Le texte du complément du rapport Mehlis remis à l’ONU le 12 Décembre 2005



I. Préface

1. Conformément à la résolution 1595 (2005) du Conseil de sécurité, la Commission indépendante internationale d’investigation des Nations unies (CIINU ou la commission) a remis le 19 octobre 2005 un rapport (S/2005/662) reflétant le déroulement de son travail depuis qu’elle a été déclarée opérationnelle, le 16 juin 2005.

2. Dans une lettre datée du 14 octobre 2005 (S/2005/651), le Premier ministre du Liban a transmis au secrétaire général des Nations unies une requête du gouvernement libanais d’étendre le mandat de la commission à la mi-décembre 2005. Le but de cette prorogation était de permettre à la commission d’assister davantage les autorités libanaises à traiter les diverses lignes de la recherche qui avaient pris corps à travers l’investigation pour atteindre le principal objectif de la mission : aider à identifier les auteurs, les commanditaires, les organisateurs et les complices de l’attentat terroriste qui avait tué l’ancien Premier ministre Rafic Hariri et 22 autres personnes le 14 février 2005, à Beyrouth.

3. Par suite de la présentation du rapport de la commission et du briefing effectué sur son contenu par le commissionnaire devant le Conseil de sécurité, le 25 octobre 2005, le Conseil de sécurité, agissant sur demande du gouvernement libanais et prenant en considération la recommandation de la commission qu’une assistance devait continuer à être prodiguée aux autorités libanaises, a adopté le 31 octobre 2005 la résolution 1636 (2005), dans laquelle le Conseil accueillait favorablement le rapport de la commission et du secrétaire général sur la décision d’étendre le mandat de la commission jusqu’au 15 décembre 2005.

4. La résolution 1636 (2005) du Conseil, un suivi de la résolution 1595, a étendu la portée de l’autorité de la commission dans la mesure où elle a donné, entre autres, à la commission les mêmes droits et pouvoirs vis-à-vis de la République arabe de Syrie que ce qu’elle avait obtenu au Liban, et l’autorité de déterminer le lieu et les modalités de l’interrogatoire d’officiels et de particuliers syriens qu’elle juge concernés par l’enquête. La résolution a invité les autorités syriennes à coopérer pleinement et inconditionnellement avec la commission et à détenir tout officiel ou ressortissant syrien considéré comme suspect par la commission.

5. Conformément aux deux résolutions, la commission a poursuivi son travail sur les mêmes bases de recherche adoptées depuis sa création. La commission, en coopération étroite avec les autorités judiciaires et policières libanaises, a suivi de nouvelles donnes, entendant un nombre supplémentaire de témoins (dont le total s’élève aujourd’hui à plus de 500), confirmant une liste de 19 suspects, analysant un volumineux échafaudage de matériel, avec l’aide des Forces de sécurité intérieure (FSI) et continuant à échanger avec le bureau du procureur général du Liban toutes les informations, le matériel et les preuves affluant.

6. Pour ce qui est de la piste syrienne de l’investigation, la commission a agi en conformité avec la résolution 1636 (2005) du Conseil, qui a avalisé la conclusion de la commission qu’il incombe aux autorités syriennes de clarifier une part considérable de questions restées sans solution. Une fenêtre d’opportunité était ouverte aux autorités syriennes de mener leur propre investigation sur l’assassinat de M. Hariri et des autres dans la mesure où une implication syrienne pouvait être concernée.

7. En vertu du décret législatif n° 96 (20 octobre 2005), une commission judiciaire syrienne a été mise sur pied pour mener sa propre investigation sur l’affaire Hariri. La CIINU a bien accueilli cette initiative, considérant que la commission judiciaire syrienne allait se concentrer sur l’investigation interne de l’affaire pour clarifier le tableau que la CIINU tentait avec beaucoup d’efforts de comprendre. La commission judiciaire syrienne ne peut invalider ou se substituer au travail propre à la CIINU. La commission, pour sa part, va continuer ses contacts avec les autorités syriennes pour avancer sur la piste syrienne.

8. En créant une commission judiciaire, les autorités syriennes semblaient vouloir partager leur part de responsabilité et faire plus de lumière sur les circonstances de l’assassinat pour aider à établir la vérité. Que cette mesure eût été dictée par une authentique volonté de coopérer à fond ou qu’elle eût été le résultat du ferme message émis par la résolution 1636 (2005) du Conseil, il reste qu’elle doit être vue comme un renforcement substantiel légal pour que l’investigation aboutisse. En outre, c’est seulement une coopération effective et continue des autorités syriennes qui peut lever tout doute à propos de l’initiative syrienne dans cette affaire.

9. Suite à l’adoption de la résolution 1636 (2005) du Conseil, la commission a immédiatement assigné à comparaître six officiels syriens qu’elle considérait comme suspects. Après des discussions ardues et un retard considérable dû à des manœuvres de procédure, et parfois à des retournements contradictoires de la part des autorités syriennes, un lieu a été déterminé pour interroger cinq officiels syriens. L’interrogatoire du sixième suspect a été ajourné. La commission attend toujours aussi la fourniture d’autres éléments requis. Entre-temps, la commission judiciaire syrienne a organisé une conférence de presse avec un témoin syrien qui a donné aux journalistes l’occasion de l’interroger avant que la commission judiciaire syrienne ne le fasse et qui a rétracté de précédentes preuves avancées sous serment devant la commission internationale. Les déclarations syriennes officielles qui ont succédé, appelant la CIINU à reconsidérer des erreurs passées et à réviser son rapport, étaient une claire indication que pendant qu’un canal officiel de communication fonctionnait entre la commission et les autorités syriennes au sujet de la coopération, la commission judiciaire et les autorités syriennes cherchaient à semer le doute sur le contenu du rapport de la CIINU. C’était pour le moins une tentative d’entraver l’investigation de l’intérieur et sur le plan de la procédure.

10. Cependant, il convient de noter que malgré leur réticence et leurs atermoiements, les autorités syriennes ont permis que l’interrogatoire des cinq officiels syriens assignés soit réalisé. Les interrogatoires extensifs ont eu lieu hors de Syrie, conformément aux conditions déterminées par la commission. Les enquêteurs de la CIINU ont pu également interviewer un témoin en Syrie sans interférence. Comme c’est le début d’un processus longuement attendu, il appartient aux autorités syriennes d’être plus diligentes pour ouvrir la voie à un déroulement qui va probablement être long, si l’on en juge par l’étendue des progrès réalisés à cette date.

11. Jusqu’à présent, la commission a fait des progrès réguliers sur le volet libanais. Il reste à en accomplir sur le volet syrien. Pour cette raison, la commission estime que la Syrie doit poursuivre sa propre investigation sérieusement et de manière professionnelle en coopérant, totalement et inconditionnellement, avec la commission, avant que l’on ne détermine si (la Syrie) s’est conformée complètement aux dispositions de la résolution 1636 (2005).

II. Les progrès dans l’enquête

12. Durant la courte période qui s’est écoulée depuis son dernier rapport, la commission a continué à suivre les pistes de l’enquête qui se sont profilées au cours des six mois d’investigation et a suivi un certain nombre de nouvelles pistes, sources et autres éléments. Une forte coopération s’est poursuivie avec les autorités libanaises, et en particulier avec le bureau du procureur général et le juge d’investigation chargé de ce dossier : le transfert d’éléments concernant le dossier a eu lieu à intervalles réguliers ; des réunions de liaison hebdomadaires ont été tenues ; les Forces de sécurité intérieure (FSI) ont participé à l’examen et à l’analyse des activités en relation étroite avec les enquêteurs ; et un représentant du bureau du procureur général a participé à la préparation des interrogatoires des suspects syriens.

