wazzani
et du Hasbani, cest-à-dire une superficie de 5 000 hectares
et une population de 300 000 habitants, à ce standard de 200
litres par jour et par personne. »
Quid des fermes de Chebaa ? Fadi Comair souligne que le Jourdain prend
sa source dans trois points géographiques distincts : en Cisjordanie,
dans le Golan et au Liban-Sud, grâce au Wazzani et au Hasbani.
Les fermes de Chebaa irriguent quant à elles le fleuve Dan «
et ont une incidence directe sur ce fleuve dont profite directement
et exclusivement Israël depuis son occupation de cette zone.
Quantitativement, cette zone comprend 28 à 30 mètres cubes
deau ».
Les projets en matière deau et dénergie propres
restent nombreux au Liban, même sils sont trop souvent occultés
par une actualité politique peu propice au développement
de projets environnementaux à portée durable. Au nombre
de ces projets figurent « un certain nombre de barrages tendant
à retenir et stocker 850 mètres cubes deau »,
lédification de « centrales hydroélectriques
au niveau du Nahr Ibrahim, de lOronte et du Bared » surtout
que « chaque année, lOffice des eaux paie une facture
faramineuse à lÉlectricité du Liban »
et que tout cet argent pourra être économisé si
ces projets sont menés à bien. Les éoliennes ont-elles
une place au Liban ? « Bien sûr, nous avons dores
et déjà répertorié les sites ventés.
Nous en comptabilisons trois : la plaine de Marjeyoun-Khiam, la plaine
du Akkar et dans le Mont-Liban, sur laxe Cèdres-Faraya.
»
L’eau, nouvel enjeu géopolitique
«Opération
Litani» ou la guerre pour l’or bleu?
|
Le n°4 de la revue « Études géopolitiques » éditée par
l’Observatoire français d’études géopolitiques (OEG) vient de paraître.
-Eté 2005- Publié sous la direction
de Charles Saint-Prot et Zeina el-Tibi, ce numéro soulève la question
de l’eau, de son enjeu économique et commercial dans les principales régions
du monde (Proche-Orient, Asie, Amérique, Afrique).
L’« or bleu » fait l’objet de plusieurs analyses signées Jeremy Allouch
(Institut universitaire des hautes études internationales à Genève), Chanel
Boucher (vice-président de la Banque africaine de développement), Alexandre
Brun (professeur à l’université de Caen), Adil Bushnak (Arabie saoudite),
Fadi Comair (directeur des Ressources hydrauliques au Liban), Frédéric
Lasserre et Jean Mercier (professeurs à l’université Laval du Québec),
Gilles Munier (journaliste), Ricardo Petrella (Université catholique de
Louvain), Charles Saint-Prot (géopoliticien, directeur de l’OEG) et Zeina
el-Tibi (journaliste, directeur de la revue « Études géopolitiques »),
mais aussi Christian Chesnot, journaliste spécialiste des questions hydrauliques
et auteur de plusieurs publications dont « La bataille de l’eau au Proche-Orient
», paru aux éditions L’Harmattan.
Travaux sur le fleuve Wazzani
Le numéro lui consacre une étude sur la question de l’eau dans le conflit
israélo-arabe dont nous publions ci-dessous quelques extraits. Au Proche-Orient
plus qu’ailleurs, l’eau promet d’être un enjeu majeur du XXIe siècle.
L’occupation de la Cisjordanie se traduit par une réalité lourde de conséquences
pour les Palestiniens : Israël contrôle tous les flux, en provenance ou
à destination des Territoires autonomes. Hommes ou marchandises, électricité
ou Internet, tout doit passer par l’État hébreu à un moment ou à un autre.
Et l’approvisionnement en eau ne doit pas faire exception à la règle.
Les autorités israéliennes peuvent en effet à tout instant « couper le
robinet » puisqu’elles gèrent l’ensemble du système d’infrastructures
hydrauliques, des stations de pompage jusqu’au réseau de canalisations
(…) L’État hébreu dispose de la capacité technique de limiter ou de perturber
ses livraisons d’eau en fonction de la conjoncture politique. Une véritable
épée de Damoclès suspendue en permanence au-dessus de la tête de la population
palestinienne, qui, depuis des années, souffre d’un approvisionnement
parcimonieux, et largement insuffisant. Car en Palestine, comme ailleurs
au Proche-Orient, le spectre de la pénurie d’eau menace. Outre la dimension
politique (l’eau est une source de pouvoir pour celui qui la possède),
la problématique du partage des ressources hydriques est devenue un enjeu
majeur pour tous les pays de la région. Régulièrement, le roi Abdallah
II de Jordanie parle dans ses discours de « priorité nationale » absolue
pour son royaume. Car le Proche-Orient commence à connaître des situations
de « stress hydrique », selon la terminologie employée par les experts
hydrauliques.
Nombreux sont les États qui se situent désormais sous le seuil de pénurie,
estimé à 1 000 m3 d’eau par habitant et par an. À 500 m3, la situation
devient critique et à moins de 100 m3, il faut faire appel à des sources
d’eau « non conventionnelles » comme le dessalement ou la réutilisation
des eaux usées. Le Koweït, le Qatar et Bahreïn disposent de 90 à 120 m3
par habitant et par an ; l’Arabie saoudite de 160 m3 ; Israël de 400 m3
et la Jordanie de 260 m3. Ces deux derniers pays accusent un déficit d’environ
300 millions de m3/an qu’ils comblent en surexploitant les nappes phréatiques,
dont certaines ne sont pas renouvelables.
Aujourd’hui, l’équilibre entre les besoins de l’homme (agriculture, tourisme,
industrie et approvisionnement des villes) et la qualité d’eau disponible
dans de nombreuses parties du Proche-Orient est rompu ou en passe de l’être.
