Les
druzes : briser les stéréotypes et démystifier
les légendes
«
Les Druzes : vivre avec lavenir », paru aux éditions
an-Nahar
À travers lorigine historique et lhéritage
politique, religieux et intellectuel de la communauté
druze, Abbas Halabi, président et cofondateur
du Groupe arabe islamo-chrétien, membre fondateur du
Forum libanais pour le dialogue et représentant de la
communauté druze au Synode pour le Liban (1995), brosse
un portrait de ce peuple « adepte dune discipline
unitaire qui repose fondamentalement sur la raison ».
Louvrage intitulé « Les Druzes : vivre avec
lavenir », paru aux éditions an-Nahar, rectifie
limage de cette communauté taxée à
tort dhérésie et de fanatisme. « Briser
les stéréotypes et démystifier les légendes
», tel est lobjectif de ce livre qui a fait lobjet
dune conférence-débat, le 16 Novembre 2005
lors de la 14ème édition du Salon du livre de
Beyrouth, et à laquelle ont participé MM. Ghassan
Tuéni, Tarek Mitri, Frédéric Clavier et
cheikh Sami Aboulmouna. Une séance de signature a ensuite
eu lieu au stand de Dar an-Nahar.
Voici, forcément lacunaire, un bref aperçu
de cet ouvrage.
Lorigine des druzes se situe sous le règne du calife
fatimide dÉgypte, al-Hakem Bi Amr Allah (996-1021).
Reconnu des druzes comme étant doté dune
essence divine, al-Hakem prônait une religion universelle
qui serait la quintessence de toutes les philosophies et croyances
précédentes. Dérivée du chiisme
et de lismaélisme, la doctrine repose sur un héritage
spirituel où simbriquent les courants de pensée
indous, persans et hermétiques (lhermétisme
étant un syncrétisme ésotérique
déléments grecs et égyptiens ayant
pour figure centrale Hermès, le messager des dieux).
Elle serait, en quelques mots, « laboutissement
de doctrines antiques et de philosophie grecque, qui, reprises
par les religions monothéistes puis par lislam,
ont été développées par les chiites,
précisées par les ismaéliens pour enfin
trouver leur formule définitive chez les druzes ».
Secret jalousement gardé, la religion druze part de lidée
que Dieu est « Un et Unique ».
En raison de ce caractère monothéiste très
marqué, les adeptes se désignent eux-mêmes
par le terme « mouwahiddine » ou « unitaires
». Leurs Livres de Sagesse (textes sacrés) nen
retiennent dailleurs que ce nom.
La lecture des « Livres » nest accessible
quaux fidèles et leur interprétation, aux
initiés de la communauté, cest-à-dire
à une élite. Aussi, pour éviter que le
message « ne soit dévoyé par des adeptes
insuffisamment préparés », les textes sacrés
ne sont jamais imprimés. Ils sont manuscrits par des
personnes spécialisées.
« La porte de ladhésion » à
la religion druze a été ouverte en 1017 (408 de
lHégire) et fermée en 1043 (434 de lHégire),
excluant après cette date toute conversion, ou apostasie.
De même, la doctrine de la métempsycose, selon
laquelle les druzes renaissent au sein de la communauté
druze, et la règle qui leur prescrit de ne se marier
quentre coreligionnaires ont poussé leur société
à fonctionner en cercle fermé. Et lont incitée
à « se défendre comme une seule entité
cohérente » lorsque la collectivité ou le
pays sont menacés, et ce « malgré des dissensions
internes permanentes ».
Dans la culture druze, le chiffre cinq est doté dune
forte symbolique. Il correspond aux grands principes cosmiques
émanant de Dieu : lIntelligence universelle, lÂme
universelle, le Verbe, le Précédent et le Suivant.
Cest aussi le nombre des « ministres supérieurs
», ou prédicateurs, qui ont accompagné la
« daawa » (propagation de la foi) : Hamza,
al-Tamimi, al-Qurayshi, al-Sabiq, al-Muqtana. Cinq couleurs
composent également le drapeau druze : vert, rouge, jaune,
bleu et blanc. Chacun des « ministres » étant
rattaché à un principe cosmique et à une
couleur.