13. La commission a établi une stratégie visant à transmettre, étape par étape, les découvertes et résultats de ses efforts aux autorités libanaises, afin de renforcer leur tutelle sur le processus de l’enquête. Pour les mêmes raisons et pour accroître la transparence, un nombre accru d’opérations conjointes ont eu lieu.

14. Du 7 octobre au 10 décembre 2005, 52 déclarations de témoins, 69 notes d’enquête et 8 déclarations de suspects ont été enregistrées. Trois perquisitions ont été conduites et 7 pièces à conviction ont été obtenues. Un total de 37 000 pages de documents ont été ajoutées au dossier. Quatorze enquêteurs de dix pays membres ont été impliqués dans le travail d’enquête de la commission, de même qu’un certain nombre d’experts externes.

15. Au moment du renouvellement de son mandat fin octobre, l’équipe d’investigation de la commission a été consolidée et renforcée par des experts en recherches, analyses et gestion des bases de données informatiques. L’association étroite avec Interpol s’est poursuivie. L’équipe de soutien a été augmentée afin d’offrir un éventail plus large de langues et services liés aux enquêteurs.
Actuellement, la commission est composée d’un total de 93 personnes. Le partenariat avec des organisations sœurs des Nations unies et d’autres organisations internationales, ainsi que l’utilisation d’apports spécialisés en expertise nationale, ont contribué à renforcer la plate-forme de soutien de cette mission. La commission, une fois encore, exprime sa gratitude pour ces contributions.

16. La commission, en accord total avec les autorités libanaises, répète que pour enquêter sur un dossier tellement complexe, plusieurs mois de travail sont requis afin de s’assurer que toutes les pistes ont été totalement explorées et ce, de manière approfondie. C’est par le biais du croisement de plusieurs pistes d’enquête que des schémas émergent et se concentrent sur les éléments les plus importants.

17. La commission continue de suivre différentes pistes qui sont apparues lors des précédents mois d’investigation en relation avec des suspects syriens et libanais et leurs associés, des témoins, des preuves découvertes sur les lieux du crime concernant la nature et le type d’explosifs utilisés lors de l’assassinat, et des informations concernant les autres preuves trouvées sur la scène du crime, ainsi qu’au sujet d’individus associés de près aux événements du 14 février 2005.

18. À ce jour, la CIINU a interviewé et obtenu les déclarations de 19 suspects. Des analystes sont en train de revoir ces déclarations, en se concentrant sur chaque point ou piste qui puisse être identifié, afin de les comparer avec ceux obtenus dans d’autres interrogatoires. L’un des domaines sur lesquels se concentre l’attention est l’information relative à la préparation de l’assassinat, et notamment les lieux, dates, heures des rencontres ainsi que les personnes participant à ces rencontres. L’analyse se penche également sur les contacts téléphoniques de ces suspects immédiatement avant, pendant et immédiatement après l’assassinat. Ce processus de vérification croisée vise à tester, de manière exhaustive et cohérente, la crédibilité des sources et la fiabilité des informations collectées. Ce processus aidera la commission à développer une meilleure image de l’évolution des événements précédant ou suivant immédiatement l’assassinat, et ce notamment en ce qui concerne les personnes impliquées et leurs contacts.

19. La commission est également en train de revoir toutes les déclarations des témoins, de déterminer précisément les mesures qui doivent être prises – par le biais d’interviews, d’analyses téléphoniques ou d’autres preuves – afin de corroborer ces déclarations ou de poursuivre les recherches sur des pistes ouvertes. En ce qui concerne les points importants identifiés lors de l’investigation, les analystes sont en train de recouper les déclarations et autres preuves que la CIINU a enregistrées afin de déterminer quels points requièrent un suivi spécifique.

20. Dans ce but, la CIINU a développé une base de données visant à aider les enquêteurs et analystes à filtrer les déclarations des témoins et suspects. Cette base de données permettra de créer des rapports sur les points significatifs couverts par ces déclarations et permettra des recherches rapides lors de nouveaux interrogatoires de suspects et témoins ainsi que la détermination de futures preuves.

A-Suspects

21. La CIINU, en collaboration étroite avec les autorités judiciaires libanaises, a à ce jour identifié 19 individus comme « suspects » dans le cadre de cette enquête, et indiqué, en se fondant sur les preuves accumulées, qu’il y a des raisons de croire que ces individus ont pu être impliqués d’une manière ou d’une autre dans la préparation ou l’exécution de ce crime ou encore dans des tentatives d’induire en erreur l’enquête en ce qui concerne les auteurs du crime. Ces individus ont été informés de leur statut de suspects et sont présumés innocents jusqu’à ce que soit prouvée leur culpabilité après jugement. Lors de leurs interrogatoires, ils ont bénéficié des droits accordés aux suspects par la loi libanaise.

22. La commission a continué d’enquêter sur les preuves contre ces individus identifiés comme des suspects en recoupant leurs déclarations avec celles d’autres témoins et en confrontant leurs déclarations avec d’autres preuves, afin d’évaluer leur crédibilité. C’est un processus en cours, étant donné le fait que, lors de l’évolution d’une enquête d’une telle complexité, de nouvelles preuves, de nouvelles pistes et de nouveaux témoins vont apparaître qui devront être corroborés et recoupés avec la totalité des preuves accumulées.

23. Comme indiqué dans le rapport précédent de la commission (S/2005/662, paragraphe 174), du 30 août 2005, les autorités libanaises détiennent quatre hauts responsables libanais de sécurité et des services de renseignements conformément aux mandats d’arrêt émis par le procureur général libanais. Ces quatre personnes restent en état d’arrestation préventive. Elles n’ont pas été réinterviewées au cours des sept dernières semaines, en attendant la poursuite de la collecte et l’analyse des preuves concernant leur implication dans le crime.

24. La commission a poursuivi ses investigations portant sur des personnes au sujet desquelles il existe de solides indications concernant leur implication dans le crime ou qui pourraient avoir des informations supplémentaires sur l’assassinat. Comme noté dans le rapport précédent (S/2005/662, paragraphe 208-214), le rôle de cheikh Ahmed Abdel-Al des Ahbache et ses associés demeure un volet fondamental d’investigations, à la lumière d’un ensemble de contacts téléphoniques et d’associations. La commission a continué à enquêter sur ces complices, tout comme sur les liens des Ahbache avec un nombre de suspects-clés. Les interviews se sont concentrées sur les membres de famille dont les numéros de téléphone et les associations professionnelles montrent des liens rapprochés avec le suspect Moustapha Hamdane et les autres officiels libanais.

B- Les suspects syriens

a) Les officiels syriens de haut rang

25. Basé sur la demande de la commission du 4 novembre 2005 d’interroger six officiers syriens de haut rang, la commission et le représentant du ministère syrien des Affaires étrangères ont abouti à un accord en vertu duquel la commission devrait interroger initialement cinq officiels syriens dans les locaux des Nations unies à Vienne, en Autriche. Il a été agréé ultérieurement que les procédures légales libanaises seraient appliquées à ces interrogatoires.