Face à une croissance démographique rapide combinée à un développement
économique et social qui dévore les ressources hydrauliques, le fossé
se creuse inexorablement. Tout au long de la dernière décennie, la crise
de l’eau a atteint une ampleur inquiétante. L’ancien secrétaire général
de l’ONU, Boutros Boutros-Ghali, a été l’une des premières personnalités
internationales à tirer la sonnette d’alarme : « Le prochain conflit dans
la région du Proche-Orient portera sur la question de l’eau (…)
L’eau deviendra une ressource plus précieuse que le pétrole », assurait-il
dès 1992.
Vue
du fleuve Litani et du lac de Qaraoun
Les conséquences du réchauffement climatiques au
Liban:
Crues précoces et moins deau à consommer,
premiers effets
dune élévation des températures au
Liban
Beyrouth, Février 2007-
Le changement climatique est un phénomène global
dont lexistence ne fait plus de doute pour la communauté
scientifique. De toute évidence, il affecte le Liban qui,
à linstar des autres pays à climat modéré,
risque de connaître des hausses de températures de
lordre de 2 à 4°C. Les conséquences les
plus graves concerneront lapprovisionnement en eau qui dépend
en grande partie, au Liban, de la fonte des neiges. Les résultats
dune étude menée depuis 2001 sous la direction
de Wajdi Najem, directeur du Centre régional de leau
et de lenvironnement de lESIB (USJ), montrent que
le stock deau provenant des neiges passera de 1 200 millions
de mètres cubes dans les conditions actuelles à...
700 millions en cas de hausse de deux degrés, et à
350 millions en cas de hausse de quatre degrés. De même,
laltitude denneignement durable, le débit des
cours deau en été, etc en seront tous affectés.
Létude soulève également les défis
de la gestion qui naîtront des conséquences du changement
climatique. De quoi faire réfléchir...
Rétrécissement
des pistes skiables et irrigation problématique dans
lagriculture
«Le
groupe dexperts intergouvernemental sur lévolution
du climat (GIEC), réuni à Paris depuis le 31 janvier,
vient de rendre un rapport alarmant concernant le réchauffement
de la planète. Ce quatrième rapport affine les
estimations du troisième rapport établi en 2001
: la perspective dun réchauffement global sétablit
entre 1,8°C et 4°C pour 2100, si aucune mesure nest
prise pour contrer cette évolution (voir LOrient-Le
Jour du 3 février). Un consensus semble sêtre
dégagé pour attribuer la plus grande part de ce
réchauffement aux activités humaines, en particulier
les émissions de dioxyde de carbone liées aux
combustions de produits pétroliers et de charbon. Le
rapport scientifique est complété par un résumé
aux décideurs préconisant des mesures visant à
limiter cette évolution globale et à la prendre
en compte dans la planification régionale. Ce document
constitue un appel aux gouvernements qui sont sollicités
à deux niveaux : au niveau mondial pour établir
des accords gouvernementaux limitant les émissions de
dioxyde de carbone (le premier accord a été établi
à Kyoto en 1992), au niveau local, pour intégrer
les impacts régionaux à leur politique daménagement.
En effet, le réchauffement global va être ressenti
de façons très différentes suivant le contexte
local : un réchauffement de 2°C sera plutôt
favorable au développement du Canada, ou de la Sibérie,
et catastrophique dans les pays sahéliens ; une élévation
de 40 centimètres du niveau marin aura des conséquences
minimes au Liban, mais nécessitera le déplacement
de dizaines de millions de personnes au Bangladesh. Il est nécessaire
denvisager les conséquences locales des changements
climatiques locaux en particulier leurs deux composantes principales
: la pluie et la température.
Le
projet scientifique
«Afin dévaluer limpact dun changement
climatique sur le Liban, un projet scientifique a été
élaboré en 2001 par le Centre régional
de leau et de lenvironnement de lESIB (Creen)
sous la direction du doyen Wajdi Najem. Après évaluation,
ce projet a reçu le soutien du ministère français
des Affaires étrangères (programme Corus), avec
une participation de léquipe Hydrosciences de lUniversité
de Montpellier.
Les modèles de changement climatique (GCM) prévoient
pour le Liban une faible variation de la pluviométrie
et une hausse de température moyenne conforme à
celle des pays tempérés dans la fourchette de
2 à 4°C pour la fin du siècle dans des conditions
de croissance de la concentration de dioxyde de carbone définies
(500 ppm à lhorizon 2100). Les impacts les plus
significatifs concernent le cycle de leau, avec des modifications
de la disponibilité de leau et ses conséquences
avec de nouveaux conflits dusage de la ressource. La prévision
des impacts nécessite délaborer des outils
de représentation du comportement (les « modèles
»), basés sur des mesures des grandeurs physiques
in situ.
Dans les régions du Liban non soumises à lenneigement,
les modifications faibles de la pluie et de lévaporation
des sols sont négligeables en comparaison avec les impacts
liés aux autres causes dorigine humaine, comme
la concentration urbaine et lextension accélérée
de lirrigation. Les prévisions de ces termes sont
suffisamment incertaines, pour cacher leffet du réchauffement.
Leffet le plus spectaculaire est lié à limpact
du réchauffement global sur lenneigement, et ses
conséquences sur les régimes des sources et des
fleuves libanais. Chaque année sur le mont Liban,
il peut neiger à partir de 1 000 mètres, et aux
altitudes plus élevées, le couvert neigeux peut
persister pendant environ 3 mois. Lorsque cette neige fond au
printemps et durant lété, elle participe
avec un certain retard sur les pluies dhiver, à
lalimentation de la quasi-totalité des cours deau
libanais. La fonte des neiges alimente non seulement les fleuves
coulant entièrement au Liban, les fleuves côtiers
et le Litani, mais aussi lOronte, fleuve international,
qui, après avoir traversé la Békaa-Nord
et la Syrie, se jette dans la mer en Turquie à Antakya.