Le
prince druze du Liban
Les thèmes abordés dans louvrage, tels lorganisation
judiciaire, sociale et religieuse de la communauté, permettent,
par ailleurs, de constituer une idée de la législation
en vigueur. Pour ne citer que quelques exemples, le droit de
divorce est accordé aussi bien à la femme quà
lhomme. Les deux peuvent disposer librement de leurs richesses,
cest-à-dire quils peuvent léguer leurs
possessions à un héritier direct comme à
un non-héritier, quil fut étranger ou de
confession différente. Mais dans le cadre dune
succession sans testament, ce sont les dispositions islamiques
du rite hanafite qui seront appliquées. Les biens et
la fortune du défunt sont dans ce cas partagés
à raison d1/8 pour les parents de ce dernier, d1/4
pour son conjoint et le reste pour les enfants, sachant que
la fille nobtient que la moitié de ce que reçoit
un garçon.
Mais la part importante de louvrage est accordée
à lhistoire de la communauté qui est issue
en majorité de douze grandes tribus arabes. Ainsi, les
Tannoukh appartiennent à la tribu des Lakhm et les Maan,
à celle des Rabiaa. Installés aux premiers
temps de lislam à Hama, Alep et Damas, ils se réfugient,
dès le XIIe siècle, dans le Mont-Liban, pour échapper
aux persécutions du pouvoir officiel et de lislam
« orthodoxe ». Selon certaines sources, les califes
arabes auraient aussi encouragé les druzes à occuper
la montagne pour faire front aux invasions des croisés.
Aux Tannoukhs, qui furent à la tête de la communauté
durant toute la période médiévale, succèdent
les Maan, à partir du XIVe siècle. Ils fondent
lémirat du Liban et connaissent leur apogée
sous le règne de Fakhreddine II, le « prince druze
du Liban ». Mais en 1764, avec la conversion des émirs
Chéhab au maronitisme, les druzes qui étaient
« les maîtres du Liban au XVIIe siècle »,
se voient réduits à une place marginale.
Abbas Halabi évoque le déclin de la politique
druze, les actions menées par Béchir II pour «
lanéantissement politique de la communauté
», les dissensions qui vont mener aux fameux massacres
de 1840-1860 et la guerre civile du Liban
« Le décalage
existant désormais entre leur héritage historique
et leur réalité politique provoque chez les druzes
un vif sentiment de frustration. » En effet, malgré
la dimension internationale et arabe de Kamal et Walid Joumblatt,
« les considérations confessionnelles freinent
les ambitions des leaderships » et limitent, par conséquent,
le rôle politique des druzes. « Sans linstauration
dune société séculière et
démocratique, aucune minorité ne sera appelée
à jouer, à lavenir, un rôle important
». Les druzes ne dédaigneraient pas « un
partage équitable des pouvoirs qui donnerait la chance
aux compétences personnelles de saffirmer, quelle
que soit leur communauté dorigine ».
Avec
la collaboration de May MAKAREM
Les DRUZES
En arabe : al-muwahhidûn
('"ceux qui professent l'unité absolue de
Dieu").
On les trouve essentiellement au sud du Liban, au nord
d'Israël et en Syrie sur le Golan. Au Liban, les
Druzes sont actuellement dirigés par la famille
Joumblatt.
A l'origine de ce mouvement religieux il y a deux ismaëliens
un persan nommé Hamza, qui affirmait être
l'intelligence universelle, ainsi qu'un turc nommé
Darazî.
Le calife fatimide (donc chiite, règnant au
Caire) al-Hakîm bi Amr Allâh (996-1021)
se proclame en 1017 incarnation de Dieu, sous l'influence
des ismaëliens Darazî et de Hamza.
C'est un mouvement incarnationniste qui commence (pour
ses partisans le calife al-Hakîm était
une manifestation de l'intellect universel), avec des
tendances antinomistes (tendance à rejeter la
charia et les obligations rituelles qui en découlent).
La doctrine des Druzes est secrète. Les Druzes
croient en la métempsychose. Il y a divers degrés
d'initiation, mais ni liturgie, ni lieux de culte.
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