26. Conformément à cet accord, entre le 5 et le 7 décembre 2005, cinq officiels syriens ont été interrogés à titre de suspects. Chaque interrogatoire a été conduit en présence d’un avocat syrien et un autre avocat international et un interprète international assermenté.
Après les interrogatoires, les personnes interrogées ont signé leurs dépositions et des échantillons d’ADN leur ont été prélevés. L’interrogatoire de ces personnes a porté sur un large éventail de questions relatives aux preuves que la commission avait rassemblées lors de son investigation. Les dépositions faites par deux des suspects ont indiqué que tous les documents des services de renseignements syriens concernant le Liban ont été brûlés. Il a été aussi confirmé, par une lettre envoyée à la commission par la présidente de la commission syrienne spéciale d’enquête, le juge Ghada Murad, datée du 8 décembre 2005, qu’aucun document concernant l’assassinat de Hariri n’a été trouvé dans les archives des services de renseignements syriens. Ces questions exigent une investigation supplémentaire de la part de la commission.

b) M. Zouhair Mohammed Saddik

27. M. Saddik s’est présenté à la CIINU initialement en tant que témoin confidentiel avec des informations détaillées sur l’assassinat de Hariri (S/2005/662, paragraphes 104-116).
Se basant sur les dépositions qu’il avait faites à la commission, il a été ultérieurement considéré comme étant un suspect lié à l’enquête (ibid. paragraphe 112).
Le 12 octobre 2005, un mandat d’arrêt international a été émis à l’encontre de M. Saddik, qui réside en France, à la demande du gouvernement libanais qui a également exigé son extradition.
M. Saddik a été arrêté par la police française le 16 octobre 2005. La CIINU avait depuis déposé à travers le gouvernement libanais une demande aux autorités françaises pour interroger M. Saddik, qui demeure dans les prisons françaises. Des arrangements sont actuellement entrepris avec les autorités françaises afin de réaliser cet entretien.

28. Dans le but de poursuivre les investigations sur les dépositions de M. Saddik au sujet de la planification et de l’exécution du crime, la commission a obtenu des échantillons d’ADN de M.Saddik, de sa femme, de ses enfants et de son beau-frère.
Ces échantillons ont été analysés afin de déterminer s’ils concordent soit avec des preuves puisées dans l’appartement de la banlieue de Beyrouth, dans lequel M. Saddik a déclaré avoir assisté à des réunions, soit à des preuves récupérées de la scène du crime. Les résultats de la comparaison des échantillons se sont avérés négatifs.

c) Des témoins sensibles

29. Dans toute investigation criminelle, les informations fournies par des témoins sensibles, avec des connaissances personnelles au sujet de la planification et de l’organisation du crime et de ses auteurs, sont essentielles.
Le précédent rapport avait détaillé quelques informations pertinentes qui ont été fournies à la CIINU par un nombre de témoins sensibles (S/2005/662, paragraphes 96-117).
Ces témoins se retrouvent souvent en danger, du fait de la nature des organisations criminelles au sujet desquelles ils sont en train de fournir des informations.
1. Houssam Taher Houssam

30. Depuis la publication du dernier rapport, l’identité d’une source précédemment confidentielle a été révélée. Cette source, M. Houssam Taher Houssam, est récemment apparue à la télévision syrienne pour revenir sur son témoignage auprès de la commission d’enquête et dire que ce témoignage, qui impliquait de hauts responsables syriens dans l’assassinat, avait été obtenu sous la contrainte. Son apparition à la télévision syrienne a apparemment été faite à la demande de la commission d’enquête syrienne en charge de l’assassinat de Hariri. Les investigations de la commission d’enquête des Nations unies sur les dernières déclarations de M. Houssam se poursuivent. La commission a appris qu’avant son dernier voyage en Syrie, M. Houssam avait fourni à des amis proches des informations similaires à celles fournies à la CIINU. La commission a également reçu des informations fiables indiquant qu’avant la récente rétractation publique de M. Houssam, des officiels syriens avaient arrêté et menacé certains proches parents de M. Houssam en Syrie. L’enquête préliminaire aboutit à la conclusion que M. Houssam est manipulé par les autorités syriennes, ce qui soulève des questions sérieuses sur l’engagement de la commission d’enquête syrienne à mener une investigation indépendante, transparente et professionnelle sur ce crime.

2. Nouveaux témoins

31. La commission d’enquête des Nations unies a été approchée par un certain nombre de nouveaux témoins qui détiennent potentiellement des informations cruciales sur l’assassinat. Ces témoins ont été interrogés ces dernières semaines et, en coordination avec les autorités libanaises, la commission poursuit les investigations et corrobore leurs informations. Étant donné que ces informations sont encore en cours d’évaluation, et que l’identité de ces témoins doit être tenue secrète pour assurer leur sécurité, ce rapport ne détaille pas les informations qu’ils ont fournies.

32. Fin octobre 2005, la commission a été approchée par un autre nouveau témoin, qui a fait une déposition exhaustive et cohérente concernant les plans d’assassinat de M. Hariri. Le témoin a été évalué comme crédible et les informations qu’il a fournies comme fiables. Les informations sont détaillées et des recoupements ont été effectués, lesquels ont confirmé, jusqu’à présent, les informations contenues dans la déposition. La déposition recoupe d’autres informations indépendantes obtenues par la commission.

33. Les informations détaillées pointent du doigt les auteurs, les commanditaires et les organisateurs d’une opération organisée visant à tuer M. Hariri, incluant le recrutement, par les services de renseignements syriens et libanais, d’agents spéciaux, la manipulation de matériels explosifs (Improvised Explosive Device), un modèle de menace contre des personnes ciblées et la planification d’autres activités criminelles.

34. La déposition du témoin renforce les preuves, confirmées jusque-là, contre les officiers libanais en détention ainsi que contre des officiers syriens haut placés.

35. L’enquête a également découvert d’autres informations spécifiques sur la manière dont l’appareil sécuritaire syrien contrôlait et manipulait la situation sécuritaire au Liban. Par exemple, il a été reporté à la commission, qu’après l’assassinat de M. Hariri, un officiel syrien haut placé a fourni des armes et des munitions à des groupes et des individus au Liban afin de créer du désordre public, en réponse à une quelconque accusation d’implication syrienne dans l’assassinat de Hariri. Les autorités libanaises ont ouvert une enquête séparée sur la planification d’attaques terroristes liées à cette information.

C. La scène du crime

36. L’examen minutieux et l’analyse de la scène du crime sont un élément important dans une enquête sur une explosion de l’ampleur de celle du 14 février. Cela inclut une analyse médico-légale d’articles retrouvés après l’explosion, qui pourraient apporter des indices sur la nature et le type de l’explosion et des explosifs employés, ainsi que les moyens par lesquels l’opération a été exécutée. Cela comprend également des auditions de témoins qui pourraient détenir des informations cruciales à propos d’événements ayant eu lieu sur la scène du crime, que ce soit avant, pendant ou après le crime, ainsi que l’interrogatoire d’individus qui auraient été surpris en train d’agir d’une manière suspecte près du lieu de l’explosion. La commission a continué de suivre chacune de ces pistes dans l’objectif de reconstruire, d’une manière aussi globale et précise que possible, le cours des événements qui ont mené à l’explosion du 14 février et ceux qui l’ont suivie.

37. En octobre 2005, la commission d’enquête internationale a remis environ 600 pièces à conviction prélevées sur la scène du crime au bureau du procureur général du Liban, après un examen médico-légal. Certaines pièces à conviction avaient été à l’origine collectées du bureau du procureur général au début de l’enquête. Ces pièces comprennent des centaines de débris de voitures.