Pour aborder le problème de limpact du réchauffement
sur lenneigement et ses conséquences, et en raison
de labsence de données chiffrées sur cette
question, le Creen a lancé, en 1999, un grand programme
scientifique en deux volets. Le premier volet a consisté
à instrumenter le haut bassin du Nahr el-Kalb, pour déterminer
les caractéristiques de la neige, les conditions de sa
chute et de sa fonte, sa répartition en surface et lépaisseur
du manteau neigeux. Ces études ont commencé en
décembre 1999, sous la direction de J.O. JOB, directeur
de recherches à lInstitut de recherches pour le
développement. Elles se sont poursuivies jusquà
fin juillet 2004, et ont fait lobjet de nombreuses publications.
Trois étudiants de DEA ont effectué les mesures
de terrain et soutenu leurs mémoires sur le sujet. Une
thèse de doctorat a été soutenue en 2006
(Angèle Aouad). Des équipements ont été
installés : 3 stations météo dont une à
Ouyoun el-Simane à 1 880 m.
Ce dispositif relativement lourd a permis de recueillir les
données nécessaires à la compréhension
des mécanismes et à lestimation des paramètres,
qui conditionnent lévolution dans le temps de léquivalent
en eau du couvert neigeux.
Le second volet a consisté à élaborer des
outils mathématiques, qui, à partir des données
recueillies sur le terrain, sont capables de prévoir
à longue échéance les comportements du
couvert neigeux, le débit des sources et des fleuves,
dans les conditions nouvelles créées par le changement
de température. Cette partie a été menée
à bien sous la direction de C. Bocquillon, professeur
émérite de lUniversité de Montpellier.
Une dizaine détudiants en DEA ont participé
à lélaboration de ces outils mathématiques
et une thèse a été soutenue sur le sujet
(Antoine Hreiche).
Les
résultats
« La quantité deau précipitée
en moyenne sur le territoire libanais est denviron 9 000
millions de mètres cubes, dont environ le tiers sous
forme neigeuse. En raison des variations thermiques autour de
0°C, une grande partie de cette neige va fondre aussitôt
tombée. Mais laccumulation des quantités
non fondues va constituer un stock, qui atteint son maximum
au mois de mars, à la fin de la saison des pluies. Lors
de la fin du printemps et de lété, ce stock,
en fondant, assurera le soutien des débits des sources
et des fleuves.
Dans les conditions climatiques actuelles, ce stock peut être
estimé en moyenne à 1 200 millions de m3, ce qui
est considérable (5 à 6 fois la capacité
de stockage du barrage de Qaraoun). Un réchauffement
de 2° réduirait ce stock à 700 millions de
m3, un réchauffement de 4° à 350 millions
de m3. On voit donc limpact considérable du réchauffement
planétaire sur lenneigement du Liban. Ce fait est
dû essentiellement à la position géographique
du pays situé autour du 32e parallèle, qui constitue
une limite inférieure de lexistence de neige permanente.
Un réchauffement de 2° équivaut à un
déplacement vers le Sud de 200 km.
a-
Impact sur lenneigement
« Laltitude denneigement non éphémère
est en létat actuel de 1 500 mètres. Elle
monte à 1 700 mètres avec un réchauffement
de 2°C, et à 1 900 mètres avec un réchauffement
de 4°C. La durée denneigement (skiable) pour
une station située à 2 000 mètres est de
3 mois en moyenne. Cette durée passerait à 45
jours avec un réchauffement de 2° et à 1 semaine
avec un réchauffement de 4°. Limpact sur les
conditions de fonctionnement des stations de sports dhiver
serait considérable. Lhiver particulièrement
doux en France cette année préfigure ce que sera
une année sur deux dans lavenir : les stations
de moyenne montagne navaient ouvert que la moitié
de leurs pistes au 1er février. Dans ces conditions,
les investisseurs hésitent dans la réalisation
daménagements coûteux (télésièges,
canons à neige, etc
), dont lamortissement
est prévu dans des dizaines dannées.
b- Impacts
sur les sources et les rivières
« Les sources et les fleuves côtiers libanais ont
un régime pluvio-nival caractérisé par
une alimentation partagée environ 65% par le ruissellement
et 35% indirectement au travers de la fonte de la neige. Cette
alimentation joue un rôle essentiel de régulation
de lhydrologie libanaise. Le stock neigeux va fondre en
avril, mai, juin et même juillet, alors que la saison
des pluies est finie. Une élévation de la température
va augmenter les débits dhiver en décembre,
janvier, février, alors que la demande dutilisation
est faible. En labsence de stockage, cette eau sera perdue.
Par contre, au mois davril, mai, juin, le stock neigeux
plus faible ne pourra plus assurer un soutien efficace des débits,
alors que la demande en eau dirrigation est maximale.
Les dates de franchissement de débits détiage
sont avancées de 20 jours pour un réchauffement
de 2°, et de plus dun mois pour 4°. Les dates
de reprise des débits liés aux premières
pluies sont inchangées, ce qui entraîne un allongement
de la durée de tarissements des sources et des fleuves,
dun mois pour 4°, ce qui est considérable au
niveau de la gestion des ressources.
Les changements des régimes des cours deau entraînent
des modifications des régimes des crues. Le Liban est
un pays à risque pour de tels événements
(la crue du Abou Ali a causé plus de 300 morts en 1955).