1. Enquête sur le mécanisme
de déclenchement

38. Le rapport précédent (S/2005/662, paragraphes 159-169) a fourni une analyse complète de la scène du crime. Au cours de cette investigation, plusieurs pièces électroniques ont été recouvrées. Trois articles pouvant constituer une source de renseignements sur le mécanisme de déclenchement du dispositif utilisé pour provoquer l’explosion ont été soumis à un examen intensif d’experts. Cette méthode d’enquête comprend un recoupement des résultats de cette analyse avec des pièces à conviction retrouvées sur la scène du crime, qui, comme cela a été confirmé, font partie d’un camion Mitsubishi Canter.
39. Il a résulté de l’examen que l’une de ces pièces électroniques a appartenu à un ordinateur portable. Mais comme cette pièce n’était pas très endommagée, elle n’aurait pas pu être assez proche du lieu de l’explosion, et n’aurait donc pas pu faire partie du mécanisme de déclenchement. L’origine et la fonction des deux autres pièces électroniques, qui ont été extrêmement endommagées, n’ont pas pu être déterminées : aucune conclusion n’a pu être tirée sur leur éventuelle connexion au mécanisme de déclenchement de l’explosion.

2. Explosifs (résidus)

40. Le précédent rapport (S/2005662, paragraphe 145) avait indiqué que les mesures confuses prises par les autorités libanaises directement après l’explosion ont rendu difficile l’identification avec précision du type d’explosifs utilisés. Avec l’assistance d’un expert en analyse des scènes d’explosions et avec les examens de laboratoires adéquats, la commission a reçu des données d’experts permettant d’identifier le type d’explosifs utilisés. La commission prendra des mesures d’investigation supplémentaires fondées sur des expertises médico-légales, en vue de remonter jusqu’à l’origine des explosifs.

3. Le camion Mitsubishi

41. Comme il est indiqué dans le précédent rapport (S/2005/662, paragraphes 132 – 134), l’enregistrement vidéo de la caméra de la banque HSBC, qui surplombe la scène du crime, montre un camion Mitsubishi qui entre dans le périmètre de l’explosion peu avant l’arrivée du convoi de M. Hariri. Durant ses recherches sur la scène du crime, l’équipe médico-légale hollandaise a découvert une pièce d’un bloc moteur, parmi d’autres pièces appartenant à des véhicules. Avec l’aide de l’équipe médico-légale japonaise, ce bloc moteur a été identifié comme appartenant à un véhicule volé au Japon le 12 octobre 2004. Les FSI ont confirmé qu’elles ne possèdent pas de registre concernant un véhicule au Liban portant le numéro de châssis ou la plaque d’immatriculation identifiés sur les restes du véhicule.

42. À la demande de la commission, la police nationale japonaise a ouvert une enquête sur le véhicule volé. Elle en a conclu qu’il avait été transporté par mer, en entier ou en pièces détachées, du Japon à un autre pays, le plus vraisemblablement les Émirats arabes unis (EAU). Depuis septembre, la commission d’enquête internationale a collaboré étroitement avec les autorités japonaises et émiraties pour retracer les mouvements de ce véhicule, ce qui a inclus des documents de navigation procurés par les EAU, et, avec l’aide des autorités émiraties, une tentative de localiser et d’interroger les consignataires du navire à bord duquel le véhicule, ou les pièces détachées pourraient avoir été transportés. Cette piste d’investigation en est toujours à ses débuts.

4. Travaux routiers/excavations

43. Comme il a été précédemment indiqué (S/2005/662, paragraphes 129 – 131), des témoins ont fourni des informations concernant des travaux routiers dans la région de l’hôtel Saint-Georges durant les jours qui ont précédé l’explosion, en dépit du fait qu’aucun permis de travail officiel pour de telles excavations n’avait été délivré durant cette période. Quelques témoins ont affirmé que des membres des Forces de sécurité libanaises étaient présents dans le périmètre des travaux d’excavation. Ces témoins ont semblé cohérents et crédibles dans leur reconstitution des travaux routiers entrepris durant cette période dans la région. Cette piste d’investigation est significative.

5- La vidéo de la HSBC

44. Dans la cadre de l’enquête et en collaboration avec les Forces de sécurité intérieure, la commission a suivi une nouvelle piste : l’examen des caméras de surveillance avait révélé l’existence d’un groupe d’individus au comportement suspect en face de la banque HSBC près de l’hôtel Saint-Georges peu de temps avant l’explosion le 14 février. Bien que la commission estime qu’aucune des personnes interrogées n’ait, à ce jour, joué un rôle dans l’explosion, il n’en demeure pas moins que cette piste ne pourra être définitivement close à moins que la commission n’obtienne un supplément d’enquête.

6- Restes humains non identifiés

45. Le rapport précédent (S/2005/662, paragraphe 163 (d)) mentionnait une petite part de restes humains appartenant à une personne non identifiée retrouvée sur la scène du crime. La commission, en collaboration avec des experts en médecine légale, continue d’analyser les indices et preuves.

D. Les circonstances du crime
(et nouvelles pistes)

46. Comme dans toutes les enquêtes criminelles de ce genre, la commission a tenté d’identifier tous les auteurs possibles, leur mode d’opération et leurs motivations. C’est ainsi que la CIINU est en train de revoir un nombre important de documents en provenance des différentes institutions gouvernementales qui avaient entrepris des opérations de surveillance ; il s’agissait d’interroger les témoins afin de comprendre en profondeur la relation entre M. Rafic Hariri et d’autres personnes importantes ; de continuer l’enquête relative à M. Abou Adass, de renforcer l’analyse des écoutes téléphoniques et de suivre toutes les pistes pouvant mener à un quelconque motif ou auteur. Les preuves rassemblées à ce jour convergent dans le même sens : l’atmosphère de plus en plus tendue qui a atteint son apogée lorsque M. Hariri a pris la décision de présenter sa démission de son poste de Premier ministre fin 2004 (S/2005/662, paragraphe 94). De même, la commission n’a trouvé aucune preuve qui contredise les précédents résultats de l’enquête concernant le rôle joué par des officiels libanais et syriens de haut niveau (S/2005/662, paragraphe 118-124).

Influence des services de renseignements et de sécurité libanais et syriens

47. Dans le précédent rapport présenté au Conseil de sécurité, il est clairement stipulé qu’étant donné le degré d’infiltration des services de renseignements libanais et syriens dans la vie quotidienne des Libanais et étant donné que ces mêmes services avaient particulièrement entouré Rafic Hariri d’une étroite surveillance, il demeure quasi impossible qu’une troisième partie ait entrepris d’épier les faits et gestes de ce dernier ; il est fort peu probable qu’une quelconque partie ait pu planifier, obtenir les moyens logistiques et les ressources nécessaires pour organiser un crime de cette magnitude sans que les services de renseignements libanais et syriens n’en aient eu connaissance (S/2005/662. paragraphe 123-0124).

48. La commission a obtenu des compléments d’informations concernant la manière dont ces services et organismes contrôlaient la vie de la société libanaise grâce à certaines institutions libanaises. Ces informations sont venues corroborer les théories auxquelles la commission était déjà parvenue. Bien que l’analyse de ces informations soit toujours en cours, les preuves déjà existantes montrent clairement comment ces institutions – y compris les services des renseignements militaires, la Sûreté générale et les Forces de sécurité intérieure – ont entrepris de vastes opérations de surveillance à l’intérieur des territoires libanais, dont M. Rafic Hariri et les écoutes téléphoniques (S/2005/622, paragraphes 118, 123, 125 -128) ne représentaient qu’une infime part.