À lheure actuelle, les zones littorales libanaises
peuvent être le théâtre de crues pluviales
en février-mars et de crues de fonte de neige, suite
à des coups de khamsin en mai-juin. En cas de réchauffement
de 4°, les crues dhiver pourraient être renforcées
de 30%, ou même plus, car les experts envisagent un dérèglement
du système pluvieux, avec apparition dépisodes
extrêmes.
c- Les
défis de la gestion dun changement climatique
« Les impacts du réchauffement climatique posent
de graves questions aux aménageurs en modifiant les perspectives
dévolution économique et humaine à
des échéances de lordre de celles des plans
daménagement
Un réchauffement de 4 degrés accélérerait
la décrue des fleuves dune vingtaine de jours.
Cette diminution de la ressource serait compensée par
laugmentation de température, qui permettrait une
mise en culture et ainsi des récoltes plus précoces.
On peut penser que lagriculture irriguée ou non
saurait sadapter en raison de la longue pratique dadaptation
du monde agricole aux dates de semis. Le problème viendrait
beaucoup plus de conflits avec les usages urbains, en particulier
la constitution de stocks importants nécessaires à
lalimentation urbaine sur une saison de pénurie
allongée dun mois.
En raison du raccourcissement de la saison de remplissage des
réserves, de nouveaux réservoirs de stockage superficiels
et souterrains seraient nécessaires, avec des volumes
considérables nécessités par la disparition
du stock neigeux,
Les perspectives de réchauffement climatique que nous
venons dexaminer sont totalement liées aux hypothèses
démission de dioxyde de carbone au niveau mondial.
Elles supposent une maîtrise de ces émissions à
un niveau raisonnable. Certains pays ont déjà
adopté des mesures de limitation, lEurope en particulier.
Les États-Unis semblent plus réticents, malgré
louverture récente du président Bush. Il
sera difficile de convaincre certains pays émergents
de ralentir leur croissance pour sauver dautres pays de
catastrophes majeures.
Au niveau national, il est difficile de définir des stratégies
de développement comportant de très nombreuses
possibilités. Les responsables gouvernementaux doivent
décider dans le cadre dun avenir incertain. Mais
nest-ce pas le propre des choix politiques ! »
Wajdi NAJEM
Directeur du centre régional de leau et de lenvironnement
- ESIB
|
Israël assoiffe pour régner
Plusieurs « guerres de l’eau » ont déjà eu lieu dans un passé récent.
Ainsi la troisième guerre israélo-arabe de 1967, dite des Six-Jours, fut
à bien des égards un conflit pour le contrôle des sources du Jourdain.
Une grande partie de la tension qui a provoqué le déclenchement des hostilités
trouve son origine dans les efforts d’Israël et des pays arabes visant
à détourner et à exploiter à leur profit exclusif le cours du fleuve biblique.
La décision d’Israël, en septembre 1953, d’assécher le lac Houleh pour
capter la totalité du débit du Jourdain suscita une levée de boucliers
dans le monde arabe. Afin d’apaiser les tensions naissantes, les États-Unis
dépêchèrent d’urgence dans la région un envoyé spécial, Eric Johnston.
Celui-ci proposa le fameux plan de partage des eaux du Jourdain qui porte
son nom et qui restera pendant des décennies la référence pour toute solution
négociée. Signalons que ce plan prévoyait l’octroi de quotas pour les
pays riverains du bassin du Jourdain : un tiers du débit pour Israël et
les deux autres tiers pour les pays arabes (Liban, Syrie, Jordanie). Mais
le plan Johnston ne fut jamais appliqué en raison du climat politique
extrêmement tendu et instable de l’époque.
Le fleuve Hasbani, un autre réservoir du Liban
Malgré les pressions internationales et régionales, Israël poursuivit
ses travaux d’aménagement hydraulique qui devait servir à approvisionner
les villes et à irriguer le désert du Néguev. De leur côté, les pays arabes
décidèrent une riposte en adoptant lors du premier sommet arabe du Caire,
en janvier 1964, un contre-projet de diversion des eaux du Jourdain, profitant
de leurs positions privilégiées de pays en amont. Ce plan devait non seulement
organiser le détournement des eaux du Jourdain vers la Syrie, le Liban
et la Jordanie, mais également priver Israël des ressources du Hasbani,
du Banias et du Yarmouk qui alimentent le cours du Jourdain. Israël réagit
alors avec fermeté par la voix de son Premier ministre, Levi Eshkol, qui
déclara le 15 janvier 1965 : « Toute tentative des Arabes visant à empêcher
Israël d’utiliser la part qui lui revient des eaux du Jourdain serait
considérée par nous comme une attaque contre notre territoire. J’espère
donc que les États arabes n’appliqueront pas les décisions qu’ils ont
prises au Caire. Si, toutefois, ils les appliquaient, une confrontation
militaire serait inévitable. » Dès lors, les incidents armés se sont multipliés
entre Israël et les pays arabes sur les chantiers et ouvrages hydrauliques
(…) En avril 1967, l’aviation israélienne parvint à détruire un barrage
syro-jordanien sur le Yarmouk. Finalement, la guerre des Six-Jours se
traduisit pour l’État hébreu à la fois par des avancées territoriales
et par des gains hydrauliques : l’eau du Golan et celle des nappes de
Cisjordanie passèrent sous contrôle militaire israélien. Une situation
qui perdure jusqu’à ce jour : un tiers de la consommation israélienne
est assuré par les ressources du plateau syrien occupé et 90 % de l’eau
des aquifères de Cisjordanie sont exploités pour les besoins d’Israël,
notamment pour approvisionner les colonies juives.
Les
réservoirs du Liban-Sud
L’État hébreu a toujours eu des visées hydrauliques au Liban, même s’il
n’a jamais pu les réaliser. Ces ambitions remontent au projet sioniste
de formation d’un État juif.