Les écoutes téléphoniques
(services de renseignements militaires)

49. Dans le précédent rapport (S/2005 /662, paragraphes 125-128), il était clairement stipulé que le directorat technique des services de renseignements militaires avait entrepris de surveiller les lignes téléphoniques appartenant à M. Hariri sur une longue période : les transcriptions de ces conversations étaient envoyées quotidiennement à des officiels libanais et syriens, y compris MM. Raymond Azar, Jamil Sayyed et Rustom Ghazalé.

50. En novembre 2005, la commission a présenté une demande aux services de renseignements de l’armée libanaise pour obtenir une liste complète des écoutes téléphoniques de M. Rafic Hariri au cours de la période octobre–mars 2005. En réponse à cette demande, la CIINU a reçu une partie des transcriptions des écoutes téléphoniques (environ 14 pages) retraçant les conversations de M. Hariri et de sa maison. Ultérieurement, la commission a également appris que les écoutes téléphoniques visaient bon nombre de personnalités importantes et des officiels de haut niveau. Les archives ont été effacées mais actuellement, en vue de plus amples analyses, des mesures sont prises afin de recouvrer les données effacées.

51. L’analyse de ces transcriptions pourra au moins apporter des informations quant à la manière dont les services de renseignements libanais et les services de sécurité libanais surveillaient les officiels libanais importants. Elle permettra également de savoir comment ces informations étaient ensuite partagées avec les services de renseignement syriens. Ces écoutes pourront au moins montrer à quel point les services de sécurité libanais et syriens surveillaient M. Hariri de près.

Les écoutes téléphoniques interceptées
(Sûreté générale)

52. La commission a obtenu une copie d’une conversation téléphonique déjà mentionnée dans le rapport précédent (S/2005/662, paragraphe 95), entre Rustom Ghazalé et un officiel libanais de haut niveau. En octobre, la commission a obtenu un CD-rom comprenant les transcriptions des écoutes téléphoniques interceptées par la section des services de renseignements de la Sûreté générale. L’enquête a montré que la Sûreté générale conservait des écoutes téléphoniques de nombreux officiels libanais et de personnalités en vue. Ce CD-rom est actuellement en cours d’analyse. Il contient les écoutes téléphoniques pour la période de janvier 2003 à juin 2005.

53. Grâce à l’assistance des enquêteurs des Forces de sécurité intérieure, environ 26 000 pages de conversations téléphoniques ont été passées en revue et révisées ; les conversations qui couvrent la période décembre 2004-mars 2005 ont été résumées. Un petit groupe de conversations ont été identifiées comme importantes et ont été comparées avec d’autres informations qui ont déjà été rassemblées par la commission. Une partie (ex : un appel effectué par la mère de Abou Adass) apporte des éléments d’enquête importants. Une autre est révélatrice quant au degré d’implication de personnalités-clés dans cet assassinat. De plus, ces informations apportent la preuve que les autorités libanaises étaient au courant des moindres faits et gestes et des conversations entretenues par d’éminentes personnalités libanaises.

Les dossiers des Forces
de sécurité intérieure

54. L’ancien directeur des Forces de sécurité intérieure (le général Ali el-Hajj) a été arrêté par les autorités libanaises à la demande de la commission le 20 août 2005, pour participation et conspiration de meurtre dans l’assassinat de M. Hariri (S/2005/662, paragraphe 174). Le 30 août 2005, les enquêteurs de la commission et des officiers des Forces de sécurité intérieure ont entrepris une perquisition dans la résidence privée de M. Ali el-Hajj et ont découvert un nombre de médias électroniques (y compris des bandes magnétiques) enfermés dans un coffre-fort. Un examen préliminaire de ces fichiers électroniques ainsi que des autres documents enfermés dans le coffre-fort a révélé qu’il s’agissait d’informations classées ; des rapports secrets sur une variété de sujets que le général Ali el-Hajj avait obtenus des Forces de sécurité intérieure et qu’il conservait illégalement.

55. Avec l’aide des officiers des Forces de sécurité intérieure, la commission a entrepris de réviser ces fichiers. Une première révision a permis d’isoler 1 000 fichiers contenant des informations importantes pour l’enquête qu’il s’agissait de revoir en profondeur ultérieurement. L’analyse de ces dossiers est toujours en cours. Ils apportent des informations de poids sur la situation au Liban, les plans politiques et sécuritaires au cours de la période précédant l’assassinat et l’enquête menée par les Forces de sécurité intérieure. Ces fichiers révèlent particulièrement à quel point les services de renseignements et les services sécuritaires syriens et libanais étaient liés entre eux et à quel point les premiers tenaient les seconds sous leur influence.

Le protocole de Damas

56. Dans le précédent rapport, l’enquête de la CIINU a confirmé que durant la période précédant l’assassinat, la tension montait entre M. Hariri et les officiels syriens, y compris le président syrien Bachar el-Assad (S/2005/622, paragraphe 25). L’ancien rapport mentionnait une réunion le 26 août 2004 entre M. Hariri et le président Bachar el-Assad, réunion qui avait tourné à la confrontation. La suite de l’enquête et les informations rassemblées à propos de ces tensions ont appris à la commission l’existence d’un soi-disant pacte oral entre certains officiels syriens de haut niveau et M. Hariri. Cet accord, appelé « protocole de Damas », définissait ce que M. Hariri avait le droit de faire ou de ne pas faire dans sa relation avec la Syrie.

57. Une conversation téléphonique entre M. Ghazalé et M. Hariri le 3 août 2004, à 10h30 contient encore une autre allusion au protocole de Damas.
Ghazalé : « Excellence, suite à la réunion qui avait eu lieu et à l’accord auquel nous étions parvenu à propos d’une trêve et à propos de la cessation des campagnes politiques entre vous et le président, je viens de lire dans le quotidien al-Mustakbal ce qui suit (…) :“ Des officiels protègent la corruption .” Ceci représente une violation directe de la trêve. Pourquoi donc Excellence ? Je croyais pourtant que nous avions un accord ? »
Hariri : « (…) Cette déclaration était dans tous le journaux et en fait… j’étais le premier à… »
Ghazalé : « Je voudrais vous poser une question, Excellence : Êêtes-vous toujours prêt à respecter cet accord ? »
Hariri : « Bien sûr .»

58. La commission poussera l’enquête encore plus loin afin d’élucider les bases de cet accord et ses conséquences en ce qui concerne les motivations du crime et son exécution.

Ahmed Abou Adass

59. Le précédent rapport de la commission (S/2005 /662. paragraphe 180 – 182) avait développé toutes les mesures prises par la commission dans le cadre de l’enquête concernant les mouvements de Ahmed Abou Adass. Cette enquête a été entravée par l’absence de deux témoins-clés : Ziad Ramadan et Khaled Mihdat Taha. L’enquête a révélé que ces deux individus proches de Abou Adass avaient quitté le Liban en direction de la Syrie avant que la commission ne puisse les interroger. Suite à quoi, la commission a présenté une demande aux autorités syriennes afin d’obtenir des informations détaillées sur les mouvements de Taha et particulièrement ses voyages en Syrie. Dernièrement, la commission a reçu des informations à travers les médias stipulant que Ramadan avait été emprisonné en Syrie. Elle a donc à nouveau présenté une demande aux autorités syriennes le 4 novembre 2005 afin d’obtenir des informations sur la raison de l’arrestation et la mise en détention de Ramadan.

60. Les autorités syriennes n’ont toujours remis aucune information à la commission concernant Taha, à part que ce dernier a traversé les frontières syriennes.

61. En ce qui concerne Ramadan, la commission judiciaire syrienne a informé la CIINU qu’elle avait interrogé Ramadan le 8 novembre 2005 à propos de sa relation avec Abou Adass. La commission s’est ensuite arrangée avec les autorités syriennes afin de pouvoir interviewer Ramadan. Cette interview a eu lieu le 1er décembre 2005.

62. Au cours de son interrogatoire, Ramadan a déclaré qu’il avait rencontré Abou Adass vers la fin de 2002. À l’époque, ils travaillaient ensemble dans la même compagnie informatique. Abou Adass lui avait parlé à l’époque d’un dénommé « Mohammed », un ami qu’il s’était fait à la mosquée. Cette information venait confirmer ce que la mère de Abou Adass avait déclaré aux autorités libanaises et à la commission. Lorsque la famille d’Abou Adass lui avait appris que ce dernier avait disparu le 16 janvier 2005 avec une personne non identifiée, Ramadan s’est automatiquement demandé si cette personne pouvait être Mohammed. Ramadan ne connaissait pas les autres amis et partenaires d’Abou Adass et par conséquent, il ne pouvait apporter aucune autre information sur les mouvements de ce dernier ou sur l’identité de « Mohammed ». Il a néanmoins confirmé qu’Abou Adass ne savait pas conduire de voiture et qu’il ne possédait pas de connexion Internet à la maison.

63. Ramadan a affirmé qu’il avait quitté le Liban pour la Syrie en mars 2005 parce qu’il était de nationalité syrienne et surtout parce que l’on supposait que la Syrie était impliquée dans l’assassinat de M. Hariri. Il savait également qu’il était recherché par les services de renseignements de l’armée. Après quoi, Ramadan s’est remis lui-même entre les mains des autorités syriennes le 21 juillet 2005 après avoir su que ces dernières étaient à sa recherche. M. Ramadan affirme que depuis, il est détenu sans raison et qu’il a été interrogé 6 fois par les services de renseignements syriens. La CIINU attend toujours de recevoir les comptes-rendus de ces interrogatoires. De plus, lorsqu’en septembre 2005 la commission avait interrogé des officiels syriens, elle leur avait demandé si la Syrie avait lancé une quelconque forme d’enquête dans l’affaire de l’assassinat de Rafic Hariri. Les officiers ont tous répondu par la négative. C’est seulement en décembre 2005 après avoir interrogé Ramadan que la CIINU a appris que ce dernier (apparemment une figure intéressante dans l’affaire) avait été détenu en Syrie depuis juillet 2005 et qu’il avait été interrogé 6 fois par les services de renseignements syriens.

64. L’interrogation de Ramadan a apporté des compléments d’informations importants qui ont confirmé les informations préalablement rassemblées par la commission en ce qui concerne Abou Adass. Cependant, cette partie de l’enquête ne pourra pas être considérée comme définitivement close avant d’avoir pu retrouver et interroger Taha et avant d’identifier, localiser et interroger le dénommé « Mohammed ».

Analyses téléphoniques

65. Le précédent rapport (S/2005/662, paragraphe192) avait mentionné que les analyses téléphoniques représentaient un pilier important de l’enquête. Depuis octobre, la commission a transformé les données téléphoniques en banques de données dont l’analyse serait plus facile à gérer à l’avenir. Ce processus implique de compiler environ 400 000 documents de 195 fichiers différents (basés sur des demandes de données en provenance des compagnies de télécommunications) dans une seule banque de données centrale. Une autre banque de données contient plus de 97 millions de registres téléphoniques de tous les appels effectués au Liban entre le 7 et le 21 février 2005. Ces deux banques de données permettront de mettre en place un système de recherche standardisé pour n’importe quel numéro de téléphone et des informations qui lui sont relatives d’une manière efficace facilitant ainsi les projets d’analyse téléphoniques à l’avenir.

66. La commission a analysé en parallèle les appels téléphoniques reçus et émis par certains individus dans le cadre des travaux de préparation pour des interrogatoires de témoins et de suspects afin de confirmer des informations déjà disponibles auprès de la commission. Ces projets deviendront à présent de plus en plus complexes maintenant que la banque de données des registres téléphoniques est terminée. De plus, à la demande des autorités libanaises, la CIINU est en train de comparer les numéros de téléphone rassemblés dans sa banque de données avec les numéros réunis par les autorités libanaises dans le cadre de leur enquête sur les explosions qui ont eu lieu au Liban dans les mois qui ont précédé et suivi le 14 février 2005. Ainsi, il sera possible de déterminer s’il y a un lien entre ces explosions et celle ayant visé M. Rafic Hariri.

La carte téléphonique prépayée utilisée
pour contacter al-Jazira

67. La chaîne al-Jazira avait été contactée le 14 février 2005 au soir à travers une carte téléphonique prépayée. Il s’agissait en effet d’une piste intéressante car il a été possible de retracer les appels téléphoniques établis par cette carte (S/2005/662, paragraphe 199-203). Son utilisateur a été identifié et interrogé par la commission. Il semble avoir une explication crédible pour justifier ces appels. Cependant, il est nécessaire d’avoir un complément d’enquête avant de corroborer ces informations.

Les transactions financières

68. Dans le précédent rapport remis au Conseil de sécurité (S/2005/662, paragraphe 217), il apparaît clairement que les fraudes, la corruption et le blanchiment d’argent peuvent avoir représenté un motif pour certains individus ; ces derniers auront voulu participer de manière directe ou indirecte à l’assassinat de M. Rafic Hariri. Dans le cadre de l’enquête, la commission a suivi des pistes qui l’ont menée jusqu’au crash de la banque al-Madina vers la mi-2003. Ce crash avait des liens avec les officiels syriens et libanais, sans parler de M. Hariri.

69. La commission ne doit pas détourner son attention de sa raison d’être. Elle ne doit pas se lancer dans des enquêtes parallèles sur la fraude, la corruption ou le blanchiment d’argent. Cependant, elle demeure consciente que ces affaires peuvent apporter des informations cruciales sur les motifs ayant poussé bon nombre d’individus à vouloir participer à l’assassinat de M Hariri. Ces personnes sont précisément celles que recherche la commission d’autant plus que feu Rafic Hariri avait déclaré qu’il prendrait les mesures qui s’imposent pour enquêter dans l’affaire de la banque al-Madina en profondeur si jamais il devait revenir au pouvoir.

70. Les dossiers de l’enquête font état de 120 personnes qui sont localisées et sont à présent sujettes aux analyses et interrogatoires.

La Sûreté générale

71. Depuis le dernier rapport présenté au Conseil de sécurité, la commission a reçu des informations stipulant qu’un suspect, à savoir l’ancien directeur de la Sûreté générale, avait constitué à partir de son bureau un fonds illégal qui a financé des opérations secrètes et qui pourrait avoir été utilisé afin de financer l’assassinat de M. Hariri. En se fondant sur ces informations, les enquêteurs ont saisi 21 dossiers relatifs à des documents, des registres ainsi que d’autres preuves de la Sûreté générale, de même qu’ils ont interrogé plusieurs témoins. L’analyse de ces preuves est encore en cours, elles sont aussi comparées à d’autres pistes qui sont en cours d’investigation.