En 1919, dans une lettre adressée au Premier ministre britannique de l’époque,
Lloyd George, le président de l’Organisation sioniste mondiale, Chaim
Weizmann, écrivait : « (...) Nous considérons qu’il est essentiel que
la frontière nord de la Palestine englobe la vallée du Litani sur une
distance de près de 25 miles (40,5 km environ) en amont du coude, ainsi
que les flancs ouest et sud du mont Hermon. » Mais le gouvernement français
opposa son veto aux prétentions de la direction du mouvement sioniste
; et cela, afin de contrer l’influence britannique dans la région et de
pérenniser son projet de « Grand Liban ». Israël n’a pas, pour autant,
renoncé à son rêve d’accéder aux rives du Litani. Il y parviendra une
première fois en 1978, lors de l’invasion militaire baptisée « opération
Litani ». Le fleuve, qui prend sa source dans la vallée de la Békaa et
forme un coude au niveau du château de Beaufort avant de se jeter dans
la Méditerranée, constitue une ligne rouge en-deçà de laquelle Israël
ne tolère aucune présence militaire hostile, qu’elle soit palestinienne
ou syrienne.
En 1982, lors de l’opération « Paix en Galilée », les troupes israéliennes
iront jusqu’à assiéger Beyrouth pour chasser les forces de l’OLP du Liban,
avant de se redéployer puis d’établir une zone de sécurité de 850 km2
au Liban-Sud censée protéger sa frontière nord. L’expérience de ce glacis
défensif sera un échec complet, qui s’achèvera en mai 2000 par le retrait
des soldats israéliens et la dislocation de l’Armée du Liban-Sud (ALS),
milice auxiliaire de l’État hébreu commandée par le général libanais Antoine
Lahd. Au cours de ces vingt-deux années d’occupation, beaucoup ont accusé
Israël de pomper l’eau du Liban-Sud, celle du Litani et des sources du
Jourdain (Wazzani, Hasbani). En ce qui concerne le fleuve Litani, une
telle hypothèse paraît fort improbable. Il faut savoir qu’un chantier
hydraulique ne passe pas inaperçu : il nécessite une logistique lourde
tant en moyens humains que techniques. Lorsque les Israéliens ont commencé
à s’approprier de la terre libanaise par camions entiers, la réaction
internationale a été immédiate et les transferts de terre ont cessé aussitôt.
Mais il n’est pas exclu que des pompages limités aux sources du Jourdain
aient pu être mis en place. Il est d’ailleurs intéressant de noter que
les désormais fameuses fermes de Chebaa sur les flancs du mont Hermon
(sud-est du Liban), adjacentes au Golan syrien annexé par Israël en 1981,
surplombent un important réservoir d’eau. Cette zone contestée lors du
retrait israélien abrite, en effet, deux sources contribuant à l’alimentation
du Banias, du Dan et du Wazzani qui, eux-mêmes, se déversent dans le Jourdain.
À n’en point douter, dans de futures négociations de paix avec Beyrouth,
Israël ne manquera pas de revendiquer un accès aux eaux du Liban-Sud.
Les Israéliens justifient leurs prétentions en expliquant qu’une grande
partie de l’eau du Litani est perdue dans la mer et qu’elle pourrait servir
à alimenter la Galilée du Nord. Ce à quoi les Libanais rétorquent que
l’insécurité dans le Sud ne leur a jamais permis d’exploiter le potentiel
du fleuve et qu’ils ont désormais besoin de toutes leurs réserves pour
approvisionner Beyrouth en eau potable et développer l’irrigation dans
la plaine de la Békaa.
Article paru le 22 Août 2005 dans
Quelques ressources intéressantes
Les fermes de Chebaa abritent des sources qui
alimentent la rivière Wazzani.
Les
enjeux géopolitiques des fermes de Chebaa
Qui sont les propriétaires des hameaux?
Malgré l'allégresse suscitée par le retrait israélien
en l'an 2000, le conflit territorial entre le Liban et Israël n'a
pas pris fin. Depuis, les hameaux de Chebaa sont restés une source
de rivalité entre les deux pays. Rivalité actualisée
par la dernière guerre avec Israël, qui a donné lieu,
dans le cadre de la 1701, à une nouvelle étude du problème
par le secrétaire des Nations unies. Quels sont les enjeux à
Chebaa et qui sont les propriétaires de ces fermes?
Pour les familiers du territoire libanais, où marquage et
signalisation restent approximatifs, un panneau indicateur est une source
d'émerveillement constant. La seule région à faire
exception à la règle est le village de Chebaa. Dans cette
zone contestée, tous les quelques kilomètres, un petit
panneau signale, en lettres blanches, la direction à suivre.
Tout au long du chemin, des soldats, nouvellement installés dans
leurs baraquements peints aux couleurs du drapeau libanais, dirigent
les voitures vers le sud. Soudain, au détour d'un pan de montagne
aride, apparaît le village blotti au fond d'une vallée
verdoyante. Une route asphaltée mène quelques kilomètres
plus loin à la frontière avec les territoires occupés,
marqués par une ligne de barbelés. Une vieille pancarte,
héritée, sans doute, d'une période antérieure
à l'occupation israélienne, indique en lettres délavées:
Hameaux de Chebaa.
C'est en l'an 2000 que la question des hameaux de Chebaa devient le
point de mire des discours politiques, lorsque le gouvernement israélien
informe le Conseil de sécurité de son intention de se
retirer du Liban dont il occupe les territoires depuis 1978, en dépit
de la résolution 425. Ce retrait se fait à partir de mai
2000 et le 16 juin de la même année, le secrétaire
général informe le Conseil de sécurité de
l'application, dans sa totalité, de la 425, conformément
à la ligne tracée par les Nations unies. La Ligne bleue,
qui voit alors le jour, est acceptée, avec réserve, par
le Liban sur quatre points: Adaïssé, Mtellé, Chebaa
et Rmeïch. Depuis, la région connaît un calme relatif,
sporadiquement interrompu par des accrochages opposant le mouvement
de résistance du Hezbollah à l'armée israélienne.