Autres explosions

72. La commission, depuis sa création, a axé son travail à aider les autorités libanaises à mener leur enquête portant sur l’explosion du 14 février 2005. D’autres explosions qui ont eu lieu au Liban avant et depuis cet attentat et jusqu’à aujourd’hui ne font pas directement partie de l’enquête de la CIINU. Toutefois, à la demande des autorités libanaises, la CIINU a effectué des comparaisons entre des numéros de téléphone que les autorités libanaises ont récoltés au cours de leur enquête portant sur d’autres explosions et des numéros de la base de données de la CIINU afin de déterminer la présence de tous liens communs dans les contacts téléphoniques pouvant être identifiés et qui peuvent être le sujet d’une enquête. Une enquête plus approfondie devrait porter sur tous liens et modèles communs entre l’explosion de Hariri et ces autres explosions.

D’autres pistes à poursuivre

73. La commission n’a pas eu le temps, dans la période limitée depuis la fin du mois d’octobre 2005, d’enquêter profondément sur les questions suivantes qui ont été mentionnées dans le rapport précédent :

• La nature du camp à Zabadané et les activités qui y ont lieu, sachant que des témoins ont fourni des informations établissant que la camionnette Mitsubishi Canter y a été vue peu avant l’explosion (S/2005/662, paragraphes 110-111).
• Si d’autres personnes à part M. Hariri ont été affectées par le présumé décret présidentiel de novembre 2004 stipulant la réduction du personnel de sécurité pour un individu de l’envergure de M. Hariri (ibid., paragraphe 119).
• L’identification, le lieu et d’autres contacts liés au cercle des cartes téléphoniques prépayées, y compris huit numéros téléphoniques importants et dix appareils de téléphone portable, qui auraient été utilisés afin d’organiser la surveillance de M. Hariri ainsi que son assassinat (ibid., paragraphes 121, 148-152).
• La documentation contenant les ordres au personnel des FSI de laisser M. Hariri sous surveillance à partir de la fin de janvier 2005 jusqu’au début de février 2005 (ibid., paragraphe 125).
• La raison du retard du convoi de M. Hariri à un croisement en forme de T peu avant l’explosion (ibid., paragraphe 142).
• La cause de l’interférence apparente sur les communiqués sur les lieux de la scène du crime le 14 février 2005 (ibid., paragraphe 157).
• L’identification du temps ou de l’origine du quatrième appel signalé à al-Jazira le 14 février 2005 (ibid., paragraphe 194).


III. Coopération de la Syrie
avec la commission


74. Dans son rapport précédent présenté au Conseil de sécurité, la commission a fait état des difficultés qu’elle rencontrait vis-à-vis de la coopération assurée par les autorités syriennes. Des retards sérieux ont été accumulés en raison d’une coopération de forme plutôt que de fond. Le Conseil a traité cette question à travers sa résolution 1636 (2005) et en particulier la section III. Le Conseil a appuyé la conclusion de la commission stipulant qu’il incombait aux autorités syriennes de clarifier une partie considérable des questions qui sont restées sans réponse. Dans ce contexte, le Conseil a décidé ce qui suit :

a) La Syrie doit détenir les responsables ou les particuliers syriens que la commission soupçonne d’être impliqués dans la planification, le soutien, l’organisation ou la mise en place de cet acte terroriste, et les mettre à l’entière disposition de la commission.
b) La commission aura vis-à-vis de la Syrie les mêmes droits et prérogatives mentionnés au troisième paragraphe de la résolution 1595 (2005). Ainsi la Syrie doit coopérer avec la commission entièrement et inconditionnellement sur cette base.
c) La commission aura les prérogatives de déterminer le lieu et les modalités de rencontre avec les responsables et les particuliers syriens que la commission trouve nécessaires à l’enquête.
75. La commission, étant consciente du besoin d’avancer rapidement dans son enquête, a déployé tous les efforts visant à l’application de la décision du Conseil dans les plus brefs délais.

76. À son retour à Beyrouth pour poursuivre le travail nécessaire afin de faire progresser l’enquête sous le mandat prolongé jusqu’au 15 décembre 2005, le commissaire a immédiatement repris ses contacts avec les autorités syriennes visant à solliciter leur coopération entière et inconditionnelle.

77. Le 4 novembre 2005, dans une communication adressée au ministre syrien des Affaires étrangères, le commissaire a convoqué six responsables syriens pour une entrevue au quartier général de la CIINU à Beyrouth entre le 15 et le 17 novembre 2005. Le commissaire a demandé des informations concernant le lieu où se trouvait un autre citoyen syrien, M. Ziad Ramadan (cf. paragraphes 59-64 ci-dessus), que la commission souhaitait convoquer en tant que témoin. La commission a aussi exprimé son désir de rencontrer le ministre de Affaires étrangères au bureau des Nations unies à Genève le 23 ou le 24 novembre 2005. Elle a également demandé l’accès aux archives des services secrets de l’armée concernant des documents en relation avec le Liban couvrant la période entre février et mars 2005. La commission avait aussi demandé aux autorités syriennes de lui transférer toute information ou preuve concernant les personnes ayant planifié et/ou commis l’assassinat de M. Hariri.

78. Le ministre syrien des Affaires étrangères a répondu à la communication du commissaire le 7 novembre 2005. Il a indiqué que les autorités syriennes souhaitaient lancer de leur côté une enquête judiciaire sur l’assassinat de M. Hariri. Le président de la République arabe syrienne a signé le 29 octobre 2005, le décret législatif n° 96, stipulant la création d’une commission judiciaire présidée par le procureur général de la République. La commission syrienne commencerait son enquête par les personnes de nationalité syrienne, qu’elles soient militaires ou civiles, elle porterait sur toutes les questions concernant la mission de la CIINU et coopérerait avec cette dernière et les autorités judiciaires libanaises pour toutes les questions relatives aux procédures de l’enquête. Le ministre des Affaires étrangères a indiqué que la commission syrienne serait en contact direct avec la CIINU pour coopérer afin de dévoiler la vérité sur l’assassinat de M. Hariri, de même il a indiqué qu’atteindre un cadre de travail avec la CIINU aiderait à atteindre la coopération requise.

79. Le 8 novembre 2005, la présidente de la commission syrienne d’enquête spéciale, la juge Ghada Mourad, a invité la CIINU en Syrie afin d’explorer les meilleurs moyens de coopération avec la commission syrienne. Elle a aussi suggéré la signature d’un mémorandum d’entente à cet égard.

80. De même le 8 novembre 2005, le commissaire a répondu aux communications du ministre des Affaires étrangères et de la présidente de la commission syrienne. Il a indiqué que la commission a pris note de la création de la commission judiciaire syrienne, et qu’elle attendait de recevoir des informations et/ou des conseils que le gouvernement syrien aimerait partager avec elle en tant que résultat du travail de la commission, ainsi que les archives et les autres documents demandés dans sa lettre du 4 novembre 2005.

81. La commission a toutefois souligné que la création d’une commission judiciaire syrienne n’annulait pas et n’était pas un substitut à la demande que la commission a effectuée dans sa lettre du 4 novembre 2005. Le commissaire attendait des autorités syriennes une coopération entière et inconditionnelle. Conformément à la résolution 1636 du Conseil de sécurité, section III, paragraphe 11(c), la commission avait déterminé la date et le lieu des entrevues d’un certain nombre de responsables syriens. Vu l’urgence de la question, il était capital que la commission reçoive une réponse avant le 10 novembre 2005, afin de faciliter les préparatifs logistiques liés à l’entrevue à Beyrouth et la rencontre à Genève.

82. Le 9 novembre 2005, le commissaire a reçu une communication du ministre syrien de la Justice, le juge Mohammed al-Ghofri, proposant la signature d’un protocole de coopération négociable. Le ministre a indiqué que la Syrie considérait que la commission d’enquête spéciale créée par le décret législatif n° 96 était l’organisme qui avait exclusivement le mandat de coopérer et coordonner avec la CIINU. La commission spéciale avait mené un interrogatoire des personnes suspectes et leur avait interdit de quitter le pays afin qu’elles soient disponibles quand elles sont convoquées par la CIINU. Le ministre a déclaré que le paragraphe 11(c) de la résolution 1636 ne signifiait pas nécessairement que le lieu doit être à l’extérieur de la Syrie, mais plutôt qu’il pourrait être en Syrie ou tout autre lieu choisi par la CIINU (par exemple le quartier général de l’UNDOF). Il a indiqué que l’interrogatoire des personnes suspectes et des témoins syriens pourrait avoir lieu dans une tierce location afin d’éviter toute émotion négative entre les peuples syrien et libanais. Ainsi, et dans un but de la coopération, la partie syrienne considérait nécessaire la signature d’un protocole de coopération entre le gouvernement syrien et la CIINU, en précisant le mécanisme d’application de la résolution 1636. Le protocole devrait être l’autorité gérant la coopération entre la République arabe syrienne et la CIINU.

83. Le 10 novembre 2005, le commissaire en exercice de la CIINU a envoyé un communiqué au ministre syrien des Affaires étrangères lui rappelant que la commission a établi le 10 novembre 2005 comme dernier délai pour recevoir une réponse à la demande que la commission a formulée le 4 et le 8 novembre 2005. Le même jour, le représentant permanent de la République arabe syrienne auprès des Nations unies a informé qu’il était incapable de transmettre ce message au ministre des Affaires étrangères étant donné que l’autorité qui traite toutes les questions en rapport avec l’enquête était la commission judiciaire syrienne.

84. Le 18 novembre 2005, à la demande officielle du conseiller légal du ministère syrien des Affaires étrangères, le commissaire a accepté de rencontrer deux représentants du ministère à Barcelone. Les sujets étudiés étaient axés sur les entrevues demandées des responsables syriens, le lieu des entrevues et le protocole de coopération proposé. La partie syrienne a promis de transmettre une réponse officielle dans les jours à venir.

85. Le 21 novembre 2005, le représentant permanent de la Syrie a présenté au président du Conseil de sécurité une note verbale concernant l’application de la résolution du Conseil de sécurité 1636 (2005). La note verbale fut transmise aux membres du Conseil de sécurité le 22 novembre 2005.

86. Le 22 novembre 2005, le conseiller légal auprès du ministère syrien des Affaires étrangères a contacté le commissaire afin d’avoir un délai supplémentaire pour se pencher sur les questions étudiées à Barcelone. Le commissaire a indiqué qu’il aimerait une réponse définitive dans les jours à venir. Dans une communication téléphonique avec le conseiller légal le 24 novembre 2005, le commissaire a réitéré le besoin d’une réponse rapide pas plus tard que le 25 novembre 2005. Le 25 novembre 2005, le commissaire a reçu une réponse positive.

87. Le 5 et le 7 décembre 2005, de hauts responsables syriens ont été interrogés aux Nations unies à Vienne.

IV. Conclusions
et recommandations

88. Les conclusions de la commission établies dans son rapport précédent (S/2005/662, section VI) restent valides. Dans l’intervalle, depuis la présentation de ce rapport, l’enquête a poursuivi le développement de plusieurs pistes qui renforcent ces conclusions.

89. Il est important de maintenir le rythme stable des pistes de l’enquête. Le processus de convergence des preuves, la comparaison minutieuse et la révision des témoignages nécessitent du temps. Les événements externes ne peuvent ni ne doivent distraire la commission du mandat qui lui a été accordé par le Conseil de sécurité afin d’aider à identifier les personnes qui ont commis, soutenu, organisé cet acte terroriste qui a eu lieu à Beyrouth le 14 février 2005 ainsi que leurs complices.

90. Les prochaines étapes à suivre dans l’enquête sont claires, concernant le travail de la commission pour aider les autorités libanaises : continuer à enquêter sur les pistes sous tous les aspects de l’affaire, évaluer et suivre les nouveaux éléments dont elle est informée, écarter toutes les pistes qui n’ont plus d’influence directe sur l’affaire, recevoir à tout moment la coopération entière et inconditionnelle des autorités syriennes et présenter au Conseil de sécurité à intervalles réguliers un rapport sur le progrès de l’enquête. Tout retard dans l’un de ces éléments aura inévitablement un impact sur tous les autres. À cet égard, il serait utile si un nombre d’États membres dont l’aide spécifique a été sollicitée répondent favorablement aux demandes de la commission.

91. La commission maintient les avis exprimés dans son rapport précédent, selon lesquels il existe un nombre de motifs personnels et politiques pour l’assassinat de M. Hariri. Cette vision a été corroborée à plusieurs égards par des preuves et des témoignages recueillis depuis octobre 2005.

92. La commission, le corps judiciaire libanais et les autorités de sécurité ont renforcé leur coopération au cours des dernières semaines dans leur poursuite d’un objectif commun, à savoir la vérité. Les autorités libanaises ont la volonté et la capacité grandissante de mener les enquêtes au Liban. Toutefois, vu les implications plus larges de certaines pistes, il est nécessaire que la communauté internationale poursuive son soutien à ces enquêtes à la fois au Liban et au-delà des frontières afin d’enquêter sur tous les aspects et aboutir à une conclusion.

93. La résolution 1636 (2005) du Conseil de sécurité, particulièrement la section III, constitue pour la commission un mandat clair pour la poursuite de l’enquête. À cet égard, la commission a la possibilité, dans sa recherche de témoins et de témoignages à l’extérieur du Liban, de demander des informations et de les recevoir, de convoquer des témoins et des suspects (et en cas de besoin de réclamer leur arrestation et leur détention), et de demander des preuves sans aucune condition, pression ou ingérence dans ce processus. Toutefois, la commission ne peut pas contrôler le temps : il est tout aussi important que la coopération avec la commission se fasse à temps et sans aucune ambiguïté.

94. La commission a pris note de la demande datée du 5 décembre 2005 du gouvernement libanais, suite au paragraphe 8 de la résolution 1636 du Conseil de sécurité, d’étendre la durée du travail de la commission. Étant donné que les pistes essentielles de l’enquête sont loin d’être complétées, et vu le rythme lent de l’application des engagements syriens vis-à-vis du Conseil, la commission recommande une extension du mandat d’une période minimale de six mois. Une telle décision éviterait la rupture dans le travail de la commission qui est due à des renouvellements de plus courte durée.

95. La commission compte sur la coopération entière et inconditionnelle des autorités syriennes dans la période à venir de son enquête afin que tous les aspects du dossier de l’enquête soient certifiés.