Les
familles et les wakfs
Contrairement à l'idée que l'on se fait de la région,
les quatorze fermes de Chebaa sont loin d'être une zone de combat
désertée. En effet, selon le livre Les fermes de Chebaa
de l'écrivain Youssef Dib, elles comptaient environ 1200 habitations
permanentes, pour la plupart rasées lors des invasions israéliennes.
Ces habitations servaient de résidence d'hiver aux villageois
qui travaillaient la terre et qui, l'été durant, migraient
vers le village de Chebaa, situé en hauteur. Aujourd'hui, de
nombreuses familles habitant le village, l'Eglise grecque-orthodoxe
et Dar el-Fatwa (les wakfs sunnites), qui possèdent jusqu'à
trois millions de mètres carrés dans la région,
se partagent la propriété des hameaux avec des centaines
de familles.
Selon le dernier recensement effectué en 1989, le hameau de Maghr
Chebaa était la propriété des familles Serhane
et Madi; celui de Zebdine, des familles Abdallah, Nasser et Hamdane;
Fachkoul de la famille Hamad; Beït-Barrak des familles Saadi et
Hamdane; Ramta de la famille Hachem, dont l'un des fils est le député
Kassem Hachem; Roueïsat el-Karn des familles Hanawi et Nasser;
Dahr-Baïdar de la famille Saab, qui partage aussi avec la famille
Kanaan le village de Jouret-Akareb; Rabaa des familles Farès
et Hamdane; Khalat-Ghazalé, des familles Hachem et Khatib; Brekhta
(tahta et fawka) des familles Ghader et Mansour. Quant aux hameaux de
Kafwa et Marah-Maloul, ils sont la propriété des diverses
familles originaires de Chebaa.
Emplacement et historique
«4000 familles possèdent, actuellement, un droit sur les
hameaux de Chebaa, réparties entre les propriétaires d'origine
et leurs descendants», indique Omar Zouheiri, président
de la municipalité du village de Chebaa. En perdant leur source
de revenu principal, qui est l'agriculture, les habitants des hameaux
se trouvent, souvent, acculés à l'émigration. «Le
secteur des fermes de Chebaa est très fertile en raison de la
situation privilégiée des terres qui s'étendent
sur diverses altitudes, cultivables donc tout le long de l'année.
Dans ma jeunesse, nos champs étaient plantés d'oliviers,
d'arbres fruitiers ou de graminées. Aujourd'hui, la majorité
d'entre nous a vu ses enfants et sa famille quitter le village pour
la capitale ou pour l'étranger», dit Ali Hussein, un habitant,
également propriétaire dans la zone des hameaux. Pour
ce dernier, dont la dernière récolte remonte à
1970, le souvenir des fermes reste vivace. «Les villageois ont
été poursuivis par les chars de l'armée israélienne
ou bien chassés à coups de feu», souligne M. Hussein,
vivement ému.
Les hameaux de Chebaa sont délimités par les frontières
du Liban avec la Syrie et Israël. Par rapport au Liban, ils se
trouvent au sud-est de la région du Arqoub. Selon l'historien
Issam Khalifeh, professeur à l'Université libanaise, la
superficie des fermes de Chebaa est estimée à 47 km2,
alors que de nombreux ouvrages consultés, tels que Le Statut
juridique des Hameaux de Chebaa de Marie Ghantous, indiquent une superficie
de 200 km2. Les territoires occupés par l'armée israélienne
comprennent les 14 hameaux cités plus haut, dont l'altitude varie
entre
600 et 1000 mètres. Il faut, cependant, noter que la ferme de
Maghr Chebaa appartient, territorialement, à la Syrie, alors
que le village de Nkhaïlé et les collines de Kferchouba,
toujours occupés par les israéliens et régis par
la résolution 242 du Conseil de sécurité, sont,
en revanche, libanais.
Durant le mandat français, le Liban, bordé par deux Etats
au sud, voit ses frontières avec la Palestine clairement tracées,
cette dernière étant sous mandat britannique, alors que
la frontière avec la Syrie reste vague et contestée, les
deux pays étant sous mandat français. En 1920, le décret
de création de l'Etat du Grand Liban par le général
Gouraud, représentant de la puissance mandataire, délimite
les frontières en suivant les circonscriptions administratives
des divers cazas dont celui de Rachaya, qui englobe le village et les
hameaux de Chebaa, les comprenant ainsi de facto dans le territoire
libanais. La Constitution libanaise de 1943 reprend et entérine
les frontières de 1920.
Empiètements syriens
Depuis 1943, les autorités syriennes portent atteinte, régulièrement,
dans le secteur des fermes de Chebaa, à la souveraineté
territoriale du Liban. Le 21 février 1944, le président
de la municipalité de Chebaa, Khaled el-Khatib, dépose
une plainte auprès du président de la République,
en dénonçant le relevé topographique illégal
fait par l'armée syrienne. En 1946, une commission formée
par les deux gouvernements, syrien et libanais, charge l'ingénieur
Rafic Ghazzawi (Libanais) et le juge Adnane el-Khatib (Syrien) du tracé
des frontières dans la région de Chebaa, ces derniers
plaçant les fermes en territoire libanais. Cependant, ce tracé
n'empêche pas la poursuite des opérations topographiques
par la Syrie. A partir de 1948, la région est le théâtre
d'opérations militaires des forces syriennes et palestiniennes.
En 1951, les Syriens interpellent des agriculteurs libanais et des accrochages
entre la population et l'armée syrienne se produisent. Le président
du Conseil, Sami el-Solh, relate, dans ses mémoires, l'installation
d'un poste illégal de gendarmerie syrienne, dans la région
des hameaux. En 1964, un nouvel accord, en date de 27/2/1964, place
les fermes de Chebaa dans les limites du territoire libanais, sans mettre,
cependant, fin aux infractions syriennes qui continuent jusqu'en 1967,
date à laquelle Israël envahit le secteur contesté.
Occupation
israélienne
«A partir du 15 juin 1967 et cela après l'accord de cessez-le-feu
qui a lieu entre Israël et la Syrie, l'Etat hébreu envahit
6 des
14 fermes de Chebaa: Maghr Chebaa, Khalat-Ghazalé, Dahr-Baïdar,
Roueïsat el-Karn, Jouret-Akareb et Fachkoul. Cet évènement
provoque la fuite des agriculteurs et la mort de Chehadé Ahmed
Moussa», se souvient M. Zouheiri.
Le 20 juin 1967, lors d'une deuxième opération militaire,
Israël envahit Kafwa, Zebdine et Ramta. Le 25 juin, les fermes
de Beït-Barrak, Rabaa, Brekhta tahta et fawka et Marah-Maloul sont
occupées et les habitants contraints d'abandonner leurs propriétés.
En 1972, Israël, qui occupe 80% des hameaux, encercle les territoires
annexés au moyen de barbelés. En 1985, selon l'auteur
Youssef Dib, les autorités israéliennes installent trois
colonies dans la zone contestée. Israël enjoint, par la
suite, en 1989, les habitants de la région à quitter leurs
terres, en leur proposant de les leur racheter; proposition refusée
par les habitants qui sont, alors, forcés à quitter. «Les
agriculteurs peuvent, jusqu'en l'an 2000, accéder à leurs
propriétés, après obtention d'un laissez-passer,
fourni par l'armée israélienne», relate M. Hussein.
Cependant, après le retrait de l'armée israélienne
du Liban-Sud, le secteur des fermes est interdit aux Libanais.
Ligne
Bleue et contexte légal
«A la suite du retrait israélien, les Nations unies ont
considéré que la 425 avait été appliquée
en vertu du tracé de la Ligne bleue. Ce tracé des frontières
fut accepté par le gouvernement libanais, sous réserve
des secteurs: Rmeich, Mtellé, Adaïssé et Chebaa»,
confirme le général Amine Hoteit, président du
Comité de vérification du retrait israélien et
docteur en Droit et Recherches stratégiques auprès de
l'Université libanaise. La carte et le dossier, émis alors
par les Nations unies, consignent les réserves du gouvernement
libanais. «D'un point de vu légal, les fermes de Chebaa
n'auraient pas dû tomber sous l'application de la 242, puisqu'elles
ont été envahies après la guerre de 1967, l'occupation
ayant eu lieu graduellement et s'échelonnant jusqu'aux années
80», explique le docteur en Droit international à l'Université
libano-américaine, Chafic Masri. «De plus, on a rattaché
à la 242 les villages de Nkhaïlé et de Kferchouba,
dont les statuts n'ont jamais prêté à confusion
puisqu'il ont été de tout temps considérés
comme faisant partie intégrante du territoire libanais».
La confusion est accentuée en 1974 par la signature des accords
de désengagement entre la Syrie et Israël, qui placent le
secteur des fermes de Chebaa, Nkhaïlé et Kferchouba avec
le Golan, du ressort de l'Undof; résolution à laquelle
le Liban ne fait pas opposition
Les enjeux géostratégiques
Pour le général Amine Hoteit, les fermes de Chebaa ont
une importance aussi bien stratégique que politique. En effet,
la situation même des fermes permet à l'armée israélienne
de surveiller et de protéger son infrastructure militaire au
Golan. La région forme un point de rencontre entre les trois
pays (Israël, Syrie et Liban) et des stations d'observation ont
été construites sur les crêtes du Mont Hermon. Selon
l'auteur Youssef Dib, les fermes surplombent aussi les rivières
du Hasbani, du Litani, ainsi que les sources du Wazzani. «L'autre
enjeu d'importance pour Israël est la richesse hydraulique du Mont
Hermon qui est recouvert en grande partie par le secteur des fermes
de Chebaa. On estime que la nappe aquifère contient autour de
1200000 m3 d'eau, ce qui représente un enjeu stratégique
pour Israël», souligne Issam Khalifeh. Trois affluents du
Jourdain, Banyas, Dan et Wazzani prennent leur source dans la région.
Autre atout: la qualité de l'eau, qui, selon le général
Hoteit, alimente le lac de Tibériade (Tabaraya), situé
en Israël, en le refroidissant et le dessalant.
Aujourd'hui, dans le cadre de la résolution 1701, le Premier
ministre, Fouad Siniora, a proposé de placer le secteur des fermes
de Chebaa sous la tutelle des Nations unies. Cette proposition permet
de soustraire le Liban à l'équation politique régionale.
«L'intérêt politique, que représentent les
fermes de Chebaa pour la Syrie, lui permet de s'extraire de son isolement
vis-à-vis de la question de l'occupation du Golan, en liant son
sort à celui du Liban. Alors que, pour Israël, le rattachement
du secteur à la 242 lui assure une place prépondérante
à la table des négociations avec le Liban», indique
Chafic Masri. Il estime, cependant, que, dans le cas où la question
de Chebaa serait résolue, le gouvernement libanais courrait le
risque de voir le front de Nkhaïlé ravivé, cette
région rarement revendiquée n'entrant pas dans le cadre
de la 1701.
«Toute occupation du territoire libanais par Israël, aussi
infime soit-elle, justifie l'action de la Résistance. Placer
le secteur des fermes de Chebaa, Nkhaïlé et Kferchouba sous
l'égide des Nations unis ôterait à la Résistance
toute raison d'être armée»,
conclut le professeur Masri.
Le
cadastre de Saïda
Les registres fonciers des fermes sont du
ressort du cadastre de Saïda, tels en attestent les actes
de vente et les titres de propriété. D'ailleurs,
durant les périodes successives que connaît le Liban,
l'autorité libanaise s'exerce, indubitablement, sur la
région des hameaux, en prenant une forme législative,
juridique et foncière. Selon Marie Ghantous, le décret
loi du 3/2/1930, opérant un remaniement du caza de Marjeyoun
(auquel le caza de Hasbaya est rattaché par la suite),
inclut le village de Chebaa et de Nkhaïlé, les hameaux
se trouvant, en effet, entre ces deux derniers. L'arrêté
du 4 juin 1966, déterminant les limites de la municipalité
de Kferchouba, nomme, distinctement, les hameaux de Chebaa. Un
jugement concernant le hameau de Zebdine, en date de l'année
1927, place ce dernier sous la compétence du tribunal de
Hasbaya. Un jugement de 1944, dans une affaire de litige foncier
portant sur la région de Chebaa, est rendu par le tribunal
Chérié de Hasbaya et ne laisse aucun doute sur la
«libanité» des fermes après l'accès
du Liban à l'indépendance, en 1943. Le contrat de
Tapline, signé en 1849 par la Trans Arabian Company (Aram
Co) et le gouvernement libanais, concerne aussi le secteur des
hameaux.
|
Entre
topographie et cartographie
«Depuis
le décret du général Gouraud de 1920, proclamant
l'indépendance du Grand Liban, on s'est rendu compte que
la réalité topographique du terrain ne correspondait
pas au relevé cartographique», explique le professeur
Issam Khalifeh. Il ajoute que, selon le décret de 1930,
trouvé dans les archives du Centre de documentation de
Nantes, il est établi que les villageois de Chebaa payaient
leurs taxes à la France et qu'en cas de litige, l'administration
de Hasbaya était l'autorité responsable. Un autre
décret de loi inclut aussi Chebaa et Nkhaïlé
au caza de Hasbaya (rattaché à cette époque
à Marjeyoun). En 1934, le procès-verbal d'un litige
qui oppose des villageois libanais aux syriens, résolu
par l'intervention des autorités mandataires françaises
de Syrie et du Liban, délimite les frontières entre
les deux pays dans la région de Wadi el-Assal. Et c'est
en 1937 que Pierre Bart, conseiller administratif du Liban-Sud,
envoie un rapport à la France, indiquant que la réalité
géographique ne correspond pas au dessin cartographique.
Selon Marie Ghantous, cette mention est aussi reprise, en 1939,
par le capitaine de Bernonville, chef de poste des services spéciaux
de Koneïtra, qui en informe l'inspecteur des services spéciaux
des mouhafazats de Hauran et de Damas.
|
Comprendre Chebaa et le Golan,
grâce à une excellente étude de l'IFRI,
Institut Français des Relations Internationales et
à l'accès de multiples sources cartographiques qui permettent
une bonne lecture d'un problème assez complexe...
Rien de mieux, à coup sûr, qu'une bonne
carte de localisation
pour bien comprendre les enjeux, notamment hydrauliques, de ce secteur
controversé, revendiqué par le Liban avec l'appui de la
Syrie. Une seule chose est sûre, ce territoire est encore occupé
par Israel et ne lui appartient pas.
>
Les fermes de Chebaa avec Wikipédia
Principal
enjeu du litige sur Chebaa : sa richesse hydraulique
Quels sont
les droits du Liban sur les fermes de Chebaa ? Pourquoi Israël
refuse-t-il de se retirer de ces territoires controversés
et dont la libanité reste tributaire dun règlement
définitif émanant de lONU ?
Au-delà du problème de lidentité
de ces hameaux, lenjeu des ressources hydrauliques demeure
primordial, cette région du Liban étant considérée
comme
« un château deau ».
+
de détails?
|
Le Liban,
chateau d'eau régional et terre de convoitises...
un bon article suite au passage au Liban, au cours du Printemps 2004,
de Mr Gilles Labarthe, grand spécialiste de la question.
L'Eau
au Moyen-Orient,
parmi les nombreux sites qui abordent ce thème
brulant, nous avons retenu celui-ci, exclusivement consacré à
ce qui sera un enjeu majeur pour demain.Il est également traité
indirectement dans de nombreux sites mentionnés dans d'autres rubriques
comme les recherches et publications.On appréhendra aussi cet enjeu
de l'eau notamment dans les zones frontalières Israelo-Libanaises
et le plateau du Golan par une bonne
Carte parue en l'an 2000 dans le Monde
Diplomatique.
Hydrotour,
un projet de globe-trotter réalisé par un couple de l'Afrique
au bout de l'Asie pour toucher de près les réalités
et enjeux géostratégiques de l'Eau auprès des populations
rencontrées. Le
Liban fut une étape de cet itinéraire lors de l'été
2003.
A lire aussi sur le sujet dans
L'Atlas de l'eau dans le monde avec H2O
le
magazine en ligne de référence des ressources en eau dans
le monde
Carte
des ressources et de la gestion de l'eau au Liban
>>
Articles à lire:
Guerres
et Paix au Proche-Orient
" L’enjeu
politique du contrôle des ressources hydrauliques entre
le Liban, la Syrie et Israël "
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